Cass. ass. plén., 15 avril 2011, n° 10-30.242
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Lamanda
Rapporteur :
Mme Bardy
Avocat général :
Mme Petit
Avocat :
SCP Masse-Dessen et Thouvenin
Attendu, selon l'ordonnance attaquée, (Rennes, 18 décembre 2009), rendue par le premier président d'une cour d'appel et les pièces de la procédure, que M. X..., de nationalité tunisienne, qui avait fait l'objet d'un arrêté préfectoral du 16 septembre 2009 ordonnant sa reconduite à la frontière, a été interpellé, à Nantes, le 14 décembre 2009, à 18 heures 10, sous une fausse identité ; qu'il a été placé en garde à vue à 18 heures 40, pour vol et séjour irrégulier ; qu'il a demandé à s'entretenir avec un avocat commis d'office ; qu'à 20 heures 05, la permanence des avocats a été prévenue par téléphone ; que M. X... a été entendu de 20 heures 10 à 20 heures 30 ; qu'il s'est entretenu avec un avocat de 20 heures 50 à 21 heures 05 ; que la garde à vue a été levée le 15 décembre 2009, à 16 heures 55, et qu'il a été placé en rétention administrative à 17 heures ; que le préfet a saisi un juge des libertés et de la détention d'une demande de prolongation de la rétention ; que M. X... a interjeté appel de la décision ayant accueilli cette demande, en soutenant qu'il n'avait pas bénéficié de l'assistance d'un avocat dès le début de la garde à vue et pendant son interrogatoire ;
Attendu que le procureur général près la cour d'appel de Rennes fait grief à l'ordonnance de refuser la prolongation de la rétention et d'ordonner la mise en liberté de M. X..., alors, selon le moyen :
1°/ que de l'article 63-4 du code de procédure pénale, il résulte qu'en droit français, les personnes gardées à vue pour une infraction de droit commun ont toutes accès à un avocat qui peut intervenir avant même le premier interrogatoire réalisé par les enquêteurs puisqu'aux termes de cet article, dès le début de la garde à vue, la personne peut demander à s'entretenir avec un avocat, au besoin commis d'office par le bâtonnier ; que s'il ne peut assister aux interrogatoires du mis en cause, l'avocat qui est informé de la nature et de la date présumée de l'infraction sur laquelle porte l'enquête, peut toutefois s'entretenir avec le gardé-à-vue dans des conditions qui garantissent la confidentialité de l'entretien et qu'à l'issue de cet entretien, d'une durée maximale de trente minutes, il peut présenter des observations écrites qui sont jointes à la procédure ;
2°/ qu'aucune disposition de procédure pénale, d'une part, n'impose à l'officier de police judiciaire de différer l'audition d'une personne gardée à vue dans l'attente de l'arrivée de l'avocat assurant l'entretien prévu, d'autre part n'exige de l'avocat désigné pour assister le gardé-à-vue qu'il informe l'officier de police judiciaire et le gardé-à-vue de sa décision d'intervenir ou non et de l'éventuel moment de son intervention ;
Mais attendu qu'après avoir retenu qu'aux termes de ses arrêts Salduz c./ Turquie et Dayanan c./Turquie, rendus les 27 novembre 2008 et 13 octobre 2009, la Cour européenne des droits de l'homme a jugé que, pour que le droit à un procès équitable, consacré par l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde, soit effectif et concret, il fallait, en règle générale, que la personne placée en garde à vue puisse bénéficier de l'assistance d'un avocat dès le début de la garde à vue et pendant ses interrogatoires, le premier président qui a relevé que, alors que M. X... avait demandé à s'entretenir avec un avocat dès le début de la mesure, il avait été procédé, immédiatement et sans attendre l'arrivée de l'avocat, à son interrogatoire, en a exactement déduit que la procédure n'était pas régulière et décidé qu'il n'y avait pas lieu de prolonger la rétention ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur le second moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Laisse les dépens à la charge du Trésor public ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, siégeant en assemblée plénière, et prononcé par le premier président en son audience publique du quinze avril deux mille onze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt.
Moyens produits par le procureur général près la cour d'appel de Rennes.
