Livv
Décisions

CA Paris, 1re ch. H, 3 avril 2007, n° 2006/11319

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Telegate

Défendeur :

Orange France, Arcep

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Pezard

Conseillers :

M. Remenieras, Mme Mouillard

Avocats :

Me Georges-Naim, Me Calvet, Me Simonel

CA Paris n° 2006/11319

2 avril 2007

La directive 98/10/CE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 1998 concernant l’application de la fourniture d'un réseau ouvert (ONP) à la téléphonie vocale et à l’établissement d'un service universel des télécommunications dans un environnement concurrentiel, transposée par étapes en France entre 2001 et 2004, impose aux opérateurs de transmettre aux fournisseurs de services de renseignements téléphoniques des informations relatives à leurs abonnés. Cette obligation est transposée en France par l'article L.34 du Code des postes et des communications électroniques, qui prévoit par ailleurs que tout litige relatif aux conditions techniques et financières de la fourniture des listes d'abonnés peut être soumis à l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ci-après ARCEP).

Au cours de la mise en place de l'annuaire universel, des négociations sur les conditions techniques et tarifaires de la fourniture des listes d'abonnés ont eu lieu entre la société ORANGE France SA (ci-après ORANGE), opérateur de services téléphoniques, et la société TELEGATE France SARL (ci-après TELEGATE), de services de renseignements téléphoniques. Ces négociations ont fait apparaître un différend entre ces deux sociétés, notamment sur le niveau et la structure tarifaire, ainsi que sur les conditions d'utilisation de la liste d'abonnés.

Le 24 janvier 2006 TELEGATE a saisi l’ARCEP sur le fondement des articles L.34 et L.36-8 du Code des postes et des communications électroniques en lui demandant, d'une part, de fixer les conditions tarifaires applicables à la cession des listes d'abonnés en cause selon les modalités qu'elle avait présentées et, d'autre part, de l'autoriser à donner accès aux listes d'abonnés à tout fournisseur de services de renseignements en Europe et notamment aux sociétés de son groupe.

Le 18 mai 2006, I'ARCEP a rendu sa décision 110 06-0510 se prononçant sur le différend opposant les deux sociétés, statuant comme suit :

« Article 1er : L’ensemble des demandes présentées par la société TELEGATE est rejeté.

Article 2 : Le chef du service juridique ou son adjoint est chargé de notifier aux sociétés TELEGATE et ORANGE France la présente décision et de veiller à son exécution. Elle sera rendue publique, sous réserve des secrets protégés par la loi, et publiée sur le site Internet de I 'Autorité (www.arcep.fr) ».

LA COUR

Vu le mémoire déposé le 26 juillet 2006 par TELEGATE à l'appui de son recours du 26 juin 2006, soutenu par un mémoire en duplique du 15 janvier 2007, par lequel elle demande à la cour de.

- annuler la décision nº 06-0510 de I'ARCEP du 18 mai 2006 ;

- à titre principal, fixer les conditions tarifaires de la cession de la liste d'abonnés d'ORANGE, orientées vers les coûts d' ORANGE excluant les coûts de collecte et de mise à jour des informations pertinentes obligatoirement transmises par ORANGE ;

- à titre subsidiaire, fixer les conditions tarifaires de la cession de la liste d'abonnés d'ORANGE conformément au principe d'orientation vers les coûts, de façon raisonnable et cohérente avec les pratiques européennes ;

- en tout état de cause, fixer les conditions tarifaires raisonnables et cohérentes en conformité avec les règles de compétence ;

- en second lieu, enjoindre à ORANGE de modifier les conditions de cession de sa liste d'abonnés à TELEGATE, de sorte que TELEGATE puisse donner accès, par consultation à la requête, aux informations contenues dans sa base et concernant les abonnés d'ORANGE aux entreprises fournissant un service de renseignements téléphoniques ou d'annuaire dans un Etat membre et, en tout état de cause, aux sociétés de son groupe qui fournissent un service universel et, à tout le moins à sa filiale en France Le 118 000 ;

- condamner ORANGE à payer à TELEGATE la somme de 30.000 euros, en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Vu le mémoire en réponse déposé le 23 octobre 2006 par ORANGE par lequel cette dernière prie la cour de :

- confirmer la décision nº 06-0510 du 18 mai 2006 de l’ARCEP ;

- rejeter le recours en annulation et en réformation de TELEGATE ;

Et en tout état de cause de, condamner TELEGATE à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

- condamner TELEGATE aux entiers dépens d'appel.

