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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5-7, 25 octobre 2012, n° 2011/15262

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

TDF (SAS)

Défendeur :

TowerCast, Arcep

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Remenieras

Conseillers :

Mme Beaudonnet, Mme Meslin

Avocats :

Me Fréget, Me Teytaud, Me Herrenschmidt, Me Theophile, Me Savoie

CA Paris n° 2011/15262

24 octobre 2012

La cour est saisie par la société Télédiffusion de France (TDF) d'un recours en annulation ou réformation de la décision n° 2011-0809 du 12 juillet 2011 (la Décision) de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (l'Autorité ou l'ARCEP) qui, se prononçant sur une demande de règlement de différend présentée le 15 mars 2011 par la société Towercast (TWC) dans le cadre d'un différend opposant cette société à la société TDF, a décidé :

Article1 : La société TDF doit mettre en conformité avec les obligations qui lui sont imposées par la décision n° 2009-0484 susvisée, avec effet au 14 décembre 2010, les tarifs des conventions relatives aux multiplex R2 et R5 sur le site de Caen MT Pinçon, R1, R4, R5 et R6 sur le site d'Alençon Mt d'Amain, R1 et R5 sur le site de Angers Rochefort, R1 sur le site de Laval Mt Rochard, R1 et R6 sur le site de la Rochelle Mireuil, R1 et R5 sur le site de Bar-le-Duc Willeroncourt, R2, R4 et R6 sur le site de Mâcon Cenves, R1 sur le site de Nancy Malzéville, R2 et R6 sur le site de Forbach, R1 et R3 sur le site de Lille Bouvigny, R1, R3 et R5 sur le site de Valenciennes Marly, R5 sur le site de Dunkerque Mt-des-Cats et R1 sur le site de Aurillac La Bastide, lorsque ceux-ci s'y avèrent non conformes.

Article 2 : Le surplus des demandes de la société Towercast est rejeté.

Article 3 : La présente décision doit être mise en application à la date du 15 septembre 2011.

Vu la déclaration de recours, assortie d'un exposé sommaire des moyens, déposée par la société TDF le 11 août 2011 ;

Vu les mémoires déposés par la société TDF, le 12 septembre 2011 à l'appui de son recours et le 6 avril 2012 en réplique. La société requérante demande à la cour d'annuler et à défaut de réformer la décision n° 2011-0809 du 12 juillet 2011 et, en tout état de cause, de juger que la décision Cycle 2 n'est applicable qu'aux contrats conclus à compter de la date de sa notification. Elle sollicite la condamnation de la société TWC à lui payer une somme de 50.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu le mémoire déposé par la société Towercast (TWC) le 6 janvier 2012 concluant au rejet du recours et à la condamnation de la société TDF à lui payer la somme de 30 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu les observations écrites de l'ARCEP en date du 17 février 2012, tendant au rejet du recours ;

Vu les observations écrites du Ministère Public mises à la disposition des parties et tendant au rejet du recours ;

Ouï à l'audience publique du 13 septembre 2012, en leurs observations orales, les conseils des parties et de l'ARCEP, ainsi que le Ministère Public, chaque partie ayant été mise en mesure de répliquer ;

SUR CE :

Sur le contexte du différend :

Pour proposer leurs programmes aux utilisateurs finals par le biais de la diffusion hertzienne terrestre, les éditeurs de chaînes de télévision (lorsqu'il s'agissait de diffusion analogique) ou les multiplex regroupant des chaînes de Télévision Numérique Terrestre (TNT) (pour la diffusion numérique), s'appuient sur deux marchés de gros :

- sur le marché de gros « aval » de la diffusion hertzienne, les éditeurs ou multiplex achètent à un opérateur de diffusion une prestation de diffusion de leurs signaux vers les récepteurs des consommateurs finals ;

- sur le marché de gros « amont », les opérateurs de diffusion achètent, sur les zones où ils ne disposent d'aucune infrastructure de diffusion (site-pylône et antennes...), l'accès aux infrastructures d'un autre opérateur de diffusion afin d'utiliser les équipements de diffusion de ce dernier ou d'y installer leurs propres équipements.

La société TDF, qui a bénéficié, avant l'ouverture progressive du marché de la diffusion des services de télévision, d'un monopole légal, dispose des infrastructures nécessaires pour diffuser la TNT.

