Cass. crim., 18 septembre 2012, n° 12-80.526
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Louvel
Rapporteur :
M. Maziau
Avocat général :
M. Cordier
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que, le 13 juillet 2010, M. X..., au volant de son véhicule sans être porteur de la ceinture de sécurité, a fait l'objet d'un contrôle par les services de police au cours duquel il n'a pas été en mesure de présenter un permis de conduire valide ; que le même jour, il a été placé en garde à vue puis convoqué devant le tribunal correctionnel par un officier de police judiciaire ; que l'enquête a également révélé qu'il avait, d'une part, perdu tout droit à conduire par suite d'une décision du préfet de la Sarthe en date du 25 octobre 2004, lui faisant injonction de restituer son permis de conduire en raison du retrait de la totalité de ses points et d'autre part, été condamné pour conduite d'un véhicule sans permis à quatre mois d'emprisonnement, par jugement, en date du 19 décembre 2006, duquel il n'a pas été relevé appel, du tribunal correctionnel de Rennes ; que, par jugement en date du 13 octobre 2010 prononçant sur les faits relevés le 13 juillet 2010, ledit tribunal a condamné M. X... à deux mois d'emprisonnement ; que le prévenu et le ministère public ont relevé appel de cette décision ;
En cet état :
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 63, 63-1, 591 et 593 du code de procédure pénale, 5 § 1 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
"en ce que l'arrêt a limité l'étendue de l'annulation tirée de la violation de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme à la seule audition faite en garde à vue, sans l'étendre à l'intégralité de la mesure privative de liberté et aux acte s subséquents entachés de nullité, sans s'expliquer sur le caractère très restreint de l'étendue de l'annulation ;
"aux motifs que, sur les exceptions de procédure devant la cour, M. X... a sollicité l'annulation de la garde à vue et de la convocation devant le tribunal correctionnel ; qu'il a fait valoir qu'il n'avait pas été informé, dans le cadre de cette mesure, de son droit de se taire et bénéficié de l'assistance d'un avocat ; qu'il se déduit de l'article 6 § 3 de la Convention européenne des droits de l'homme que toute personne placée en garde à vue, doit, dès le début de cette mesure, être informée de son droit de se taire et, sauf exceptions justifiées par des raisons impérieuses tenant aux circonstances particulières de l'espèce, pouvoir bénéficier, en l'absence de renonciation non équivoque, de l'assistance d'un avocat ; qu'en l'espèce, il est constant que M. X... a été placé en garde à vue le 13 juillet 2010, qu'il n'a pas été informé, dès le début de cette mesure, de son droit de se taire et qu'il n'a pas bénéficié, en l'absence de renonciation non équivoque, de l'assistance d'un avocat ; qu'il convient donc de constater que l'audition recueillie au cours de la garde à vue n'est pas conforme aux prescriptions de la Convention européenne des droits de l'homme et d'annuler cet acte ; que, par contre, la convocation devant le tribunal correctionnel de Rennes, délivrée le 13 juillet 2010, au prévenu par un officier de police judiciaire sur instruction du procureur de la République constitue un acte distinct de la garde à vue qui n'est pas atteint par les irrégularités qui peuvent affecter la mesure coercitive ; que la demande tendant à voir annuler cette convocation sera rejetée ;
"alors que tout jugement doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions ; que l'insuffisance ou la contradiction de motifs équivaut à leur absence ; que, selon les termes de l'arrêt, M. X... a, par conclusions régulièrement déposées, sollicité l'annulation de la mesure de garde à vue à raison de la violation de l'article 6 § 3 de la Convention européenne des droits de l'homme ; qu'après avoir constaté que M. X... n'avait pas été informé dès le début de la mesure de son droit de se taire et qu'il n'avait pas bénéficié, en l'absence de renonciation non équivoque, de l'assistance d'un avocat, l'arrêt critiqué a limité la portée de l'irrégularité à l'annulation de l'audition recueillie au cours de la garde à vue ; qu'en se déterminant ainsi et sans s'expliquer sur les motifs conduisant à limiter l'étendue de l'annulation aux seules déclarations faites en garde à vue, la cour d'appel a laissé sans réponse la demande péremptoire tendant à l'annulation de l'intégralité de la mesure privative de liberté et insuffisamment justifié sa décision ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles préliminaire, 174, 390-1, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt critiqué a refusé de prononcer l'annulation de la convocation par officier de police judiciaire délivrée durant le temps de la garde à vue ;
