CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 8 mars 2023, n° 20/08662
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Ingenierie Holding Management (SARL)
Défendeur :
Fitness Park Developpement (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Dallery
Conseillers :
Mme Depelley, Mme Brun-Lallemand
Avocats :
Me Ichoua, Me Pillet, Me Delabriere
La SAS Fitness Park Development anciennement SAS Mov'in (ci-après Mov'in), exerce une activité d'exploitation de centres de remise en forme et de concession de licences de marques d'enseignes y afférentes telles que Moving, Lady Moving, Fitness Park ou Moving Express.
La SARL Escale Beauté exerçait une activité d'exploitation d'un centre de remise en forme. La SCP [O], prise en la personne de Maître [O], en a été désignée le liquidateur judiciaire.
Monsieur [L] [H] est le gérant de la SARL Escale Beauté.
Madame [U] [W] en est l'associée (10/500 parts) avec la SAS IHM (490/500 parts), laquelle est détenue par [L] [H] (2277/2300 actions) et [U] [W] (23/2300 actions).
La société Escale Beauté a acquis le 10 juillet 2006, le fonds de commerce d'institut de beauté de la société SPA Bien-être et est ainsi devenue bénéficiaire du «'contrat de réservation'» de zone géographique portant promesse de licence de la marque Lady Moving concédé le 13 février 2006 par la société Mov'in pour une durée de 6 mois.
Ce nouveau concept vise à s'inscrire dans un segment d'activité relevant tant du domaine de la remise en forme que du domaine de l'amincissement et de la diététique, du bien être et de la tonicité musculaire, dans le cadre d'un fonctionnement en réseau (circulation en son sein de tout détenteur de carte en cours de validité) et s'adresse exclusivement aux femmes, lesquelles représentent 70 % de la clientèle des centres de fitness.
Pour le financement de l'acquisition de ce fonds et des travaux de transformation du local, la société Escale Beauté a souscrit deux prêts bancaires de 340 000 € et 380 000 € pour lesquels Monsieur [L] [H], Madame [U] [W] et la société IHM se sont portés caution personnelle et solidaire à hauteur de 494 000 €.
Les 27 mars 2007 et 19 mai 2008, deux avenants au « contrat de réservation » ont été signés pour en prolonger la durée à la suite d'un litige survenu entre le cédant et le cessionnaire du fonds de commerce qui en avait suspendu l'exploitation ; puis un nouveau «'contrat de réservation'» a été conclu le 30 septembre 2010.
Le 26 octobre 2011, le contrat de licence envisagé a été conclu entre les intéressées, concernant l'établissement sis [Adresse 8] (78), de même qu'un premier protocole d'accord relatif à un différend sur le «'pack concept Lady Moving'» destiné à l'aménagement du local de la société Escale Beauté, lequel a été suivi d'un second protocole du 12 février 2013.
Par un jugement d'ouverture du 21 juillet 2014, la société Escale Beauté a fait l'objet d'une procédure de sauvegarde pour les besoins de laquelle la SELARL [J] & Associés a été désignée administrateur judiciaire puis commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde'; cette procédure a été convertie en redressement judiciaire par un jugement du 20 mars 2019.
Par un jugement du 27 septembre 2019, la société Escale Beauté est été placée en liquidation judiciaire et la SCP [O] désignée en qualité de liquidateur.
Par acte extrajudiciaire du 20 mai 2014, la société Escale Beauté, Monsieur [L] [H], Madame [U] [W] et la société IHM ont assigné la société Mov'in en nullité de l'ensemble des contrats conclus et restitutions subséquentes, outre diverses demandes indemnitaires relatives aux frais, pertes et autres préjudices engendrés'; subsidiairement en constat de résiliation aux torts de la société FPD et indemnisations consécutives.
Par jugement contradictoire du 17 juin 2020, le tribunal de commerce de Paris a :
- Joint les deux causes inscrites au répertoire sous les numéros RG 2014034715 et RG 2014062094';
- Donné acte à la SELARL [J] & Associés, ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde de la société Escale Beauté de son intervention volontaire en lieu et place de Maître [N] [J] ;
- Rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la société Mov'in et s'est déclaré compétent';
- Rejeté la demande de la société Mov'in de considérer que les protocoles signés par les parties valent autorité de chose jugée et renoncement d'Escale Beauté à sa faculté de poursuivre la société Mov'in';
- Fait droit à la demande d'irrecevabilité de la société Mov'in eu égard au contrat de réservation du 16 février 2006 et aux deux avenants des 27.03.2007 et 09.05.2008';
- Débouté la société Mov'in de sa demande d'irrecevabilité du fait de l'interdiction du cumul de responsabilité délictuelle et contractuelle';
- Débouté la société Escale Beauté de ses demandes en nullité du contrat du 30 septembre 2010 et du contrat de licence de marque Lady Moving';
- Constaté la violation de l'exclusivité territoriale, du contrat de réservation du 30 septembre 2010 et du contrat de licence du 29 octobre 2011, et déclare Mov'in seule responsable de ladite violation';
- Débouté la société Escale Beauté de ses demandes de remboursement intégral des sommes versées au titre de la réservation du territoire, des redevances contractuelles, du pack Lady Moving, des dépenses publicitaires, et de la fourniture du logiciel d'origine';
- Condamné la société Mov'in à verser à la société Escale Beauté la somme de 164 400 € à titre de dommages et intérêts';
- Condamné la société Mov'in à payer à la société Escale Beauté la somme de 154 640 € au titre du remboursement des frais de dépose des éléments du concept Lady Moving, déboute la société Escale Beauté de sa demande de remboursement des autres sommes réclamées';
- Débouté la société Allianz I.A.R.D. de sa demande de nullité du contrat d'assurance signé le 26 mars 2014 ;
- Déclaré recevable et bien fondée la présente assignation en intervention forcée à l'encontre de la société Allianz I.A.R.D. ;
- Dit que les garanties de la compagnie Allianz n'ont pas vocation à être mobilisées du fait des exclusions de garantie visées dans le contrat souscrit auprès de la société Allianz I.A.R.D. ;
- Débouté Monsieur [L] [H] et Madame [U] [W] de leur demande de condamnation de la société Mov'in à leur régler la somme de 35 000 € chacun au titre de leur préjudice moral';
- Condamné la société Mov'in à payer la somme de 20 000 € chacun, à la société Escale Beauté, à Monsieur [L] [H] et à Madame [U] [W], au titre de l'article 700 du code de procédure civile';
- Condamné la société Mov'in à payer à la société Allianz I.A.R.D. la somme de 2 000 €, au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples et contraires ;
- Ordonné l'exécution provisoire du jugement à intervenir nonobstant appel et sans caution';
- Condamné la société Mov'in aux dépens de la présente instance, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 192, 56 euros dont 31, 88 euros de TVA.
