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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 22 mars 2023, n° 21/01812

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Bagel Chef (SAS), Indb Projects (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Brun-Lallemand

Conseillers :

Mme Depelley, M. Richaud

Avocats :

Me Delay Peuch, Me Barret, Me Balmann, Me Vignes, Me Tixier, Me Jez

CA Paris n° 21/01812

21 mars 2023

EXPOSE DU LITIGE

Dans le cadre d'une reconversion professionnelle, monsieur [P] [B] a conclu le 21 juin 2017 avec la SAS Bagel Chef, société spécialisée dans la franchise de restauration rapide qui dirige sur le territoire national un réseau d'une cinquantaine de restaurants franchisés à l'enseigne BChef, un contrat de franchise stipulant en particulier :

-l'implantation du point de vente dans une zone d'exclusivité, à charge pour lui de proposer au franchiseur un local d'exploitation et de recevoir son agrément ainsi que d'exécuter à ses frais les travaux d'aménagement nécessaires et d'obtenir les agrément requis des commissions de sécurité ;

-un droit d'entrée de 21 000 euros HT remboursable dans l'hypothèse où « le franchisé n'obtiendrait pas son plan de départ et/ou la signature du bail [sur le local d'exploitation] venait à ne pas avoir lieu ».

Par acte du 29 juin 2017, la SAS Bagel Chef a conclu, avec faculté de substitution au profit de monsieur [P] [B], avec la société Alta [Localité 8], propriétaire, un bail commercial portant sur le local n°141 (cellule) et K7 (kiosque) du centre commercial Espace [Localité 8] prenant effet le 15 janvier 2018, sous la condition de la libération effective des lieux par le preneur précédent avant le 31 décembre 2017.

Par acte du 31 août 2017, monsieur [P] [B] a conclu un contrat de" mission de maîtrise d'œuvre de conception "avec la SAS INDB Projects qui, collaborant comme entreprise référencée avec la SAS Bagel Chef pour la mise en place de son réseau de franchise et la réalisation des travaux nécessaires à celle-ci, intervient en qualité de contractant général dans tous projets et corps d'état et notamment dans les domaines de la construction, de la rénovation et de l'aménagement de locaux industriels et/ou commerciaux. A ce titre, la SAS INDB Projects avait la charge de déposer le dossier administratif d'ouverture du point de vente et de suivre son instruction.

Cependant, les services de la préfecture de Haute-Garonne dressaient le 8 février 2018 un procès-verbal de rejet de la demande d'autorisation de travaux et, par courrier du 16 mars 2018, le responsable sécurité et sûreté du centre commercial notifiait à monsieur [P] [B] un refus d'autorisation de travaux.

Parallèlement, par courriers des 3 mars et 11 avril 2018, la SAS INDB Projects adressait à monsieur [P] [B] sa facture n°2018008 d'un montant de 4 800 euros TTC relative à ses prestations d'étude et de constitution du dossier d'autorisation. A raison du refus que lui opposait ce dernier par courrier de son conseil du 25 avril 2018, elle le mettait vainement en demeure de payer par lettre du 2 mai 2018.

Estimant le local de substitution proposé par la SAS Bagel Chef insatisfaisant au regard de l'étude prévisionnelle qu'il avait confiée à la société KPMG et dénonçant l'absence de réalisation de la condition suspensive tenant à la libération des locaux objet du bail commercial, monsieur [P] [B] a, par acte d'huissier signifié le 31 juillet 2018, assigné la SAS Bagel Chef et la SAS INDB Projects devant le tribunal de commerce de Paris en restitution du montant de son droit d'entrée, en dispense de paiement de la facture de la SAS INDB Projects et en indemnisation de ses préjudices.

Par jugement du 26 novembre 2020, le tribunal de commerce de Paris a :

-débouté monsieur [P] [B] de sa demande de condamnation de la SAS Bagel Chef au remboursement de la somme de 25 200 euros de droits d'entrée ;

-condamné monsieur [P] [B] à payer à la SAS INDB Projects la somme de 4 800 euros au titre d'une facture impayée avec intérêts au taux légal à compter de la date d'exigibilité, ainsi que la somme de 40 euros de frais de recouvrement ;

-débouté monsieur [P] [B] de sa demande de condamnation de la SAS Bagel Chef à le garantir de toute condamnation éventuellement prononcée contre lui au bénéfice de la SAS INDB Projects ;

-débouté monsieur [P] [B] de sa demande de condamner ensemble la SAS INDB Projects et la SAS Bagel Chef à régler la somme de 5 067,22 euros à titre de dommages et intérêts et en réparation de son dommage matériel, outre la somme de 5 000 euros en réparation de son dommage moral ;

-débouté la SAS INDB Projects de sa demande de condamnation de monsieur [P] [B] à lui verser la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

-débouté la SAS INDB Projects de sa demande de condamnation de la SAS Bagel Chef à lui payer la somme de 30 000 euros en réparation du préjudice causé par son attitude fautive dans le cadre de la procédure de dépôt de DAT ;

-condamné monsieur [P] [B] à payer à la SAS INDB Projects et à la SAS Bagel Chef chacune la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civil ainsi qu'à supporter les entiers frais et dépens du procès.

