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Décisions

Cass. crim., 27 juin 2000, n° 00-80.411

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Gomez

Rapporteur :

Mme Anzani

Avocat général :

Mme Fromont

Avocat :

SCP Waquet, Farge et Hazan

Douai, ch. d'acc., du 7 janv. 2000

7 janvier 2000

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, dans le cadre d'une information portant sur un trafic international de stupéfiants, les policiers, agissant sur commission rogatoire, ont procédé à l'interpellation de différentes personnes, qui ont été mises en examen et placées en détention provisoire ;

Que, saisie par les intéressés de requêtes en annulation de l'ensemble de la procédure suivie contre eux, la chambre d'accusation, par l'arrêt attaqué, a prononcé l'annulation partielle par cancellation du procès-verbal d'interpellation de Bounab X..., mais a dit n'y avoir lieu à annulation d'autres actes de la procédure :

En cet état :

Sur le premier moyen de cassation, invoqué pour Bounab X..., et pris de la violation des articles 63-1 et suivants, 76, 206 et 593 du Code de procédure pénale, violation des droits de la défense :

" en ce que l'arrêt attaqué, après avoir constaté le retard apporté à la notification des droits de Bounab X... lorsqu'il a été placé en garde à vue, n'a cancellé que les déclarations qu'il a faites entre son placement effectif en garde à vue (26 mai 1998 à 7 heures) et la notification des droits (9 h 45), pendant la perquisition effectuée en sa présence jusqu'à 8 heures dans l'appartement où il se trouvait, et a validé la perquisition elle-même, les actes effectués en garde à vue après la notification des droits, et toute la procédure subséquente ;

" alors, d'une part, que, lorsque les droits du gardé à vue ne lui sont pas notifiés immédiatement, ce sont l'ensemble des actes relatifs à la garde à vue et toutes les auditions qui sont effectuées pendant celle-ci qui doivent être annulés ; qu'en effet, la garde à vue est une mesure indivisible, et que la méconnaissance de la formalité substantielle de la notification immédiate des droits emporte nécessairement annulation de l'ensemble de la mesure de contrainte irrégulièrement commencée ; qu'en se bornant à canceller les seules déclarations antérieures à la notification des droits, la chambre d'accusation a violé les droits de la défense ;

" alors, d'autre part, qu'une perquisition, effectuée en présence d'une personne irrégulièrement gardée à vue pendant l'exécution de cette mesure, est nécessairement nulle dès lors que la mesure de garde à vue qui lui est indissolublement attachée est elle-même nulle pour retard dans la notification des droits ; qu'en refusant d'annuler la perquisition et la procédure subséquente, la chambre d'accusation a méconnu les obligations qu'elle tient de l'article 206 du Code de procédure pénale " ;

Attendu que la chambre d'accusation, après avoir relevé que Bounab X..., placé en garde à vue à 7 heures, ne s'est vu notifier les droits attachés à cette mesure qu'à 9 h 45, a procédé à la cancellation des seules déclarations faites par celui-ci antérieurement à l'accomplissement de la formalité, et considéré que les actes accomplis postérieurement étaient réguliers dans la mesure où ils ne se référaient pas aux actes annulés ; que, par ailleurs, pour refuser d'annuler la perquisition réalisée au domicile de Bounab X... entre 7 heures et 8 heures, les juges retiennent que cette perquisition " régulière en la forme, a été effectuée sur commission rogatoire, sans que l'assentiment de Bounab X... soit nécessaire, et qu'elle aurait pu se faire sans que l'intéressé soit placé en garde à vue " ;

Attendu qu'en prononçant ainsi, la chambre d'accusation a justifié sa décision ; que, si elle affecte les auditions auxquelles la personne gardée à vue a participé avant la notification de ses droits, la nullité du placement en garde à vue ne s'étend pas aux autres actes de la procédure dès lors que cette mesure n'en est pas le support nécessaire ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le deuxième moyen de cassation, invoqué par Bounab X..., pris de la violation des articles 63 et suivants du Code de procédure pénale, 593 et 206 du Code de procédure pénale :

" en ce que la chambre d'accusation a omis d'annuler en entier le procès-verbal D.809/3 portant transfert, perquisition chez Bounab X... et mise en garde à vue de celui-ci ;

" alors qu'il résulte de ce procès-verbal que ces actes ont été diligentés par Laurent C..., agent de police judiciaire à Tourcoing ; que les mesures de garde à vue ne peuvent être décidées que par un officier de police judiciaire, et les perquisitions effectuées par des agents de police judiciaire que sous contrôle d'un officier de police judiciaire ; qu'en omettant de constater le vice d'incompétence entachant cet acte, et de l'annuler dans son entier, la chambre d'accusation a méconnu les obligations qu'elle tient de l'article 206 du Code de procédure pénale " ;