Par déclaration reçue au greffe de la Cour le 6 juillet 2020, la société Mov'in a interjeté appel de ce jugement, qui a été enregistré sous le numéro de RG 20/08662. Par déclaration reçue au greffe de la Cour le 21 juillet 2020, la société [O] - ès qualités de liquidateur de la société Escale Beauté, Monsieur [L] [H], Madame [U] [W] et la société IHM (ci-après Escale Beauté et consorts) ont aussi interjetés appel de ce jugement, qui a été enregistré sous le numéro de RG 20/10156.
Par ordonnance du 1er février 2022, ces deux instances ont été jointes sous le numéro de RG 20/08662.
Aux termes de ses dernières conclusions, déposées et notifiées le 29 novembre 2022, la société Mov'in demande à la Cour de':
Vu les articles L. 330-3 et R. 330-1 du code de commerce,
Vu les anciens articles 1382, 1110 et suivants du code civil, et 1147 du code civil,
Vu l'article 122 du Code de proce'dure civile,
- Débouter les intimés de l'intégralité de leurs demandes,
- Recevoir Mov'in en ses demandes et les déclarer bien fondées,
Par conséquent,
-Confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Pari le 17 juin 2020 en ce qu'il a débouté les intimés de leurs demande en nullité du contrat de réservation de zone du 30 septembre 2010 et du contrat de licence de marque du 26 octobre 2011 et en ce qu'il les a déboutés de leur demandes indemnitaires subséquentes';
-Infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 17 juin 2020 en ce qu'il a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la société Mov'in, s'est déclaré compétent, rejeté la demande de la société Mov'in de considérer que les protocoles signés par les parties valent autorité de la chose jugée et renoncement d'Escale Beauté à sa faculté de poursuivre la société Mov'in, débouté la société Mov'in de sa demande d'irrecevabilité du fait de l'interdiction du cumul de responsabilités délictuelle et contractuelle, constaté la violation de l'exclusivité territoriale, du contrat de réservation du 30 septembre 2010 et du contrat de licence du 26 octobre 2011, et déclaré Mov'in seule responsable de ladite violation, condamné la société Mov'in à verser à la société Escale Beauté la somme de 164.400€ au titre de dommages et intérêts, condamné la société Mov'in à payer à la société Escale Beauté la somme de 150 640 € au titre du remboursement des frais de dépose des Eléments du concept Lady Moving, condamné la société Mov'in à payer la somme de 20.000 € chacun, à la société Escale Beauté, à Monsieur [H] et à Madame [W], au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ordonné l'exécution provisoire du jugement à intervenir nonobstant appel et sans caution, condamné la société Mov'in aux dépens de la présente instance ;
Par conséquent,
In limine litis,
- Dire que le tribunal de commerce de Paris n'était pas matériellement compétent pour connaître du présent litige au profit du tribunal judiciaire de Paris';
A titre principal,
- Prononcer l'irrecevabilité des demandes d'Escale Beauté, prise en la personne de son liquidateur judiciaire, au titre de l'autorité de la chose jugée attachée aux protocoles d'accord des 26 octobre 2011 et 12 février 2013 conclus entre la société Escale Beauté et la société Mov'in';
- Rejeter l'ensemble des demandes, fins et prétentions des intimés,
- Prononcer l'irrecevabilité des nouvelles demandes d'Escale Beauté prise en la personne de son liquidateur judiciaire, à savoir la demande en nullité du protocole du 12 février 2013 pour défaut de concessions réciproques et dol, et pour défaut de concessions réciproques et erreur, la demande en irrecevabilité des demandes de Mov'in à l'encontre de M. [H] et Madame [W], et la demande de condamnation de Mov'in à verser à M. [H] et Mme [W] la somme de 5.000 € chacun au titre de leur préjudice pour procédure abusive,
- Prononcer l'irrecevabilité des nouvelles demandes d'Escale Beauté prise en la personne de son liquidateur judiciaire, à savoir la demande en nullité du protocole du 12 février 2013 pour défaut de concessions réciproques et dol, et pour « défaut de concessions réciproques et erreur en ce qu'elles sont prescrites.
A titre subsidiaire,
- Prononcer l'irrecevabilité des demandes d'Escale Beauté, prise en la personne de son liquidateur judiciaire, au titre du principe du non cumul de la responsabilité délictuelle et contractuelle,
- Rejeter l'ensemble des demandes, fins et prétentions des intimés,
A titre infiniment subsidiaire,
- Débouter les intimés de l'ensemble de leurs en ce qu'elles sont mal fondées et injustifiées,
En tout état de cause
- Condamner solidairement les intimés au paiement de la somme de 150 000 euros au profit de la société Mov'in, pour dénigrement fautif et atteinte à l'image de Mov'in,
- Condamner chacun des intimés, à payer à la société Mov'in la somme de 20 000 euros chacun au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamner solidairement les intimés aux entiers dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions, déposées et notifiées le 05 décembre 2022, la société Escale Beauté et consorts demandent à la Cour de':
A titre principal :
Vu les articles 1109, 1110, 1116, 1134 du code civil,
Vu l'article L.330-3 du code de commerce,
- Infirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 17 juin 2020 en ce qu'il a débouté les appelants de leurs demandes de nullité et d'indemnisation en conséquence,
- prononcer la nullité du contrat de réservation du 30 septembre 2010, et du contrat de licence de Marque Lady Moving pour dol et subsidiairement pour erreur';
A titre subsidiaire :
Vu l'article1134 du Code civil,
- Confirmer le jugement en ce qu'il condamne la société Fitness Park Development à réparer le préjudice de la société Escale Beauté du fait de la violation de sa zone d'exclusivité.
