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Décisions

Cass. com., 3 mai 2011, n° 10-16.146

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Favre

Avocats :

SCP Barthélemy, Matuchansky et Vexliard, SCP Gadiou et Chevallier

Nancy, du 12 janv. 1995

12 janvier 1995

Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 12 avril 2005 pourvois n° 00-20.455 et 00-20.488), qu'en garantie de concours financiers, la société Etablissements des héritiers de Georges Perrin (la société HGP) a constitué au profit du Crédit lyonnais, devenu le Crédit lyonnais LCL, du Crédit commercial de France, devenu HSBC France, de la Banque nationale de Paris, devenue la Banque nationale de Paris Paribas, de la Société générale et de la Société nancéienne Varin-Bernier devenue CIC Est (les banques) un gage sur un important lot de tissus qui a été mis en possession d'un tiers convenu, la Société européenne de garantie (la société SEG) ; que, la société HGP ayant été mise en redressement judiciaire, le tribunal a arrêté, par un jugement du 8 novembre 1991, le plan de cession de son activité de tissage au profit de la société Les Tissages des héritiers de Georges Perrin-Groupe Alain E... HGP-GAT (la société cessionnaire), moyennant un prix de cession dont une quote-part a été affectée au lot de tissus gagé ; que la société cessionnaire, malgré l'opposition du tiers convenu, a pris possession du lot de tissus nanti sans que la créance déclarée par les banques ne soit payée ; que, par jugement du 22 mars 1994, le tribunal, rejetant la demande formée par les banques, a décidé " que le versement de la quote-part attribuée au pool bancaire par le jugement du 8 novembre 1991 par les soins du commissaire à l'exécution du plan entraînera purge de toute inscription de privilège ou nantissement sur les biens cédés " ; que les banques ayant relevé appel de ce jugement ainsi que du jugement ayant arrêté le plan, la cour d'appel de Nancy a, par un arrêt du 12 janvier 1995, déclaré irrecevable l'appel dirigé contre le jugement du 8 novembre 1991 arrêtant le plan de cession et confirmé le jugement du 22 mars 1994 ; que, par arrêt du 20 mai 1997 (pourvoi n° 95-12.925), la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation a cassé, dans toutes ses dispositions, l'arrêt en ce qu'il a confirmé le jugement du 22 mars 1994, au motif que la cession de l'entreprise, par suite de l'adoption d'un plan de redressement, ne peut porter atteinte au droit de rétention issu du gage avec dépossession qu'un créancier a régulièrement acquis sur des éléments compris dans l'actif cédé et qu'en l'absence de disposition légale en ce sens, le créancier rétenteur ne peut être contraint de se dessaisir du bien qu'il retient légitimement que par le paiement du montant de la créance qu'il a déclarée, et non par celui d'une quote-part du prix de cession qui serait affectée à ce bien pour l'exercice du droit de préférence ; que par arrêt du 11 juillet 2000, la cour d'appel de Colmar, cour de renvoi, a confirmé le jugement du 22 mars 1994 et a déclaré irrecevables comme nouvelles les demandes présentées par les banques et tendant à faire condamner MM. G...et H..., ès qualités, M. E..., à titre personnel et la société cessionnaire, au paiement, par prélèvement sur le prix de cession de l'entreprise, des créances garanties par le gage ; que par arrêt du 12 avril 2005, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation a cassé l'arrêt du 11 juillet 2000 ; que devant la cour d'appel de Metz, cour de renvoi, les banques ont soutenu qu'en violation de l'article 2082 ancien du code civil, elles avaient été dépossédées par la société cessionnaire de leur gage en marchandises portant sur le lot de tissus et ont demandé, sur le fondement des articles 2082 ancien et 1382 du code civil, la condamnation de M. E..., à titre personnel, de la société cessionnaire et de MM. H...et G..., ès qualités, au paiement de diverses sommes ;

Sur le premier moyen, pris en ses première, quatrième, cinquième et sixième branches :

Vu l'article 2082 ancien du code civil, applicable en l'espèce ;

Attendu que pour rejeter la demande présentée par les banques et tendant à faire juger qu'elles avaient été dépossédées de façon fautive par la société cessionnaire et sous la responsabilité de MM. H...et G..., ès qualités, du lot de tissus nanti, l'arrêt retient que la société cessionnaire pouvait se prévaloir d'une interprétation non encore fixée de l'article 93 de la loi du 25 janvier 1985 et des dispositions du jugement du 8 novembre 1991 ; que l'arrêt retient encore que ce jugement a fixé au 15 novembre 1991, à 0 heure, soit 8 jours après son prononcé, la prise de possession par la société cessionnaire de l'ensemble des actifs faisant l'objet de la cession, et cela, sans attendre la signature officielle des actes de cession ; que l'arrêt retient enfin que la société cessionnaire pouvait se prévaloir de l'autorisation et de l'accord donnés par M. H..., ès qualités, en ce que celui-ci, après avoir mis en demeure les banques de donner mainlevée en exécution du jugement du 8 novembre 1991, a écrit à la société SEG, tiers convenu, qu'il n'était pas besoin de mainlevée du gage du Crédit Lyonnais puisque la décision résultait du jugement du tribunal de commerce d'Epinal ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que le commissaire à l'exécution du plan de cession d'un débiteur, ayant constitué un gage avec dépossession sur un meuble, ne peut, à moins que le détenteur du gage n'en abuse, en réclamer la restitution qu'après avoir entièrement payé, tant en principal qu'intérêts et frais la dette pour sûreté de laquelle le gage a été donné, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé ;

Et sur le second moyen, pris en ses troisième, quatrième, cinquième et sixième branches :

Vu l'article 566 du code de procédure civile ;

Attendu que pour déclarer irrecevables comme nouvelles les demandes en paiement présentées par les banques sur le fondement des articles 2082 ancien et 1382 du code civil à l'encontre de MM. H...et G...ès qualités, de M. E...à titre personnel et de la société cessionnaire, l'arrêt retient qu'en première instance les banques ont présenté uniquement des demandes visant à obtenir de la société SEG qu'elle remplisse sa mission de tiers convenu et de la société cessionnaire qu'elle ne fasse pas obstacle à l'exécution de cette mission ; que l'arrêt retient encore que les demandes présentées par les banques à l'encontre de M. E..., de MM. H...et G..., ès qualités, et de la société cessionnaire ne sont pas virtuellement comprises dans les demandes et défenses soumises au premier juge, à défaut de toute demande en paiement en première instance contre quiconque et sur quelque fondement que ce soit et qu'elles ne peuvent plus être regardées comme en étant l'accessoire, la conséquence ou le complément alors qu'elles sont de surcroît présentées contre des parties à l'encontre desquelles aucune demande de quelque nature qu'elle soit n'avait été émise en première instance ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que les demandes en paiement présentées par les banques devant la cour d'appel étaient virtuellement incluses dans la demande originaire tendant à l'application des dispositions de l'article 2082 ancien du code civil et en étaient l'accessoire, la conséquence ou le complément, peu important que ces demandes fussent dirigées contre des tiers à la procédure de première instance, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 4 février 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Metz ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Besançon.