CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 22 mars 2023, n° 22/14959
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Saint Brieuc Expo Congrès (Association)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Brun-Lallemand
Conseillers :
Mme Depelley, M. Richaud
Avocats :
Me Boccon Gibod, Me Leroux, Me Monta
FAITS ET PROCEDURE
L'association Saint Brieuc Expo Congrès, devenue la société coopérative d'intérêt collectif par action simplifiée à capital variable Saint Bireuc Expos Congrès ("ci-après dénommée « la société Saint Brieuc") le 9 janvier 2023 a pour activité l'organisation de foires, salons professionnels et congrès.
Mme [R] [S], qui exploitait en son nom personnel une activité ambulante de rôtisserie à l'enseigne Rôtisserie grill de Normandie depuis 2005, participait chaque année à deux manifestations organisées par l'association Saint Brieuc : le salon de l'habitat au mois de mars et la foire exposition au mois de septembre.
Par lettre du 13 novembre 2013, l'association [Localité 5] a indiqué à Mme [S] qu'elle ne ferait plus appel à elle pour ses prochains événements en raison de la baisse de qualité de ses prestations et le non-respect récurrent des normes de sécurité.
Reprochant à l'association [Localité 5] les conditions de la rupture de leur relation, Mme [S] l'a assignée devant le tribunal de grande instance de Caen en réparation de ses préjudices prétendument subis du fait de la rupture brutale des relations commerciales établies sur le fondement des articles 1147 du code civil et L. 442-6, I, 5° du code de commerce. Par ordonnance du 10 juin 2015, le tribunal de grande instance de Rennes a été déclaré compétent pour statuer sur le litige.
Par jugement du 17 avril 2018, le tribunal de grande instance de Rennes a :
- Dit que l'association Saint Brieuc Expo Congrès a commis une rupture brutale de ses relations commerciales établies avec Mme [S], engageant sa responsabilité sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 5 du code de commerce,
- Condamné l'association Saint Brieuc Expo Congrès à payer à Mme [S] les sommes de :
*48 289 euros en réparation du préjudice lié à la perte de revenus sur la base d'une année de préavis,
*18 146 euros en réparation du préjudice découlant de la perte de valeur de son fonds de commerce,
- Débouté Mme [S] de sa demande d'indemnisation du préjudice moral faute d'en démontrer l'existence
L'association [Localité 5] a interjeté appel et par arrêt du 8 janvier 2020, la Cour d'appel de Paris a :
- Infirmé le jugement déféré en toutes ses dispositions,
- Débouté Mme [S] de toutes ses demandes,
- Condamné Mme [S] à payer à l'association Saint Brieuc expo congrès la sommes de 4000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.
Mme [S] a formé un pourvoi contre cette décision.
La chambre commerciale, économique et financière de la Cour de cassation par arrêt du 22 juin 2022 (pourvoi n° 20-19.605) a cassé et annulé l'arrêt du 8 janvier 2020 au motif que la cour d'appel n'avait pas relevé d'office l'irrecevabilité des conclusions déposées postérieurement à l'ordonnance de clôture.
Par déclaration reçue au greffe le 2 août 2022, l'association Saint Brieuc a saisi la Cour de renvoi.
Aux termes de ses dernières conclusions, déposées et notifiées le 24 janvier 2023, la société [Localité 5] venant aux droits de l'association [Localité 5] demande à la Cour de :
Dire l'appel formé par l'Association Saint Brieuc devenue la Société coopérative d'intérêt collectif par actions simplifiée recevable et bien fondé ;
Réformer le jugement du tribunal judiciaire de Rennes du 17 avril 2018 :
« - en ce qu'il a dit que l'Association Saint Brieuc Expo Congrès a commis une rupture brutale de ses relations commerciales établies avec Madame [R] [S] engageant sa responsabilité sur le fondement de l'article 442-6-1-5 du Code de Commerce.
- en ce qu'il a condamné l'Association Saint Brieuc Expo Congrès à payer à Madame [R] [S] la somme de 48 289,00 € en réparation du préjudice lié à la perte de revenus sur la base d'une année de préavis.
- en ce qu'il a condamné l'Association Saint Brieuc Expo Congrès à payer à Madame [R] [S] la somme de 18 146,00 € en réparation du préjudice découlant de la perte de valeur de son fonds de commerce.
- en ce qu'il a condamné l'Association Saint Bireuc Expo Congrès à payer à Madame [R] [S] la somme de 3 000,00 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
- en ce qu'il a condamné l'Association Saint Brieuc Expo Congrès aux entiers dépens. »
Statuant à nouveau.
