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Décisions

CA Caen, 1re ch. sect. civ. et com., 9 novembre 2010, n° 10/02643

CAEN

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

IFS Distribution (SAS)

Défendeur :

Doutressoulle (ès qual.), Selarl AJIRE (ès qual.), Hernandez (SAS), Vitaneuf (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Calle

Conseillers :

Mme Boissel Dombreval, Mme Vallansan

Avoués :

SCP Grammagnac-Ygouf Balavoine Levasseur, SCP Mosquet Mialon d'Oliveira Leconte

Avocats :

Me Thill, Me Duhamel

T. com. Caen, du 17 août 2010, n° 10/743…

17 août 2010

Vu le jugement du tribunal de commerce de Caen du 17 août 2010, qui a arrêté le plan de cession partielle de l'entreprise de la SA VITANEUF au profit de Monsieur Eric Petitbon et de Madame Manuela Hanquier ou toute société constituée en SAS qui sera créée pour les besoins de la reprise et leur sera substituée, ordonné en application de l'article L.642-7 du code de commerce le transfert d'un certain nombre de contrats dont le bail commercial conclu avec la société IFS DISTRIBUTION pour le local du centre commercial Rocade Sud à Ifs ;

Vu l'appel de la société IFS Distribution et la requête afin d'assigner à jour fixe déposée le 31 août 2010 ;

Vu les conclusions de la société IFS Distribution du 4 novembre 2010, par lesquelles elle demande à la Cour :

- de réformer le jugement,

- en application de la clause du bail qui institue un droit de préemption à son profit, d'ordonner à la société VITANEUF, la SELARL AJIRE, ès qualités d'administrateur judiciaire de la société VITANEUF, ainsi qu'à Maître Doutressoulle, ès qualités de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de ladite société, de se conformer aux dispositions contractuelles en lui notifiant par lettre recommandée avec accusé de réception l'avant contrat de cession et toutes ses pièces annexes, en lui indiquant, à peine de nullité de la notification, le nom et l'adresse de l'acquéreur, le prix, les modalités de paiement et, d'une manière générale, toute condition de la vente projetée ainsi que les lieu, jour et heure prévus pour la réalisation de cette cession, qui ne pourra intervenir moins d'un mois après la réception de cette notification,

- de l'autoriser à se prévaloir de ce droit de préférence, soit pour elle-même, soit au profit de toute personne qu'elle pourra se substituer,

- de condamner in solidum la SELARL AJIRE, ès qualités, Maître Doutressoulle, ès qualités, la société VITANEUF, Monsieur Petitbon et Madame Hanquier, à lui payer la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Vu les conclusions de la SELARL AJIRE et de Maître Doutressoulle, ès qualités, du 25 octobre 2010, par lesquelles elles demandent à la Cour de confirmer le jugement et de condamner la société IFS Distribution à leur payer la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens, à recouvrer en application de l'article 699 du code de procédure civile ;

Vu les conclusions de la SAS HERNANDEZ, venant aux droits de Monsieur Petitbon et Madame Hanquier, du 5 octobre 2010, par lesquelles elle demande à la Cour de confirmer le jugement et de condamner la société IFS Distribution à lui payer les sommes de 25.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens à recouvrer en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

Attendu que la société VITANEUF exploitait son activité de pressing sur trois sites, dont l'un était situé dans les locaux commerciaux dépendant de l'ensemble immobilier 'Centre commercial Rocade Sud' à Ifs et appartenant à la société Ifs Distribution ; qu'elle a été mise en redressement judiciaire par jugement du 29 octobre 2009 ; que par un jugement du 7 janvier 2010, le tribunal de la procédure a désigné un administrateur judiciaire, avec mission d'assistance ; que ce dernier, ayant suscité des offres de reprise de l'entreprise, en alternative à une liquidation judiciaire, Monsieur Petitbon et Madame Hanquier ont déposé une offre de reprise le 29 juin 2010, qui comprenait le site d'Ifs ; que par courrier du 23 juillet 2010, le bailleur du site d'Ifs a demandé aux organes de la procédure de respecter la procédure d'information contenue dans la clause de préemption qui figure au contrat de bail qui la lie à son preneur ; que cependant, l'administrateur, sans avoir notifié officiellement le projet de cession à la société Ifs Distribution, a déposé son rapport le 3 août 2010 ;

