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Décisions

Cass. com., 25 mars 2014, n° 12-28.426

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Espel

Rapporteur :

Mme Mouillard

Avocat général :

M. Debacq

Avocats :

SCP Delaporte, Briard et Trichet, SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, SCP Piwnica et Molinié

Paris, du 25 oct. 2012

25 octobre 2012

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, pour proposer leurs programmes aux utilisateurs finals par le biais de la diffusion hertzienne terrestre, les opérateurs de multiplex regroupant des chaînes de télévision numérique terrestre (TNT) achètent à des diffuseurs techniques, sur le marché de gros « aval » de la diffusion hertzienne, des prestations de diffusion de leurs signaux vers les récepteurs des consommateurs finals cependant que, de leur côté, les diffuseurs techniques, pour les zones où ils ne disposent d'aucune infrastructure de diffusion, achètent, sur le marché de gros « amont », l'accès aux infrastructures d'un autre opérateur de diffusion afin d'utiliser les équipements de ce dernier ou d'y installer leurs propres équipements ; que la société TDF, qui bénéficiait d'un monopole légal avant l'ouverture du marché de la diffusion des services de télévision et qui dispose des infrastructures nécessaires à la diffusion de la TNT, a conclu avec des diffuseurs techniques alternatifs, comme la société Towercast, des contrats d'une durée de cinq ans, par lesquels elle leur assure des prestations d'hébergement sur ses sites (prestations « Hébergement-TNT » en vertu desquelles l'opérateur alternatif installe ses équipements sur le pylône ou le terrain de la société TDF), ou des prestations d'utilisation du système antennaire déployé par elle (prestations « DiffHF-TNT » en vertu desquelles l'opérateur alternatif dispose, en partage avec elle, de son système antennaire) ; que par deux décisions du 6 avril 2006, dites décisions Cycle 1, l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (l'ARCEP) a, au terme d'une première analyse de marché, mis en place une régulation ex ante sur le marché de gros des offres de diffusion hertzienne terrestre de programmes télévisuels et défini les obligations de la société TDF en sa qualité d'opérateur exerçant une influence significative sur ce marché, en lui imposant notamment de faire droit aux demandes d'accès dans des conditions transparentes et non discriminatoires et « de ne pas pratiquer de tarifs d'éviction ou excessifs pour ses offres de gros de diffusion hertzienne terrestre de programmes télévisuels en mode numérique, ainsi que pour les prestations qui y sont associées » ; que ces décisions étant applicables jusqu'au 1er avril 2009, l'ARCEP a, à l'issue d'un nouveau processus d'analyse du marché, adopté le 11 juin 2009 la décision n° 2009-0484, dite décision Cycle 2, applicable pour une nouvelle période de trois ans, par laquelle elle renforce son dispositif de régulation ex ante sur le marché de gros des offres de diffusion hertzienne terrestre de programmes télévisuels en mode numérique, sur lequel la société TDF exerce toujours une influence significative ; qu'à cette fin, la décision Cycle 2 dresse une liste des sites de la société TDF pour la diffusion de la TNT considérés comme « non réplicables » à horizon proche et lui impose d'offrir ses prestations de diffusion sur ces sites à « des tarifs reflétant les coûts correspondants, en respectant en particulier les principes d'efficacité, de non-discrimination et de concurrence effective et loyale », tandis que, pour les offres de gros sur les autres sites, jugés réplicables, elle maintient l'interdiction pour la société TDF de pratiquer des « tarifs d'éviction ou excessifs », dans le dessein d'inciter à l'implantation de sites alternatifs par les opérateurs de diffusion qui ne disposent pas encore d'infrastructures ; que sur le fondement de la décision Cycle 2, la société TDF a publié une offre de référence d'accès partagé à son système antennaire « DiffHF-TNT », datée du 2 avril 2010, comportant en annexe les tarifs des sites réplicables et ceux des sites non réplicables ; que la société Towercast a demandé à la société TDF le bénéfice des tarifs orientés vers les coûts pour les contrats « DiffHF-TNT » qu'elle avait conclus avec elle durant le Cycle 1, pour les sites désignés comme non réplicables par la décision Cycle 2 ; que n'ayant pas obtenu satisfaction, elle a saisi l'ARCEP d'une demande de règlement de différend ; que, par décision n° 2011-0809 du 12 juillet 2011, l'ARCEP a décidé que la société TDF devait mettre en conformité avec les obligations qui lui étaient imposées par la décision n° 2009-0484, avec effet au 14 décembre 2010, les tarifs des conventions relatives à différents multiplex sur un certain nombre de sites ; que la société TDF a formé un recours contre cette décision ;

Sur la recevabilité de l'intervention volontaire accessoire de l'ARCEP :

Vu l'article 327, alinéa 2, du code de procédure civile ;

Attendu que l'ARCEP, n'ayant pas intérêt, pour la conservation de ses droits, à soutenir les prétentions d'une partie, est irrecevable en son intervention volontaire accessoire ;

Sur le premier moyen :

Vu l'article L. 38, I, 4° du code des postes et communications électroniques, alors applicable ;

Attendu que pour écarter les conclusions de la société Towercast qui soutenait qu'en raison de l'effet utile attaché à la régulation ex ante exercée par l'ARCEP, la décision Cycle 2 prévoyait implicitement mais nécessairement son application immédiate aux contrats en cours, et annuler la décision, l'arrêt retient qu'aucune disposition de cette décision ne prévoit expressément la mise en conformité des conventions conclues antérieurement à la publication de l'offre de référence technique et tarifaire décrite à l'article 5 avec cette offre, ni a fortiori de délai pour une telle mise en conformité, que, s'agissant des sites recensés comme non réplicables, ni les motifs, ni le dispositif de la décision ne suggèrent que les obligations imposées à la société TDF s'appliquent immédiatement (au plus tard le 15 septembre 2009) non seulement aux contrats conclus postérieurement à ladite décision, mais également aux contrats encore en cours conclus sous l'empire du précédent cycle de régulation, qu'il ne saurait être déduit du fait que l'article 7 de la décision - qui impose à TDF d'offrir, sur les sites non réplicables, ses prestations à des tarifs reflétant les coûts correspondants - n'établisse pas de distinction entre les contrats en cours et les nouveaux contrats, que l'Autorité a entendu, par la décision Cycle 2, déroger au principe, issu de l'article 1134 du code civil, selon lequel les contrats demeurent régis par les dispositions législatives et réglementaires applicables à la date de leur conclusion et gouvernant donc les effets du contrat pour l'avenir, qu'enfin, si la mise en oeuvre de l'obligation de transparence « passe par la publication d'une offre de référence au plus tard le 15 septembre 2009 », la décision Cycle 2 ne précise pas que l'offre de référence doit produire son plein effet dans les contrats déjà signés ; que l'arrêt en déduit que l'ARCEP a, par la décision de règlement de différend attaquée, modifié la portée de la décision de régulation Cycle 2 ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à exclure que les dispositions relatives aux tarifs de la décision Cycle 2, prises par l'ARCEP dans l'exercice du pouvoir de régulation qu'elle tient du texte susvisé, fussent implicitement mais nécessairement applicables aux contrats en cours, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :

Déclare irrecevable l'intervention volontaire accessoire de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes ;

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 octobre 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.