A titre principal,
Sur le fondement du droit commun de la responsabilité, précisément de la responsabilité contractuelle :
- Constater le manquement de Madame [S] aux règles de sécurité,
- Dire fondé le refus de la société Saint Brieuc expo congrès de renouveler la participation de Madame [S] aux prochaines Foires et Salons compte-tenu de ses manquements contractuels,
En conséquence
- Débouter Madame [S] de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- Débouter Madame [S] de son appel incident,
- Condamner Madame [S] à régler à la société Saint Brieuc Expo Congrès la somme de 5 000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamner Madame [S] aux entiers dépens.
A titre subsidiaire,
- Constater l'absence de relation commerciale établie entre Madame [S] et la société Saint Brieuc Expo Congrès,
- Constater qu'il n'y a pas eu de brutalité dans la décision de refuser de la part de la société Saint Brieuc Expo Congrès le renouvellement de la participation de Madame [S] aux prochaines manifestations,
- Dire que la demande indemnitaire ne correspond pas au cadre juridique de l'article L. 442-6-1-5 du Code de Commerce.
En conséquence,
- Débouter Madame [S] de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- Débouter Madame [S] de son appel incident,
- Condamner Madame [S] à régler à la société Saint Brieuc Expo Congrès la somme de 5 000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamner Madame [S] aux entiers dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions, déposées et notifiées le 8 novembre 2022, Mme [S] demande à la Cour de :
Vu l'article L. 442-6 I 5°du Code de Commerce et l'article 1382 dans sa rédaction applicable à la cause du Code Civil,
Confirmer le premier jugement ce que qu'il a dit que l'Association Saint Brieuc expo congrès a commis une rupture brutale de ses relations commerciales établies avec [R] [S],
Confirmer le premier jugement en ce qu'il a condamné l'Association Saint Brieuc expo congrès à payer à Madame [S] une indemnité de chambre 18.146 € à titre de dommages-intérêts représentant la perte de valeur de son fonds de commerce,
Confirmer le premier jugement en ce qu'il a condamné l'Association Saint Brieuc expo congrès à payer à Madame [S] la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Confirmer le premier jugement en ce qu'il implicitement considéré que Madame [S] n'avait commis aucune faute, telle que visée l'article 1382 dans sa rédaction applicable à la cause du Code Civil,
Confirmer le premier jugement en ce qu'il implicitement considéré que Madame [S] n'est responsable d'aucune inexécution, telle que visée L. 442-6 I 5° du Code de Commerce,
Confirmer le premier jugement en ce qu'il a condamné l'Association Saint Brieuc expo congrès aux entiers dépens,
Infirmer le premier jugement en ce qu'il a dit qu'un délai de préavis d'une année était suffisant,
Infirmer le premier jugement en ce qu'il a limité la condamnation de l'Association Saint Brieuc expo congrès à payer à [R] [S] la somme de 48.289 € en réparation du préjudice lié à la perte de revenus sur la base d'une année de préavis,
Infirmer le premier jugement en ce qu'il a débouté [R] [S] de sa demande d'indemnisation du préjudice moral, faute d'en démontrer l'existence.
Statuant à nouveau,
Dire que le préavis dont aurait dû bénéficier Madame [S] était d'une durée de deux ans,
Condamner, l'Association Saint Brieuc expo congrès à payer à Madame [S] une indemnité de 96.578 € à titre de dommages-intérêts représentant le préjudice subi par la perte de deux années de revenus, somme qu'aurait pu espérer réaliser la concluante si la partie adverse lui avait accordé un préavis de deux ans,
Condamner, l'Association Saint Brieuc expo congrès à payer à Madame [S] une indemnité de 5.000 € à titre de dommages-intérêts représentant le préjudice moral subi pour rupture brutale.
En tout état de cause,
Débouter l'Association Saint Brieuc expo congrès de toutes ses demandes, fins et conclusions,
Condamner l'Association Saint Brieuc Expo Congrès au paiement d'une indemnité de 5.000,00 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamner l'Association Saint Brieuc Expo Congrès aux entiers dépens d'appel.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 8 février 2023.
La Cour renvoie à la décision entreprise et aux conclusions susvisées pour un exposé détaillé du litige et des prétentions des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIVATION
Sur les demandes relatives à la rupture de la relation commerciale,
Exposé des moyens,
La société [Localité 5] à l'appui de sa demande de réformation du jugement fait valoir à titre principal que l'existence d'une faute à l'occasion de l'exécution d'une relation contractuelle à durée indéterminée justifie une rupture sans préavis. A cet égard, elle ne conteste pas que Mme [S] participait depuis de nombreuses années aux foires qu'elle organisait en mars et septembre de chaque année, mais qu'à la suite d'un rapport de sécurité établi après la foire exposition de septembre 2013 par M. [V] mandaté par ses soins pour contrôler le respect des règles de sécurité par les exposants et mettant en évidence des manquements graves et récurrents de Mme [S] à ces règles de sécurité, elle a été dans l'obligation de notifier à cette dernière sa décision de ne plus accepter son inscription pour les foires à venir.