En conséquence, en tout état de cause et statuant à nouveau :
Sur la compétence :
- Confirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 17 juin 2020 en ce qu'il a rejeté l'incompétence du tribunal de commerce ;
Sur la fin de non-recevoir :
- Confirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 17 juin 2020 en ce qu'il a rejeté l'irrecevabilité soulevée par Mov'in du fait de la signature des protocoles transactionnels des 26 octobre 2011 et du 12 février 2013,
- Subsidiairement prononcer la nullité du protocole du 12 février 2013 pour défaut de concessions réciproques et dol,
-Très subsidiairement, pour défaut de concessions réciproques et dol ;
Sur la responsabilité civile de la société Fitness Park Development :
- Infirmer le jugement en ce qu'il n'a pas accordé à la société Escale Beauté le plein de ses demandes indemnitaires,
- Condamner Fitness Park Development à réparer le préjudice subi par les concluants par l'allocation de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1382 du code civil ;
Sur la réparation :
- Condamner en conséquence la société Fitness Park Development à la restitution intégrale des sommes versées par Escale Beauté au titre de la réservation du territoire, soit 12 500 €,
- la condamner en conséquence à la restitution intégrale des sommes versées par Escale Beauté au titre des redevances contractuelles, soit 21 000 €,
- la condamner en conséquence à la restitution intégrale des sommes versées par Escale Beauté au titre du Pack Lady Moving, soit 79 500 €,
- La condamner en conséquence à la restitution intégrale des sommes versées par Escale Beauté au titre des dépenses publicitaires versées directement à Mov'in, soit 5 495 €,
- La condamner en conséquence à la restitution intégrale des sommes versées par Escale Beauté au titre de la fourniture du logiciel d'origine, soit 500 €,
- La condamner à verser à Escale Beauté la somme de 886 610 € de dommages et intérêts au titre du préjudice matériel,
- La condamner à verser à Escale Beauté la somme de 112 715 € de dommages et intérêts au titre de la perte d'une chance,
- La condamner à verser à Escale Beauté la somme de 221 786 € au titre de la dépose des éléments du concept Lady Moving,
- La condamner à verser à Escale Beauté la somme de 5 297 € au titre de la prise en charge des remboursements d'abonnements,
- La condamner à verser à Escale Beauté la somme de 30 809,15 € au titre du remboursement des frais liés à la procédure de sauvegarde, de redressement et de liquidation,
- La condamner à verser à Escale Beauté, la somme de 343 310 € au titre du préjudice lié aux charges de la liquidation,
- La condamner à dédommager Escale Beauté de la somme de 57 723,37 € au titre des dépenses de communication,
- La condamner à verser à Escale Beauté la somme de 31 854,97 € au titre du matériel acquis hors pack Lady Moving,
- La condamner à verser à Escale Beauté la somme de 4 190 € au titre des frais divers (Consultants et huissiers de justice),
- La condamner à garantir Monsieur [L] [H], Madame [U] [W] et la SARL IHM de tout remboursement anticipé qui serait exigé par la Banque Populaire au titre des prêts,
- La condamner à dédommager la SARL IHM au titre de la perte financière subie par cette dernière sur les exercices 2011, 2012, 2013 et 2014, en raison des sommes bloquées en compte courant, par application du taux moyen de rendement des obligations, soit la somme de 165 350,71 €, somme à parfaire au jour de l'audience,
- La condamner à verser à Monsieur [L] [H] et à Madame [W] la somme de 35 000 € chacun au titre de leur préjudice moral,
- Déclarer irrecevable la demande de la société Fitness Park Development à l'encontre de M. [H] et de Mme [W],
- Condamner la société Fitness Park Development à verser à Monsieur [L] [H] et à Madame [W] la somme de 5 000 euros chacun au titre de leur préjudice pour procédure abusive,
- Débouter la société Fitness Park Development de sa demande de condamnation de M. [H], Mme [W], Maître [O] és qualités de liquidateur de la société Escale Beauté et la société IHM au titre du dénigrement,
- Condamner la société Fitness Park Development à verser à Escale Beauté, Monsieur [H] et Madame [W] la somme de 20.000 euros chacun au titre des frais irrépétibles de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamner la société Fitness Park Development aux dépens.
L'ordonnance de clôture a été rendu le 6 décembre 2022.
La Cour renvoie à la décision attaquée et aux conclusions susvisées pour un exposé détaillé du litige et des prétentions des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIVATION
Sur l'incompétence matérielle du tribunal de commerce
Exposé du moyen :
La société Mov'in soutient que la demande de nullité du contrat litigieux du 26 octobre 2011, en tant qu'il concède une licence de marque, aurait dû être portée devant le tribunal judiciaire - et non le tribunal de commerce - qui dispose d'une compétence exclusive en la matière en vertu des articles L.211-4 du code de l'organisation judiciaire et L.716-3 du code de la propriété intellectuelle. Elle prétend que la qualification de contrat de franchise ne peut être retenue à défaut de la transmission d'un savoir-faire et d'une obligation d'assistance, et que la communication d'un document d'information précontractuel n'est pas caractéristique de la franchise. Elle précise enfin que même si le contrat était qualifié comme tel, il aurait pour élément essentiel la concession d'une licence de marque, ce qui implique en toute hypothèse la compétence matérielle du tribunal judiciaire.
La société Escale Beauté et consorts répondent que Mov'in livre une interprétation erronée de l'article L.716-3 du code de la propriété intellectuelle qui n'institue une compétence exclusive qu'à raison de l'objet des demandes, lorsqu'elles impliquent l'appréciation de la validité ou de la violation d'un droit conféré par une marque, ce qui n'est pas le cas du présent litige où seul des moyens de droit contractuel sont discutés.
Ils observent que le contrat évoque la transmission du savoir-faire de Mov'in dans ses dispositions préliminaires et dans son article 7'; que la plaquette remise à M. [H], laquelle mentionne en exergue « créez votre entreprise en toute franchise'», évoque des prestations d'assistance, un transfert du savoir faire et décrit ce que Movin assure de plus alors même que « certains franchiseurs s'arrêtent là'» (pièce appelants n°99)'; qu'il ressort du constat d'huissier du 24 mai 2018 (pièce appelants n°50) que le site internet Mov'in fait état de « candidats à la franchise » concernant l'ensemble de ses concepts, y compris le concept Lady Moving, et non une simple licence de marque ; que ce site concernant Lady Moving indique « transfert de savoir-faire pour une franchise réussie » ; que figurent en outre sur Youtube les interviews de deux franchisées Lady Moving, lesquelles se définissent comme telles'; que le site internet de l'Observatoire de la franchise publie une interview du directeur général de la société de 2008 qui utilise des formules telles que « devenir franchisé Lady Moving » et « les franchisés » ; que l'on trouve également sur Youtube un interview de 2011 de son successeur qui utilise les termes de « franchisés », de « formation » et de « transfert de savoir-faire » ; qu'il ressort d'une capture d'écran que la « franchise Lady Moving » est présentée sur le site site choisir-sa-franchise.com (pièce appelants n°105) ; de sorte que le juge - qui n'est pas lié par la qualification donnée aux actes litigieux par les parties en vertu de l'article 12 alinéa 2 du code de procédure civile doit qualifier l'acte de contrat de franchise.
Ils ajoutent que M. [H] ne pouvait se rendre compte de l'absence de savoir-faire aujourd'hui alléguée qu'après avoir exploité le concept pendant une période suffisante.
