Cass. com., 27 janvier 2021, n° 18-22.492
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Darbois
Avocats :
SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, SCP Gadiou et Chevallier
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 6 juin 2018), le 12 septembre 2002, MM. O... et T... F... (les consorts F...) ont acquis, chacun pour moitié, la totalité des 16 000 parts composant le capital de la société Eurofulfill (la société), dont 15 997 auprès d'une société dont le gérant était M. X... et 3 auprès de ce dernier. Le même jour, les consorts F... ont promis de céder 15 200 des parts ainsi acquises à M. X... moyennant le prix total de 25 000 euros. Celui-ci, qui a accepté cette promesse, qui ne comportait pas de terme extinctif, en se réservant le droit d'en demander ou non la réalisation, a, le 12 janvier 2015, notifié sa décision de lever l'option aux consorts F....
2. Ces derniers ayant refusé de signer le projet d'acte de cession qui leur était soumis, au motif que la promesse était caduque, M. X... les a assignés, ainsi que la société, aux fins de voir constater qu'il était devenu propriétaire des 15 200 parts litigieuses, le prix ayant été payé par compensation avec le montant du prêt qu'il avait consenti à M. O... F... le 12 septembre 2002.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. M. X... fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes tendant à voir constater la cession des parts de la société au prix de 25 000 euros et le transport desdites parts en sa pleine propriété, à voir dire que la publication de la cession s'effectuera sur la base de la décision à intervenir et à voir condamner les consorts F... sous astreinte à signer les actes, alors :
« 1°/ que lorsqu'une promesse unilatérale n'est assortie d'aucun terme bornant le temps durant lequel l'option conférée peut être levée, celle-ci perdure tant que le promettant n'a pas dénoncé la promesse ; qu'en considérant que la promesse litigieuse était caduque en l'absence de levée d'option dans un délai raisonnable, la cour d'appel a violé les articles 1101 et 1134 du code civil dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance 2016-131 du 10 février 2016 ;
2°/ que la cour d'appel ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions récapitulatives d'appel ; qu'en prononçant la nullité de la convention qui n'était pourtant pas demandée dans le dispositif des conclusions d'appel des consorts F... et de la société Eurofulfill qui sollicitait la confirmation pure et simple du jugement rejetant les demandes de M. W... X..., la cour d'appel a violé l'article 954 du code de procédure civile ;
3°/ que l'existence de la cause d'une obligation doit s'apprécier à la date où elle est souscrite ; qu'en se plaçant au jour de la levée de l'option pour retenir que la promesse était privée de cause en raison de l'accroissement de la valeur de la société cédée, la cour d'appel a violé l'article 1131 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance 2016-131 du 10 février 2016 ;
4°/ qu'en considérant que le prix était dérisoire compte tenu de l'accroissement considérable de la valeur des parts de la SARL Eurofulfill due à la bonne gestion réalisée par les consorts F..., bien qu'ayant relevé par ailleurs que le prix de cession avait été fixé en considération de la situation de la société cédée qui connaissait d'important difficultés financières et qui était fortement endettée, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs inaptes à caractériser l'absence de cause à l'obligation de vendre et a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1131 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance 2016-131 du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
4. En premier lieu, la cour d'appel n'ayant pas prononcé la nullité de l'acte litigieux, le moyen, en ses deuxième, troisième et quatrième branches, manque en fait.
5. En second lieu, après avoir exactement retenu que la convention conclue entre les consorts F... et M. X... le 12 septembre 2002 constituait, non pas une simple offre de contracter, mais une promesse unilatérale de vente à durée indéterminée, qui doit demeurer tant que le bénéficiaire n'a pas renoncé à acquérir les parts sociales et que l'engagement des promettants ne peut être rétracté sans que l'autre partie soit préalablement mise en demeure d'accepter ou de refuser l'achat, l'arrêt relève toutefois, par motifs propres et adoptés, que l'option, qui ne pouvait pas être levée par le bénéficiaire avant le 1er octobre 2003, l'a été le 14 janvier 2015, soit plus de onze ans et quatre mois après cette date et retient, par motifs propres, que ce délai ne peut être analysé, eu égard à la volonté manifestée par les parties au moment de la signature de la convention, comme un délai raisonnable, faisant ainsi disparaître le consentement donné au moment de la conclusion de la promesse. Ayant ainsi fait ressortir que, malgré l'absence de fixation d'un terme à la promesse, la volonté réelle des promettants n'était pas de s'engager à titre perpétuel envers M. X... à lui céder la majorité du capital de la société à un prix dépourvu de tout mécanisme d'indexation, la cour d'appel en a souverainement déduit que les parties avaient eu la commune intention de fixer un délai raisonnable pour la levée de l'option et que, compte tenu des circonstances, la caducité de la promesse unilatérale de vente était acquise au moment où son bénéficiaire a exercé l'option qui lui avait été consentie.
6. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. X... et le condamne à payer à M. O... F..., à M. T... F... et à la société Eurofulfill la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept janvier deux mille vingt et un.