A titre subsidiaire sur le fondement de l'article L. 442-6 I, 5° du code de commerce dans sa version applicable au litige, la société [Localité 5] fait valoir que la relation commerciale nouée avec Mme [S] n'était pas établie au sens des dispositions de l'article précité, dès lors que l'activité en cause est saisonnière et supposait pour Mme [S] de renouveler chaque année son inscription aux différentes foires et que sa candidature soumise à une instruction pouvait ne pas être acceptée si les conditions requises pour l'inscription, tel le respect des règles d'hygiène et de sécurité, n'étaient pas remplies. Ensuite, la société [Localité 5] relève qu'en toute hypothèse, la rupture de la relation n'a pas été brutale, dès lors que d'une part un préavis suffisant de 4 et 9 mois pour chacune des foires a été notifié suivant courrier de novembre 2013 et d'autre part que les manquements graves précités étaient de nature à justifier une rupture sans préavis.
Enfin, la société [Localité 5] fait remarquer que seul le préjudice résultant de la brutalité de la rupture peut être réparé sur le fondement des dispositions précitées et que ce préjudice ne peut être calculé qu'à partir de la marge sur coûts variables et en tenant compte au minimum du préavis de 4 mois dont a bénéficié Mme [S].
Mme [S] réplique en faisant valoir, au visa des articles 1382 ancien du code civil et L. 442-5, I, 5° du code de commerce, qu'elle a bien été victime d'une rupture brutale et réclame l'indemnisation des préjudices en découlant. Elle explique qu'elle a acquis le fonds de commerce de ses parents qui participaient depuis 20 ans aux foires organisées par la société [Localité 5] et que cette participation s'est renouvelée chaque année sans interruption jusqu'en 2013. Compte tenu de la régularité et stabilité de cette relation, elle pouvait légitimement anticiper pour l'avenir sa continuité, caractérisant ainsi une relation commerciale établie depuis près de 20 ans. Elle relève que près du tiers de son chiffre d'affaires annuel était réalisé lors des foires organisées par la société [Localité 5]. Elle soutient qu'aucun préavis ne lui a été accordé, dès lors que la décision de cette dernière de lui refuser la participation aux foires a été immédiate. Elle insiste ensuite sur le fait qu'aucune faute ne peut lui être reprochée pour justifier une rupture sans préavis et fait notamment valoir à cet égard :
- qu'elle n'a jamais reçu de mise en demeure ou mise en garde pour un non-respect de consigne de sécurité dans le cadre de son activité sur les foires avant le mois de novembre 2013,
- que le rapport produit aux débats par la société [Localité 5] n'est pas probant en ce qu'il n'a pas été établi contradictoirement, a été rédigé à la demande de cette dernière et communiqué plus de deux mois après la foire de septembre contrairement aux préconisations de l'arrêté du 25 juin 1980, et n'est corroboré par aucune pièce autre que des photographies non datées et une attestation de l'auteur de ce rapport.
Mme [S] estime que compte tenu de l'ancienneté de la relation commerciale (20 ans), de l'importance du chiffre d'affaires réalisé sur les foires en cause et la difficulté de trouver une place de substitution sur des foires similaires, le préavis devait être de deux années. Elle calcule ensuite son préjudice à partir de sa marge brute telle qu'attestée par son expert- comptable et réclame ainsi la somme de 96 578 euros à titre de dommages-intérêts. Elle soutient en outre que cette rupture brutale de la relation commerciale a fait perdre de la valeur à son fonds de commerce qu'elle évalue à la somme de 18 146 euros.
Réponse de la Cour,
Il apparaît que Mme [S] fonde ses prétentions sur l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce dans sa version applicable au litige et non pas sur le fondement de la responsabilité contractuelle, comme tente de le soutenir la société [Localité 5].
L'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 applicable au litige, dispose qu'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels.
* Sur le caractère établi de la relation,
La relation commerciale, pour être établie au sens des dispositions susvisées, doit présenter un caractère suivi, stable et habituel. Le critère de la stabilité s'entend de la stabilité prévisible, de sorte que la victime de la rupture devait pouvoir raisonnablement anticiper pour l'avenir une certaine continuité du flux d'affaires avec son partenaire commercial.
