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Décisions

Cass. com., 14 novembre 2019, n° 17-16.058

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Avocats :

SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin, SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot

Nîmes, du 23 mars 2017

23 mars 2017


Sur le rétablissement de l'affaire au rôle, contesté par la défense :

Attendu qu'à la suite du décès de Y... Q..., épouse B..., l'une des demanderesses au pourvoi, la Cour de cassation a, par un arrêt du 28 mars 2018, constaté l'interruption de l'instance et imparti un délai de quatre mois aux parties pour la reprise de celle-ci, à peine de radiation ; que ce délai n'ayant pas été respecté, un arrêt du 17 octobre 2018 a radié l'affaire du rôle ; que M. K... B... a, par un acte du 21 février 2019, demandé le rétablissement de l'affaire en qualité d'héritier de son épouse ; que la société E... O..., en qualité de liquidateur des époux B... et de la société La Guilde immobilière européenne, s'y est opposée, en faisant valoir qu'en l'absence d'accomplissement, dans le délai imparti, des diligences nécessaires à la reprise de l'instance, celle-ci ne pouvait plus être rétablie ;

Mais attendu que, la péremption de l'instance n'étant pas acquise, l'affaire radiée pouvait être rétablie, conformément à l'article 383, alinéa 2, du code de procédure civile, en dépit du non-respect du délai de quatre mois qui n'avait entraîné que la suppression de l'affaire du rang de celles en cours ;

Vu les diligences accomplies par M. K... B... pour rétablir l'affaire ;

Lui donne acte de ce qu'il reprend l'instance tant en son nom personnel qu'en qualité d'héritier de Y... Q..., épouse B... ;

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 23 mars 2017), que M. B... et Y... Q..., son épouse, ainsi que la société La Guilde immobilière européenne, ont été mis en redressement puis liquidation judiciaires les 7 juillet et 20 octobre 1989 ; que, le 21 octobre 2014, ils ont demandé au tribunal de clôturer la procédure de liquidation en arguant de sa durée excessive ;

Attendu que M. B..., agissant tant en son nom personnel qu'ès qualités, et la société La Guilde immobilière européenne font grief à l'arrêt du rejet de la demande alors, selon le moyen :

1°/ que l'absence de diligences des organes d'une procédure collective pendant plus de dix ans est de nature à conférer à la procédure une durée excessive au regard de l'article 6, § 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'en l'espèce, en énonçant, pour considérer que les débiteurs n'étaient pas fondés à soutenir que la procédure, ouverte en 1989, aurait présenté une durée excessive, que cette durée était essentiellement due au fait qu'ils avaient entamé de nombreuses procédures et contesté de nombreuses décisions de justice, après avoir pourtant constaté, dans le cadre de l'analyse des créances retenues, que le juge-commissaire ne s'était lui-même prononcé sur les créances qu'à compter de l'année 2000, soit plus de dix ans après l'ouverture de la procédure, circonstance de nature à caractériser un manquement à l'obligation de statuer dans un délai raisonnable en violation de l'article 6, § 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations, a violé ces dispositions ;

2°/ qu'il appartient à la juridiction qui constate que l'exigence d'un délai raisonnable de la procédure prévu par l'article 6, § 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'a pas été respectée d'apporter un remède immédiat et effectif à cette irrégularité de procédure ; que dès lors, en retenant, pour débouter les époux B... et la société La Guilde immobilière européenne de leur demande de clôture de la procédure collective en raison de sa durée excessive, que la sanction de la violation de la garantie d'un délai raisonnable de la procédure ne pouvait être recherchée que dans une instance distincte en réparation du préjudice subi par la partie victime de cette violation, la cour d'appel, qui a privé les débiteurs, qui sont dépossédés du droit de gérer et disposer de leur patrimoine depuis 1989, d'un remède immédiat et effectif à cet excès, a violé l'article précité, ensemble l'article 1er du premier Protocole à cette convention ;

Mais attendu que, lorsqu'il existe un actif réalisable de nature à désintéresser en tout ou partie les créanciers, la violation du droit du débiteur à être jugé dans un délai raisonnable et de celle, qui en résulte, de son droit d'administrer ses biens et d'en disposer, n'est pas sanctionnée par la clôture de la procédure de liquidation judiciaire mais lui ouvre l'action en réparation prévue à l'article L. 141-1 du code de l'organisation judiciaire, qu'il peut exercer au titre de ses droits propres ; qu'après avoir énuméré les nombreuses créances imputables aux appelants, qui ont presque toutes fait l'objet de leur part de contestations et de recours, l'arrêt relève que la détermination de l'actif réalisable a dû faire l'objet d'une estimation par un expert, toujours en cours du fait de la résistance des débiteurs ; qu'ayant ainsi fait ressortir qu'existait un actif réalisable de nature à désintéresser en tout ou partie les créanciers, rendant impossible la clôture de la liquidation au seul motif de sa durée, c'est à bon droit que la cour d'appel a rejeté la demande de clôture de la liquidation judiciaire de M. et Mme B... ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.