Par déclaration reçue au greffe le 26 janvier 2021, monsieur [P] [B] a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 13 octobre 2021, monsieur [P] [B], demande à la cour, de :

-débouter les sociétés intimées de leurs écritures ;

-déclarer recevable et bienfondé monsieur [P] [B] en son appel ;

-par conséquent, réformer le jugement déféré en l'ensemble de ses dispositions et décharger monsieur [P] [B] de toute condamnation prononcée à son encontre ;

-vu l'article 1304-6 alinéa 3 du code civil :

constater la non-réalisation de la condition suspensive stipulée aux conditions particulières du contrat de franchise en date du 21 juin 2017 ;

constater que le contrat de franchise est réputé n'avoir jamais existé ;

condamner la SAS Bagel Chef à restituer à monsieur [P] [B] la somme de 25 200 euros par application des conditions particulières du contrat ;

fixer le point de départ des intérêts légaux à courir sur cette somme au 9 avril 2018, date de la première mise en demeure ;

-vu les articles 1224 et 1227 du code civil, dispenser monsieur [P] [B] d'avoir à procéder au règlement de la facture n°2018008 du 5 mars 2018 d'un montant de 4 800 euros ;

-vu les articles 1231-1 et suivants du code civil :

condamner la SAS INDB Projects et la SAS Bagel Chef, à régler à monsieur [P] [B] la somme de 5 067,22 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son dommage matériel, outre la somme de 5 000 euros en réparation de son dommage moral ;

fixer le point de départ des intérêts légaux à courir sur cette somme au jour de l'assignation valant sommation de payer ;

dire que les intimées seront tenues in solidum au règlement des sommes ainsi mises à leur charge ;

-condamner la SAS Bagel Chef et la SAS INDB Projects à régler à monsieur [P] [B] la somme de 8 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

-subsidiairement :

condamner la SAS Bagel Chef à garantir monsieur [P] [B] de toute condamnation éventuellement prononcée contre celui-ci au bénéfice de la SAS INDB Projects ;

condamner des défenderesses aux entiers frais et dépens d'instance.

En réponse, dans ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 11 août 2021, la SAS Bagel Chef demande à la cour de :

-débouter monsieur [P] [B] de toutes ses demandes présentées contre la SAS Bagel Chef ;

-confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté monsieur [P] [B] de sa demande de condamner la SAS Bagel Chef au remboursement des 25 200 euros TTC de droit d'entrée ;

-confirmer en outre le jugement entrepris en ce qu'il a débouté monsieur [P] [B] de sa demande de condamnation de la SAS Bagel Chef à le garantir de toute condamnation éventuellement prononcée contre lui au bénéfice de la SAS INDB Projects ;

-confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté monsieur [P] [B] de sa demande de condamner ensemble la SAS INDB Projects et la SAS Bagel Chef à régler la somme de 5 067,22 euros à titre de dommages et intérêts et en réparation de son dommage matériel, outre la somme de 5 000 euros en réparation de son dommage moral ;

-confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné monsieur [P] [B] à payer à la SAS Bagel Chef la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 code de procédure civile et aux dépens ;

-y ajoutant :

condamner monsieur [P] [B] à payer à la SAS Bagel Chef la somme de 8 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel ;

condamner monsieur [P] [B] aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

-subsidiairement et si monsieur [P] [B] était accueilli en tout ou partie de ses demandes :

dire et juger que la SAS INDB Projects devrait garantie de toutes condamnations prononcées à l'encontre de la SAS Bagel Chef ;

débouter en tout état de cause la SAS INDB Projects de toutes ses demandes à l'encontre de la SAS Bagel Chef ;

condamner dans cette hypothèse la SAS INDB Projects à payer à la SAS Bagel Chef la somme de 8 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Dans ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 3 janvier 2023, la SAS INDB Projects demande à la cour, au visa des articles 1103, 1104, 1231-5 et 1240 nouveaux du code civil, L 441-10 du code de commerce et 515 et 700 du code de procédure civile :

-de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a débouté monsieur [P] [B] de l'ensemble de ses demandes à son égard ;

-de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a condamné monsieur [P] [B] à lui verser la somme de 4 800 euros au titre de la facture impayée n°2018008 du 5 mars 2018, avec intérêts au taux légal à compter du 2 mai 2018, ainsi que la somme de 40 euros d'indemnité forfaitaire de recouvrement ;

-d'infirmer le jugement attaqué en ce qu'il a débouté la SAS INDB Projects de sa demande de condamnation de monsieur [P] [B] à lui payer 3 000 euros de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

-d'infirmer le jugement attaqué en ce qu'il a débouté la SAS INDB Projects de sa demande de condamnation de monsieur [P] [B] au titre de l'article L 441-10 II du code de commerce ;

-d'infirmer le jugement attaqué en ce qu'il a débouté la SAS INDB Projects de sa demande de condamnation de la SAS Bagel Chef à lui payer 30 000 euros de dommages et intérêts au titre de son attitude fautive dans le cadre de la procédure de dépôt de la DAT ;

-en conséquence, statuant à nouveau sur les chefs de jugement infirmés, de :

condamner monsieur [P] [B] à payer à la SAS INDB Projects la somme de 3 000 euros de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

condamner monsieur [P] [B] à payer à la SAS INDB Projects la somme de 16 137,50 euros sur le fondement de l'article L 441-10 II du code de commerce ;

condamner la SAS Bagel Chef à payer à la SAS INDB Projects la somme de 30 000 euros de dommages et intérêts ;

condamner la SAS Bagel Chef à payer à la SAS INDB Projects la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner monsieur [P] [B] et la SAS Bagel Chef aux entiers dépens.

Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie à la décision entreprise et aux conclusions visées pour un exposé détaillé du litige et des moyens des parties.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 17 janvier 2023. Les parties ayant régulièrement constitué avocat, l'arrêt sera contradictoire en application de l'article 467 du code de procédure civile.