Premier moyen de cassation pris de la violation des articles 63-4, 591 et 593 du code de procédure pénale, violation de la loi et défaut de base légale :
EN CE QUE le conseiller à la Cour d'appel de Rennes, après avoir indiqué qu'aux termes du procès-verbal de placement en garde-à-vue établi par l'officier de police judiciaire, la demande d'entretien avec un avocat dès le début de la garde-à-vue avait été transmise au coordinateur du barreau à 20 heures 05 puis que le gardé-à-vue s'était entretenu avec l'avocat entre 20 heures 50 et 21 heures 05 après avoir été entendu sur les faits de vol reprochés entre 20 heures 10 et 20 heures 30 sans attendre que l'entretien ait eu lieu, et alors qu'aucune circonstance n'avait été évoquée par le coordinateur du barreau ou n'est apparue, de nature à faire penser que cet entretien pourrait être durablement retardé et prolonger de manière indue les opérations d'enquête et la garde-à-vue, a déclaré la procédure de placement en garde-à-vue irrégulière, a infirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Rennes rendue le 17 décembre 2009 et mis fin à la rétention d'X... et a ordonné sa mise en liberté ;
AUX MOTIFS que par arrêts des 27 novembre 2008 (Salduz) et 13 octobre 2009 (Dayanan), la Cour européenne des droits de l'homme a décidé que, pour que le droit à un procès équitable consacré par l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales demeure suffisamment concret et effectif, il faut en règle générale que l'accès à un avocat soit consenti dès le premier interrogatoire d'un suspect par la police, sauf à démontrer qu'il existe des raisons impérieuses de restreindre ce droit, et que l'équité de la procédure requiert que l'accusé puisse obtenir toute la vaste gamme d'interventions qui sont propres au conseil ; qu'à cet égard, la discussion de l'affaire, l'organisation de la défense, la recherche des preuves favorables à l'accusé, la préparation des interrogatoires, le soutien de l'accusé en détresse sont des éléments fondamentaux de la défense que l'avocat doit librement exercer ; qu'aucune raison impérieuse de restreindre les droits ainsi définis n'était invoquée en l'espèce et que la violation de l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales faisait nécessairement grief à X..., notamment mis en cause pour une infraction de séjour irrégulier ;
ALORS QUE de l'article 63-4 du code de procédure pénale, il résulte qu'en droit français, les personnes gardées à vue pour une infraction de droit commun ont toutes accès à un avocat qui peut intervenir avant même le premier interrogatoire réalisé par les enquêteurs puisque aux termes de cet article, dès le début de la garde à vue, la personne peut demander à s'entretenir avec un avocat, au besoin commis d'office par le bâtonnier ; que s'il ne peut assister aux interrogatoires du mis en cause, l'avocat, qui est informé de la nature et de la date présumée de l'infraction sur laquelle porte l'enquête, peut toutefois s'entretenir avec le gardé à vue dans des conditions qui garantissent la confidentialité de l'entretien et qu'à l'issue de cet entretien, d'une durée maximale de 30 minutes, il peut présenter des observations écrites qui sont jointes à la procédure ;
ET ALORS QUE aucune disposition de procédure pénale, d'une part n'impose à l'officier de police judiciaire de différer l'audition d'une personne gardée-à-vue dans l'attente de l'arrivée de l'avocat assurant l'entretien prévu, d'autre part n'exige de l'avocat désigné pour assister le gardé-à-vue qu'il informe l'officier de police judiciaire et le gardé-à-vue de sa décision d'intervenir ou non et de l'éventuel moment de son intervention ;
Second moyen de cassation pris de la violation des articles 63-4 et 802 du code de procédure pénale, 66 de la Constitution du 4 octobre 1958, violation de la loi et défaut de base légale :
EN CE QUE le conseiller à la Cour d'appel de Rennes, après avoir indiqué que la demande d'entretien avec un avocat dès le début de cette mesure avait été transmise au coordinateur du barreau à 20 heures 05 puis que le gardé-à-vue s'était entretenu avec l'avocat entre 20 heures 50 et 21 heures 05 après avoir été entendu par les enquêteurs entre 20 heures 10 et 20 heures 30 sans attendre que l'entretien ait eu lieu, et alors qu'aucune circonstance n'avait été évoquée par le coordinateur du barreau ou n' est apparue, de nature à faire penser que cet entretien pourrait être durablement retardé et prolonger de manière indue les opérations d'enquête et la garde-à-vue, a déclaré la procédure précédant le placement en rétention irrégulière, a infirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Rennes rendue le 17 décembre 2009, a dit n'y avoir lieu à prolongation de la rétention d'X... et a ordonné sa mise en liberté,
AUX MOTIFS que par arrêts des 27 novembre 2008 (Salduz) et 13 octobre 2009 (Dayanan), la Cour européenne des droits de l'homme a décidé que, pour que le droit à un procès équitable consacré par l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales demeure suffisamment concret et effectif, il faut en règle générale que l'accès à un avocat soit consenti dès le premier interrogatoire d'un suspect par la police, sauf à démontrer qu'il existe des raisons impérieuses de restreindre ce droit, et que l'équité de la procédure requiert que l'accusé puisse obtenir toute la vaste gamme d'interventions qui sont propres au conseil ; qu'à cet égard, la discussion de l'affaire, l'organisation de la défense, la recherche des preuves favorables à l'accusé, la préparation des interrogatoires, le soutien de l'accusé en détresse sont des éléments fondamentaux de la défense que l'avocat doit librement exercer ; qu'aucune raison impérieuse de restreindre les droits ainsi définis n'était invoquée en l'espèce et que la violation de l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales faisait nécessairement grief à X..., notamment mis en cause pour une infraction de séjour irrégulier ;
ALORS QUE l'annulation d'un procès-verbal ne peut entraîner que l'annulation des actes ultérieurs subséquents et à condition que l'acte irrégulier en soit le support nécessaire, et qu'en décidant néanmoins que la nullité du procès-verbal d'audition d'X..., à laquelle il était procédé le 14 décembre 2009 de 20 heures 10 à 20 heures 30, devait entraîner l'annulation de toute la procédure précédant le placement en rétention, et donc des actes antérieurs au procès-verbal jugé irrégulier et des actes dont il n'était pas le support nécessaire, le conseiller à la Cour d'appel de Rennes a méconnu le sens et la portée de l'article 802 du code de procédure pénale aux termes duquel "en cas (...) d'inobservation des formalités substantielles, toute juridiction, y compris la Cour de cassation, qui (...) relève d'office une telle irrégularité ne peut prononcer la nullité que lorsque celle-ci a eu pour effet de porter atteinte aux intérêts de la partie qu'elle concerne" et de l'article 66 de la Constitution aux termes duquel "nul ne peut être arbitrairement détenu. L'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi"