CA Paris, Pôle 4 ch. 8, 19 novembre 2015, n° 14/16532
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Interval (SAS)
Défendeur :
Konica Minolta Business Solutions France (SAS), Giffard (ès qual.)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Hirigoyen
Conseillers :
Mme Lacquemant, Mme Jeanjaquet
Avocats :
Me Regnier, Me Sonier, Me Derieux
Par ordonnance de référé en date du 26 novembre 2013, le président du tribunal de commerce de Paris a notamment débouté la Sas Interval de ses demandes dirigées contre la Sas Konica Minolta Business Solutions France (la société Konica Minolta) et l'a condamnée à payer à celle-ci une provision de 12 930,43 euros au titre de factures impayées afférentes à des contrats de maintenance de matériel copieur faisant l'objet de location financière, outre 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
S'agissant des indemnités de résiliation anticipée, le juge des référés a considéré que l'interprétation du contrat relevait du fond et qu'il n'y avait pas lieu à référé de ce chef.
La société Interval a relevé appel de cette décision qui sera confirmée par arrêt de cette cour en date du 28 octobre 2014 en ce qui concerne la société Konica Minolta, y ajoutant la condamnation de la société Interval au paiement, du chef des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, d'une indemnité complémentaire de 2 000 euros.
La société Konica Minolta a fait pratiquer une saisie-vente par le ministère de Maître Nicole Borota huissier de justice qui a dressé procès-verbal en date du 12 février 2014.
Par acte du 11 mars 2014, la société Interval a assigné la société Konica Minolta devant le juge de l'exécution aux fins d'annulation de la saisie-vente et paiement de dommages et intérêts pour saisie abusive.
Suivant jugement en date du 15 juillet 2014, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Bobigny a débouté la société Interval de toutes ses demandes.
La société Interval a relevé appel selon déclaration du 30 juillet 2014 et a signifié des conclusions le 10 novembre 2014 tendant à l'infirmation du jugement.
Puis, sur déclaration de cessation des paiements, sa liquidation judiciaire a été ouverte par jugement du 9 juillet 2015 du tribunal de commerce de Bobigny qui a désigné Maître Frédéric Giffard en qualité de liquidateur judiciaire.
La société Konica Minolta a procédé le 8 septembre 2015, à une déclaration de créance à titre chirographaire, pour la somme de 111 785,31 euros, comprenant notamment les causes de l'ordonnance de référé du 26 novembre 2013.
Maître Frédéric Giffard, ès qualités, a signifié des conclusions d'intervention volontaire en date du 15 septembre 2015, demandant à la cour, vu les articles L. 121-2, L. 142-1, R. 121-1, R. 221-50 du code des procédures civiles d'exécution, L.621-2 et L. 622-23 du code de commerce, 1244-1 du code civil, 330, 699 et 700 du code de procédure civile, de constater sa désignation en qualité de liquidateur judiciaire de la société Interval, de déclarer recevable et bien fondée son intervention volontaire, ès qualités, statuant sur le fond, d'infirmer le jugement rendu par le juge de l'exécution le 15 juillet 2014, statuant à nouveau, de déclarer recevable l'ensemble des demandes de la société Interval, en conséquence, de dire et juger que la saisie-vente pratiquée par la société Konica Minolta le 12 février 2014 est nulle, de condamner la société Konica Minolta à payer la somme de 1 000 euros en raison du caractère abusif de la saisie litigieuse pratiquée, d'autoriser la société Interval à régler la créance de la société Konica Minolta en vingt-quatre mensualités à compter du jour de la signification de l'arrêt à intervenir, en tout état de cause, de condamner la société Konica Minolta à payer à Maître Frédéric Giffard, ès qualités, la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Par conclusions signifiées le 16 septembre 2015, la société Konica Minolta sollicite la confirmation du jugement, le débouté de toutes demandes de la partie appelante et sa condamnation au paiement de la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
SUR CE
- Sur l'intervention volontaire de Maître Frédéric Giffard, ès qualités
Il convient de déclarer recevable l'intervention volontaire de Maître Frédéric Giffard, ès qualités.
- Sur la demande de nullité du procès-verbal de saisie-vente
Maître Frédéric Giffard, ès qualités, réitère les moyens, écartés par le premier juge, pris d'une part de l'absence de droit de propriété sur les biens saisis, d'autre part, de la méconnaissance des règles relatives aux opérations d'exécution dans les locaux.
Sur la propriété des biens saisis
Selon l'article R. 221-50 du code des procédures civiles d'exécution, le débiteur peut demander la nullité de la saisie portant sur un bien dont il n'est pas propriétaire.
Les biens suivants ont été saisis : un photocopieur, un système informatique composé de trois ordinateurs, dix machines à mettre sous film Sitma, une balance électronique et deux fenwicks.
Il est soutenu que les biens mobiliers répertoriés sur le procès-verbal de saisie n'appartiennent pas à la société Interval mais à la société Interval Routage, sa filiale, ou correspondent à du matériel détenu par cette dernière mais appartenant à des tiers, Maître Frédéric Giffard, ès qualités, soulignant que ces biens correspondent à ceux listés comme appartenant ou étant loués à Interval Routage dans un inventaire de biens de la société Interval Routage dressé par Maître Nguyen, commissaire-priseur, qu'ils sont situés sur le site d'Aubervilliers, 49/55 rue des Ecoles de sorte qu'ils ont manifestement été confondus avec des biens d'Interval qui est domiciliée à cette même adresse, que seule manque à la liste la balance électronique laquelle se trouve 'normalement' dans 'l'atelier manuel' qui a été omis par le commissaire-priseur, que la société Interval dont l'activité est celle d'une holding et qui ne dispose d'aucun salarié n'a que faire de ce matériel au contraire d'Interval Routage dans le cadre de son activité principale de mise sous films et de montage de presse, que si les deux sociétés appartiennent au même groupe, il n'existe aucune confusion entre elles, qu'il n'appartient pas au juge de l'exécution de se prononcer sur une éventuelle confusion de patrimoines qui n'a jamais été retenue, que le premier juge a méconnu les faits de l'espèce et le droit en relevant une gestion d'affaires commune.
Mais il ressort de l'inventaire de biens dressé par Maître Nguyen, que les biens recensés comme appartenant à la société Interval Routage sont situés pour certains sur le site d'Aubervilliers et pour d'autres sur le site de la Courneuve ce qui ôte tout crédit à la thèse d'une coïncidence desdits biens avec les biens saisis.
La preuve n'est donc pas rapportée de la propriété d'autrui alléguée.
Sur le respect des dispositions générales applicables aux opérations d'exécution dans les locaux de la personne saisie
Selon l'article L. 142-1 du code des procédures civiles d'exécution, en l'absence de l'occupant du local ou si ce dernier en refuse l'accès, l'huissier de justice chargé de l'exécution ne peut y pénétrer qu'en présence du maire de la commune, d'un conseiller ou d'un fonctionnaire municipal, d'une autorité de police ou de gendarmerie ou, à défaut, de deux témoins majeurs.
Maître Giffard, ès qualités, argue de la nullité de la saisie-vente au motif que l'huissier a agi sans se présenter à l'accueil ni informer qui que ce soit des motifs de sa venue, s'est rendu directement dans les locaux d'Interval Routage et a procédé à l'inventaire du mobilier de cette dernière sans demander l'accord de la société Interval, en méconnaissance des dispositions précitées.
Cependant, le courrier de Maître Borata en date du 2 avril 2014 relatant les circonstances de la saisie contredit formellement cette version.
Par ailleurs, il n'est pas contesté que l'huissier s'est présenté accompagné de deux témoins.
Enfin, en invoquant en cause d'appel le préjudice issu de l'obligation de supporter des frais irrépétibles et des dépens, la partie appelante ne justifie pas d'un grief résultant de l'irrégularité prétendue au sens de l'article 114 du code de procédure civile.
Le premier juge doit être approuvé pour avoir écarté les moyens de nullité et rejeté la contestation de la saisie-vente
- Sur la demande de dommages et intérêts pour saisie abusive
La solution du litige conduit à confirmer encore le jugement en ce qu'il a rejeté ce chef de demande.
- Sur l'article 700 du code de procédure civile
L'équité ne commande pas de faire application de ces dispositions.
PAR CES MOTIFS
Déclare recevable l'intervention volontaire de Maître Frédéric Giffard, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Interval,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions,
Déboute les parties de toutes autres demandes,
Condamne la société Interval aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés dans les termes de l'article 699 du code de procédure civile.