Livv
Décisions

Cass. com., 9 juillet 2013, n° 12-18.135

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

Paris, du 30 mars 2012

30 mars 2012

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Carmeuse France (la société Carmeuse) a déposé le 15 septembre 2004 avec M. X..., un brevet français enregistré sous le n° 04 09767, délivré le 15 décembre 2006 et intitulé « utilisation de chaux partiellement pré-hydratée dans la séparation d'une suspension matières solide/ liquide, procédé de traitement des boues et boues purifiées obtenues selon ce procédé » ; que la société Lhoist recherche et développement, titulaire du brevet européen EP 1 154 958, déposé le 3 février 2000, délivré le 31 mars 2004 et portant sur un procédé de conditionnement des boues ainsi que la société Lhoist France (les sociétés Lhoist) ont fait assigner la société Carmeuse et M. X...en nullité du brevet français n° 04 09767 pour défaut de nouveauté et d'activité inventive et en concurrence déloyale ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que la société Carmeuse et M. X...font grief à l'arrêt d'avoir prononcé la nullité des revendications 1 à 8 du brevet français n° 04 09767 pour défaut de nouveauté et de la revendication 9 du même brevet pour défaut d'activité inventive, alors, selon le moyen :

1°/ que les parties s'accordaient pour admettre que le brevet français n° 04 09767 n'envisageait pas l'utilisation d'un floculant organique, les sociétés Lhoist reconnaissant elles-mêmes que les sels métalliques mentionnés dans la description et la revendication 4 de ce brevet constituaient des floculants minéraux et non des floculants organiques ; qu'en retenant, dès lors, de manière inexacte, pour retenir l'absence de nouveauté des revendications 1 à 8 du brevet français que ce dernier envisagerait l'ajout d'un floculant organique, en mentionnant la possibilité d'un ajout de sels métalliques, tels qu'« un sel de Fe3 + et/ ou un sel Al3 + de préférence FeCl3, Al2 (SO4) 3 et/ ou le chlorure basique d'aluminium », la cour d'appel a méconnu les termes du litige, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;

2°/ qu'en se bornant à affirmer que le brevet EP 1 154 958 décrirait l'utilisation d'une chaux active (en fait vive) à réactivité retardée dans le but de parvenir à une floculation et à une dessiccation des boues et que le brevet français n° 04 09767 se contenterait de décrire le « résultat évident obtenu à l'issue des réactions physiques et chimiques produites dans les boues traitées par les moyens mis en oeuvre par le brevet EP 1 154 958 », sans préciser sur quels éléments elle fondait de telles constatations, et cependant que le brevet EP 1 154 958 n'envisageait l'ajout de chaux à réactivité retardée que pour éviter une augmentation rapide du pH, la cour d'appel a privé sa décision de motifs, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;

3°/ que pour être comprise dans l'état de la technique et être privée de nouveauté, l'invention doit s'y retrouver toute entière dans une seule antériorité au caractère certain, avec les mêmes éléments qui la constituent dans la même forme, le même agencement et le même fonctionnement en vue du même résultat technique ; qu'en l'espèce, l'objet du brevet français n° 04 09767 est d'utiliser un seul et même produit, à savoir une chaux vive à réaction retardée (CVRR) pour assurer successivement les fonctions de floculation, grâce à l'action de la chaux éteinte contenue dans la couche protectrice de cette CVRR, puis de dessiccation, grâce à l'action différée des particules de chaux vive situées à l'intérieur ; qu'en se bornant à relever que le brevet EP n° 1 154 958 divulguerait l'utilisation d'une chaux active à réactivité retardée (CVRR) dans le traitement des boues tout au long du processus, sans constater qu'il divulguerait l'utilisation de ce seul produit pour assurer les fonctions précitées, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 611-11 du code de la propriété intellectuelle ;

4°/ qu'en se contentant de relever que les brevets en présence remplissent la même fonction et visent le même résultat, sans rechercher si cette fonction et ce résultat étaient obtenus par les mêmes moyens, et plus précisément si selon le brevet EP 1 154 958, la floculation puis la dessiccation des boues étaient obtenues par l'action unique de la chaux active à réactivité retardée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 611-11 du code de la propriété intellectuelle ;