Vu les observations écrites de I'ARCEP déposées le 4 décembre 2006 tendant au rejet du recours.

Vu les observations écrites du Ministère Public tendant au rejet du recours.

Ouï à l'audience publique du 30 janvier 2007, en leurs observations orales, les conseils des sociétés TELEGATE et ORANGE, qui ont été mis en mesure de répliquer, ainsi que celui de l’ARCEP en leurs plaidoiries, le Ministère Public en ses observations tendant au rejet du recours.

SUR CE,

Sur la procédure

Sur la compétence de l’ARCEP pour fixer une tarification équitable

Considérant que la requérante soutient que sa saisine de I'ARCEP contenait une demande générale, visant à « obtenir la communication de la liste des abonnés d’ORANGE à un prix orienté vers les coûts » ; qu'en ne retenant que les demandes exposées dans le « résumé des demandes » placé à la fin de la saisine, I'ARCEP s'est livrée à une analyse parcellaire et à une dénaturation desdites demandes en omettant de répondre à certains moyens ;

Considérant que contrairement aux allégations de TELEGATE, ORANGE affirme que cette société avait circonscrit sa demande tarifaire à la fixation des coûts de livraison de la liste à 2.000 euros pour la liste initiale et 50 euros par mise à jour ; que I'ARCEP était liée par cette demande et ne pouvait déterminer d'elle-même les conditions techniques et financières relatives à la livraison de la liste des abonnés d' ORANGE ; qu'au surplus , elle souligne que la prétendue demande subsidiaire de TELEGATE portait "de son aveu même sur la question du coût de mise en œuvre de l'opt-in" et non sur la fixation des conditions générales techniques et financières de la fourniture de la liste d'abonnés ; que cette demande a été instruite par I 'ARCEP ;

Considérant que les dispositions de l'article L.36-8 11-2º du Code des postes et des communications électroniques, donnent compétence à I'ARCEP en cas de différends relatifs à la mise en œuvre des obligations des opérateurs, notamment en ce qui concerne les conditions techniques et tarifaires de la fourniture des listes d'abonnés prévues à l'article L.34 du Code précité ; qu'en l'espèce, des négociations menées par les sociétés ORANGE et TELEGATE du 29 septembre 2005 au 16 janvier 2006 sur ces conditions ont échouées ; qu'en conséquence, le 24 janvier 2006 TELEGATE a saisi I'ARCEP d'une demande de règlement de différend ; qu'en s'abstenant de fixer les conditions techniques et tarifaires relatives à la livraison de la liste d'abonnés d'ORANGE, l'Autorité a dès lors méconnu ses pouvoirs ; que la décision déférée sera annulée sur ce point ;

Sur la compétence de l’ARCEP pour déterminer les conditions de consultation de la base de données par d'autres fournisseurs de services de renseignements

Considérant que la requérante invoque les articles L.34 et L.36-8 du Code des postes et des communications électroniques combinés pour prétendre que l’accès à sa base agrégée par d’autres entreprises de renseignements en Europe devait en tant que telle être examinée par I'ARCEP ;

Considérant qu'ORANGE soutient que la saisine de l'Autorité par TELEGATE concernait une demande d'accès à la base agrégée de cette société pour toutes les « entreprises fournissant des services de renseignements en Europe », sans distinguer si ce service était universel ou non ; que ni au moment des négociations, ni au moment de la saisine, TELEGATE n'aurait expressément évoqué un accès à sa base agrégée réservé spécifiquement aux entreprises fournissant un service de renseignements universel,