"aux motifs que, sur les exceptions procédure, devant la cour, M. X... a sollicité l'annulation de la garde à vue et de la convocation devant le tribunal correctionnel ; qu'il a fait valoir qu'il n'avait pas été informé dans le cadre de cette mesure de son droit de se taire et bénéficié de l'assistance d'un avocat ; qu'il se déduit de l'article 6 § 3 de la Convention européenne des droits de l'homme que toute personne placée en garde à vue, doit, dès le début de cette mesure, être informée de son droit de se taire et, sauf exceptions justifiées par des raisons impérieuses tenant aux circonstances particulières de l'espèce, pouvoir bénéficier, en l'absence de renonciation non équivoque, de l'assistance d'un avocat ; qu'en l'espèce, il est constant que M. X... a été placé en garde à vue le 13 juillet 2010, qu'il n'a pas été informé, dès le début de cette mesure, de son droit de se taire et qu'il n'a pas bénéficié, en l'absence de renonciation non équivoque, de l'assistance d'un avocat ; qu'il convient donc de constater que l'audition recueillie au cours de la garde à vue n'est pas conforme aux prescriptions de la Convention européenne des droits de l'homme et d'annuler cet acte ; que, par contre, la convocation devant le tribunal correctionnel de Rennes, délivrée le 13 juillet 2010 au prévenu par un officier de police judiciaire, sur instruction du procureur de la République, constitue un acte distinct de la garde à vue qui n'est pas atteint par les irrégularités qui peuvent affecter la mesure coercitive ; que la demande tendant à voir annuler cette convocation sera rejetée ;
"alors que, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction équivaut à leur absence ; qu'après avoir constaté la nullité d'un acte, la juridiction doit rechercher tous les actes de procédure en lien de causalité avec les opérations litigieuses et prononcer l'annulation de tous les actes dérivant de ceux entachés de nullité ; qu'en se déterminant ainsi, après avoir prononcé l'annulation de l'audition en garde à vue de M. X... et sans rechercher ni préciser les autres actes non entachés de nullité justifiant que des poursuites soient engagées et que soit délivrée, à la demande du ministère public, une convocation à comparaître, la cour d'appel a insuffisamment motivé sa décision" ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'avant toute défense au fond, le prévenu a sollicité l'annulation de son audition en garde à vue ainsi que celle de sa convocation par un officier de police judiciaire devant le tribunal correctionnel, faute d'avoir bénéficié de la notification de son droit de se taire et de l'assistance d'un avocat lors de sa garde à vue ;
Attendu qu'après avoir fait droit à cette demande en ce qui concerne les seuls procès-verbaux de l'audition recueillie au cours de la garde à vue, l'arrêt énonce que la convocation devant le tribunal correctionnel de Rennes délivrée au prévenu par un officier de police judiciaire sur instruction du procureur de la République constitue un acte distinct de la garde à vue qui n'est pas atteint par les irrégularités qui peuvent affecter la mesure coercitive ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que les moyens doivent être écartés ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de violation des articles L. 221-2, L. 223 et R. 223-3 du code de la route, 111-5 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt critiqué a refusé d'examiner les exceptions d'illégalité et de nullité des poursuites des chefs de conduite sans permis tirées de l'illégalité de la décision d'invalidation du permis de conduire du prévenu ;