 

MOTIVATION

1°) Sur la formation et l'exécution des contrats de franchise et de maîtrise d'œuvre

Moyens des parties

Au soutien de son appel, monsieur [P] [B], qui conteste être à l'origine de l'impossibilité de signer l'avenant de substitution au bail, expose que la zone d'implantation du local à exploiter était essentielle, caractère qui exclut toute option en faveur d'une localisation distincte par hypothèse non équivalente et non intégrée dans l'étude prévisionnelle du cabinet KPMG, et que la résiliation du bail antérieur, condition suspensive stipulée au contrat, ne lui a jamais été notifiée. Il en déduit son droit à restitution du montant de son droit d'entrée. Il explique par ailleurs que le rejet de la demande d'autorisation de travaux trouve sa cause dans l'insuffisance du projet établi par la SAS INDB Projects qui, en constituant un dossier ne respectant pas les règles de sécurité, a manqué à son obligation d'information et de conseil, faute fondant la résiliation du contrat et le non-paiement de la facture n°2018008 et engageant sa responsabilité contractuelle aux côtés de la SAS Bagel Chef. Concernant les demandes reconventionnelles de la SAS INDB Projects, il indique que les frais visés relèvent, non de l'article L 441-10 II du code de commerce, mais de l'article 700 du code de procédure civile, et qu'aucun abus qui lui soit imputable n'est démontré.

En réponse, la SAS Bagel Chef, qui reprend intégralement à son compte la motivation du tribunal au titre de la restitution du montant du droit d'entrée, expose que la condition suspensive de résiliation du bail antérieur était réalisée le 29 août 2017. Elle précise que le refus d'autorisation émis par la Sous-commission de sécurité ne permet pas de conclure que le projet était techniquement irréalisable et qu'il appartenait à monsieur [P] [B], conformément à l'article 7.2 du contrat de mission de maîtrise d'œuvre, d'exiger de la SAS INDB Projects le dépôt d'un dossier conforme ou de solliciter, ainsi que l'y invitait le bureau Veritas Construction, une demande de dérogation. Elle ajoute qu'un repositionnement dans le centre commercial était en outre possible.

La SAS INDB Projects, qui rappelle n'être soumise à aucune obligation de résultat et ne pouvoir engager sa responsabilité à raison de la seule non-obtention de l'autorisation administrative, explique avoir exécuté son obligation de conseil en alertant à diverses reprises monsieur [P] [B] et la SAS Bagel Chef du risque de rejet de la demande d'autorisation de travaux à raison du désir invariant du premier, qui a en outre refusé une proposition alternative pertinente, d'implanter une cuisine en kiosque, soit dans l'espace piétonnier desservant les boutiques (le mail). Elle en déduit que le paiement de sa facture lui est dû et que l'article L 441-10 II du code de commerce, d'ordre public et se substituant à l'article 700 du code de procédure civile, lui ouvre droit au remboursement de tous les frais engagés pour recouvrer sa créance, dont ses frais d'avocat. Elle ajoute que la résistance abusive de monsieur [P] [B] lui a causé un préjudice distinct et que la déloyauté de la SAS Bagel Chef, dont le soutien a fondé le maintien par ce dernier de sa position, commande sa condamnation à réparer le préjudice tiré de l'impossibilité d'exécuter les travaux d'installation.

Réponse de la cour

a) Sur la restitution du montant du droit d'entrée

Conformément aux articles 1103 et 1104 du code civil, les conventions légalement formées, qui tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel ou pour les causes que la loi autorise, doivent être négociées, formées et exécutées de bonne foi.

Et, en application de l'article 1194 du code civil, les contrats obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que leur donnent l'équité, l'usage ou la loi.

Par ailleurs, en vertu de l'article 1304 du code civil, l'obligation est conditionnelle lorsqu'elle dépend d'un événement futur et incertain et la condition est suspensive lorsque son accomplissement rend l'obligation pure et simple. En outre, conformément aux articles 1304-3 et 6 du même code, la condition suspensive est réputée accomplie si celui qui y avait intérêt en a empêché l'accomplissement mais l'obligation est réputée n'avoir jamais existé en cas de défaillance de la condition suspensive.

Enfin, au sens des dispositions des articles 1188 et suivants du code civil, qui constituent non des normes juridiques s'imposant à elle, mais un guide d'interprétation des conventions à l'usage des parties et du juge, le tribunal interprète les stipulations manquant de clarté en recherchant la commune intention des parties contractantes sans s'arrêter au sens littéral des termes et en donnant à celles-ci le sens qui leur permet de produire un effet plutôt que celui qui les annihile en considération de la matière et de l'économie générale du contrat dont les clauses sont interdépendantes. L'intention des parties au jour de la conclusion peut être éclairée par leur comportement contemporain de la formation du contrat et adopté durant son exécution.

L'article 1 « Exclusivité » des conditions particulières du contrat de franchise du 21 juin 2017 (pièce 1 de l'appelant), est ainsi rédigé :

« Le Franchisé bénéfice, à titre exclusif, d'un territoire d'implantation d'un PDV BCHEF.

Ce PDV consenti au Franchisé est situé à l'adresse suivante : Centre commercial Espace [Localité 8] - [Adresse 2], [Localité 10].

La zone d'exclusivité couvre la zone commerciale de l'Espace [Localité 8], telle que définie en annexe "Zone d'exclusivité" du présent contrat ».

Or, aux termes de cette annexe 1 paraphée par monsieur [P] [B], dont il est expressément précisé à l'article 1 des conditions générales qu'elle fait partie intégrante du contrat dont elle partage la force obligatoire et qu'elle forme un tout indissociable avec les autres annexes et les conditions générales et particulières, les parties ont convenu que la zone d'exclusivité stipulée serait « de facto » remplacée par une autre (le centre commercial [Localité 9] 2), « dans l'hypothèse où le bail commercial pour l'Espace [Localité 8] venait à ne pas être signé ».

Contrairement à ce que soutient monsieur [P] [B], ces stipulations, dont l'indivisibilité expresse implique qu'elles soient lues en contemplation l'une de l'autre et non isolément et selon une hiérarchie en valeur quelconque, ne sont ni imprécises, ce qui en droit exclut leur interprétation, ni contradictoires ou génératrices d'un doute fondant le recours à l'article 1190 du code civil : selon une articulation aisée, l'article 1 des conditions particulières définit une zone d'exclusivité par référence à la délimitation qu'en fait l'annexe qui prévoit, pour prévenir une impossibilité d'exécution, une zone alternative en cas d'absence de signature d'un bail commercial sur un local situé dans la première. Le fait que l'annexe 6 relative à la mise à disposition d'une machine à café ne vise comme adresse d'installation que l'Espace [Localité 8] n'est pas décisif puisque celui-ci correspond au choix prioritaire des parties : si le formalisme adopté invitait à une désignation précise, la mention du lieu de livraison ne ferme pas à elle seule la possibilité de substitution stipulée en annexe 1. Aussi, l'interprétation in favorem que propose monsieur [P] [B] est dénaturante.

Et, l'article 3 « Pri » des conditions particulières est ainsi rédigé :

« En application des conditions générales du contrat de franchise BChef :

Le droit d'entrée est fixé à […] 21 000 euros HT en contrepartie de la licence de marque concédée au Franchisé, de l'accès au savoir-faire du Franchiseur, constamment renouvelé, et de l'assistance apportée à ce dernier. Le droit d'entrée est versé en intégralité au jour de la signature du contrat de franchise ;

Il a été convenu entre les parties que le Franchiseur restituera au Franchisé la somme versée au titre du droit d'entrée dans l'hypothèse où le Franchisé n'obtiendrait pas son plan de départ et /ou la signature du bail visé ci-dessus venait à ne pas avoir lieu ».

Faute pour les conditions particulières, comme d'ailleurs les conditions générales si ce n'est pour souligner la libre détermination par le franchisé de son lieu d'implantation et la nécessité d'un agrément du franchiseur, de désigner le bail auquel le dernier paragraphe fait explicitement référence, l'interprétation de cette stipulation est nécessaire. En l'absence de toute autre mention pertinente dans le contrat, le « bail visé ci-dessus » renvoie nécessairement à celui portant sur le point de vente implanté dans le territoire exclusif défini à l'article 1, soit un bail conclu avec monsieur [P] [B] ayant pour objet un local situé dans le centre commercial Espace [Localité 8], ou, à défaut de signature ainsi que le prévoit l'annexe 1, dans le centre commercial [Localité 9] 2. A cet égard, le contrat de franchise étant conclu avant la recherche par le franchisé de son lieu d'implantation et la réalisation, sous sa responsabilité, de l'étude de marché et d'implantation évoquée à l'article 2.1 des conditions générales, le dossier prévisionnel de la société KPMG présenté en septembre 2017 (pièce 23 de l'appelant) ne peut par hypothèse être exploité pour interpréter la convention et fonder rétrospectivement une assimilation entre le local objet du bail litigieux et celui concerné par l'étude : le bail signé le 29 juin 2017 par la SAS Bagel Chef avec faculté de substitution au profit de monsieur [P] [B] (pièce 2 de l'appelant), dont le projet n'est pas visé en annexe du contrat de franchise contrairement à ses allégations, ne peut être regardé comme étant exclusivement celui défini par les conditions particulières.

Ce dernier comporte en son article 1 une condition suspensive portant sur la libération effective et définitive des lieux, entendue comme la signature d'un protocole de résiliation et la restitution du local libre de toute occupation, par le précédent preneur au plus tard le 31 décembre 2017, à charge pour le bailleur de notifier à la SAS Bagel Chef sa réalisation par "lettre recommandée avec accusé de réception ou tout autre moyen". Le moyen tiré de la défaillance de cette condition suspensive manque en droit et en fait car :

-la condition étant explicitement stipulée « au profit exclusif du bailleur qui pourra seul s'en prévaloir ou y renoncer à tout moment », et personne ne prétendant qu'il ait invoqué sa défaillance, sa réalisation est, pour monsieur [P] [B], un fait acquis insusceptible d'être remis en cause au sens des articles 1199 et 1200 du code civil ;

-la SAS Bagel Chef produit un état des lieux de sortie du 29 août 2017 dressé, avant l'expiration du délai prévu, au contradictoire de l'exploitant du local pris à bail (pièce 37). A défaut de formalisme contractuellement imposé, ce document peut être assimilé au protocole de résiliation dont il remplit la fonction et suffit à caractériser la réalisation de la condition suspensive stipulée dans le bail, peu important l'absence de notification au preneur, qui n'est qu'une modalité de son information, ou de poursuite de l'exécution forcée du contrat par le bailleur, libre de déterminer la voie la plus protectrice de ses intérêts.

Il est revanche constant que, faute d'avenant de substitution au profit de monsieur [P] [B], le bail ne peut être considéré comme signé par ce dernier au sens de l'article 3 in fine des conditions particulières du contrat de franchise. Cette clause ne pouvant être comprise comme offrant une faculté discrétionnaire au franchisé, qui serait contraire à l'article 1304-2 du code civil et dont l'existence n'est pas alléguée, demeurent en débat les causes de cette absence de substitution au sens de l'article 1304-3 du code civil qui dispose que la condition suspensive est réputée accomplie si celui qui y avait intérêt en a empêché l'accomplissement.