Mais considérant que dans la saisine de l'Autorité, TELEGATE a distingué clairement trois demandes, la première visant à donner accès à sa base agrégée à la société Le 118000, la seconde aux autres sociétés du groupe TELEGATE en Europe et la troisième à d'autres entreprises fournissant des services de renseignements en Europe ; que les comptes-rendus de la réunion de négociation du 18 novembre 2005 entre TELEGATE et ORANGE, versés aux débats, précisent que TELEGATE « souhaite pouvoir utiliser les données d'ORANGE pour d'autres services universels édités par des sociétés du groupe TELEGATE au sein de l'Union européenne. [...] ORANGE prend note de la demande de TELEGATE et l'étudie » ;

Que concernant la première demande, comme le souligne ORANGE, la décision nº 05-0061 de l’ARCEP du 27 janvier 2005 dispose que « les numéros de forme 118XYZ sont les seuls numéros utilisables pour fournir un service de renseignements téléphoniques offrant au moins les prestations définies à l’article 2 », c'est-à-dire des prestations de service de renseignements universel ; qu'il ne saurait être contesté que la société Le 118000, titulaire d'un numéro de forme 118XYZ attribué par l’ARCEP, fournit un tel service sur le territoire français ; que l'Autorité devait se prononcer sur l'accès par cette société à la base agrégée de TELEGATE ; que la décision déférée sera annulée sur ce point ;

Considérant sur la deuxième demande, que la requérante affirme que les sociétés du groupe TELEGATE fournissent en Europe des services de renseignements « complets » au sens de la directive 2002/22/CE, c'est-à-dire des services de renseignements « universels » au sens du Code des postes et des communications électroniques ; que l'accès de ces sociétés à la base de données agrégée de TELEGATE aurait pour objet la fourniture d'un service de renseignements universel sur le territoire de l'Union européenne ;

Considérant cependant que l'article 3 de la directive 2002/22/CE dispose que « les Etats membres veillent à ce que les services énumérés dans le présent chapitre soient mis à la disposition de tous les utilisateurs sur leur territoire » ; qu'en revanche, l’ARCEP n'est pas tenue de prendre en considération les questions relatives à la fourniture d'un service universel sur le territoire d'un autre Etat membre de l'Union européenne ; que c'est à bon droit qu'elle s'est déclarée incompétente pour juger de la question de l'accès à la base agrégée de TELEGATE par les autres sociétés européennes du groupe TELEGATE ;

Considérant sur la troisième demande, que TELEGATE soutient que les dispositions pertinentes du Code des postes et des communications électroniques doivent être interprétées en accord avec la directive 2002/22/CE et notamment avec son article 25-2 qui dispose que les opérateurs doivent répondre « à toutes les demandes raisonnables de mise à disposition, aux fins de la fourniture de services de renseignements téléphoniques accessibles au public et d'annuaires, des informations pertinentes » ; que l'Autorité serait compétente pour tout règlement de différend concernant la fourniture de ces informations, même hors du cadre de la fourniture d'un service de renseignements universel ; qu'ainsi, elle aurait dû se prononcer sur l'accès à sa base agrégée par toute société fournissant des services de renseignements en Europe ;

Mais considérant que les articles L.34 et L.36-8 du Code des postes et des communications électroniques visent exclusivement la fourniture d'un service de renseignements universel ; qu'au regard des éléments présentés à la cour, il n'est pas démontré que les sociétés auxquelles TELEGATE souhaite donner accès à sa base agrégée soient fournisseurs d'un service universel, hormis la société Le 118000 : que dès lors, l’ARCEP s'est à bon droit déclarée incompétente pour déterminer les conditions de consultation de la base de données par des fournisseurs de services de renseignements de l’Union européenne ;

Que dans ces conditions, sur les deuxième et troisième demandes, le recours n'est pas fondé ;

Sur le fond

Sur le périmètre des coûts

Sur la référence par I'ARCEP à une catégorie juridique de « données minimales obligatoires »

Considérant que TELEGATE soutient que la catégorie de « données minimales obligatoires » n'apparaît ni dans le droit communautaire dérivé, ni dans le droit national ; que cette catégorie créée par l' ARCEP ne justifie pas l'instauration d'un régime différent de comptabilisation des coûts en ce que cette distinction de l’ARCEP soumet au même principe de tarification, à savoir la prise en compte des coûts de collecte, tant des données obligatoires que des données facultatives, alors que le droit communautaire dérivé et la jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés européennes ne visent que les « informations pertinentes » et les « données additionnelles » ;