Les sites installés par TDF étant difficilement réplicables à court terme, les diffuseurs techniques alternatifs, telle la société Towercast, se sont, dans les premières phases du déploiement de la TNT, localisés sur les sites de TDF qui leur assure, alors, une prestation d'hébergement sur ses sites, en extérieur ou dans les bâtiments, et pylônes (prestation 'Hébergement-TNT': l'opérateur alternatif installe ses équipements sur le pylône ou le terrain de TDF) et, le cas échéant, une prestation d'utilisation du système antennaire déployé par TDF (prestation «DiffHF-TNT »: l'opérateur alternatif dispose, en partage avec TDF, du système antennaire de TDF).

Les contrats d'accès conclus par TDF avec les opérateurs alternatifs sont des contrats d'une durée de cinq ans, durée qui coïncide avec celle des contrats conclus en aval entre les diffuseurs techniques et les multiplex, étant précisé que le diffuseur technique ne peut dénoncer le contrat avant son terme qu'au prix de pénalités dues à TDF.

Depuis 2006, l'ARCEP, qui considère que la concurrence sur le marché aval sur un support hertzien est en grande partie fonction de celle qui se développe sur le marché amont, encadre le marché de gros amont des services de diffusion par voie hertzienne terrestre de programmes télévisuels en mode numérique, et ce, en vertu des articles L. 37-1 et suivants du code des postes et télécommunications électroniques (CPCE), qui transposent les directives du 7 mars 2002.

L'Autorité a ainsi, au terme d'un premier cycle d'analyse de marché, adopté les décisions n° 06-01160 et n° 060161 du 6 avril 2006 mettant en place une régulation ex ante sur le marché de gros des offres de diffusion hertzienne terrestre de programmes télévisuels et a défini les obligations s'imposant à la société TDF en sa qualité d'opérateur exerçant une influence significative sur ce marché. Elle a notamment imposé à TDF de faire droit aux demandes d'accès dans des conditions transparentes et non discriminatoires et 'de ne pas pratiquer de tarifs d'éviction ou excessifs pour ses offres de gros de diffusion hertzienne terrestre de programmes télévisuels en mode numérique, ainsi que pour les prestations qui y sont associées'.

Ces décisions, dites de cycle 1 (et ci-après décisions Cycle 1), étaient mentionnées applicables jusqu'au 1er avril 2009.

A l'issue d'un nouveau processus d'analyse du marché débuté en 2008, l'ARCEP a adopté le 11 juin 2009 la décision n° 2009-0484, dite de 'cycle 2" (et ci-après décision Cycle 2), applicable pour une nouvelle période de trois ans. Par cette décision, l'ARCEP, après avoir déclaré pertinent le marché de gros des offres de diffusion hertzienne terrestre de programmes télévisuels en mode numérique, marché sur lequel TDF exerce une influence significative, renforce son dispositif de régulation ex ante.

A cette fin, la décision Cycle 2 dresse une liste des sites de TDF considérés comme 'non réplicables', à horizon proche, pour la diffusion de la TNT et impose à TDF d'offrir ses prestations de diffusion sur ces sites à 'des tarifs reflétant les coûts correspondants, en respectant en particulier les principes d'efficacité, de non discrimination et de concurrence effective et loyale'.

Pour les offres de gros sur les autres sites (sites réplicables), la décision Cycle 2 maintient l'interdiction pour TDF de pratiquer des 'tarifs d'éviction ou excessifs', tarifs qui ont pour objectif d'inciter l'implantation de sites alternatifs par les opérateurs de diffusion qui ne disposent pas encore d'infrastructures.

Sur le fondement de la décision 'Cycle 2", la société TDF a publié une offre de référence d'accès à son système antennaire 'DiffHF-TNT ', datée du 2 avril 2010 (Offre Cycle 2), comportant, en annexe les tarifs des sites réplicables et ceux des sites non réplicables.

Par courrier du 11 juin 2010, la société Towercast a demandé à la société TDF le bénéfice de tarifs orientés vers les coûts pour les contrats 'DiffHF-TNT' qu'elle avait conclus avec cette société durant le Cycle 1 pour les sites désignés comme non réplicables par la décision Cycle 2.

