Cass. crim., 26 juin 1995, n° 93-81.646
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Le Gunehec
Rapporteur :
M. de Mordant de Massiac
Avocat général :
M. le Foyer de Costil
Avocat :
SCP Boré et Xavier
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu le mémoire produit commun aux deux demandeurs ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation de la directive n° 89-592 du Conseil des Communautés européennes en date d 13 novembre 1989, de l'article 15 du pacte de New York relatif aux droits civils et politiques du 19 décembre 1966, de l'article 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 1er de la Convention du conseil de l'Europe sur les opérations financières des initiés du 20 avril 1989, de l'article 55 de la Constitution du 4 octobre 1958, des articles 177 et 189 du traité CEE ensemble l'article 593 du Code de procédure pénale, excès de pouvoir :
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné Paul Y... et Sidney X... du chef du délit d'initié respectivement à la peine de quatre mois d'emprisonnement avec sursis et à une amende de 100 000 francs ;
" aux motifs qu'il résulte d'une jurisprudence constante que l'information privilégiée doit être précise, certaine et confidentielle, ces caractères s'appréciant en fonction de l'espèce, la précision pouvant notamment résulter de la spécificité de l'activité économique de l'entreprise objet de telles informations ainsi que de la particulière connaissance du bénéficiaire desdites informations (arrêt p. 7, al. 3) ;
" 1° alors qu'en vertu de la directive n° 89-592 du Conseil des Communautés européennes, l'opération d'initié suppose la réunion d'un certain nombre de conditions juridiquement définies par cette même directive pour caractériser l'information privilégiée ; que celle-ci doit notamment être distinguée des estimations financières élaborées à partir de données publiques ; que l'exploitation d'une information n'est pas répréhensible si cette dernière ne revêt pas un caractère précis ; qu'en outre, pour être privilégiée, l'information doit être susceptible, si elle était rendue publique, d'influencer de façon sensible le cours des valeurs mobilières objet de l'opération ; que l'article 10-1 de l'ordonnance française n° 67-833 du 28 septembre 1967 omet la plupart des caractères légaux auxquels la directive subordonne l'opération d'initié ; qu'en vertu de l'article 14 de la directive, les Etats membres devaient prendre les mesures nécessaires pour s'y conformer avant le 1er juin 1992 ; que dès lors, la cour d'appel, en statuant comme elle le dit expressément (cf. arrêt p. 10) par application de l'ordonnance du 28 septembre 1967, a méconnu les textes visés au moyen ;
" 2° alors que, pour tenter de pallier l'imprécision de la loi interne, l'arrêt attaqué déclare faire application d'une jurisprudence constante (arrêt p. 7) qui lui permettrait de définir les caractères légaux de l'information privilégiée en fonction des circonstances de l'espèce ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu le principe suivant lequel seul le législateur peut définir les délits et par là même, elle a entaché son arrêt tant d'un excès de pouvoir que d'une violation des textes visés au moyen ;
" 3° alors qu'en vertu du principe de la rétroactivité in mitius, le juge pénal doit, même d'office, appliquer des règles plus favorables au prévenu ; qu'il résulte tant de la Convention du Conseil de l'Europe que de la directive communautaire précitées que l'opération d'initié suppose, pour pouvoir être caractérisée, la réunion de plusieurs conditions cumulatives dont l'article 10-1 de l'ordonnance française du 28 septembre 1967 ne fait pas état ; d'où il suit qu'en s'abstenant d'appliquer ces règles d'incrimination plus restrictives donc plus favorables au prévenu, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen " ;