Considérant que la jurisprudence communautaire distingue les « informations pertinentes » des « données additionnelles que le prestataire n'est pas obligé de mettre à la disposition des tiers », tout en laissant aux Etats membres la possibilité d'imposer d'autres données obligatoires parmi les données relevant des « informations pertinentes » ; qu' en vertu de cette marge d'appréciation laissée aux Etats membres, le droit français a inclus, sous l’article R. 10-3 du Code des postes et des communications téléphoniques, dans les données devant être transmises obligatoirement, la profession et l’adresse électronique des abonnés qui en ont exprimé le souhait ;

Que l’ARCEP ne pouvait valablement qualifier les données relatives à la profession et à l’adresse électronique de « données obligatoires additionnelles, par rapport aux données minimales obligatoires » dès lors qu'une telle qualification est inexistante tant au niveau national que communautaire ; que dans ces conditions, la décision de l’ARCEP, fondée sur une qualification erronée, sera annulée sur ce point ;

Sur la prise en compte des coûts de collecte et de mise à iour pour établir la tarification de la liste d'abonnés

Considérant qu'en premier lieu, la requérante conteste la décision de l’ARCEP en ce que celle-ci a retenu les coûts de collecte et de mise à jour dans le périmètre des coûts à prendre en compte, en se fondant sur une catégorie juridique inexistante à laquelle elle a appliqué un régime particulier de comptabilisation ;

Considérant que, la décision étant annulée sur ce point, il n'y a pas lieu de prendre en compte la tarification que l'Autorité associait à ladite catégorie juridique ;

Considérant qu' en second lieu, la requérante allègue que l’établissement d'une liste d'abonnés et la collecte de ces données incombent aux opérateurs de service téléphonique en ce que la collecte est effectuée par l'opérateur au titre de la gestion de ses abonnés et qu'en tant que telle, elle constitue une charge liée à cette gestion ; que par ailleurs, elle soutient que même si une prise en compte de certains de ces coûts supplémentaires pouvait être reconnue, il ne pourrait en aucun cas s'agir des coûts qu'ORANGE supporte pour la gestion de ses abonnés, d'autant plus que cette société tente de répercuter sur elle des coûts déjà supportés pour ses propres activités ;

Considérant qu'ORANGE prétend, en revanche, qu'il serait inéquitable de lui imposer de collecter des données, dont certaines n'ont aucune pertinence pour la gestion de ses abonnés (notamment la profession et l'adresse électronique), sans pouvoir obtenir le remboursement des coûts ainsi exposés ;

Considérant qu'en application des articles L.34 et R. 10-3 du Code des postes et des communications électroniques prescrivant la création d'un annuaire universel ou la fourniture du service universel de renseignements, les opérateurs ont l'obligation de recueillir les données personnelles des abonnés et utilisateurs nécessaires à la base annuaire ; qu'en vertu de l'article R. 10-6 dudit Code, la tarification pour la cession de la liste d'abonnés doit refléter le « coût du service rendu »,

Que la lecture combinée de ces dispositions requiert d'exclure les coûts de collecte dans la tarification de la cession de la liste d’abonnés lorsqu'il s'agit de données recueillies par l’opérateur pour sa propre gestion des abonnés ; qu'il en est de même pour les coûts de mise à jour de ces données,

Qu'en ce qui concerne les données recueillies par l'opérateur pour les besoins de la base annuaire, il résulte de l'application du principe du « coût du service rendu » que les coûts engendrés par ces données sont à la charge des bénéficiaires desdites données, à savoir les bénéficiaires de la base annuaire, voire l'opérateur lui-même ; que notamment TELEGATE bénéficie des opérations de collecte des données si elles ont été effectuées avec succès et n'ont pas entraîné de rejet de l'abonné de la base annuaire ; que toutefois l’ARCEP a imputé intégralement les coûts de collecte à TELEGATE en omettant de vérifier si ORANGE a pu bénéficier, au moins partiellement, des données recueillies ; qu'il en est de même pour les coûts de mise à jour des données ; que par conséquent, la décision de l’ARCEP sera annulée sur ce point ;