Invoquant un désaccord manifesté par TDF par courrier du 14 décembre 2010, s'opposant, sauf changements techniques, à toute modification des conditions tarifaires avant l'arrivée du terme desdits contrats, la société TowerCast a, le 15 mars 2011, saisi l'ARCEP d'une demande de règlement de différend. La Décision de l'ARCEP, du 12 juillet 2011, fait l'objet du présent recours de TDF.

Considérant qu'à l'appui de son recours, la société TDF présente quatre moyens :

- Par le 1er moyen, TDF soutient qu'en accueillant la demande de TWC dans le cadre d'une procédure de règlement de différend, l'ARCEP a commis un détournement de cette procédure car la demande de TWC relevait soit de l'article L. 36-11 du CPCE, soit d'une demande de modification de la décision Cycle 2 et était par conséquent irrecevable sur le fondement de l'article L. 36-8 du CPCE ;

- Selon le 2ème moyen, même si la demande pouvait relever d'une procédure de règlement de différend, la demande de TWC était irrecevable faute de négociations et a fortiori d'un échec des négociations et l'ARCEP a méconnu sa pratique décisionnelle constante en ne vérifiant pas l'existence préalable d'un différend suffisamment formalisé ;

- Par le 3ème moyen, TDF invoque une atteinte à un procès équitable en ce que l'ARCEP a consulté le Conseil Supérieur de l'Audiovisuel (CSA) alors qu'il ne lui appartenait pas de saisir le CSA dans le cas d'espèce. Il est soutenu que l'avis du CSA a porté une atteinte au principe d'égalité des armes et des droits de la défense et vicie la Décision dès lors que l'ARCEP a repris à son compte les conclusions de cet avis ;

- Le 4ème moyen conteste la Décision au fond ;

Sur le premier moyen :

Considérant que TDF expose :

- que la demande principale présentée à l'Autorité par TWC était de dire que le maintien des conditions tarifaires de l'offre de référence Cycle 1 pour certaines conventions d'accès était contraire à la décision Cycle 2 ; que TDF soutient que cette demande relevait de la procédure de l'article L. 36-11 du CPCE (sanction) et non de la procédure de règlement de différend (article L 36-8) ;

- que TWC a, par la suite, corrigé sa demande et demandé à l'ARCEP de 'révéler le caractère rétroactif de sa décision 2009-0484" ; que TDF soutient que la décision Cycle 2 ne prévoyant pas d'effet rétroactif, la demande de TWC visait en réalité à modifier la portée de la décision Cycle 2, ce qui relève du pouvoir réglementaire de l'Autorité (articles L. 37 et L.38 du CPCE) et non de la procédure de règlement de différend (article L 36-8) ;

Mais considérant, sur le premier point, qu'ainsi que le souligne l'ARCEP, l'existence d'un pouvoir de sanction (pour violation d'une obligation) n'obère pas la capacité de l'Autorité à régler un différend ;

Que la société TDF n'est pas fondée à soutenir qu'en indiquant que le différend peut porter sur la 'mise en oeuvre' des obligations réglementaires résultant des procédures prévues par les articles L. 37 et suivants du CPCE, l'article L. 36-8 II du même code exclut que le différend porte sur le respect ou l'interprétation desdites obligations ; qu'en effet, un différend qui oppose deux parties sur la 'mise en oeuvre' d'une obligation réglementaire peut résulter du fait que l'interprétation différente par les parties d'une obligation réglementaire donne lieu à un désaccord sur sa mise en oeuvre ;

Considérant, en l'espèce, que la Décision relève à juste titre (page 16 in fine) qu'en définitive, 'les demandes de Towercast s'analysent comme une conclusion unique visant à imposer à la société TDF de lui proposer les conditions tarifaires conformes au 'Cycle 2" pour les sites objets de la saisine' ; que le différend entre les parties résulte du fait que TWC souhaite obtenir une modification de certains contrats en application de la décision Cycle 2, alors que TDF estime que cette décision n'autorise pas une telle modification ; que l'Autorité, saisie sur le fondement de l'article L. 36-8 du CPCE, était compétente pour régler ce différend ;

Considérant, sur le second point, que pour soutenir que l'ARCEP n'était compétente pour modifier le contenu et la portée de la décision Cycle 2 qu'en utilisant la procédure d'analyse de marché (articles L. 37-1 et suivants CPCE), la société TDF affirme que la demande présentée par TWC comme un règlement de différend tendait à modifier la portée de la décision Cycle 2 ;

Mais considérant que le champ d'application dans le temps de la décision Cycle 2, et ainsi son éventuelle application aux contrats, conclus conformément aux obligations imposées pour trois ans à TDF dans le cadre des décisions de 2006 dites de Cycle 1, et encore en vigueur lors de la décision Cycle 2, fait l'objet d'un différend entre TDF et TWC ; que ce différend portant ainsi sur la mise en oeuvre des obligations des opérateurs prévues par la décision Cycle 2, l'Autorité était compétente pour en connaître par application de l'article L. 36-8 du CPCE ;

Que c'est à juste titre et sans détournement de procédure que l'Autorité a retenu sa compétence pour statuer sur le fondement de l'article L. 36-8 du CPCE ;

Sur le deuxième moyen :

Considérant que, pour soutenir que la demande présentée à l'Autorité par TWC était irrecevable faute de réunion des conditions posées par l'article L.36-8 du CPCE, la requérante fait valoir que la demande que lui avait adressée TWC par courrier du 11 juin 2010 n'avait pas le même objet que celle présentée devant l'Autorité et qu'en outre, l'unique échange de courrier intervenu entre les parties ne caractérise pas un échec des négociations, étant observé qu'elle n'a pas refusé de basculer tous les contrats en Cycle 2 ;

Mais considérant que c'est par d'exacts motifs que la cour adopte que la Décision (pages 17 et 18) a écarté l'argumentation de TDF sur ces points ; qu'il sera simplement précisé, s'agissant de l'échec des négociations, que l'argumentation de la requérante ne peut être suivie alors qu'il résulte des courriers que lui adressés TWC les 11 juin 2010, puis 11 décembre 2010 et de sa propre réponse du 14 décembre 2010 que de nombreux échanges ont eu lieu entre les parties et que TDF a, dans cette réponse, expressément indiqué que les contrats DiffHT-TNT en cause resteraient inchangés jusqu'à l'arrivée de leur terme sans que leurs conditions tarifaires ne soient modifiées, sauf dans l'hypothèse de modifications techniques ; qu'il en résulte que TDF ne peut invoquer le fait qu'elle a, après le 14 décembre 2010, accepté de basculer en Cycle 2 des contrats ayant connu des modifications techniques pour soutenir que les négociations, qui portaient sur les contrats DiffHT-TNT conclus lors du Cycle 1 ayant ou non subi des modifications techniques, n'ont pas échoué ;

Que TDF n'est pas fondée à soutenir que les demandes présentées à l'ARCEP par TWC était irrecevables ;

Sur le troisième moyen :

Considérant que la requérante invoque une atteinte au droit à un procès équitable résultant d'une intervention infondée et partiale du CSA ;

Mais considérant que, si la requérante rappelle exactement que l'ARCEP n'est dans l'obligation de recueillir l'avis du CSA que 'lorsque les faits à l'origine du litige sont susceptibles de restreindre de façon notable l'offre de services de communication audiovisuelle' (article L. 36-8.I du CPCE), c'est à juste titre que la Décision retient que les services de diffusion hertzienne terrestre de programmes télévisuels résultant de l'accès à un système antennaire, objet du différend opposant les parties, entrent dans le champ des services de communication audiovisuelle et par suite dans l'offre de tels services telle que définie par l'article L. 36-8.I du CPCE ; qu'en outre, l'offre de services de communication audiovisuelle est susceptible d'être affectée par les conditions de la concurrence sur les marchés de gros de diffusion hertzienne ; qu'enfin, à supposer même que les faits à l'origine du différend ne soient pas susceptibles de restreindre cette offre de façon notable, aucune disposition n'interdit à l'ARCEP de procéder néanmoins à la consultation du CSA ;

Considérant que la société TDF, qui conteste le contenu de l'avis du CSA, soutient qu'en portant à la connaissance de l'ARCEP un avis en pure opportunité, le CSA a porté une atteinte grave au principe d'égalité des armes et l'a privée des avantages qu'un avis objectif n'aurait pas manqué d'apporter à la résolution du différend ; qu'elle ajoute que la Décision étant conforme à l'avis du CSA, l'ARCEP ne peut prétendre que cet avis n'a pas eu une influence déterminante sur sa décision; qu'elle en conclut qu' 'en saisissant une autorité incompétente, et en se contentant d'appliquer le raisonnement - au demeurant erroné - de celle-ci, l'ARCEP a manqué à son devoir d'exercer pleinement sa compétence d'instance de règlement des différends - en méconnaissance notamment de l'article 6-1" CEDH ;

Mais considérant que l'avis du CSA a été soumis au contradictoire des parties à la procédure devant l'ARCEP et que celles-ci ont disposé d'un délai raisonnable pour discuter cet avis et, le cas échéant, le critiquer et produire toutes pièces, consultation ou avis qu'elles estimaient utiles pour le confirmer ou le contredire ;

Qu'en outre, l'avis du CSA, qui exprime l'opinion de cette Autorité, ne lie pas l'ARCEP qui statue après instruction et au vu de l'ensemble des pièces qu'elle a recueilli ou qui lui ont été soumises et qui apprécie librement la pertinence des éléments d'appréciation dont elle dispose ;

Qu'enfin, la société TDF, qui affirme que l'avis du CSA aurait eu une influence déterminante sur la Décision de l'ARCEP, n'en justifie pas ; qu'une telle influence ne saurait être déduite du fait que tant le CSA que l'ARCEP évoquent 'l'effectivité de la régulation' et soulignent son 'caractère temporaire' alors que le principe d'effectivité est couramment évoqué en matière de régulation et que le caractère temporaire de la régulation est rappelé par l'article D.301 du CPCE ; qu'aucun élément ne laisse supposer que l'ARCEP se serait sentie liée par l'avis du CSA ;

Que la requérante n'est pas fondée à soutenir qu'il a été porté atteinte au droit à un procès équitable et à l'article 6 CEDH ;

Sur le quatrième moyen :

Considérant que la société TDF conteste la Décision en soumettant à la Cour une argumentation en quatre temps (mémoire du 12 septembre 2011, n° 113 et suivants) :

- la Décision méconnaît les termes de la décision Cycle 2 qui ne prévoit pas qu'elle sera applicable aux contrats en cours, mais impose simplement à TDF d'offrir à chaque nouvelle demande d'accès à un site non réplicable formée à compter de l'entrée en vigueur de cette décision, un tarif orienté vers les coûts ;

- même si l'on estimait que l'ARCEP avait prévu dans sa décision Cycle II une application immédiate aux contrats en cours, il appartiendrait à la Cour, d'écarter la décision Cycle II, par voie d'une exception d'illégalité, et d'annuler la Décision en constatant que l'ARCEP, contrairement à ce qu’elle soutient, ne dispose d'aucune habilitation, ni explicite ni implicite, du législateur pour adopter des décisions rétroactives' ;

- l'ARCEP n'a pas le pouvoir de modifier les conventions en cours, y compris dans le cadre d'un règlement de différend ;

- s'il devait être considéré que l'ARCEP était habilitée à imposer des obligations nouvelles aux contrats en cours, la Décision n'en serait pas moins illégale en ce qu'au cas précis, l'application aux contrats en cours de la décision Cycle 2 porte une atteinte excessive aux intérêts de TDF ;

Considérant que la requérante fait valoir, s'agissant du premier point qui est préalable, que la décision Cycle 2 n'est applicable qu'aux contrats conclus à compter de la date de sa notification; qu'elle reproche à la Décision d'avoir fait produire à la décision Cycle 2, qui ne le prévoit pas, des effets rétroactifs en ce qu'ils s'appliquent à des contrats à durée déterminée et exécution successive régulièrement formés sous l'empire de la décision Cycle 1 ; qu'elle soutient que, dans la décision Cycle 2, les termes de l'article 7 sont le prolongement de ceux de l'article 3, que l'obligation qui lui est imposée d'offrir sur les sites non réplicables les prestations de diffusion à des tarifs reflétant les coûts correspondants ne s'applique qu'aux demandes d'accès et non aux accès déjà accordés et qu'il n'existe pas à sa charge dans cette décision d'obligation autonome d'appliquer un tarif orienté vers les coûts pour les sites pour lesquels des contrats avaient été conclus avant cette décision ; qu'elle ajoute que l'ARCEP ne pouvait préciser la portée de sa décision Cycle 2 dans le cadre d'un règlement de différend ;