Pour l'exploitation de son activité, Mme [S] a acquis de ses parents le fonds de commerce par acte du 23 février 2005.
La société [Localité 5], sans être utilement contredite, explique que Mme [S] a participé pour la première fois en sa qualité d'exploitante à la foire exposition de Saint-Brieuc en septembre 2005 et au salon de l'habitat en 2009. Il n'est cependant pas contesté que la participation de cette dernière à ces événements s'est renouvelée chaque année jusqu'en septembre 2013 et qu'à ces occasions elle réalisait près du tiers de son chiffre d'affaires annuel.
Quand bien même Mme [S] devait chaque année procéder à son inscription qui faisait l'objet d'une validation par la société [Localité 5] après instruction de sa candidature, la régularité de la participation de Mme [S] aux événements organisés par celle-ci et le caractère significatif de cette relation était de nature à permettre à Mme [S] de croire à une certaine continuité du flux d'affaires pour l'avenir.
La relation commerciale nouée entre les parties présentait donc un caractère établi au sens des dispositions précitées depuis 2005.
En revanche, Mme [S] ne peut prétendre à une relation commerciale établie depuis près de 20 ans au seul motif d'avoir acquis son fonds de commerce auprès de ses parents qui participaient déjà à ces événements, sans apporter d'autres éléments permettant d'établir une volonté commune de poursuite de la relation entre les partenaires à la suite de la vente du fonds de commerce.
* Sur la brutalité de la rupture,
Le texte précité vise à sanctionner, non la rupture elle-même, mais sa brutalité caractérisée par l'absence de préavis écrit ou l'insuffisance de préavis. Il est constant que la brutalité de la rupture résulte soit de l'absence de tout préavis écrit, soit d'un délai de préavis trop court, même notifié par écrit, mais ne permettant pas à la partie qui soutient en avoir été la victime de pouvoir trouver des solutions de rechange et de retrouver un partenaire commercial équivalent.
Le 13 novembre 2013, l'association Saint Brieuc a adressé à Mme [S] une lettre rédigée comme suit : « Vous participez depuis plusieurs années aux manifestations organisées par Saint Brieuc expo congrès : Foire exposition et Salon de l'habitat. Nous faisons suite au rapport accablant de notre chargé de sécurité concernant votre installation de cuisson, rapport que vous trouverez en pièce jointe. Depuis plusieurs années, les mêmes anomalies sont constatées sans volonté apparente de votre part d'y remédier. Nous avons d'autre part des remarques de vos clients signalant une dégradation de la qualité En conséquence et sur décision du bureau, nous avons le regret de vous annoncer que, désormais, nous ne ferons plus appel à vos services lors de nos manifestations à venir. »
Par ce courrier, la société [Localité 5] ne conteste pas être à l'initiative de la rupture de la relation commerciale nouée avec Mme [S], mais expose que les manquements graves constatés dans le rapport établi le chargé de sécurité sont de nature à justifier une rupture sans préavis.
Elle produit aux débats un rapport signé le 7 novembre 2013 par le chargé de sécurité qu'elle dit avoir mandaté pour effectuer tous les contrôles indispensables à la bonne sécurité de l'événement, suivant les prescriptions de l'arrêt du 24 septembre 2009.
L'auteur de ce rapport indique avoir contrôlé le restaurant "Grill [S]" lors de la foire exposition qui s'est tenue du 14 au 22 septembre 2013 et avoir constaté de nombreuses non conformités, précisant qu'elles étaient récurrentes comme déjà constatées lors des manifestations Habitat et Foire exposition à savoir, notamment, la neutralisation d'une sortie de secours, des plaques non visibles pour les fours et friteuses, la non-conformité des extincteurs, les linges humides insuffisants près des friteuses ouvertes, une rôtissoire insuffisamment protégée.
Si de tel manquements présentent en eux-mêmes une certaine gravité pour la sécurité de la manifestation, il est néanmoins relevé que ce rapport est daté du 7 novembre 2013, soit plus d'un mois après l'événement. Force est de constater que ces manquements n'ont pas donné lieu à une interdiction pour Mme [S] d'assurer son activité pendant la foire de septembre 2013 et que ce rapport n'est pas suffisamment explicite pour savoir si, Mme [S] se serait mise en conformité pendant la manifestation à la suite d'observations qui auraient été faites par le chargé de sécurité. Les photographies non datées ni localisées et les attestations de l'auteur même du rapport sont insuffisantes pour corroborer la teneur de ce rapport qui est contesté par Mme [S]. Par ailleurs, la société [Localité 5] ne produit aux débats aucun élément permettant de justifier de la récurrence alléguée de ses manquements. Enfin le courrier du 23 septembre 2013 est insuffisant pour établir à lui seul la mauvaise qualité de la prestation alléguée.