Que l’analyse des autres moyens visant à démontrer le caractère inéquitable et non orienté vers les coûts des tarifs pratiqués par ORANGE est surabondante ;

Sur la prise en compte des coûts d'information des abonnés

Considérant que la requérante dénonce la violation des dispositions de l’article L. 34 du Code des postes et des communications électroniques par l’ARCEP en ce que la décision répercute sur elle les coûts d'information des abonnés d'ORANGE sur leurs droits, alors que, selon elle, ces démarches sont indissociablement liées à la gestion des abonnés ;

Considérant qu'ORANGE estime que ces coûts sont exposés aux seules fins de l'édition d'un annuaire universel ou de la fourniture de services universels de renseignements ; qu'ils correspondent à l'approche incrémentale et doivent être pris en compte dans la tarification de la mise à disposition de la liste d' annuaires ; que, par ailleurs, elle fait valoir qu'il est légitime et équitable que celui qui tire profit de l'activité d'éditeur d'annuaire ou de fournisseur de services de renseignements téléphoniques supporte les coûts nécessaires à cette activité ;

Mais considérant qu'en vertu de l'article R. 10 du Code des postes et des communications électroniques, l'obligation d'information des abonnés est à la charge des opérateurs pour l’ensemble des abonnés indépendamment de leur décision de s'inscrire sur la base annuaire : qu'ainsi, le coût lié à cette obligation doit peser exclusivement sur les opérateurs ; que par conséquent, les coûts d'information des abonnés ne peuvent être pris en compte dans la tarification de la cession de la liste d'abonnés ; que la décision déférée sera annulée sur ce point ;

Sur la prise en compte des coûts éventuels liés à la mise en place du système d'opt-in

Considérant que la requérante estime, contrairement à l’ARCEP, que les coûts liés à la mise en place du nouveau système d'opt-in, qui exige la recueil du consentement des abonnés pour figurer dans un annuaire, doivent être supportés par ORANGE, en ce qu'ils sont liés au mode de recueil du consentement et qui, au surplus, ne concerneraient que les abonnés inscrits postérieurement à la mise en place de ce nouveau régime,

Mais considérant que la mise en place est également liée indirectement à celle des annuaires dans la mesure où elle concerne les droits des abonnés d'y figurer, ou de ne pas y figurer ; qu'ainsi, conformément à l'analyse faite par l’ARCEP, les coûts liés à l'opt-in sont au moins partiellement incrémentaux, en ce qu'ils ne seraient pas encourus par les opérateurs en l'absence d'obligation de mettre à disposition des listes d'abonnés aux éditeurs d'annuaires et des fournisseurs de services de renseignements,

Qu'il convient toutefois de distinguer les coûts d'information des abonnés sur le nouveau système et les coûts de collecte du consentement des abonnés ;

Que l’obligation d’information à la charge des opérateurs tient au droit des abonnés de paraître dans l'annuaire et non pas à l’exercice effectif de ce droit : qu'en application de l’article R. 10 du Code des postes et des communications électroniques et ainsi qu'il l'a été précisé ci-dessus de manière générale, l'obligation pèse exclusivement sur l'opérateur téléphonique et de ce fait, son coût ne peut être recouvré auprès des fournisseurs de service universel de renseignements et des éditeurs d'annuaires ;

Que les coûts de collecte du consentement des abonnés sont liés dans une certaine proportion à l'élaboration de la liste d'abonnés ; que le recueil de certaines informations n'est pas dû exclusivement à l'activité de l'opérateur, mais peut être propre à l'annuaire universel ; que conformément au principe du « coût de service rendu », seuls peuvent être retenus à la charge des fournisseurs de service universel de renseignements et des éditeurs d'annuaires les coûts liés aux opérations d'inscription ou de modification effectuées avec succès à l'exclusion de celles ayant entraîné un rejet de l'abonné de la base d'annuaire ;

Que par conséquent, la décision de l’ARCEP sera annulée sur ce point ;

Sur la tarification à l'usage retenue par l’ARCEP

Considérant que la requérante conteste la décision de l’ARCEP en ce qu'elle a retenu une tarification à l'usage pour la cession des listes d'abonnés, alors qu'elle estime que cette tarification n'a aucun lien avec les coûts à recouvrer en raison de la livraison de la liste ; qu'en effet, en suivant la tarification à l'usage, le prix payé par l'éditeur ou le fournisseur de service de renseignements dépend du nombre des requêtes sur la liste d'abonnés de l’opérateur, lui-même calculé par rapport au nombre d’appels aux services de renseignements ;

Que d’autre part, elle estime que cette tarification est une méthode inappropriée dans un environnement concurrentiel en ce que toute requête est prise en compte, serait-elle infructueuse ;

Qu'enfin, elle prétend qu'utiliser la tarification à l'usage en tant que clé de répartition entre les différents éditeurs conduit à retenir une méthode inutilement complexe en ce qu'elle induit pour les éditeurs des contraintes disproportionnées de mise en œuvre et les soumet à une absence de visibilité sur leurs propres charges ;

Mais considérant que la tarification doit avoir pour objectif de permettre aux opérateurs de recouvrer l'ensemble de leurs coûts liés aux opérations supplémentaires nécessaires à l’annuaire universel conformément au principe du « coût de service rendu » tel que prévu par les articles L.34 et R. 10-6 du Code des postes et des communications électroniques ;

Que la répartition de la masse des coûts en fonction de l'usage respecte le principe de l’orientation vers les coûts en ce qu'elle répercute cette masse sur les bénéficiaires de la liste d'abonnés en fonction de leur nombre ; que le nombre des requêtes permet uniquement le partage de cette masse de coûts entre éditeurs d'annuaires et fournisseurs de service de renseignements universel ; qu'un ajustement de la tarification à l’usage à l'issue de chaque année calendaire s’avère néanmoins nécessaire pour s’assurer que les prévisions de requêtes retenues pour la tarification initiale ont permis de recouvrer effectivement les coûts ; que par conséquent, les moyens invoqués par TELEGATE seront rejetés ;

Sur les conditions de consultation de la base agrégée TELEGATE par d'autres fournisseurs de service de renseignements

Considérant que, l’ARCEP étant compétente pour se prononcer sur l'accès de la société Le 118000 à la base agrégée de TELEGATE, il y a lieu de statuer sur la requête de cette dernière tendant à lui donner cet accès ;

Que dans la mesure où la société Le 118000 est un fournisseur de service universel, il sera enjoint à ORANGE d'autoriser TELEGATE à mettre sa base agrégée à la disposition de sa filiale moyennant une tarification équivalente à celle proposée directement aux fournisseurs de service universel ;

Sur l'application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile

Considérant que l'équité commande d'allouer à la société TELEGATE une indemnité de 10.000 euros au titre de ses frais irrépétibles ;

PAR CES MOTIFS

Annule la décision de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes nº06-0510 du 18 mai 2006, sauf en ce qui concerne :

- l’incompétence de l’Autorité pour déterminer les conditions de consultation de la base de données par des fournisseurs de services de renseignements de l'Union européenne, notamment les sociétés européennes du groupe TELEGATE ;

- la tarification à l'usage ;

Statuant au lieu et place de l'Autorité et y ajoutant,

Dit que la société ORANGE France SA est tenue d'exclure du périmètre des coûts à prendre en compte dans la tarification de la cession de sa liste d'abonnés :

- les coûts de collecte et les coûts de mise à jour des données recueillies par l'opérateur pour sa propre gestion des abonnés ;

- les coûts engendrés par la mise en œuvre de l’opt-in, exception faite pour les coûts liés aux opérations d'inscription ou de modification effectuées avec succès ,

- les coûts d'information des abonnés de la société ORANGE France quant à leurs droits, y compris ceux liés à la mise en œuvre de l'opt-in ;

Enjoint à la société ORANGE France d'autoriser à la société TELEGATE France SARL à donner accès à la requête de la société Le 118000 à sa base agrégée, moyennant une tarification équivalente à celle proposée directement aux fournisseurs de service universel,

Rejetant toutes autres demandes, condamne la société ORANGE à payer à la société TELEGATE la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Laisse à chacune des sociétés TELEGATE et ORANGE la charge de ses dépens.