Considérant que l'Autorité observe que la décision Cycle 2 est, conformément à son article 11, d'application immédiate ; qu'elle soutient que 'sans être expressément mentionnée, l'application immédiate aux contrats en cours n'est non seulement pas exclue, mais est même implicite, le texte se situant bien dans la perspective d'une application immédiate, quelles que soient les circonstances et, au plus tard au 15 septembre 2009, pour la mise en oeuvre de l'obligation demandée par Towercast'; que l'article 7 n'exclut pas les contrats en cours d'exécution ; que les obligations d'accès et tarifaire sont intégrées dans l'obligation de transparence, dont la mise en oeuvre passe par la publication d'une offre de référence au plus tard le 15 septembre 2009 ; qu'ainsi, la Décision ne modifie pas la décision Cycle 2, mais, en l'appliquant aux contrats en cours, assure la mise en oeuvre des obligations édictées par la décision Cycle 2 conformément aux objectifs de régulation définis par le législateur communautaire et transposés par le législateur national, sans dénaturer la portée de la décision Cycle 2 qui prévoit une application des obligations techniques et tarifaires en cause dans la présente affaire, au plus tard le 15 septembre 2009 ;

Considérant qu'aux termes de la décision n° 2009-0484 en date du 11 juin 2009, 'portant sur la définition du marché pertinent de gros des offres de diffusion hertzienne terrestre de programmes télévisuels en mode numérique, sur la désignation d'un opérateur exerçant une influence significative sur ce marché et sur les obligations imposées cet opérateur sur ce marché', décision dite 'Cycle 2",

l'ARCEP décide :

'Article 1 ' Est déclaré pertinent le marché de gros des offres de diffusion hertzienne terrestre de programmes télévisuels en mode numérique. Le périmètre du marché correspond au territoire métropolitain, aux départements et régions d'Outre-mer, ainsi qu'aux collectivités d'Outre-mer où les dispositions des articles L. 37-1 et suivants du code des postes et des communications électroniques s'appliquent.

Article 2 ' La société TéléDiffusion de France (ci-après TDF) exerce une influence significative sur le marché de gros des offres de diffusion hertzienne terrestre de programmes télévisuels en mode numérique, tel que défini par l'article 1 de la présente décision.

Article 3 ' TDF fait droit à toute demande raisonnable d'accès à des éléments de réseau ou à des moyens qui y sont associés portant sur la fourniture de prestations de diffusion hertzienne terrestre de programmes télévisuels en mode numérique. Cette obligation, qui vise en particulier l'accès aux bâtiments et aux pylônes de TDF d'une part, et l'accès à sa chaîne de diffusion d'autre part, consiste notamment pour TDF, lorsque la demande est raisonnable :

- à négocier de bonne foi avec les opérateurs qui demandent un accès ;

- à ne pas retirer à un opérateur un accès déjà accordé, sauf accord préalable de l'Autorité ou de l'opérateur tiers concerné ;

- à fournir une possibilité de colocalisation ou d'autres formes de partage des moyens, y compris le partage des bâtiments ou des pylônes.

Tout refus de TDF de fournir ces prestations est dûment motivé.

Les conditions techniques et tarifaires des prestations d'accès fournies par TDF font apparaître de manière suffisamment précise et détaillée l'ensemble des éléments propres à répondre à la demande. En particulier, la fourniture d'une prestation d'accès n'est pas subordonnée à la fourniture de services, de moyens ou de toute autre ressource, qui ne seraient pas nécessaires à la fourniture de cette prestation.

Article 4 ' TDF fournit toute prestation relative aux offres de gros de diffusion hertzienne terrestre de programmes télévisuels en mode numérique dans des conditions non discriminatoires.

Article 5 ' TDF est soumise à une obligation de transparence sur le marché de gros des offres de diffusion hertzienne terrestre de programmes télévisuels en mode numérique. À ce titre elle publie une offre de référence technique et tarifaire détaillant les prestations relevant du marché de gros des offres de diffusion hertzienne terrestre de programmes télévisuels en mode numérique. Cette offre décrit de manière détaillée ces prestations en précisant au minimum les éléments listés à l'annexe 1 de la présente décision.

