Cass. 2e civ., 11 avril 2019, n° 18-11.442
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Flise
Avocats :
SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre
Attendu, selon l'arrêt attaqué ( Aix-en-Provence, 17 mars 2017) et les productions, qu'une ordonnance de référé d'un tribunal de commerce du 16 septembre 2008 a ordonné la cession à la société Continental Investments and Management (la société CIM) des parts sociales de la société Compagnie européenne d'hôtellerie (la société CEH) détenues par M. B..., la société Bayard Montaigne et la société Arcade Investissements conseil (la société AIC) au prix de 4 312 695,09 euros ; que par jugement du 30 janvier 2009, un juge de l'exécution a validé les saisies-attributions et saisies de parts d'associés et valeurs mobilières pratiquées le 12 novembre 2008, sur le fondement de l'ordonnance du 16 septembre 2008, par M. B..., la société Bayard Montaigne et la société AIC entre les mains des sociétés CEH, S... F... et Hôtel Résidence De Tourisme De La Grande Motte au préjudice de la société CIM et a condamné solidairement les sociétés tiers saisies, dont la société CEH, aux causes des saisies pour manquement à leur obligation d'information ; que par arrêt du 20 mars 2009, la cour d'appel de Paris a infirmé l'ordonnance du 16 septembre 2008 et dit n'y avoir lieu à référé ; que par arrêt du 26 novembre 2009, la même cour d'appel a infirmé le jugement du 30 janvier 2009 et a déclaré nulles les saisies-attributions et saisies de parts d'associés pratiquées le 12 novembre 2008, au motif que l'infirmation de l'ordonnance de référé du 16 septembre 2008 par l'arrêt du 20 mars 2009 avait fait disparaître le fondement des saisies ainsi pratiquées et que le tiers saisi ne peut être condamné au paiement des causes de la saisie si ladite saisie est déclarée nulle ; que la Cour de cassation, par arrêt du 21 janvier 2010 (2e Civ., 21 janvier 2010, pourvoi n° 09-12.831, Bull. 2010, II, n° 21), a cassé l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 20 mars 2009, puis par arrêt du 28 juin 2011 ( Com., 28 juin 2011, pourvoi n° 10-25.593), a cassé l'arrêt de la cour d'appel de renvoi du 12 octobre 2010 ; que par un jugement du 26 juin 2012, un tribunal de commerce a prononcé l'exécution forcée de la cession à la société CIM des parts sociales de la société CEH détenues par M. B..., la société Bayard Montaigne et la société AIC au prix de 2 835 900 euros, outre intérêts au taux légal et condamné la société CIM à leur verser cette somme ; que M. B..., la société Bayard Montaigne et la société AIC ont fait procéder, le 9 avril 2015, à une saisie-attribution au préjudice de la société CEH sur le fondement de diverses décisions, dont le jugement du juge de l'exécution du 30 janvier 2009, des deux arrêts de la Cour de cassation des 21 janvier 2010 et 28 janvier 2011 et du jugement du tribunal de commerce du 26 juin 2012 ; que la société CEH a contesté ces mesures devant un juge de l'exécution ;
Sur le premier moyen pris en sa première branche et le deuxième moyen réunis :
Attendu que la société CEH fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande de mainlevée de la saisie-attribution pratiquée le 9 avril 2015 à la demande de la société Bayard Montaigne, de M. B... et de la société AIC sur ses comptes bancaires ouverts dans les livres de la BNP, de constater qu'elle dispose d'une créance limitée à 15 500 euros envers la société Bayard Montaigne, M. B... et la société AIC et de cantonner le montant de la saisie à la somme de 2 839 805,70 euros, alors selon le moyen :
1°/ qu'un des éléments fondamentaux de la prééminence du droit est le principe de la sécurité des rapports juridiques qui commande, entre autres, que la solution donnée de manière définitive et irrévocable à tout litige par les tribunaux ne soit plus remise en cause ; qu'en retenant que, par suite de la cassation intervenue dans le cadre de l'instance opposant les créanciers au débiteur, le jugement rendu par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Paris le 30 janvier 2009 condamnant la société CEH aux causes de la saisie pratiquée au préjudice du débiteur avait, par voie de conséquence, retrouvé son plein et entier effet, cependant que cette condamnation avait été annulée par un arrêt définitif rendu par la cour d'appel de Paris le 26 novembre 2009 qui ne pouvait plus être remis en cause, la cour d'appel a enfreint le principe de sécurité des rapports juridiques et, de ce fait, violé l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