Sur le deuxième moyen de cassation pris de la violation de la directive n° 89-592 du Conseil des Communautés européennes en date du 13 novembre 1989, de l'article 15 du pacte de New York relatif aux droits civils et politiques du 19 décembre 1966, de l'article 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 1er de la Convention du Conseil de l'Europe sur les opérations financières des initiés du 20 avril 1989, de l'article 55 de la Constitution du 4 octobre 1958, de l'article 10-1 de l'ordonnance du 28 septembre 1967, des articles 177 et 189 du traité CEE ensemble les articles 388 et 593 du Code de procédure pénale, excès de pouvoir :
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné Paul Y... et Sidney X... du chef du délit d'initié respectivement à la peine de quatre mois d'emprisonnement avec sursis et à une amende de 100 000 francs ;
" aux motifs, propres et repris du jugement, que l'information privilégiée doit être précise, certaine et confidentielle, ces caractères s'appréciant en fonction de l'espèce, la précision pouvant notamment résulter de la spécificité de l'activité économique de l'entreprise objet de telles informations ainsi que de la particulière connaissance du bénéficiaire desdites informations (arrêt p. 7, al. 3) ; que la BUE est un véritable spécialiste en matière de financement des entreprises de grande distribution (arrêt p. 7, jugement p. 12) ;
" alors que l'information privilégiée s'oppose légalement à la notion d'estimation financière opérée par un expert, la licéité de cette dernière opération n'étant point contestable ; que par voie de conséquence, ni la compétence, ni davantage la spécialité de l'opérateur ne peuvent être prise en considération s'agissant de caractériser l'information privilégiée ; qu'en déclarant que l'information privilégiée serait caractérisée, en l'espèce, en raison de la compétence et de la spécialité de la BUE, la cour d'appel a amalgamé deux notions entre lesquelles la loi défend de commettre toute confusion, et par là même, elle a entaché son arrêt d'une violation des textes visés au moyen " ;
Sur le troisième moyen de cassation pris de la violation de la directive n° 89-592 du Conseil des Communautés européennes en date d 13 novembre 1989, de l'article 15 du pacte de New York relatif aux droits civils et politiques du 19 décembre 1966, de l'article 7 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 1er de la Convention du Conseil de l'Europe sur les opérations financières des initiés du 20 avril 1989, de l'article 55 de la Constitution du 4 octobre 1958, de l'article 10-1 de l'ordonnance du 28 septembre 1967, des articles 177 et 189 du traité CEE ensemble les articles 388 et 593 du Code de procédure pénale, excès de pouvoir :
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné Paul Y... et Sidney X... du chef de délit d'initié respectivement à la peine de 4 mois d'emprisonnement avec sursis et à une amende de 100 000 francs ;
" aux motifs que depuis quelques années précédant celle de la commission des faits (1988) tous les professionnels... considéraient que la société La Ruche Méridionale devait faire l'objet d'une prise de participation même d'une absorption par l'une des grandes enseignes (jugements p. 13, al. 1er) ; que la société LRM souffrait notoirement (jugement p. 12, al. 1er) d'une faiblesse, qui la rendait vulnérable à une offre publique d'achat, d'où la décision qu'elle avait prise pour garder son indépendance de quitter la centrale d'achats Paridoc et de ne plus exercer son activité sous l'enseigne Mammouth sous peine d'être absorbée par Les Docks de France (jugement p. 13, al. 3) ; que l'annonce de son retrait a attiré l'attention de toute la profession (jugements p. 14, al. 4) ; que dès cette époque plusieurs sociétés étaient intéressées par de possibles relations en vue d'accords avec La Ruche Méridionale (jugement p. 13, al. 5) ; que dès le premier trimestre 1988 toutes les parties en présence considèrent que cette année serait décisive sans qu'elles puissent préciser quelles seraient les sociétés qui allaient effectivement tenter des rapprochements ou une prise de contrôle de La Ruche Méridionale (jugement p. 14, al. 3) ;