Article 6 ' Toute évolution de l'offre de référence technique et tarifaire, telle que décrite à l'article 5 de la présente décision, décidée par TDF, fait l'objet d'un préavis minimum de trois mois, sauf décision contraire de l'Autorité, ramené à un mois en cas de baisse tarifaire, sous réserve du respect des dispositions de l'article D. 99-7 du code des postes et des communications électroniques.

Par exception au précédent alinéa, les modalités techniques et tarifaires prévues pour la première offre de référence relative à la TNT entrent en vigueur dès la publication de celle-ci.

Article 7 ' TDF offre, sur les sites de diffusion identifiés à l'annexe 2 de la présente décision, les prestations de diffusion hertzienne terrestre de programmes télévisuels en mode numérique, ainsi que les prestations connexes et l'accès aux ressources associées, à des tarifs reflétant les coûts correspondants, en respectant en particulier les principes d'efficacité, de non discrimination et de concurrence effective et loyale. S'il y a lieu, l'Autorité pourrait faire évoluer cette liste par l'adoption de décisions ultérieures modifiant cette annexe, un an et deux ans après l'entrée en vigueur de la présente décision, après notification à la Commission européenne.

TDF met en oeuvre, pour la valorisation des actifs et la comptabilisation des coûts sur ses sites non-réplicables, la méthode des coûts courants économiques. S'il y a lieu, l'Autorité précisera en tant que de besoin cette obligation dans une décision ultérieure.

Article 8 ' TDF ne pratique pas, sur les sites de diffusion autres que ceux identifiés à l'annexe 2 de la présente décision, de tarifs d'éviction ou excessifs pour ses offres de gros de diffusion hertzienne terrestre de programmes télévisuels en mode numérique, ainsi que pour les prestations qui y sont associées.

Article 9 ' La société TDF est soumise à une obligation de séparation comptable et une obligation relative à la comptabilisation des coûts concernant les offres de gros de diffusion hertzienne terrestre de programmes télévisuels en mode numérique, ainsi que les offres de gros de diffusion hertzienne terrestre de programmes télévisuels en mode analogique.

Cette obligation sera précisée en tant que de besoin dans une décision ultérieure de l'Autorité.

Article 10 ' Au titre de l'obligation de transparence, TDF transmet à l'Autorité les conventions d'accès conclues avec les diffuseurs tiers pour ses offres de gros de diffusion hertzienne terrestre de programmes télévisuels en mode numérique, ainsi que les avenants correspondants dans les 10 jours suivant leur conclusion.

Article 11 ' La présente décision s'applique à compter de sa notification à TDF et pour une durée de 3 ans à compter du jour de sa publication au Journal officiel de la République française, sans préjudice d'un éventuel réexamen anticipé dans les conditions fixées par les dispositions de l'article D. 301 à D. 303 du code des postes et des communications électroniques.

Toutefois, s'agissant de l'obligation de proposer une offre technique et tarifaire, détaillant les prestations relevant du marché de gros des offres de diffusion hertzienne terrestre de programmes télévisuels en mode numérique, TDF devra la mettre en oeuvre au plus tard le 15 septembre 2009.'

Considérant que force est de constater qu'aucune disposition de cette décision ne prévoit expressément la mise en conformité des conventions conclues antérieurement à la publication de l'offre de référence technique et tarifaire décrite à l'article 5 avec cette offre, ni a fortiori de délai pour une telle mise en conformité ;

Considérant que l'Autorité ne peut être suivie lorsqu'elle affirme que l'application immédiate des obligations de la décision Cycle 2 aux contrats en cours n'est non seulement pas exclue par cette décision, mais est même implicite ;

Qu'en effet, s'agissant des sites recensés comme non-réplicables par la décision Cycle 2 (annexe 2) - sites qui sont les seuls concernés par la modification des obligations tarifaires imposée à TDF par le régulateur en Cycle 2 par rapport à celles que lui avaient imposées le régulateur durant le Cycle 1 -, ni les motifs, ni le dispositif sus-rappelé de la décision Cycle 2 du 11 juin 2009 ne suggèrent, s'agissant des sites non réplicables, que les obligations imposées à TDF s'appliquent immédiatement (au plus tard le 15 septembre 2009) non seulement aux contrats conclus postérieurement à ladite décision, mais également aux contrats encore en cours conclus sous l'empire du précédent cycle de régulation ;