2°/ que l'ordonnance de référé qui n'a pas, au principal autorité de chose jugée, cesse de produire ses effets à compter de la décision rendue au fond statuant sur les mêmes demandes ; qu'il en résulte que le tiers saisi, qui a été condamné sur le fondement de l'article R. 211-5 du code des procédures civiles d'exécution à payer au créancier les sommes qui lui sont dues par le débiteur saisi au titre d'une ordonnance de référé, ne peut plus être poursuivi à ce titre après l'intervention d'un jugement statuant au fond sur les sommes dues par le débiteur; qu'en retenant en l'espèce que les créanciers pouvaient, par la saisie-attribution litigieuse du 9 avril 2015, poursuivre la société CEH, condamnée en tant que tiers saisi, en vue du recouvrement forcé d'une condamnation provisoire du débiteur ayant cessé de produire ses effets depuis l'intervention d'un jugement rendu au fond par le tribunal de commerce de Paris le 28 juin 2012, la cour d'appel a violé l'article 488, alinéa 1er, du code de procédure civile, ensemble l'article R. 211-5 du code des procédures civiles d'exécution ;
3°/ que la créance que détient le créancier sur le tiers saisi condamné sur le fondement de l'article R. 211-5 du code des procédures civiles d'exécution à lui régler les sommes qui lui sont dues par le débiteur en exécution du titre exécutoire sur le fondement duquel est pratiquée la saisie-attribution procède exclusivement de ce titre et ne peut être la créance arrêtée par un jugement postérieur ou par un autre titre ; qu'en l'espèce, la société CEH n'a, aux termes du jugement du tribunal de grande instance de Paris du 30 janvier 2009, été condamnée solidairement avec le débiteur qu'à payer aux créanciers les sommes qui leur étaient dues en exécution de l'ordonnance de référé du 16 septembre 2008 au titre de laquelle ont été pratiquées les saisies-attributions du 12 novembre 2008, pour la somme de 4 312 695,09 euros ; qu'en validant la saisie litigieuse du 9 avril 2015 pratiquée en vertu de la condamnation retenue au fond contre la société CIM par jugement du tribunal de commerce de Paris du 28 juin 2012 substitué à l'ordonnance du 16 septembre 2008, et en en cantonnant le montant à la créance arrêtée par ce jugement, au lieu d'annuler cette saisie, la cour d'appel, qui a retenu que les créanciers pouvaient exécuter la condamnation de la société CEH sur le fondement du jugement du 28 juin 2012, a violé l'article R. 211-5 du code des procédures civiles d'exécution ;
Mais attendu que l'arrêt ayant, par motifs adoptés, d'abord relevé qu'en exécution de l'ordonnance de référé du 16 septembre 2008, la société Bayard Montaigne, M. B... et la société AIC avaient pratiqué les saisies ayant donné lieu à la condamnation de la société CEH aux causes de la saisie par le jugement du juge de l'exécution du 30 janvier 2009, et ensuite exactement retenu que si ce jugement avait été infirmé par l'arrêt du 26 novembre 2009, cet arrêt était annulé par voie de conséquence comme étant la suite de l'arrêt du 20 mars 2009 auquel il faisait expressément référence, qui avait été cassé par arrêt de la Cour de cassation du 21 janvier 2010, la cour d'appel en a déduit à bon droit et sans méconnaître les dispositions de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que le jugement du juge de l'exécution du 30 janvier 2009 retrouvait son plein et entier effet ;
Et attendu qu'ayant relevé que la créance provisionnelle de la société Bayard Montaigne, M. B... et la société AIC fixée à la somme de 4 522 500 euros par l'ordonnance de référé du 16 septembre 2008 avait été ramenée à la somme de 2 835 900 euros par jugement au fond du 26 juin 2012 du tribunal de commerce, la cour d'appel, qui a fait ressortir que ni la décision du juge des référés ni celle du juge de l'exécution qui en procédait et servait de fondement aux mesures d'exécution forcée n'étaient remises en cause par le jugement sur le fond du tribunal de commerce qui s'était borné à modifier le quantum de la condamnation, c'est sans encourir les griefs du moyen que la cour d'appel a retenu que la saisie devait être cantonnée à la somme arrêtée par le jugement du tribunal de commerce ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche, et le troisième moyen, annexés, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.