Sur l'opposabilité de la clause de préemption :

Attendu que la société Ifs Distribution interjette appel en sa qualité de cocontractant, de la partie du jugement qui emporte cession du bail commercial, en application de l'article L. 661-6-III du code de commerce ;

Attendu qu'il résulte de l'article L.642-7 du code de commerce, que le tribunal qui arrête un plan de cession totale ou partielle de l'entreprise peut ordonner la cession de certains contrats qu'il détermine ;

Attendu qu'il résulte du même article que le jugement arrêtant le plan emporte de plein droit cession de ces contrats ; que ce texte prive nécessairement d'effet toute clause qui aurait pour effet de restreindre les pouvoirs du tribunal ;

Attendu, en conséquence, que le tribunal a justement décidé que le transfert des contrats déterminés par lui est opposable à tous nonobstant l'existence d'une clause restrictive, s'agissant d'une cession judiciaire ; qu'ainsi, le bailleur dont le contrat de bail était cédé dans le cadre d'un plan de cession, ne pouvait se prévaloir de la clause de préférence qui, au surplus, ne s'imposait qu'au preneur, lequel, dans le cadre d'un plan de cession, avait perdu tout pouvoir d'exprimer sa volonté sur ce transfert ;

Attendu que le jugement sera en conséquence confirmé ;

Sur le caractère abusif de l'appel :

Attendu que la société Ifs Distribution, qui n'a déposé aucune offre de reprise de l'entreprise, ne serait-ce que pour le seul site d'Ifs, alors qu'elle en avait la possibilité, ne peut soutenir avoir fait connaître son intention de se prévaloir de son droit de préemption, mais s'est contenté de mettre en demeure les organes de lui notifier officiellement l'offre de cession ; que, représentée à l'audience du tribunal lors de la discussion du plan, elle a simplement reproché à l'administrateur de ne pas avoir respecté la clause de préférence, sans indiquer souhaiter reprendre le bail ; que la mise en oeuvre de son droit de préemption n'était pas dans ses intentions, puisqu'il est précisé dans le jugement, que le conseil de la société Ifs Distribution a envoyé un fax le 13 août 2010, faisant savoir qu'aucun accord n'ayant pu être trouvé avec le candidat repreneur, elle maintenait son opposition à la cession en fraude de ses droits contractuels ; que dans ses écritures, elle n'indique pas d'avantage qu'elle entend se prévaloir de son droit de préemption, demandant à la Cour d'ordonner aux intimés de notifier l'avant-contrat de cession et d'imposer un délai de réflexion, alors que la cession a fait l'objet d'un jugement publié ;

Attendu qu'il résulte des observations qui précèdent que l'appel du bailleur n'a eu pour seul objectif que de retarder l'effectivité de la cession du fonds de blanchisserie situé à Ifs ; que l'exercice de l'appel doit donc être considéré comme abusif ;

Attendu que ce recours, exercé sans intérêt de la part de l'appelant, a pu engendrer pour la société HERNANDEZ un préjudice en ce que, même si elle a commencé son exploitation, elle n'a pas pu encore signer les actes de cession, et que l'incertitude de l'issue du recours a pu créer un climat d'incertitude sur le site d'Ifs où les deux salariés qui y travaillent peuvent douter de la pérennité de leur emploi ; que ce préjudice sera évalué à la somme de 5.000 euros ;

Sur l'article 700 du code de procédure civile :

Attendu que, succombant en son appel, la société Ifs Distribution a contraint la société HERNANDEZ à exposer des frais irrépétibles qu'il est équitable de ne pas laisser à sa charge et qui seront fixés à la somme de 1.500 euros ;

Attendu que la SELARL AJIRE et Maître Doutressoulle n'ayant pas été assistés par un avocat, il est équitable de les débouter de leur demande au titre de leurs frais irrépétibles ;

PAR CES MOTIFS

- Confirme le jugement ;

- Condamne la SAS Ifs Distribution à payer à la SAS HERNANDEZ les sommes de :

- 5.000 euros à titre de dommages et intérêts,

- 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Déboute la SELARL AJIRE, ès qualités d'administrateur de la société VITANEUF, et Maître Doutressoulle, ès qualités de mandataire judiciaire à la procédure collective de la société VITANEUF, de leur demande en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamne la société Ifs Distribution aux dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.