Qu'il ne saurait être déduit du fait que l'article 7 de la décision Cycle 2 - qui impose à TDF d'offrir, sur les sites non réplicables, ses prestations à des tarifs reflétant les coûts correspondants - n'établisse pas de distinction entre les contrats en cours et les nouveaux contrats, que l'Autorité a entendu, par la décision Cycle 2, déroger au principe, issu de l'article 1134 du code civil, selon lequel les contrats demeurent régis par les dispositions législatives et réglementaires applicables à la date de leur conclusion et gouvernant donc les effets du contrat pour l'avenir ; qu'en outre, si la mise en oeuvre de l'obligation de transparence 'passe par la publication d'une offre de référence au plus tard le 15 septembre 2009", la décision Cycle 2 ne précise pas que l'offre de référence doit produire son plein effet dans les contrats déjà signés ;

Considérant, en définitive, qu'à supposer que l'Autorité dispose, ainsi qu'elle le retient, d'une habilitation législative implicite pour adopter des décisions de régulation rétroactives, elle n'a pas, dans la décision Cycle 2, fait usage de cette faculté faute d'avoir prévu de façon expresse que cette décision serait applicable aux contrats conclus sous l'empire du cycle de régulation antérieur ; qu'en outre, il ne peut être déduit du seul fait que l'Autorité a exercé, par la décision Cycle 2, la mission régulatrice que lui a confiée le législateur et que, dans ce cadre, elle serait implicitement habilitée, pour un motif général de maintien de l'équilibre concurrentiel, à prendre des décisions rétroactives, que la décision Cycle 2 doit être interprétée comme ayant implicitement imposé à TDF de répercuter sur les contrats en cours les modifications de l'offre de référence qu'elle a imposé à TDF de mettre en oeuvre au plus tard le 15 septembre 2009 ;

Considérant que la décision Cycle 2 ne pouvant être interprétée comme prévoyant son application aux contrats conclus avant son entrée en vigueur, c'est à juste titre que la requérante reproche à la Décision de lui avoir imposé, dans le cadre du règlement de différend l'opposant à TWC relativement à l'application de la décision Cycle 2 aux contrats en cours, l'obligation de mettre en conformité les tarifs de conventions conclus sous l'empire du Cycle 1 avec les obligations imposées par la décision Cycle 2 ;

Que l'Autorité ne peut être suivie lorsqu'elle affirme dans ses observations (n° 31 et suivants et n° 100 et suivants) qu'en imposant à TDF, dans le cadre du présent règlement de différend, d'appliquer aux contrats en cours les obligations prévues par la décision Cycle 2, elle s'est bornée à en expliciter 'le champ d'application rationae temporis' (qui faisait l'objet d'un désaccord entre les parties) et ce, sans modifier les obligations imposées à TDF par cette décision dont la portée n'est pas affectée ; que, contrairement à ce qui est soutenu, la portée de la décision Cycle 2 est nécessairement affectée par la Décision qui, alors même que la décision Cycle 2 ne le prévoyait pas, impose à TDF une application aux contrats en cours de certaines des obligations prévues par la décision Cycle 2 ; qu'il importe peu à cet égard et dans le cadre du présent recours, de déterminer si l'ARCEP aurait pu, dans le cadre de la décision Cycle 2, prévoir l'application aux contrats en cours des obligations qu'elle imposait à TDF sans que cette 'rétroactivité' ne soit entachée d'illégalité ;

Considérant qu'il résulte de ces seuls motifs que le recours formé par la société TDF doit être accueilli et la Décision annulée ; qu'il n'y a, en revanche, pas lieu de faire droit à la demande formée de façon générale par la société TDF au delà des limites du différend en ce qu'elle tend à faire juger qu'en tout état de cause, la décision Cycle 2 n'est applicable qu'aux contrats conclus à compter de la date de sa notification ;

Considérant que l'équité ne conduit pas, en l'espèce, à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

Annule la décision n° 2011-0809 du 12 juillet 2011 de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes ;

Déboute les parties pour le surplus ;

Condamne la société Towercast aux dépens.