Ces éléments sont donc insuffisants pour établir des manquements graves de la part de Mme [S] lors des manifestations organisées par la société Saint-Brieux et justifier une rupture de la relation commerciale établie sans préavis.
*Sur le préavis,
Le délai de préavis doit s'entendre du temps nécessaire à l'entreprise délaissée pour se réorganiser en fonction de la durée, de la nature et des spécificités de la relation commerciale établie, du produit ou du service concerné.
La société [Localité 5] a notifié à Mme [S] par lettre du 13 novembre 2013 son intention de ne plus faire appel à ses services lors des manifestations à venir, soit quatre mois avant la première manifestation à venir au mois de mars de l'année suivante.
Compte tenu de l'ancienneté de la relation commerciale (depuis 2005), l'importance du chiffre d'affaires réalisé par Mme [S] lors des manifestations organisées par la société [Localité 5], et de la difficulté de s'intégrer dans des événements de même ampleur, la Cour retient qu'un préavis d'une année était nécessaire mais suffisant pour permettre à Mme [S] de réorganiser son activité.
L'insuffisance de préavis est donc de 8 mois.
*Sur le préjudice
Il est constant que le préjudice résultant du caractère brutal de la rupture est constitué par la perte de la marge dont la victime pouvait escompter bénéficier pendant la durée du préavis qui aurait dû lui être accordé. La référence à retenir est la marge sur coûts variables, définie comme la différence entre le chiffre d'affaires dont la victime a été privée sous déduction des charges qui n'ont pas été supportées du fait de la baisse d'activité résultant de la rupture.
Le préjudice de Mme [S] doit être calculé à partir de la marge sur coûts variables et non de la marge commerciale. Celle-ci justifie par une attestation produite aux débats de son expert-comptable, non utilement contredite par la société [Localité 5], d'une moyenne annuelle de marge de sur coûts variables sur les trois années précédant la rupture d'un montant de 31 368 euros, soit 2614 euros par mois.
Le préjudice de perte de marge sur la durée d'insuffisance de préavis de 8 mois s'élève donc à la somme de 20 912 euros.
La société [Localité 5] sera condamnée à verser à Mme [S] la somme de 20 912 à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi à la suite de la rupture brutale de la relation commerciale établie. Mme [S] sera déboutée du surplus de sa demande. Le jugement sera infirmé sur le montant du préjudice.
Seul est indemnisable le préjudice résultant de la brutalité de la rupture et non de la rupture elle-même. Or les éléments comptables versés aux débats ne permettent pas d'établir à suffisance que la perte de valeur du fonds de commerce de Mme [S] est en lien avec la brutalité de la rupture, et non la rupture elle-même. Elle sera déboutée de sa demande et le jugement sera infirmé de ce chef de préjudice.
Enfin, Mme [S] ne justifie ni même explicite des d'éléments particuliers pour caractériser un préjudice moral. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté Mme [S] de sa demande de ce chef de préjudice.
Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné l'association [Localité 5], aux droits de laquelle vient la société [Localité 5] aux dépens de première instance et à verser à Mme [S] la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La société [Localité 5], succombant partiellement en son appel, sera condamnée aux dépens d'appel.
En application de l'article 700 du code de procédure civile, la société [Localité 5] sera déboutée de sa demande et condamnée à verser à Mme [S] la somme de 3 000 euros.
PAR CES MOTIFS,
La cour statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire,
Vu l'arrêt du 22 juin 2022 pourvoi n° 20-19.605 de la chambre commerciale, économique et financière de la Cour de cassation ;
La Cour statuant dans la limite de sa saisine,
Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la Cour sauf en ce qu'il a :
- condamné l'association [Localité 5] Expo Congrès à payer à [R] [S] la somme de 48 289 euros en réparation du préjudice lié à la perte de revenus sur la base d'une année de préavis,
- condamné l'association [Localité 5] Expo Congrès à payer à [R] [S] la somme de 18 146 euros en réparation du préjudice découlant de la perte de valeur de son fonds de commerce,
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,
Condamne la société [Localité 5] Expo Congrès à payer à Mme [R] [S] la somme de 20 912 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi à la suite de la rupture brutale de la relation commerciale établie ;
Déboute Mme [R] [S] de sa demande au titre de la perte de valeur de son fonds de commerce ;
Condamne la société [Localité 5] Expo Congrès aux dépens d'appel ;
Condamne la société [Localité 5] Expo Congrès à payer à Mme [S] [R] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Rejette toute autre demande.