Attendu que ce moyen n'a pas été proposé devant la chambre d'accusation saisie en application de l'article 173 du Code de procédure pénale ; qu'en conséquence, selon l'article 174 du même Code, il n'est pas recevable ;

Sur le troisième moyen de cassation, invoqué pour Bounab X..., pris de la violation des articles 63 et suivants, 154 du Code de procédure pénale, 593 du même Code :

" en ce que l'arrêt attaqué a refusé d'annuler les prolongations de garde à vue de Bounab X... ;

" au motif que, ces prolongations ont été effectuées sans présentation de l'intéressé, cette absence de présentation étant motivée par "les nécessités de l'enquête, des investigations particulières et l'éloignement géographique" ;

" alors que ces considérations stéréotypées, détachées de toute circonstance propre au cas d'espèce, sont insusceptibles de constituer la motivation spéciale permettant qu'à titre exceptionnel, l'autorisation de prolongation de garde à vue puisse être accordée sans présentation de l'intéressé au magistrat contrôlant cette mesure ; que les droits de la défense ont ainsi été violés " ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que la garde à vue de Bounab X..., qui se déroulait dans des locaux de police situés à Châtenay-Malabry, a été prolongée par le juge d'instruction de Nanterre, territorialement compétent, sans présentation préalable de l'intéressé à ce magistrat ;

Attendu que, pour rejeter l'exception de nullité de cette prolongation, la chambre d'accusation énonce que l'impossibilité matérielle de présentation préalable de l'intéressé devant le juge d'instruction était justifiée notamment par l'éloignement géographique.

Attendu qu'en l'état de ces constatations résultant de son appréciation souveraine du caractère exceptionnel des circonstances permettant de prolonger la garde à vue sans présentation préalable de la personne concernée, la chambre d'accusation a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;

Sur le quatrième moyen de cassation, invoqué pour Abdelkrim X..., et pris de la violation des articles 63, 63-1, 706-29, 206 et 593 du Code de procédure pénale, 802 du même Code, violation des droits de la défense :

" en ce que la chambre d'accusation a refusé d'annuler l'intégralité de la mesure de garde à vue d'Abdelkrim X... dit A..., ainsi que la procédure subséquente ;

" aux motifs que, si la durée possible de la garde à vue ne lui a pas été notifiée verbalement au moment de son interpellation, cependant l'intégralité de ses droits, ainsi que la durée de la garde à vue, lui ont été notifiées 15 minutes après son interpellation ; que cette notification ne peut être considérée comme tardive ;

" alors que tout retard à la notification d'un seul des droits du gardé à vue, qui n'est pas justifié par une cause présentant les caractères de la force majeure, porte nécessairement atteinte aux droits de la défense et doit entraîner la nullité de l'intégralité de la garde à vue ; que dès lors qu'il est admis que l'information sur la durée de la garde à vue (s'agissant, de surcroît, de la garde à vue prolongée applicable en matière de stupéfiants) n'a pas été immédiatement délivrée, la nullité de l'ensemble de la mesure devait être prononcée " ;

Attendu que, pour refuser d'annuler la garde à vue d'Abdelkrim X..., l'arrêt énonce que la notification à l'intéressé des dispositions relatives à la durée de cette mesure, intervenue 15 minutes après son interpellation, ne saurait être considérée comme tardive ; qu'en cet état, la chambre d'accusation a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Sur le cinquième moyen de cassation, invoqué par Moussa Y... et pris de la violation des articles 80-1, 116 du Code de procédure pénale, 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, violation des droits de la défense :

" en ce que l'arrêt attaqué a refusé d'annuler le procès-verbal de première comparution de Moussa Y..., qui n'a pas été assisté d'un interprète au cours de cet acte, ainsi que la procédure subséquente ;

" aux motifs que, si Moussa Y... était assisté d'un interprète lors de sa garde à vue, l'officier de police judiciaire n'a pas mentionné qu'il ne comprenait pas la langue française ; que Moussa Y... était, lors de sa première comparution, assisté d'un avocat avec lequel il s'est entretenu, et qui n'a émis aucune réserve sur l'absence d'interprète ;