Réponse de la Cour :
Il est constant que le contrat conclu entre les parties le 26 octobre 2011 est intitulé « contrat de licence de marque Lady Moving ».
Pour autant, le contrat litigieux a pour objet de transmettre un savoir-faire et une assistance en contrepartie de redevances comme il ressort notamment de l'article 7 de ce dernier, de la plaquette de présentation de la société Mov'in et de son site internet.
Force est de constater, de surcroît, que dans un interview paru dans l'Officiel de la franchise de décembre 2009, le directeur général de Mov'in, par ailleurs fondateur du concept, interrogé sur la nature du contrat et la charte Lady Moving, répond': «'la nature du contrat, c'est la franchise, c'est ce que nous souhaitons. La licence de marque, c'est seulement le titre. C'est lié à l'histoire de nos réseaux. L'idée a été d'avoir un nom de contrat commun à nos plus anciens adhérents. Il ne faut pas voir derrière cette modalité une stratégie particulière » (pièce intimées n°82).
Il peut être observé, par ailleurs, que le contrat de licence de marque du 26 octobre 2011 avait été précédé d'un « contrat de réservation Lady Moving 5 poles valant promesse de licence de marque'» du 30 septembre 2010 prévoyant en son article 7 : « il est expressément convenu que l'ensemble des contrats qui président ou présideront aux relations entre le concédant et le bénéficiaire, qu'il s'agisse du contrat de réservation ou du contrat de licence de marque affecté à l'exploitation visée seront (') du ressort, en cas de difficulté ou de litige, de la compétence du tribunal de commerce de Paris'».
L'article L. 716-3 du code de la propriété intellectuelle (dans sa version antérieure au 15 décembre 2019), s'il institue une compétence exclusive du tribunal judiciaire pour les actions civiles et les demandes relatives aux marques, ne peut contraindre le juge à s'arrêter à la dénomination des actes juridiques retenue par les parties. Il entre à l'inverse dans son office de restituer leur exacte qualification à ces derniers, étant observé que la concession accessoire du droit d'usage d'un signe distinctif - usuelle dans les contrats de franchise - n'a pas d'incidence sur leur qualification ni sur la compétence matérielle du tribunal de commerce pour en connaître.
La Cour estime en conséquence que le tribunal de commerce de Paris a été régulièrement saisi.
A titre surabondant, la Cour rappelle qu'en application de l'article 90 du code de procédure civile, elle doit statuer sur le fond du litige même si elle infirme du chef de la compétence si elle est juridiction d'appel, ce qui est le cas en matière de propriété intellectuelle.
Sur les fins de non-recevoir soulevées
Sur l'irrecevabilité des demandes en raison de l'autorité de la chose jugée
Exposé du moyen :
La société Mov'in soutient que les protocoles n°1 du 26 octobre 2011 et n°2 du 12 février 2013 emportent renonciation de la société Escale Beauté à toute action ou réclamation relative au contrat de réservation du 30 septembre 2010 et au contrat de licence du 26 octobre 2011 ; que le cinquième paragraphe du préambule du second protocole étend le champ de la transaction au contenu de plusieurs courriers échangés entre les parties qui évoquent tous les griefs dont elle se prévaut aujourd'hui à l'appui de ses demandes (cf. tableau p.23 de ses écritures) ; que le protocole du 12 février 2013 n'est pas dénué de contrepartie puisque Mov'in y renonce à percevoir l'intégralité des redevances dues par son cocontractant de septembre à décembre 2012 puis la moitié des redevances dues jusqu'au terme du contrat ; que la société Escale Beauté ne démontre pas le vice du consentement dont elle se prétend victime dans la conclusion dudit protocole et que ce dernier est parfaitement valide ; de sorte que les demandes des parties adverses sont irrecevables au titre de l'autorité de chose jugée attachée à ces deux protocoles d'accord.
La société Escale Beauté et consorts répondent que le champ du protocole n°2 du 12 février 2013 est circonscrit à un litige entre les parties relatif au pack Lady Moving comme il ressort des quatre premiers paragraphes de son préambule, et qu'il ne concerne pas les griefs invoqués dans le cadre du présent litige à l'appui de leurs demandes ; que le cinquième paragraphe de ce préambule n'étend pas le champ de la transaction aux griefs invoqués dans le cadre de la présente instance, dont les conséquences dommageables ne pouvaient d'ailleurs pas être appréciées à l'époque de sa signature ; que ce préambule a été ajouté par la société FPD après l'achèvement des discussions et juste avant la signature du protocole, et qu'il n'expose aucun grief se contentant de renvoyer à des courriers, de sorte qu'il a trompé le dirigeant de la société Escale Beauté sur la potentielle extension du champ de la transaction qu'il impliquait ; que les engagements que la société Escale Beauté a pris dans le cadre de ce protocole tel qu'interprété par Mov'in ne comporteraient aucune concession réciproque du franchiseur. Ils sollicitent en conséquence la confirmation du jugement qui a rejeté la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de chose jugée valant renoncement par Espace Beauté à sa faculté de poursuivre Mov'in.
Réponse de la Cour':
Aux termes des articles 2044, 2048 et 2052 du code civil dans leur version applicable, la transaction est un contrat par lequel les parties s'obligent à des concessions réciproques pour terminer ou prévenir une contestation, et qui revêt l'autorité de chose jugée sur son objet tel qu'il y est défini.
Il est constant que le protocole n°1 du 26 octobre 2011 est limité à la résolution d'un différend relatif à la mise en place du Pack concept Lady Moving.
S'agissant du protocole n°2 du 12 février 2013, le cinquième paragraphe de son préambule fait état « d'autres griefs [de la société Escale Beauté] concernant la définition de la zone de chalandise de son centre, et de défauts de livraison dans le matériel ainsi que différents autres griefs que les parties se dispensent expressément de recenser aux présentes, mais qui ont été largement exprimés au travers des échanges de correspondance pour aboutir notamment à des courriers recommandés avec avis de réception des 7 juin 2012 et 24 octobre 2012 qui reflètent l'essentiel des griefs formulés et une exposition des conditions de règlement de ces griefs. ».
La Cour retient que c'est à raison que le tribunal a considéré que le protocole n°2 du 12 février 2013 ne décrit pas de façon exhaustive les griefs qu'il prévoit d'indemniser et fait référence à «'différents autres griefs que les parties se dispensent de recenser », sans annexer les courriers évoqués en lien par Mov'in.
La circonstance qu'auraient été, selon Mov'in, versé depuis en procédure l'ensemble des échanges de courriers entre les parties ne peut suffire, au vu des termes utilisés dans le protocole (« notamment », « l'essentiel de »).
Il s'en suit que ni le protocole n°1 du 26 octobre 2011, ni le protocole n°2 du 12 février 2013 n'emportent renonciation d'Escale Beauté à toute demande à l'encontre de Mov'in.
La fin de non-recevoir tirée, en application de l'article 122 du code de procédure civile, de l'autorité de la chose jugée, n'est donc pas constituée.
Sur l'irrecevabilité des demande en raison de la nouveauté de prétentions en cause d'appel
Exposé du moyen :
La société Mov'in prétend nouvelles et partant irrecevables quatre demandes développées pour la première fois dans les conclusions d'appel notifiées le 10 novembre 2022 par les intimés, soit aux termes du dispositif : (1) la demande subsidiaire de nullité du protocole n°2 du 12 février 2013 pour défaut de concessions réciproques et dol, (2) la demande très subsidiaire de nullité de ce même protocole pour « défaut de concessions réciproques et dol » (la concluante suggère qu'il faut vraisemblablement lire « erreur » et non « dol »), (3) le moyen tiré de l'irrecevabilité de la demande de Mov'in à l'encontre de M. [H] et Madame [W], et (4) la demande de condamnation de Mov'in à verser à M. [H] et Mme. [W] la somme de 5.000 € chacun au titre de leur préjudice pour procédure abusive. Elle fait valoir que ces demandes n'ont été formulées ni en première instance (pièce Mov'in n°59), ni dans leurs premières conclusions en appel (pièces Mov'in n°79 et 80).
La société Escale Beauté et consorts répondent que les demandes de nullité du protocole n°2 du 12 février 2013 ne sont pas des prétentions nouvelles. Ils ajoutent que ce qui rend la procédure abusive est la persistance malveillante en cause d'appel malgré l'évidence de la solution et le préjudice que cela cause à Mme [W] et M. [H].
Réponse de la Cour :
Les demandes de nullité du protocole n°2 du 12 février 2013 ne sont pas des prétentions nouvelles irrecevables au sens de l'article 564 du code de procédure civile puisqu'elles tendent à faire écarter un moyen déjà soulevé par la société Mov'in en première instance - la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de chose jugée de ce protocole (dans son interprétation extensive soutenue par Mov'in) - Elles tendent donc aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent. Elle ne sont par ailleurs formulées qu'à titre subsidiaire.
Eu égard au sens de l'arrêt, il n'y a pas lieu de les examiner.
La société Mov'in sollicite, comme en première instance, que l'ensemble de ses contradicteurs soient condamnés à lui verser la somme de 150 000 euros pour dénigrement fautif et atteinte à son image, la somme de 20 000 euros au titre des frais irrépétibles et qu'ils soient solidairement condamnés aux dépens, alors même que, selon ces derniers, Mme [W] n'est pas concernée, et que la responsabilité personnelle de M. [H], en tant gérant, ne peut être engagé que de façon très exceptionnelle, ce qui justifie, selon leurs dernières écritures, tant l'irrecevabilité de la demande que le débouté au fond de celle-ci. La Cour constate que la prétention nouvelle tirée de l'irrecevabilité de cette demande est recevable puisqu'elle tend à faire écarter les prétentions adverses. Cependant, ces demandes d'irrecevabilité et de débouté au fond ne sont pas formulées l'une de façon subsidiaire à l'autre, et sont l'une et l'autre motivées par les mêmes considérations de fond. La Cour retient, en conséquence, que les conditions de l'irrecevabilité de la demande de Mov'in à l'encontre de M. [H] et Madame [W] ne sont pas réunies.
La circonstance que ce dirigeant et cette associée n'aient pas réclamé, devant le tribunal de commerce, de dommages et intérêts sur le fondement de la procédure abusive ne peut priver les intéressés du droit de formuler cette demande en appel, considération prise de la décision de première instance ayant jugé non fondées les demandes formulées à leur encontre. La fin de non-recevoir tirée de la nouveauté de cette prétention en cause d'appel n'est donc pas constituée.
Sur la fin de non-recevoir tirée du non-cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle
Exposé du moyen :
La société Mov'in observe que ses contradicteurs visent le dispositif de leurs écritures l'ensemble des articles liés à la responsabilité contractuelle mais font parfois référence, dans le corps de ces dernières, à la responsabilité délictuelle. Elle prétend que les intimés feraient état des mêmes griefs pour soutenir des demandes d'indemnisation des mêmes préjudices sur le fondement des responsabilités contractuelle (violation de la zone d'exclusivité) et délictuelle (concurrence déloyale, violation de l'obligation d'information contractuelle), et notamment la perte de chance de réaliser certains gains. Elle ajoute qu'il ne revient pas au juge de pallier la carence du demandeur dans le choix du régime approprié.
La société Escale Beauté et consorts font valoir que la preuve d'un dol permet non seulement de prononcer la nullité du contrat, mais encore d'allouer une indemnité à la victime pour le préjudice subi.
Réponse de la Cour :
«'L'article 1382 (devenu 1240) du code civil est inapplicable à la réparation d'un dommage se rattachant à l'exécution d'un engagement contractuel'» (Civ, 2e, 9 juin 1993, n°91-21.650). Il s'en suit que la victime d'un dommage dans le cadre contractuel ne peut pas invoquer la responsabilité délictuelle.
Au cas présent, Mov'in sollicite que l'ensemble des demandes d'Escale Beauté soient déclarées irrecevables au motif que ces dernières seraient fondées sur les deux régimes. Force est de constater, pourtant, que tel n'est pas le cas et que Mov'in ne précise pas quelles seraient la ou les demandes irrecevables sur le fondement du principe de non cumul de la responsabilité délictuelle et contractuelle.
La fin de non recevoir, telle que présentée, n'est donc pas constituée.
Sur la nullité des contrats pour vice du consentement
Exposé du moyen :
La société Escale Beauté et consorts demandent que la nullité du contrat de réservation du 30 septembre 2010 et du contrat de licence du 26 octobre 2011 soit prononcée pour dol, et subsidiairement pour erreur, en faisant valoir les éléments suivants :
- au titre de la rétention d'informations pré-contractuelle, ils reprochent à la société Mov'in de ne pas avoir décrit à son futur cocontractant la réalité de l'état du réseau Lady Moving, dont de nombreux exploitants subissaient des pertes d'exploitation, parmi lesquels certains avaient déjà assigné la tête de réseau et d'autres fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire ;
- au titre du document d'information précontractuel (DIP), ils prétendent d'abord que celui-ci n'a pas été transmis à la société Escale Beauté 20 jours avant la conclusion du contrat de réservation du 30 septembre 2010 comme le prévoit l'article L.330-3 du code de commerce mais seulement présenté le jour même sa signature, puis conservé par la société Mov'in jusqu'à sa communication en juin 2015 à l'occasion de la présente instance. Ils soutiennent ensuite que les informations devant obligatoirement figurer dans le DIP au terme de l'article R.330-1 du code de commerce n'étaient pas toutes renseignées ou étaient insincères ; enfin, ils affirment que certaines des informations y figurant étaient obsolètes ;
- au titre des bilans prévisionnels, ils rappellent que si leur établissement n'est pas obligatoire, leur communication implique qu'ils soient sincères et vérifiables car ils influent sur le consentement de celui qui les reçoit ; que les chiffres prévisionnels de 2006 à 2011 fournis par la société Mov'in sont en moyenne de 78,5 % supérieurs aux résultats de la société Escale Beauté à compter de la signature du contrat de licence, au terme d'une étude réalisée par un cabinet qu'elle a sollicité ; que 92,5 % des exploitants du réseau n'ont jamais réalisé ces chiffres prévisionnels ; que ce réseau Lady Moving, qui a compté jusqu'à 90 exploitants, en dénombrait 63 en 2011 et plus aucun aujourd'hui ; qu'au demeurant deux anciens salariés de la société Mov'in attestent que cette dernière n'avait aucune expérience dans le domaine du fitness dédiée aux femmes de sorte que ses prévisionnels étaient dénués de fondements et basés sur des données non pertinentes ;
- au titre de la transmission d'un savoir-faire, ils affirment qu'elle est un élément essentiel du contrat litigieux puisqu'il s'agit d'un contrat de franchise, or ce savoir-faire ne pouvait exister puisque la société Mov'in était parfaitement novice dans le domaine du fitness dédié aux femmes, fondamentalement différent du domaine des salles de sport mixtes dans lequel elle exploite la marque de référence « Moving», ce qui est confirmé par deux anciens salariés de la tête de réseau ;
Ils prétendent enfin que Madame [W] et Monsieur [H] n'avaient jamais exercé d'activités dans le secteur du fitness avant de contracter avec la société FPD contrairement à ce que cette dernière allègue, de sorte qu'ils n'étaient pas avertis.
La société Mov'in conteste ces éléments et soutient que ses contradicteurs se fondent sur des documents inapplicables à l'espèce et en grande partie établies par Escale Beauté elle-même. Elle fait notamment valoir qu'il ressort de l'étude qu'elle a fait réaliser en juillet 2014 (pièce Mov'in n°64), que si le marché des salles de sport subissait une baisse d'activité due à la conjecture économique à l'époque de la conclusion du contrat litigieux, le réseau Lady Moving était plus résilient que tous ses concurrents. Elle ajoute, s'agissant des bilans prévisionnels, qu'elle n'avait aucune obligation d'établir de tels documents et que le candidat à la licence était informé qu'il lui appartenait de réaliser ses propres prévisionnels. Elle prétend ne pas être l'auteur des prévisionnels dont les intimés se prévalent au soutien de leur raisonnement ; que de surcroît seule une obligation de moyen et non de résultat pèse sur la tête du réseau en matière d'établissement de comptes prévisionnels, qu'en l'espèce les prévisionnels étaient réalisables et que la société Escale Beauté ne démontre pas le contraire à défaut de calcul pertinent. Elle soutient aussi que ces résultats n'ont pas été atteints du fait de la mauvaise gestion de la société Escale Beauté et des nombreuses procédures dont elle faisait l'objet, étant observé par ailleurs qu'Escale Beauté n'est pas en mesure de différencier la part des charges imputable à l'activité sportive et à l'activité de soins alors que ces dernières sont exploitées sous deux établissements différents. Au titre de la transmission d'un savoir-faire, elle fait enfin valoir que le contrat litigieux n'est pas un contrat de franchise mais seulement un contrat de licence de marque.
Elle affirme au surplus que les intimées ne démontrent ni en quoi leur consentement aurait été vicié, ni l'élément intentionnel nécessaire à qualifier un dol ; qu'en toute hypothèse si les éléments caractéristiques d'une erreur étaient établis, encore faudrait-il que celle-ci ne soit pas inexcusable, or Madame [W] et Monsieur [H] étaient selon elle des professionnels expérimentés dans l'exploitation de salles de sport et de remise en forme, ce dernier - gérant de la société Escale Beauté - ayant eu près de cinq ans entre le premier contrat de réservation et la signature du contrat de licence pour apprécier l'opportunité de contracter, et, en qualité de président et actionnaire majoritaire de la société IHM, ayant conclu pour le compte de cette société un autre contrat de réservation pour l'exploitation d'un club dans une autre zone sous l'enseigne Fitness Park (pièce Mov'in n°62).
Réponse de la Cour :
Le tribunal a, dans la décision attaquée, observé à raison qu'Espace Beauté avait été en relation avec Mov'in depuis 2006 pour devenir franchisée Lady Moving, qu'elle avait rencontré régulièrement Mov'in et prolongé plusieurs fois ses contrats de réservation, pour ouvrir finalement son centre de remise en forme le 1er juillet 2011. Puis, par les deux protocoles en date dus 26 octobre 2011 et 12 février 2013, il a constaté que des conditions préférentielles ont été accordées à Espace Beauté, Mov'in reconnaissant explicitement avoir compensé ses manquements contractuels relatifs au Pack Concept Mov'in et Espace Beauté reconnaissant avoir été indemnisée des manquements de Mov'in dans la mise en place de ce dernier.
La Cour retient, s'agissant en premier lieu du document d'information pré-contractuel (DIP), que Mov'in a communiqué ce dernier à la société Escale Beauté le 3 septembre 2010, comme en atteste un accusé de réception daté et signé, soit plus de 20 jours avant la signature du contrat de réservation du 30 septembre 2010 et a fortiori de la signature du contrat de licence du 26 octobre 2011, de sorte que le délai prévu à l'article L.330-3 du code de commerce a été respecté.
La Cour retient, s'agissant en deuxième lieu de la rétention alléguée d'informations pré-contractuelle, que les informations relatives à des procédures judiciaires n'ont pas été communiquées à la société Escale Beauté car elles sont postérieures à la communication du DIP, lequel comprenait par ailleurs (p. 14) des éléments relatifs à des liquidations judiciaires subies par certains exploitants du réseau, de sorte qu'il n'est pas démontré que la réalité de l'état du réseau ait été dissimulée au futur cocontractant.
La Cour retient, s'agissant en troisième lieu des bilans prévisionnels, que les prévisionnels que Mov'in a communiqué étaient des prévisionnels-types non contractuels. Le tribunal, dans la décision attaquée, a considéré de façon adéquate qu'Espace Beauté, qui avait la volonté d'ouvrir son centre dans un centre commercial, ne démontre pas qu'elle aurait conclu le contrat de licence du 26 octobre 2011 à des conditions différentes si elle avait eu connaissance d'informations plus précises et exactes, notamment en matière de prévisionnels.
Il sera ajouté que doit également être pris en considération qu'il s'agissait, selon la formule figurant dans le contrat du 26 octobre 2011 (p.5), « d''un concept nouveau sur un marché nouveau'».
La Cour retient, s'agissant en quatrième lieu de la transmission d'un savoir-faire, qu'il ne peut être sérieusement allégué, comme le fait Escale Beauté, que Mov'in ne disposait d'aucune expérimentation réelle du concept Lady Moving, alors que le DIP mentionne, sans que ce point soit contesté, qu'il existait à l'époque 67 centres Lady Moving en France. Force est de constater qu'il ressort par ailleurs des pièces du dossier que les échanges entre Mov'in et Escale Beauté durant la période d'exploitation n'ont pas porté sur l'insuffisant savoir-faire transmis, mais sur les «'difficultés dans le trafic des prospects ne permettant pas (à Escale Beauté) d'atteindre (ses) objectifs'», soit sur le taux de visite, malgré les actions publicitaires menées, eu égard, peut-être, à la situation du local (en haut d'un escalier peu fréquenté). Il est rappelé par ailleurs que Escale Beauté et consorts ne demandent pas la requalification du contrat en contrat de franchise.
Enfin, la Cour rappelle que de jurisprudence constante, le manquement à l'obligation d'information pré-contractuelle prévue à l'article L 330-3 du code de commerce n'entraîne la nullité du contrat de franchise que s'il a eu pour effet de vicier le consentement du franchisé. Un manquement à l'obligation pré-contractuelle d'information qui repose sur le franchiseur, tel que celui relatif au savoir-faire, ne peut suffire à caractériser le dol pour défaut d'information, si ne s'y ajoute la constatation du caractère intentionnel de ce manquement et d'une erreur déterminante qu'il aurait provoqué.
De surcroît, l'erreur sur la rentabilité du concept d'une franchise ne peut conduire à la nullité du contrat pour vice du consentement du franchisé si elle ne procède pas de données établies et communiquées par le franchiseur (Cass., com., 24 juin 2020, n°18-15.249).
Il s'en suit que la décision attaquée ayant débouté Espace Beauté et consorts de leurs demandes de nullité sera confirmé.
Le tribunal en a à raison déduit que les intéressés ne pouvaient prétendre au remboursement intégral des sommes versées à Mov'in (au titre de la réservation du territoire pour 12 000 euros, des redevances stipulées au contrat pour 21 000 euros, du Pack Lady Moving pour 79 500 euros, des frais publicitaires pour 5 495 euros et du logiciel Pack pour 500 euros) et les a déboutés de leurs demandes indemnitaires subséquentes.
Sur la violation de la zone d'exclusivité territoriale
Exposé du moyen :
La société Mov'in soutient, tout d'abord, que le tribunal l'a condamnée à tort au titre de l'exclusivité territoriale consentie à la société Escale Beauté dans le contrat de réservation du 30 septembre 2010 et le contrat de licence du 26 octobre 2011 :
- d'une part, en ce qu'il a jugé que la non-reprise de la définition de la zone d'exclusivité prévue au contrat de réservation - soit « 15 minutes de déplacement motorisé » - dans le contrat de licence - où elle devient « la ville de [Localité 12] » - constitue une violation de son engagement contractuel initial, alors que cette interprétation de la première clause est erronée et qu'en toute hypothèse les parties étaient libres de modifier cette zone dans le contrat de licence, lequel constitue un nouveau contrat distinct des contrats de réservations signés antérieurement ;
- d'autre part, en ce qu'il a jugé en conséquence que les centres Lady Moving implantés à [Localité 10] et [Localité 14] violait ladite exclusivité, alors même que ces deux centres étaient étaient situés à plus de 15 minutes de déplacement motorisé du centre de la société Escale Beauté.
Elle prétend, ensuite, qu'en toute hypothèse, les sommes allouées en conséquence à la société Escale Beauté sont injustifiées.
La société Escale Beauté et consorts demandent que le jugement soit confirmé en ce qu'il a condamné la société FPD pour violation de son obligation d'exclusivité territoriale.
Réponse de la Cour':
Le contrat de réservation du 13 février 2006 vise, en son article 1er, «'la création et l'exploitation d'un centre de remise en forme Lady Moving pour les communes de [Localité 12], [Localité 9] et pour la commune de [Localité 16]'» et son article 2 mentionne qu'en cas d'ouverture du centre dans le délai convenu, l'indemnité d'immobilisation sera «'automatiquement déduite du pack au titre du droit d'entrée territorial, et le secteur exclusif d'exploitation (sera) alors déterminé en fonction du lieu géographique de l'implantation, à savoir une zone de chalandise à 15 minutes de déplacement motorisé, ne pouvant dépasser, dans tous les cas, 50 000 habitants'».
Le contrat de réservation du 30 septembre 2010 vise, en son article 1er,'«'la création d'un centre Lady Moving 5 poles dans la ville de [Localité 12]'» et son article 2 mentionne qu'en cas d'ouverture du centre dans le délai 12 mois, la «'redevance de réservation'» sera «'automatiquement affectée au contrat de licence de marque au titre du droit d'entrée et d'exclusivité'territoriale, tel que défini ci-avant, le territoire exclusif concédé étant déterminé en fonction du lieu géographique de l'implantation, à savoir une zone de chalandise à 15 minutes de déplacement motorisé, ne pouvant dépasser, dans tous les cas, 50 000 habitants dans ladite zone'».
Le contrat de licence de marque signé le 26 octobre 2011 (soit après le délai de 12 mois indiqué dans le contrat de réservation) mentionne en son article 2.1.': «'La zone d'exclusivité limitativement définie par application des présentes est fixée, d'accord entre les parties, au secteur de la ville de [Localité 12]. (Mov'in) s'engage donc à préserver l'intégrité territoriale ci-dessus définie au bénéfice de (Escale Beauté) et ce pendant toute la durée du contrat.'». Il précise par ailleurs dans son article 2.4. «'Le licencié a l'autorisation de prospecter ou de communiquer dans les zones limitrophes de la zone d'exclusivité définie aux présentes et ce tant qu'il n'y aura pas un autre licencié implanté dans ces zones. Le licencié s'engage expressément dès qu'un autre centre Moving ou Lady Moving sera installée, à cesser toute prospection et toute communication en dehors du territoire et de la zone de chalandise qui lui est accordée en exclusivité et ce dès qu'il aura connaissance de cette installation'».
Il se déduit de ces dispositions contractuelles successives que les parties se sont accordées, le 26 octobre 2011, pour que la zone d'exclusivité concédée à Escale Beauté soit limitée à la ville de [Localité 12].
En conséquence, l'implantation ultérieure de centres concurrents à [Localité 13] et [Localité 14] ne caractérise aucune violation de l'exclusivité territoriale consentie.
Le jugement est infirmé sur ce point, ce qui entraîne l'infirmation de la décision subséquente de condamnation aux dommages et intérêts (d'un montant de 164 400 euros) alloués en raison de cette violation.
Sur les autres demandes formulées par Escale Beauté et consorts
Aucune faute contractuelle n'étant démontrée, et aucune concurrence déloyale ne pouvant être caractérisée, il n'y a pas lieu de faire droit, comme l'a fait le tribunal, aux demandes de remboursement des frais de dépose des éléments du concept Lady Moving à hauteur de 154.640 euros.
Le jugement sera en outre confirmé en ce qu'il a débouté Escale Beauté et consorts de leurs autres demandes.
Sur le dénigrement
Exposé du moyen :
La société Mov'in soutient que Monsieur [H] se livre à un dénigrement public de ses activités et tente de lui nuire par divers procédés de déstabilisation, de sorte que celui-ci lui cause un préjudice d'image qu'elle évalue à 150 000 euros au paiement desquels elle demande que tous les intimés soient solidairement condamnés.
La société Escale Beauté et consorts s'y opposent en constatant que Mov'in ne fait référence qu'à un seul fait précis (l'envoi d'un courrier le 24 février 2018 au commissaire aux comptes de la société Mov'in). Ils se prévalent de la décision de la Cour d'appel de Paris, chambre 4/8, du 29 janvier 2015 n°14/1182 qui a considéré comme insuffisante la provision pour risque inscrite par la société Mov'in dans ses comptes eu égard aux contentieux en cours.
Réponse de la Cour':
Mov'in verse au débat, au soutien de sa prétention, deux courriers adressés le 24 février 2018 par la société IHM, lesquels communiquent à un associé de Mov'in, Capital Partners, d'une part, et au commissaire aux comptes de Mov'in, d'autre part, copie de l'assignation délivrée en l'espèce.
Ce fait ne caractérise pas une atteinte à l'image de marque de l'entreprise de manière à toucher les clients de l'entreprise visée.
Il y a lieu de confirmer le jugement, qui n'a pas fait droit à cette demande.
Sur la procédure abusive
Exposé du moyen :
La société Escale Beauté et consorts demandent au bénéfice de Monsieur [H] et Madame [W] la somme de 5 000 euros chacun pour procédure abusive en faisant valoir que la demande fondée sur le dénigrement est exorbitante, vise à impressionner Mme [W] et procède de l'intention de nuire. Ils ajoutent que M. [H] n'a agi qu'en qualité de gérant et que la somme demandée au titre du dénigrement vise à le faire renoncer à ses droits.
Réponse de la Cour':
Force est de constater que Mme [W], associée d'Escale Beauté, qui n'a pas été condamnée en première instance, n'est pas visée à titre personnel par les pièces versées en procédure, et aucune allégation particulière n'est portée à son encontre dans le cadre du recours formé.
L'appel n'est à son égard aucunement justifié, et il convient de lui allouer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile.
Eu égard au sens de la décision de première instance, la société Mov'in, si elle s'est méprise sur l'étendue de son droit, n'a pas fait dégénérer en abus son droit à l'exercice de son action en justice. M. [H] sera débouté de sa demande.
Sur les frais irrépétibles, sur l'article 700 du code de procédure civile et sur l'exécution provisoire
Réponse de la Cour :
Il serait inéquitable de laisser à la charge de Mov'in, défenderesse en première instance et qui ne fait l'objet d'aucune condamnation à l'issue de la procédure d'appel, les frais irrépétibles qu'elle a été contrainte d'exposer pour faire valoir ses droits en justice.
En équité, la condamnation à verser la somme de 20 000 euros à la société Escale Beauté et à M. [H] sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile sera infirmée, et il ne sera pas fait application de ces dispositions à hauteur d'appel.
Il n'y a pas lieu d'infirmer la condamnation prononcée sur ce fondement s'agissant de Mme [W].
La SCP [O], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Espace Beauté et M. [L] [H], qui succombent en toutes leurs prétentions, seront condamnés aux dépens.
La Cour retient que l'exécution provisoire a été ordonnée en l'espèce sur le fondement de l'ancien article 515 du code de procédure civile alors applicable, comme le tribunal en avait la faculté, et qu'une infirmation n'a pas lieu d'être prononcée.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire,
Déclare recevable la demande de Fitness Park Development (anciennement Mov'in) à l'encontre de M. [H] et Madame [W], et la demande de condamnation de Fitness Park Development (anciennement Mov'in) pour procédure abusive,
Infirme le jugement du tribunal en ses dispositions qui lui sont soumises, mais seulement en ce qu'il a :
Constaté la violation de l'exclusivité territoriale, du contrat de réservation du 30 septembre 2010 et du contrat de licence du 29 octobre 2011, et déclare Fitness Park Development (anciennement Mov'in) seule responsable de ladite violation';
Condamné la société Fitness Park Development (anciennement Mov'in) à verser à la société Escale Beauté la somme de 164 400 € à titre de dommages et intérêts';
Condamné la société Fitness Park Development (anciennement Mov'in) à payer à la société Escale Beauté la somme de 154 640 € au titre du remboursement des frais de dépose des éléments du concept Lady Moving';
Condamné la société Fitness Park Development (anciennement Mov'in) à payer la somme de 20 000 € à la société Escale Beauté au titre de l'article 700 du code de procédure civile';
Condamné la société Fitness Park Development (anciennement Mov'in) à payer la somme de 20 000 € à M. [H] au titre de l'article 700 du code de procédure civile';
Condamné la société Fitness Park Development (anciennement Mov'in) aux dépens';
Statuant de nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,
Déboute la société Fitness Park Development (anciennement Mov'in) de sa demande de dommages et intérêts';
Déboute la société Fitness Park Development (anciennement Mov'in) de sa demande au titre du remboursement des frais de dépose des éléments du concept Lady Moving';
Rejette les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile formulées par la société la société Fitness Park Development (anciennement Mov'in), par M. [H] et par la SCP [O], ès qualités de liquidateur de la société Escale Beauté ;
Condamne la société Fitness Park Development (anciennement Mov'in) à verser la somme de 2 000 euros à Mme [W] pour procédure abusive ;
Condamne la SCP [O], ès qualité de liquidateur judiciaire de la société Espace Beauté et M. [L] [H], aux dépens.