5°/ qu'en se bornant à constater que la chaux éteinte sert à la concentration ou à la floculation des matières solides, et que le brevet EP 1 154 958 faisait apparaître que l'utilisation de chaux vive permettait d'assurer la dessiccation de la boue, sans constater qu'était déjà divulguée la possibilité d'optimiser ces opérations en utilisant une chaux vive à réaction retardée pour bénéficier successivement des avantages de la chaux éteinte pour la floculation puis de ceux de la chaux vive pour la dessiccation, la cour d'appel a privé sa décision au regard de l'article L. 611-11 du code de la propriété intellectuelle ;

Mais attendu que l'arrêt relève, s'agissant de l'utilisation de la chaux vive partiellement pré-hydratée à réactivité retardée (CVRR) dans la séparation, concentration et dessiccation des boues, que la description du brevet n° 1 154 958 divulgue, au paragraphe 26, l'utilisation d'une chaux vive partiellement pré-hydratée à réactivité retardée, constituée par des particules de chaux vive (CaO) revêtues d'une couche protectrice de chaux éteinte Ca (OH) ² et, dans laquelle la chaux éteinte de la CVRR sert à la floculation des matières solides avant la séparation liquide/ solide et la chaux vive à la dessiccation desdites matières après cette séparation ; qu'il relève encore que le brevet 1 154 958 enseigne que la floculation et la dessiccation des matières solides sont obtenues par la seule mise en oeuvre de la CVRR tout au long du processus, que c'est la CVRR qui est utilisée pour les opérations de concentration, séparation, dessiccation et décontamination des matières solides ; que de ces constatations et appréciations souveraines, la cour d'appel a pu, abstraction faite du motif surabondant critiqué par la première branche, déduire que le brevet 1 154 958 divulguait la mise en oeuvre d'une CVRR, qui n'était pas utilisée exclusivement pour éviter une augmentation trop rapide du Ph, mais qui, constituée de chaux vive revêtue d'une couche protectrice de chaux éteinte, exerçait à elle seule les mêmes fonctions en vue du même résultat que ceux revendiqués ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu que le premier moyen ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Mais sur le troisième moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article 4 du code de procédure civile ;

Attendu que pour annuler la revendication 5 du brevet n° 04 09767, l'arrêt retient que celle-ci est dépourvue de nouveauté ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que les sociétés Lhoist soutenaient, dans leurs conclusions, que cette revendication était nulle pour défaut d'activité inventive, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé le texte susvisé ;

Sur le quatrième moyen :

Vu les articles L. 611-11 et L. 613-25 du code de la propriété intellectuelle ;

Attendu que pour retenir que les revendications 2 à 4 et 6 à 8 du brevet 04 09767 sont dépourvues de nouveauté et doivent être annulées, l'arrêt relève qu'elles sont respectivement dans la dépendance des revendications 1 et 5 qui sont elles-mêmes dépourvues de nouveauté ;

Attendu qu'en statuant ainsi alors que l'annulation d'une revendication principale pour défaut de nouveauté n'entraîne pas automatiquement celle des revendications qui en dépendent, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Sur le cinquième moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article 4 du code de procédure civile ;

Attendu que pour annuler pour défaut d'activité inventive la revendication 9 du brevet 04 09767, revendication principale portant sur le produit, l'arrêt se fonde sur les enseignements des brevets X...n° 2 841 895 et Lhoist 1 154 958, sur l'article S. A...et sur le Mémento technique de l'eau éd. 1978 ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que dans leurs conclusions les sociétés Lhoist soutenaient que cette revendication était dépourvue d'activité inventive compte tenu des enseignements du brevet X...n° 2 841 895 et des documents JP 60054799, S. A...et Mémento technique de l'eau éd. 1978, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé le texte susvisé ;

Et sur le sixième moyen, pris en sa seconde branche :

Vu l'article 1382 du code civil ;

Attendu que pour ordonner la publication du dispositif de l'arrêt aux frais de la société Carmeuse, l'arrêt retient que des mesures de publication de la décision dans cinq journaux ou revues seront ordonnées comme exposé au dispositif de l'arrêt ;

Attendu qu'en statuant ainsi, sans caractériser l'existence d'un préjudice subi par les sociétés Lhoist, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a annulé les revendications 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8 et 9 du brevet n° 04 09767 et ordonné la publication du dispositif de l'arrêt dans cinq journaux ou revues aux frais de la société Carmeuse France, l'arrêt rendu le 30 mars 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne les sociétés Lhoist France et Lhoist recherche et développement aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer à la société Carmeuse France et à M. X...la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juillet deux mille treize.