" que Sidney X..., directeur financier de la BUE, devrait très probablement penser que la société Rallye s'intéressait à La Ruche Méridionale sans que rien ne permette à cette époque d'affirmer qu'il était pour les dirigeants de la BUE évident que cette société était décidée à en prendre le contrôle de quelque manière que ce soit (jugement p. 15, al. 2) ; que, à la fin du mois de juin 1988 les prévenus savaient que les dirigeants de La Ruche Méridionale recherchaient des partenaires et que des pourparlers avaient commencé entre cette société et CFAO ; que les accords éventuellement passés ne pouvaient constituer qu'une première étape avant une prise de participation significative (jugement p. 17, al. 4) ; que, par ailleurs, des négociations avaient été entreprises avec la société Rallye qui elle-même eût souhaité prendre une participation dans le capital de LRM (jugement p. 17, al. 3, 4) ;
" qu'au mois d'août 1988, la société Docks de France décide de vendre ses propres actions dans la société LRM et, à cet effet, charge, d'une part, d'un mandat oral la BUE et d'un mandat écrit la banque Indosuez (jugement p. 17, dernier al. et p. 18, al. 1er) ; que la banque Indosuez, dans le cadre de son mandat, a contacté plusieurs sociétés mais que finalement le vendeur lui avait retiré son mandat en préliminaire à l'acquisition des titres par la BUE (jugement p. 21, al. 2) mandat écourté à cet effet (arrêt p. 8) ; quant à la BUE, celle-ci s'est abstenue, en dépit des informations précises qu'elle possédait, d'offrir les titres mis en vente tant à la société Rallye qu'à la société CFAO (jugement p. 22, al. 2) ;
" que le " 25 octobre 1988, la BUE procédait sur le marché à l'acquisition de 476 titres LRM " ; le 4 novembre 1988, Les Docks de France cédaient à la BUE leurs propres titres ; le 14 novembre, par l'intermédiaire de sa filiale l'Hôtelière Dulong, la BUE achetait sur le marché 2 025 titres LRM ainsi que 1 000 actions supplémentaires le 21 novembre ; le 29 novembre, la filiale " l'Hôtelière Dulong recevait 1 575 actions qui étaient jusque-là directement dans les actifs de la BUE " (jugement p. 22, al. 3 et 4, p. 23, al. 2) ;
" que postérieurement à ces achats, les dirigeants respectifs de CFAO et de Rallye se sont adressés à la BUE pour acheter les titres LRM alors détenus par cette dernière, sans succès ; que le 20 décembre 1988 le prévenu Y... était informé par le dirigeant de CFAO de son intention d'acquérir des titres LRM en vertu d'accords intervenus le 28 du même mois (arrêt p. 8) ; que le 28 décembre 1988, une OPA était lancée par la BUE pour le compte de la société Rallye ; après quoi CFAO a lancé une surenchère, ce qui a permis à la BUE de réaliser dans l'opération un bénéfice sur la totalité des titres qu'elle détenait " dont une partie antérieurement à 1988 ", de 93 835 374 francs (jugement p. 25) ; qu'il apparaît en définitive que la BUE s'est trouvée détentrice d'informations privilégiées ; qu'en effet, elle savait l'intérêt que portait le CFAO et Rallye à LRM (jugement p. 23, dernier al.) ; que sachant que les deux sociétés allaient s'opposer, même si la réalisation d'une OPA n'était pas prévisible à l'époque (jugement p. 24, al. 1er), elle a trahi la confiance des deux entreprises qui faisaient appel à ses conseils tout en faussant le marché du titre LRM ;
" qu'enfin (arrêt p. 9), la conclusion des travaux menée par la commission déontologique, notamment la commission Pfeiffer, ont montré la nécessité d'établir, au sein d'un établissement financier, un cloisonnement rigide entre les diverses activités d'une même entité financière afin de limiter la circulation de l'information financière ;
" 1o alors que l'information privilégiée doit être précise ; qu'en attribuant aux prévenus une information relative à " l'intérêt " porté par CFAO et Rallye à la société LRM, ou encore à ce que ces " sociétés " allaient toutes deux vouloir (sic)... " ou encore " aux tendances du marché ", la cour d'appel n'a pu caractériser aucune information susceptible de porter sur un fait précis au regard des textes visés au moyen ;
" 2o alors que l'information privilégiée doit être non seulement précise mais en outre procurer à son détenteur une assurance sur la matérialité des faits susceptibles d'être pris en compte ; que l'arrêt attaqué constate que les OPA lancées par Rallye et CFAO n'étaient pas prévisibles ; que l'objet des " pourparlers " n'était pas défini car il portait tantôt sur des " accords commerciaux " tantôt sur des " titres " ; que ni l'intérêt ni d'avantage l'opposition des sociétés CFAO et Rallye dans leurs rapports avec la société LRM ne pouvaient dès lors constituer l'objet d'une information, dont la fiabilité était exclue au vu de tels errements diffus, contradictoires, matériellement et juridiquement inconsistants ; d'où il suit que la cour d'appel n'a pas pu valablement en faire état pour caractériser une information privilégiée au sens des textes visés au moyen ;
" 3o alors que l'information privilégiée doit revêtir un caractère confidentiel ; qu'il résulte des propres constatations des juges du fond que tous les faits dont la connaissance est attribuée à la BUE à titre d'information privilégiée avaient été connus de tous les professionnels (jugement conf. p. 13) et médiatisés par la presse ; d'où il suit qu'en attribuant à la BUE une information relative à des circonstances que nul ne pouvait ignorer, la cour d'appel a derechef violé les textes au moyen " ;
Sur le quatrième moyen de cassation pris de la violation de la directive n° 89-592 du Conseil des Communautés européennes en date d 13 novembre 1989, de l'article 15 du pacte de New York relatif aux droits civils et politiques du 19 décembre 1966, de l'article 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 1er de la Convention du Conseil de l'Europe sur les opérations financières des initiés du 20 avril 1989, de l'article 55 de la Constitution du 4 octobre 1958, de l'article 10-1 de l'ordonnance de 28 septembre 1967, des articles 177 et 189 du traité CEE ensemble des articles 388 et 593 du Code de procédure pénale, excès de pouvoir :
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné Paul Y... et Sidney X... du chef du délit d'initié respectivement à la peine de 4 mois d'emprisonnement avec sursis et à une amende de 100 000 francs ;
" aux motifs, propres et repris du jugement que la BUE était instruite, dès le mois de juin 1988 tant des pourparlers commerciaux existants entre CFAO et LRM que de l'intérêt que présentaient les titres LRM pour le groupe Rallye ; que la BUE ne pouvait dès lors ignorer que d'importants mouvements sur des titres allaient se produire, à l'occasion desquels CFAO et Rallye pouvaient s'opposer, même si à l'époque les OPA lancées par ces sociétés n'étaient pas encore prévisibles (cf. jugement confirmé p. 24) ; que la BUE était ainsi détentrice d'informations privilégiées (jugement p. 23) qui lui ont permis de réaliser un bénéfice de 93 837 374 francs d'abord en achetant des titres LRM, puis, lorsque les OPA furent lancées, de les revendre aux sociétés intéressées ; que ce faisant elle a trahi la confiance de CFAO et de Rallye et faussé le marché des titres LRM ;
" alors qu'il n'y a d'information privilégiée que si, une fois rendue publique, elle eût été de nature à influencer de manière sensible ou notable le cours des valeurs mobilières en cause ; qu'en se bornant à affirmer que l'opération accomplie par la BUE aurait faussé le marché des titres LRM sans s'expliquer sur le point de savoir qu'elle aurait été l'évolution des cours au cas où la prétendue information aurait été répandue dans le public, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de Cassation en mesure d'exercer le contrôle qui lui appartient quant à l'application des textes visés au moyen ;
" alors qu'en reprochant à la BUE d'avoir trahi la confiance des sociétés CFAO et Rallye (jugement confirmé p. 27, al. 2), la cour d'appel a arbitrairement étendu l'application de la loi répressive relative au délit d'initié à des " faits " de nature contractuelle ou déontologique étrangers à une telle qualification pénale ; que l'arrêt attaqué a ainsi violé les textes visés au moyen " ;
Sur le cinquième moyen de cassation pris de la violation de la directive n° 89-592 du Conseil des Communautés européennes en date d 13 novembre 1989, de l'article 15 du pacte de New York relatif aux droits civils et politiques du 19 décembre 1966, de l'article 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 1er de la Convention du Conseil de l'Europe sur les opérations financières des initiés du 20 avril 1989, de l'article 55 de la Constitution du 4 octobre 1958, de l'article 10-1 de l'ordonnance du 28 septembre 1967, des articles 177 et 189 du traité CEE ensemble les articles 388 et 593 du Code de procédure pénale, excès de pouvoir :
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné Paul Y... et Sidney X... du chef du délit d'initié à la peine de 4 mois d'emprisonnement avec sursis et à une amende de 100 000 francs ;
" aux motifs, propres et repris du jugement que la BUE était instruite, dès le mois de juin 1988 tant des " pourparlers commerciaux " existants entre CFAO et LRM que de l'intérêt que présentaient les titres LRM pour le groupe Rallye ; que la BUE ne pouvait dès lors ignorer que d'importants mouvements sur des titres allaient se produire, à l'occasion desquelles CFAO et Rallye pouvaient s'opposer, même si à l'époque les OPA lancées par ces sociétés n'étaient pas encore prévisibles (cf. jugement confirmé p. 24) ; que la BUE était ainsi détentrice d'informations privilégiées (jugement p. 23) qui lui ont permis de réaliser un bénéfice de 93 837 374 francs d'abord en achetant des titres LRM, puis, lorsque les OPA furent lancées, de les revendre aux sociétés intéressées ; que ce faisant elle a trahi la confiance de CFAO et de Rallye et faussé le marché des titres LRM ;
" 1o alors que le délit d'initié est subordonné à la condition que l'information privilégiée ait effectivement permis au prévenu de réaliser sciemment l'opération litigieuse ; que pour ce qui concerne l'achat des titres par la BUE, il résulte de l'arrêt, d'une part, qu'elle les a acquis de leur légitime propriétaire Les Docks de France après que celui-ci eut pressenti d'autres acquéreurs éventuels par l'intermédiaire de la banque Indosuez, et, d'autre part, que la BUE avait acquis moyennant un prix normal, un complément de titres directement sur le marché boursier ; d'où il suit que la cour d'appel, qui ne justifie pas de ce que l'achat des titres tel qu'il a été effectué eût été rendu possible par la prétendue information privilégiée, a entaché son arrêt d'une méconnaissance des textes visés au moyen ;
" 2o alors que la prévention ne visait que les faits relatifs à l'achat des titres à l'exclusion des " faits " ayant trait à la vente par la BUE de ces mêmes titres après les OPA ; qu'en étendant la prévention à des faits relatifs à la vente ultérieure des titres, la cour d'appel a statué en dehors des limites de sa saisine in rem et a, par là même, entaché son arrêt d'illégalité ;
" 3o alors, et à titre subsidiaire, que, s'agissant de la vente par la BUE des titres LRM, la cour d'appel, statuant en dehors des limites de la prévention devait, en tout état de cause, vérifier, selon les exigences légales elles-mêmes, l'effet sur le marché de l'achat préalable par la BUE des mêmes titres émanant d'une société (LRM) jusque-là compromise par son " état notoire de faiblesse " (jugement p. 12) et par ses mauvais résultats affichés publiquement (jugement p. 22) ; qu'en laissant comme elle l'a fait, sans aucun examen, l'effet inducteur sur le marché de cette intervention bénéfique de la BUE fondée sur une estimation pondérée des risques inhérents à sa propre prise de participation dans une société déficitaire, la cour d'appel n'a pas pu valablement rattacher les effets induits à l'exploitation par la BUE d'une quelconque information privilégiée ; que l'image de marque restaurée de LRM, l'attrait nouveau pour les titres objet d'OPA et par conséquent la possibilité de les céder à un prix raisonnable, s'inscrivent dans les possibilités ouvertes par l'estimation initiale du banquier, estimation à laquelle la loi défend expressément d'attacher toute acception pénale ; que la cour d'appel a entaché sa décision d'une violation des textes visés au moyen " ;