" alors, d'une part, que la nécessité d'assister d'un interprète un prévenu, un accusé ou un mis en examen est exclusivement fonction du point de savoir s'il comprend ou non la langue dans laquelle le juge d'instruction s'adresse à lui ; qu'il appartient au juge d'instruction de le vérifier d'office ; qu'en s'abstenant de rechercher si Moussa Y... comprenait ou non le français suffisamment bien pour avoir besoin d'un interprète devant le juge d'instruction, la chambre d'accusation a violé les droits de la défense ;

" alors, d'autre part, que les droits de la défense doivent être respectés et assurés de façon effective par le juge, qui ne peut se borner, en cas d'éventuelles difficultés de compréhension de la langue française par le mis en examen, à s'abriter derrière l'éventuelle absence de contestation de la défense, pour se dispenser de procurer au mis en examen un interprète si cela est nécessaire ;

" alors, enfin, que dès lors que l'officier de police judiciaire avait entendu l'intéressé en garde à vue avec l'assistance d'un interprète, cette circonstance faisait présumer que le mis en examen ne comprenait pas suffisamment le français pour pouvoir être entendu sans interprète pendant la première comparution ; que les droits de la défense ont été violés " ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que Moussa Y..., qui était assisté d'un interprète lors des actes diligentés par les fonctionnaires de police, a été entendu par le juge d'instruction, lors de sa première comparution, sans la présence d'un interprète ;

Attendu que, pour refuser d'annuler ce procès-verbal, la chambre d'accusation retient que cet acte de procédure a été effectué en présence de l'avocat, avec lequel l'intéressé s'était préalablement entretenu, et qui " n'a émis aucune réserve sur l'absence d'interprète " ; que les juges ajoutent que, " si l'assistance de l'interprète avait été nécessaire, elle n'aurait pas manqué d'être requise, d'autant que ce dernier prêtait son concours à l'épouse de Moussa Y..., déférée en même temps que lui " ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, desquelles il résulte qu'aucun grief n'a été subi par le demandeur, la chambre d'accusation a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le sixième moyen de cassation, pris de la violation des articles 81, 114, 115, 116, 802, 593 du Code de procédure pénale, violation des droits de la défense :

" en ce que la chambre d'accusation a refusé d'annuler le procès-verbal de déposition d'Abdelkader X..., entendu comme témoin le 23 juillet 1998, procès-verbal qui n'a été annexé au dossier que le 11 septembre 1998, ainsi que l'ensemble de la procédure ;

" aux motifs que, s'il y a eu violation de l'article 81 du Code de procédure pénale, cette violation n'a causé aucun grief aux parties, puisque aucun acte d'instruction et aucune investigation fondés sur cette déposition n'ont été réalisés durant le laps de temps où ce procès-verbal n'était pas classé au dossier ;

" alors qu'avant tout interrogatoire, l'avocat d'un mis en examen doit avoir communication du dossier, auquel il peut, par ailleurs, avoir accès dans les conditions de l'article 114, alinéa 1, du Code de procédure pénale ; que cette communication et cet accès au dossier doivent être complets, c'est-à-dire porter sur l'intégralité des pièces parvenues au juge d'instruction ; que dès lors qu'il résulte de la procédure qu'un interrogatoire mené par le juge d'instruction lui-même, et qui aurait dû être immédiatement joint au dossier, et ainsi communiqué à la défense des mis en examen, n'a été coté et joint au dossier que 2 mois plus tard, il en résulte nécessairement que l'exercice de la défense a été affecté pendant toute la période où le dossier mis à sa disposition ne comportait pas toutes les pièces, qui étaient en possession du juge d'instruction ; qu'ainsi, les droits de la défense ont été nécessairement violés " ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure, qu'Abdelkader X... a été entendu en qualité de témoin, par le juge d'instruction le 23 juillet 1998 ; que, par procès-verbal du 11 septembre 1998, le magistrat instructeur qui a succédé à celui qui était en fonction le 23 juillet 1998, constatant que l'audition de ce témoin n'était pas versée au dossier, a procédé immédiatement à son classement ;

Attendu que, pour refuser d'annuler le procès-verbal du 23 juillet 1998, ainsi que la procédure subséquente, la chambre d'accusation retient qu'aucun acte d'instruction fondé sur la déposition du témoin Abdelkader X... n'a été réalisé avant le classement de cette pièce au dossier et, qu'à défaut de preuve de l'existence d'un stratagème destiné à faire échec aux droits de la défense, l'irrégularité commise n'a pas fait grief aux parties ;

Attendu qu'en prononçant ainsi, la chambre d'accusation a justifié sa décision ;

Que le moyen doit être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois.