Livv
Décisions

Cass. com., 29 mars 2023, n° 21-20.452

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Vigneau

Rapporteur :

Mme Vallansan

Avocat général :

Mme Henry

Avocat :

SCP Waquet, Farge et Hazan

Grenoble, du 20 mai 2021

20 mai 2021

Faits et procédure

 1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 20 mai 2021), le 30 mai 2017, la société LTF a été mise en liquidation judiciaire, M. [V] étant désigné en qualité de liquidateur. La société Var pare brise a déclaré au passif de la procédure collective une créance de 8 423,34 euros résultant d'une ordonnance de référé condamnant la société LTF à lui payer une provision au titre du solde du prix de travaux qu'elle avait réalisés à son profit sur un véhicule à livrer, et, pour le surplus, au titre de l'indemnité de procédure et des dépens mis à la charge de la société Var pare brise par l'ordonnance du premier président refusant d'arrêter l'exécution provisoire de l'ordonnance de référé, et de frais d'huissier de justice.

 2. Le juge-commissaire ayant admis la créance, la société LTF, devant la cour d'appel, a soutenu que celle-ci faisait l'objet d'une contestation sérieuse résultant de malfaçons et inexécutions rendant impossible l'usage du véhicule.

Sur le premier moyen

 Enoncé du moyen

 3. La société Var pare brise fait grief à l'arrêt de renvoyer les parties à mieux se pourvoir, d'inviter la société LTF à saisir la juridiction du fond compétente pour connaître de sa demande indemnitaire dans le délai d'un mois à compter de la réception de l'avis délivré à cette fin, et ce à peine de forclusion, alors « que lorsque, même sérieuse, la contestation du débiteur n'est pas susceptible d'avoir une incidence sur l'existence ou le montant de la créance du créancier, le juge doit écarter la contestation et admettre la créance ; qu'en renvoyant les parties à mieux se pourvoir et en sursoyant à statuer dans l'attente de la décision définitive, sans se prononcer sur l'incidence du caractère sérieux de la contestation du débiteur sur l'existence ou le montant de la créance déclarée, la cour d'appel a violé l'article L. 624-2 du code de commerce, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 12 mars 2014. »

Réponse de la Cour

 4. Ayant relevé que la société débitrice demandait le rejet de la créance déclarée aux motifs que celle-ci se heurtait à une contestation sérieuse, les travaux étant affectés de graves malfaçons et inexécutions faisant obstacle à l'immatriculation du véhicule, l'arrêt retient que la contestation soulevée est relative à l'exécution défectueuse du contrat d'entreprise et présente un caractère sérieux , de sorte qu'elle ne relève pas des pouvoirs juridictionnels du juge-commissaire.

 5. De ces seuls motifs dont il résulte que la contestation avait une incidence directe sur le principe et le montant de la créance déclarée, abstraction faite de ceux erronés mais surabondants relatifs à une demande indemnitaire visant à opérer compensation qui n'était pas formée par la société LTF, la cour d'appel a déduit à bon droit qu'il y avait lieu d'inviter la société débitrice à saisir la juridiction compétente de cette contestation et de surseoir à statuer sur l'admission de la créance.

 6. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le deuxième moyen, pris en sa seconde branche, et sur le troisième moyen, pris en sa première branche, réunis

 Enoncé des moyens

 7. La société Var pare brise fait le même grief à l'arrêt, alors :

 « 2°/ qu'en renvoyant les parties à mieux se pourvoir et en sursoyant à statuer dans l'attente de la décision définitive, sans justifier de l'existence d'aucune contestation sérieuse pouvant avoir une incidence sur cette créance de frais d'article 700 et de dépens prononcés par l'ordonnance de référé du 6 février 2017, rendue par le premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, la cour d'appel a violé l'article L. 624-2 du code de commerce ;

 1°/ que les décisions doivent être motivées ; qu'en renvoyant les parties à mieux se pourvoir et en sursoyant à statuer dans l'attente de la décision définitive, sans motiver aucunement sa décision concernant la créance de frais d'huissier, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

 Vu les articles L. 624-2 et R. 624-5 du code de commerce :

 8. Il résulte de ces textes que le juge-commissaire, ou la cour d'appel statuant à sa suite sur l'admission des créances, ne peut renvoyer les parties à mieux se pourvoir et inviter l'une d'entre elles à saisir la juridiction compétente qu'en cas de contestation sérieuse de la créance déclarée.

 9. Pour renvoyer les parties à mieux se pourvoir et inviter la société LTF à saisir la juridiction du fond compétente pour connaître de sa contestation relative à l'exécution défectueuse du contrat, l'arrêt retient qu'une telle contestation ne relève pas des pouvoirs juridictionnels du juge-commissaire.

 10. En statuant ainsi, alors que la société débitrice ne faisait valoir aucune contestation contre les condamnations prononcées par l'ordonnance du premier président précitée au titre des dépens et de l'article 700 du code de procédure civile, ni au sujet des frais d'huissier de justice réclamés, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

 CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il renvoie la société LTF à saisir la juridiction du fond pour connaître des demandes de 1 013 euros au titre des frais de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens, et de 1 060,44 euros au titre des frais d'huissier de justice, l'arrêt rendu le 20 mai 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;

 Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble autrement composé.