Les moyens étant réunis ;
Vu lesdits articles,
Attendu que si les dispositions de l'article 10-1 de l'ordonnance du 28 septembre 1967, comme celles de la directive n° 89 / 592 / CEE du 13 novembre 1989 avec lesquelles elles sont compatibles, interdisent aux personnes qui disposent, en raison de leur profession ou de leurs fonctions, d'informations privilégiées sur les perspectives d'évolution d'une valeur mobilière, de réaliser des opérations sur le marché avant que le public en ait eu connaissance, c'est à la condition que lesdites informations soient précises, confidentielles, de nature à influer sur le cours de la valeur et déterminantes des opérations réalisées ;
Qu'en outre, le caractère privilégié des informations au sens de ces textes, ne saurait résulter de l'analyse que peut en faire celui qui les reçoit et les utilise, mais doit s'apprécier de manière objective, excluant tout arbitraire, et en fonction de leur seul contenu ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme que la Banque de l'Union Européenne (BUE) a fait procéder, dans le courant du mois de novembre 1988, à un achat massif d'actions de la société La Ruche Méridionale (LRM) cotée à la bourse de Bordeaux, avant le dépôt, le 28 décembre 1988, d'une offre publique d'achat (OPA) de la part de la société Rallye et, le 9 janvier 1989, d'une contre-OPA émanant de la Compagnie Française de l'Afrique occidentale (CFAO) ; qu'après cession de ses titres à cette dernière, la BUE a retiré de l'opération un bénéfice de 93 835 374 francs ; que sur plainte de la Commission des opérations de bourse, deux dirigeants de l'établissement financier Paul Y... et Sidney X... ont été poursuivis pour délits d'initiés sur le fondement de l'article 10-1 de l'ordonnance du 28 septembre 1967 ;
Attendu que, pour déclarer les prévenus coupables de ce chef, la cour d'appel retient, par motifs propres ou adoptés, que lorsque, réalisant un projet conçu de longue date, la BUE a acquis pour son compte le bloc de titres LRM qu'un client lui avait demandé de vendre discrètement, ou a procédé à des achats complémentaires sur le marché, les dirigeants de cet établissement financier savaient, en raison de leur connaissance particulière du secteur de la grande distribution et de leurs contacts fréquents avec les entreprises concernées, l'intérêt que la société Rallye et la CFAO portaient à la société LRM ainsi que leur volonté d'acquérir une participation significative dans le capital de cette société, même si la réalisation d'une OPA n'était pas encore prévisible à l'époque ;
Que les juges ajoutent, pour écarter le moyen de défense tiré de l'incertitude et de l'imprécision des informations en cause, que le caractère privilégié de l'information devait s'apprécier en fonction du degré de connaissance de la personne qui la reçoit et qu'en l'espèce les quelques éléments recueillis par les prévenus étaient, compte tenu de leur parfaite connaissance de la matière, immédiatement exploitables ;
Mais attendu qu'en l'état de ces énonciations, d'où il résulte que l'opération spéculative reprochée ne procédait que d'estimations financières effectuées de longue date, à partir de faits et de circonstances connus dans le milieu professionnel, la cour d'appel ne pouvait, sans violation de la loi, déclarer constitué le délit d'initié dont les éléments légaux n'étaient pas réunis ;
Que, dès lors, la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE en toutes ses dispositions l'arrêt de la cour d'appel de Paris en date du 15 mars 1993,
Et attendu que les faits ne sont susceptibles d'aucune qualification pénale,
DIT n'y avoir lieu à renvoi.