A ce titre, les seules pièces produites par les parties sont des correspondances de février 2018 et novembre 2019 (pièces 38 et 39 de la SAS Bagel Chef) révélant que la SAS Bagel Chef a, les 2 et 8 février 2018, adressé à la société Alta [Localité 8] une demande de substitution en l'interrogeant, comme monsieur [P] [B] qui communiquait un extrait Kbis en précisant « rassembler toutes les pièces attendues début de semaine prochaine », sur les « étapes suivantes du processus ». Néanmoins, le bailleur précisait le 26 novembre 2019 que l'avenant de substitution n'avait pas été signé faute de réception des " pièces justificatives de la part de [monsieur [P] [B]] ". Alors qu'il est pourtant le seul, à l'exclusion de la SAS Bagel Chef dont rien n'établit qu'elle fût en copie de tous les courriels, à pouvoir produire ses échanges avec celui-là, celui-ci ne démontre pas avoir envoyé les documents dont il annonçait la transmission en février 2018 et dont il reconnaissait la nécessité pour compléter son dossier, carence probatoire qui crédibilise l'assertion de la société Alta [Localité 8]. Pour combattre cette analyse, monsieur [P] [B] produit des captures d'écran (pièces 24 et 26 dont la valeur probante n'est pas contestée quoiqu'elles ne comportent par nature ni date certaine ni garantie de l'authenticité de leurs contenus) reproduisant, d'une part, la liste des boutiques du centre commercial Espace [Localité 8] au 1er décembre 2021 (à s'en tenir à la mention manuscrite ajoutée par monsieur [P] [B]), et, d'autre part, la communication institutionnelle de l'exploitant Goutons Bar à Salades qui promeut la fourniture de ses services dans le kiosque K7 à compter du 12 février 2018. Mais, outre le fait que cette argumentation contredit, au regard des différences évidentes dans les prestations culinaires proposées qui sont exclusives d'une simple modification d'enseigne ou de nom commercial, celle relative à la libération des lieux précédemment occupés par la société Evasion Culinaire Boutique à l'enseigne O'Sushi (article 1 du contrat de bail et pièce 6 de l'appelant, page 3), la seule publicité d'un tiers, qui peut avoir anticipé à tort son début d'activité effective que ne corrobore pas la liste produite à raison de sa date, n'est pas suffisante pour établir que l'absence de substitution fût motivée par la conclusion parallèle d'un bail avec ce dernier.

En conséquence, le défaut de régularisation de l'avenant de substitution trouvant sa cause exclusive dans le comportement de monsieur [P] [B], la condition suspensive du contrat de franchise, qui est pour sa part stipulée dans son intérêt, doit être réputée accomplie au sens de l'article 1304-3 du code civil.

Au soutien de sa demande de remboursement, monsieur [P] [B] invoque également le refus d'autorisation de travaux dont il impute la responsabilité à la SAS Bagel Chef et à la SAS INDB Projects à raison de leur ignorance d'une règlementation ancienne interdisant l'installation de dispositifs de cuisson dans les mails des centres commerciaux (i.e. les espaces piétonniers ouverts au public qui desservent les différentes boutiques).

Aux termes du procès-verbal de la Sous-commission départementale pour la sécurité contre les risques d'incendie et de panique dans les établissements recevant du public et les immeubles de grande hauteur du 8 février 2018 (pièce 6 de l'appelant), les avis défavorables à la réalisation du projet de monsieur [P] [B] et à sa demande de dérogation étaient motivés par le fait que :

-« la Commission Centrale de Sécurité du 14 mai 1987 a émis un avis défavorable de principe à l'installation de tels kiosques, comportant des installations de cuisson dans les mails des centres commerciaux » ;

-les mesures compensatoires proposées (installation d'une hotte autonome et d'un système d'extinction automatique pour les feux d'huile à l'aplomb de la friteuse) n'étaient pas de nature à prévenir un départ de feu sur l'ensemble des équipements et à permettre l'évacuation efficace des fumées en pareille hypothèse.

Ainsi, la difficulté tenait exclusivement à la sécurité incendie, et non aux gênes olfactives, menacée par l'installation de dispositifs de cuissons dans un kiosque, caractéristique qui prive de pertinence l'argument opposé par la SAS Bagel Chef tiré de l'implantation récente d'un franchisé dans le centre commercial Espace [Localité 8] dans un local ne comportant aucun kiosque mais une cellule de 157 m² (pièces 32 et 33 et 40 à 42). Il en est de même de celui tenant à l'occupation de l'emplacement K7 par un crêpier, la cuisson des crêpes n'impliquant pas l'utilisation d'équipements de type four et d'une friteuse qu'exige l'exécution du contrat de franchise (pièces 34 et 35 de la SAS Bagel Chef).

En revanche, l'avis du 14 mai 1987 ayant une portée générale et nationale et les contrats de franchise BChef prévoyant systématiquement les mêmes équipements de base (pièces 26 de l'appelant et 27 de la SAS Bagel Chef), l'avis de la commission départementale de sécurité de Loire-Atlantique de juillet 2019 favorable à l'installation d'une boutique à l'enseigne BChef dans un kiosque implanté dans le mail d'un centre commercial de Basse-Goulaine (pièces 23 à 27) révèle que l'activité objet du contrat de franchise n'était pas en soi incompatible avec les règles de sécurité applicables aux mails des centres commerciaux dont il n'est pas prétendu qu'elles aient entretemps évolué. Cette analyse est confirmée par le courrier du cabinet d'architectes Studio Boaz qui rapporte l'implantation de stands BChef dans des espaces identiques sur le territoire français (pièce 28 de la SAS Bagel Chef). De ce fait, aucune faute ne peut être imputée à la SAS Bagel Chef pour avoir encouragé un projet qui n'était pas par principe, règlementairement, voué à l'échec.