"aux motifs que, sur les exceptions de procédure, M. X... a, par ailleurs, sollicité le constat de l'illégalité de la décision d'invalidation du permis de conduire et des poursuites fondées sur les dispositions de l'article L. 221-2 du code de la route ; que ce moyen constitue non un moyen de procédure mais un moyen de fond car il tend à priver l'infraction reprochée de base légale et il sera examiné comme tel avec les faits ; que, sur les faits, le 13 juillet 2010 à 14h40, les services de police procéaient au contrôle d'un véhicule immatriculé 1546 XJ 56 circulant rue de la Parcheminerie à Rennes dont le conducteur n'était pas porteur de la ceinture de sécurité ; que M. X..., le conducteur, ne pouvait présenter aux policiers un permis de conduire valide ; que l'enquête révélait qu'il avait perdu tout droit à conduire par suite d'une décision du préfet de la Sarthe, en date du 25 octobre 2004, notifiée le 16 novembre 2004, lui faisant injonction de restituer son permis de conduire en raison du retrait de la totalité des points, retrait lui-même notifié le 13 octobre 2004 suivant lettre AR 4950 4286 5 FR ; que la seule décision dont dépend la solution de la procédure est l'injonction de restituer permis de conduire, notifiée u prévenu le 16 novembre 2004, qui l'a privé du droit dé conduite, l'illégalité des décisions administratives ayant conduit à cette injonction, restée à l'état d'une simple allégation, n'ayant pas à être examinée par la juridiction judiciaire ; qu'il n'est pas indifférent à cet égard de rappeler que, suivant jugement en date du 19 décembre 2006, le tribunal correctionnel de Rennes a condamné M. X... à une peine de quatre mois d'emprisonnement pour des faits de conduite d'un véhicule sans permis ; que ce dernier n'a pas relevé appel de cette décision et qu'il a dohc admis la réalité des faits reprochés ; que le premier juge ayant à bon droit retenu le prévenu dans les lieps de la prévention, celui-ci n'étant pas titulaire d'un permis de conduite valide au moment des faits, le jugement déféré sera confirmé sur la déclaration de culpabilité ;
"alors que, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; que, devant la cour, le prévenu a excipé, non seulement de l'illégalité de la décision d'invalidation du permis de conduire servant de fondement aux poursuites, mais encore de la nullité des poursuites ainsi diligentées, à raison du défaut de notification des avis de retraits partiels de points après perte effective et de l'information du solde de points après chaque retrait effectif, en se fondant sur le relevé d'information joint à la procédure ; qu'il découle des termes mêmes de l'arrêt que M. X... était poursuivi du chef de conduite sans permis, fait prévus et réprimés par l'article 1221-2 dont l'élément constitutif principal est identique à celui de conduite malgré invalidation du permis de conduire ; qu'en se prononçant ainsi et en refusant expressément de répondre au moyen péremptoire développé par le prévenu, au motif erroné que l'infraction prévue par l'article L. 221-2 n'avait pas pour support la décision d'invalidation du permis de conduire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale" ;
Attendu que, pour écarter l'exception d'illégalité de la décision d'invalidation du permis de conduire et des poursuites fondées sur les dispositions de l'article L. 221-2 du code de la route et déclarer M. X... coupable de l'infraction poursuivie, l'arrêt énonce que la seule décision dont dépend la solution de la procédure est l'injonction de restituer le permis de conduire notifiée au prévenu le 16 novembre 2004 qui l'a privé du droit de conduire, l'illégalité des décisions administratives ayant conduit à cette injonction, restée à l'état d'une simple allégation, n'ayant pas à être examinée par la juridiction judiciaire ; que les juges ajoutent que, suivant jugement, en date du 19 décembre 2006, le tribunal correctionnel de Rennes a condamné le prévenu à une peine de quatre mois d'emprisonnement pour des faits de conduite d'un véhicule sans permis, que ce dernier n'ayant pas relevé appel de cette décision a donc admis la réalité des faits reprochés ;
Attendu qu'en statuant ainsi et dès lors que la réalité des infractions ayant contribué à la perte de la totalité des points est nécessairement établie par le paiement de l'amende forfaitaire, l'exécution d'une composition pénale ou une condamnation définitive, la cour d'appel, qui a déduit de ses constatations souveraines que l'allégation du prévenu selon laquelle il n'aurait pas reçu les informations et avertissements prévus par les articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route à la suite de chaque infraction entraînant retrait de points ne pouvait être retenue, avant de prononcer sur la culpabilité, n'a méconnu aucun des textes visés au moyen ;
D'où il suit que le moyen ne peut être admis ;
Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 591 et 593 du code de procédure pénale,132-19-1 et 132-24 du code pénal ;
"en ce que l'arrêt critiqué a condamné M. X... à une peine de deux mois d'emprisonnement ferme et dit n'y avoir lieu à aménagement de cette peine ;
"aux motifs que le casier judiciaire de M. X... porte mention des quatorze condamnations dont cinq pour des délits routiers ; qu'il a notamment été condamné pour des faits de délit de fuite après un accident par conducteur d'un véhicule ou d'un engin, de refus par le conducteur d'un véhicule d'obtempérer à une sommation de s'arrêter, de mise en danger de la vie d'autrui par la violation manifestement délibérée d'une obligation réglementaire de sécurité ou de prudence, de circulation avec un véhicule terrestre à moteur sans assurance ; que compte tenu de la gravité des faits et de la personnalité de M. X..., dont les nombreuses condamnations n'ont pu infléchir le parcours délinquant, il y a lieu de considérer que le premier juge a fait une exacte application de la loi pénale en le condamnant, toute autre sanction étant manifestement inadéquate, à une peine de deux mois d'emprisonnement ; qu'en l'absence d'éléments de connaissance sur la situation du prévenu, il n'y a pas lieu d'envisager en l'état un aménagement de la peine d'emprisonnement prononcée ; qu'il convient de rappeler néanmoins que le juge de l'application des peines compétent pourra, dans le cadre des dispositions de l'article 723-15 du code de procédure pénale, aménager la peine prononcée si la situation et la personnalité du prévenu le permettent ; .
"alors que, selon l'article 132-24 du code pénal, en matière correctionnelle, en dehors des condamnations en récidive légale prononcées en application de l'article 132-19-1 du code pénal, une peine d'emprisonnement sans sursis ne peut être prononcée qu'en dernier recours si la gravité de l'infraction et la personnalité de son auteur rendent cette peine nécessaire et si toute autre sanction est manifestement inadéquate ; que, quand bien même les poursuites étaient diligentées en état de récidive, l'infraction, objet des poursuites, prévue et réprimée par l'article L. 221-2 du code de la route, n'entrait pas dans les cas d'exclusion de l'article 132-19-1 du code pénal, au regard de la peine encourue, de sorte qu'il appartenait aux juges d'appel de respecter les dispositions impératives de l'article 132-24 du même code ; qu'en se bornant à énoncer le caractère inadéquat de toute autre sanction que l'emprisonnement ferme, sans énoncer en quoi le prononcé d'une peine ferme d'emprisonnement était nécessaire, la cour d'appel a méconnu le principe ci-dessus rapporté" ;
Attendu que, pour condamner le prévenu à une peine d'emprisonnement sans sursis, la cour d'appel retient que son casier judiciaire portant mention de quatorze condamnations dont cinq pour des délits routiers, qui n'ont pas infléchi son parcours délinquant, toute autre sanction est manifestement inadéquate ; que les juges ajoutent qu'en l'absence de précision sur la situation personnelle et familiale du prévenu, il n'y a pas lieu d'envisager en l'état un aménagement de la peine d'emprisonnement prononcée et qu'une telle décision pourra être prise par le juge de l'application des peines, sur le fondement de l'article 723-15 du code de procédure pénale ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel a justifié sa décision ; qu'en effet, aux termes de l'article 132-19, alinéa 2, du code pénal, le juge n'est pas tenu, en matière correctionnelle, de motiver spécialement le choix d'une peine d'emprisonnement ferme lorsque la personne est en état de récidive légale ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.