Par ailleurs, dès le 29 septembre 2017, la SAS INDB Projects indiquait à monsieur [P] [B] et à la SAS Bagel Chef que le projet du premier était exposé à un risque de non-conformité à raison d'une part des nuisances olfactives générées par l'activité et d'autre part de l'interdiction d'installer dans un kiosque de mail de centre commercial des appareils de cuisson, y compris un Mobichef qui constituait la seule option praticable selon la SAS Bagel Chef qui s'opposait aux alternatives suggérées par la SAS INDB Projects (pièces 4a et b de cette dernière).

Ce risque, dont la prégnance était soulignée par le responsable sécurité du centre commercial (pièce 4e de la SAS INDB Projects), était confirmé par le bureau Veritas dans son courriel du 12 octobre 2017 adressé à l'ensemble des parties et répondant aux interrogations de la SAS Bagel Chef sur la nature des difficultés à surmonter (pièce 17 de la SAS Bagel Chef) : l'organisme notait, comme dans son rapport du 11 octobre 207 (pièce 4c de la SAS INDB Projects), que, à raison du lieu d'implantation choisi et des règles de sécurité incendie correspondantes, en particulier de l'article M1 spécialement visé dans le procès-verbal du 8 février 2018, une demande de dérogation serait nécessaire. La SAS INDB Projects insistait sur la nécessité de respecter cette règlementation et précisait ses démarches pour présenter une demande de dérogation (pièce 4d de cette dernière).

En outre, le procès-verbal du 8 février 2018 révèle que les mesures compensatoires estimées insuffisantes proposées par la SAS INDB Projects étaient conformes aux préconisations du bureau Veritas dans son courriel du 12 octobre 2017.

Aussi, monsieur [P] [B], comme la SAS Bagel Chef, était pleinement informé par la SAS INDB Projects et par le bureau Veritas du risque de non-conformité qui s'est réalisé le 8 février 2018. Or, ainsi que le stipule le contrat de franchise (article 2.1), " le franchisé assume la responsabilité de son étude d'implantation, de son étude de faisabilité et du choix de son point de vente " qu'il avait la charge de rechercher (article 2.4.1) : si le président de la SAS Bagel Chef a, respectant son obligation d'assistance (article 10.2.1), pris une part active aux discussions portant sur le risque de non-conformité en insistant sur l'efficacité et la sécurité des matériels de cuisson mis à disposition du franchisé, le choix de maintenir les termes de son projet en connaissance de cause n'est juridiquement imputable qu'à monsieur [P] [B]. Et, si la SAS INDB Projects était tenue d'une obligation de résultat de déposer une demande d'autorisation de travaux en exécution du contrat de mission de maîtrise d'œuvre de conception du 31 août 2017 (pièce 3 de l'appelant), son obligation n'était que de moyens quant à l'obtention de l'autorisation elle-même, la décision ne lui appartenant pas et un pouvoir d'appréciation, dont l'exercice introduit un aléa dans la détermination de la position finale, étant accordé à l'autorité compétente. Aussi, aucune faute ne peut être imputée à la SAS INDB Projects, en admettant qu'elle puisse avoir une incidence sur la demande de remboursement, dans la soumission d'un projet en tout point conforme au désir de son client qui a, en conscience, ignoré ses mises en garde. Cette analyse est confortée par le fait que le contrat du 31 août 2017 stipule en son article 7.2 que, " dans le cas de l'obtention d'un avis défavorable dû à des manquements ou à des imprécisions de la part du maître d'œuvre sur les documents transmis à l'administration, les dossiers (demandes d'autorisation de travaux, déclaration préalable ou demande d'enseigne) seraient redéposés gratuitement ". Or, alors que le rejet de sa demande d'autorisation, qui portait sur une configuration particulière avec des mesures compensatoires spécifiques, n'impliquait pas en soi une impossibilité générale et définitive d'implantation d'un point de vente BChef, monsieur [P] [B] ne justifie pas avoir ne serait-ce que sollicité l'exécution de cette clause qui aurait pu permettre d'amender son projet pour le rendre compatible avec les règles de sécurité applicables.

Dès lors, le refus d'autorisation de travaux est exclusivement causé par l'attitude de monsieur [P] [B].

Ainsi qu'il a été dit, l'impossibilité de signer le bail portant sur le local trouvé par monsieur [P] [B] ne caractérise pas en soi la défaillance de la condition suspensive stipulée au contrat de franchise : le bail pouvait concerner tout local du centre commercial Espace [Localité 8] et, à défaut de sa signature, du centre commercial [Localité 9] 2, zone d'exclusivité subsidiaire. Ce contrat prévoyait en outre la faculté pour le franchiseur de proposer à monsieur [P] [B] tout emplacement pour l'implantation du point de vente, ce dernier demeurant libre de son choix dans la limite néanmoins de trois refus ayant pour objet des locaux pertinents économiquement (article 2.4.1).

Or, si la proposition de la SAS Bagel Chef concernant un autre emplacement dans le centre commercial Espace [Localité 8] était effectivement assez éloignée du projet de monsieur [P] [B] à raison de sa superficie et du montant des investissements qu'elle impliquait selon les offres du franchiseur (pièces 32 et 33 et 40 à 42 de la SAS Bagel Chef), monsieur [P] [B], qui n'invoque sur ce point, à tort, que l'inapplicabilité de l'annexe 1, n'explique en quoi les autres alternatives envisagées par le franchiseur et évoquées dans son courriel du 20 mars 2018 étaient inadaptées et économiquement non pertinentes au sens du contrat du franchise (pièce 30 de la SAS Bagel Chef). Il ne précise pas non plus les raisons qui ont fondé l'absence de toute suite donnée aux suggestions de la SAS INDB Projects, formulées dès le 8 mars 2018 (pièce 31 de la SAS Bagel Chef), de modifier son projet en plaçant la cuisine non dans le kiosque mais dans la cellule initialement prévue pour la salle de restaurant, indications faisant écho aux conseils délivrés le 29 septembre 2017.

Aussi, l'échec du projet postérieurement au refus d'autorisation est également causé par le fait de monsieur [P] [B] et non par la faute du franchiseur ou de la SAS INDB Projects.

En conséquence, l'impossibilité de signer l'avenant de substitution et d'exploiter le local choisi par monsieur [P] [B] ou selon une autre implantation contractuellement admissible est exclusivement causée par son comportement, constat qui commande le rejet de sa demande de remboursement du montant du droit d'entrée. Le jugement sera confirmé de ce chef.

En outre, en l'absence de faute imputable à la SAS Bagel Chef à qui monsieur [P] [B] n'impute, hors son ignorance des règles de sécurité déjà examinée (page 20 et 21 de ses conclusions), aucune violation des stipulations du contrat de franchise, sa demande indemnitaire sera rejetée, la demande de garantie présentée contre la SAS INDB Projects par la SAS Bagel Chef étant ainsi privée d'objet et ne méritant aucun examen. Pour les mêmes raisons, la demande de garantie présentée par monsieur [P] [B] contre cette dernière sera rejetée. Le jugement sera confirmé de ces chefs également.

b) Sur le paiement de la facture n° 2018008, la résistance abusive et les frais de recouvrement

En vertu des dispositions des articles 1231-1 à 3 du code civil, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'inexécution a été empêchée par la force majeur, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part, les dommages et intérêts dus au créancier étant, en général, de la perte qu'il a faite et du gain dont il a été privé et le débiteur n'étant tenu que des dommages et intérêts qui ont été prévus ou qu'on a pu prévoir lors du contrat, lorsque ce n'est point par sa faute lourde ou dolosive que l'obligation n'est point exécutée.

Par ailleurs, conformément à l'article 1231-6 du code civil, les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d'une obligation de somme d'argent consistent dans l'intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure. Ces dommages et intérêts sont dus sans que le créancier soit tenu de justifier d'aucune perte. Le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts de l'intérêt moratoire.

Enfin, en application de l'article 1353 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

-Sur la facture

Pour toute faute, monsieur [P] [B] impute à la SAS INDB Projects, qui ne conteste pas être débitrice d'une obligation de conseil, " une incompétence certaine dans le cadre de la mise en place du dossier d'autorisation préfectorale d'ouverture du point de vente" caractérisée par son ignorance des règles anciennes de sécurité applicables à tout espace commercial (page 16 de ses écritures). Il en déduit la résiliation du contrat, dont il ne sollicite cependant ni le prononcé ni le constat, et une dispense de paiement de la facture n°2018008, soit la confirmation de la légitimité de son exception d'inexécution.

Ainsi qu'il a été dit, la SAS INDB Projects ayant pleinement exécuté son obligation de conseil en alertant monsieur [P] [B] des risques de non-conformité finalement

réalisés et ce dernier ayant persisté en conscience dans sa volonté de présenter un projet non modifié, aucune faute ne peut être imputée de ce chef à la SAS INDB Projects, qui s'est ensuite contentée d'exécuter le contrat en respectant les instructions de son client.

Par ailleurs, outre le fait que le refus d'autorisation n'implique pas, pour les raisons déjà exposées, l'impossibilité d'implanter un point de vente BChef dans le mail d'un centre commercial, la seule référence sur la première page du contrat à l'" ouverture du restaurant BChef, centre commercial [Localité 10] [Localité 8] " ne permettait pas à la SAS INDB Projects, dont il n'est pas prétendu qu'elle ait alors eu communication du bail conclu le 29 juin 2017, d'identifier toutes les composantes du projet et d'anticiper les risques qu'elle a ensuite rapidement soulignés. Aussi, aucune faute dans l'acceptation de sa mission, faute précontractuelle qui engagerait en réalité sa responsabilité délictuelle qui n'est pas recherchée (monsieur [P] [B] précisant page 18 de ses écritures que la SAS INDB Projects " a commis une faute en conservant le silence au sujet de cette impossibilité avant et au moment où [il] s'est engagé "), ne peut lui être reprochée à ce titre.

Dès lors, la SAS INDB Projects, qui n'est débitrice que d'une obligation de moyens dans l'obtention de l'autorisation administrative, ayant exécuté la prestation convenue au contrat, monsieur [P] [B] est tenu au paiement de la facture litigieuse qui est strictement conforme aux prévisions contractuelles (article 7.1), ce qui n'est pas contesté. Le jugement sera confirmé sur ce point. Il le sera également en ce qu'il a rejeté la demande indemnitaire présentée par monsieur [P] [B] contre la SAS INDB Projects en l'absence de faute prouvée qui lui serait imputable.

-Sur les frais de recouvrement

En application de l'article L 441-6 I (devenu L 441-10 II) du code de commerce, tout professionnel en situation de retard de paiement est de plein droit débiteur, à l'égard du créancier, d'une indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement, dont le montant est fixé à 40 euros par l'article D 441-5 du même code. Lorsque les frais de recouvrement exposés sont supérieurs au montant de cette indemnité forfaitaire, le créancier peut demander une indemnisation complémentaire, sur justification.

Le retard dans le paiement étant avéré, monsieur [P] [B] est débiteur de l'indemnité forfaitaire.

Néanmoins, au visa de cette disposition, la SAS INDB Projects sollicite également la condamnation de monsieur [P] [B] à lui payer les honoraires de son conseil réglés pour les besoins de la procédure (pièces 10, 15 et 16). Il est exact que, au sens de la directive 2011/7/UE du 16 février 2011 dont ce texte assure la transposition depuis la loi n° 2012-1270 du 20 novembre 2012, les frais de recouvrement sont ceux engagés pour permettre la perception d'une somme d'argent et correspondent aux coûts administratifs et internes ainsi qu'aux frais exposés par le créancier pour faire appel à un avocat ou à une société de recouvrement de créances (considérants 19 et 20 et article 6). Mais, les honoraires dont le paiement est sollicité ont été supportés par la SAS INDB Projects pour assurer sa défense en justice dans le cadre d'une action, qu'elle n'a pas initiée, dont l'objet excède largement le paiement de sa créance et porte aussi sur la mise en œuvre de sa responsabilité civile et sur la présentation d'une demande indemnitaire à l'encontre de la SAS Bagel Chef. Aussi, en l'absence de ventilation possible et d'affectation précise et spéciale de chaque facture à des frais clairement identifiés de recouvrement, ces sommes doivent être prises en charge, intégralement ou non selon ce que l'équité commande, sur le seul fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Il importe peu à ce titre que la SAS INDB Projects ait fait le choix erroné de ne solliciter le paiement de ces frais que sur le fondement de l'article L 441-6 I du code de commerce sans envisager de demande subsidiaire.

En conséquence, la demande de la SAS INDB Projects sera rejetée et le jugement entrepris confirmé de ce chef.

-Sur la résistance abusive

Outre le fait qu'elle ne caractérise aucun abus commis par monsieur [P] [B] qui s'est contenté de défendre ses droits, sur la portée desquels il pouvait se méprendre sans faute de sa part, la SAS INDB Projects, qui ne peut prétendre de bonne foi que le défaut de paiement d'une somme inférieure à 5 000 euros soit à l'origine de la rupture conventionnelle de son contrat de travail par un de ses salariés (pièce 9), ne justifie d'aucun préjudice distinct de celui causé par le retard dans le paiement intégralement réparé par le versement des intérêts moratoires de la créance à compter de la mise en demeure que le tribunal a justement ordonné.

Aussi, le jugement entrepris sera confirmé de ce chef également.

2°) Sur la responsabilité de la SAS Bagel Chef à l'égard de la SAS INDB Projects

En vertu des dispositions des articles 1240 et 1241 (anciennement 1382 et 1383) du code civil, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer, chacun étant responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.

Dans ce cadre, une faute contractuelle caractérise, pour le tiers au contrat à qui elle cause un préjudice direct et personnel, une faute délictuelle.

Ainsi qu'il a été dit, la SAS Bagel Chef n'a commis aucune faute dans l'exécution du contrat de franchise et monsieur [P] [B], qui était seul responsable du choix de son lieu d'implantation et des instructions qu'il donnait à la SAS INDB Projects, est exclusivement responsable du refus d'autorisation puis de l'échec du projet qu'il a d'initiative, et sans tenir compte des propositions alternatives qui lui étaient soumises dans le respect du contrat, abandonné. Il est indifférent que la fermeté de la ligne du président de la SAS Bagel Chef, qui reposait sur des exemples concrets lui conférant une certaine légitimité en dépit de l'issue de la procédure, ait pu, durant la phase préalable au dépôt de la demande d'autorisation seulement, l'encourager, monsieur [P] [B] n'ayant jamais été contraint dans ses choix et ayant eu tout le loisir, une fois le risque annoncé réalisé, d'amender son projet en suivant notamment les conseils de la SAS Bagel Chef, ce qu'il n'a pas fait.

En outre, le préjudice dont l'indemnisation est poursuivie est calculé sur la base de travaux qui, par hypothèse, ne pouvaient être conduits faute de respect des règles de sécurité incendie. Il est ensuite déterminé forfaitairement sans le moindre justificatif à partir d'une liste sommaire à compléter (page 23 de ses écritures : « consultation des entreprises, déplacements, études ») et dont l'objet n'est pas clairement distingué de celui de la facture payée par monsieur [P] [B].

En conséquence, en l'absence de faute et de préjudice indemnisable, la demande indemnitaire de la SAS INDB Projects sera rejetée et le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

3°) Sur les frais irrépétibles et les dépens

Le jugement entrepris sera confirmé en ses dispositions sur les frais irrépétibles et les dépens.

Succombant en son appel, monsieur [P] [B], dont la demande au titre des frais irrépétibles sera rejetée, sera condamné à supporter les entiers dépens d'appel ainsi qu'à payer à la SAS Bagel Chef la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La demande indemnitaire de la SAS INDB Projects étant rejetée, sa demande au titre des frais irrépétibles, qui n'est présentée que contre la SAS Bagel Chef quoiqu'elle considère que l'engagement des frais de procédure trouve son origine dans « la seule carence de son débiteur », sera rejetée.

 

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire mis à la disposition des parties au greffe,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions soumises à la cour ;

Y ajoutant,

Rejette les demandes de monsieur [P] [B] et de la SAS INDB Projects au titre des frais irrépétibles ;

Condamne monsieur [P] [B] à payer à la SAS Bagel Chef la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne monsieur [P] [B] à supporter les entiers dépens d'appel.