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Décisions

Cass. crim., 10 mai 2000, n° 00-81.201

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Gomez

Rapporteur :

M. Le Corroller

Avocat général :

Mme Fromont

Avocats :

SCP Boré, Xavier et Boré, SCP Waquet, Farge et Hazan

Paris, du 17 fév. 2000

17 février 2000

Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure qu'une information contre personne non dénommée a été ouverte à la suite de la découverte, le 10 janvier 1989, de deux cadavres dans une forêt ;

 

Que, suite à un renseignement parvenu à la connaissance des services de gendarmerie le 27 janvier 1999, les enquêteurs, agissant sur commission rogatoire, ont, le 11 février 1999, opéré diverses perquisitions afin de vérifier l'existence d'éventuels indices ;

 

Que Cédric X... et Jean-Bernard X... ont été mis en examen du chef d'homicides volontaires ;

 

Que, le 22 novembre 1999, Cédric X..., mineur au moment des faits, a saisi la chambre d'accusation d'une requête aux fins d'annulation d'actes de procédure ;

 

Que, régulièrement avisé de la date d'audience, Jean-Bernard X... a fait déposer un mémoire soulevant des moyens pris de la nullité de la procédure ;

 

En cet état ;

 

Sur le premier moyen de cassation proposé pour Cédric X... et Jean-Bernard X..., et pris de la violation de l'article L. 223-2 du code de l'organisation judiciaire :

 

" en ce que l'arrêt attaqué a été rendu après un rapport effectué par le président de la chambre d'accusation et non par le conseiller délégué à la protection de l'enfance ;

 

" et en ce qu'aucune mention de l'arrêt ne fait état de ce que l'avocat général présent aux débats, puis l'avocat général présent à la lecture de l'arrêt aurait été le magistrat spécialement chargé, au Parquet de la cour d'appel, des affaires de mineurs " ;

 

Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que la chambre d'accusation ayant à connaître des poursuites contre Cédric X..., mineur de 18 ans au moment des faits, était composée de Mme Caron, président de chambre, de M. Chaux, conseiller délégué à la protection de l'enfance, et de Mme Darbeda, conseiller et que le ministère public était représenté aux débats par Mme Catton, avocat général, et au prononcé par M. Bignon, avocat général ;

 

Et attendu qu'en cet état, la Cour de Cassation est en mesure de s'assurer de la régularité de la composition ;

 

Attendu, d'une part, que si, conformément à l'article 23 de l'ordonnance du 2 février 1945, le magistrat délégué à la protection de l'enfance a été régulièrement appelé à composer la chambre d'accusation, aucune disposition n'imposait que ce magistrat présidât cette juridiction ou fît rapport ;

 

Attendu, d'autre part, que, si l'article L. 223-2 du Code de l'organisation judiciaire prévoit la désignation par le procureur général d'un magistrat spécialement chargé au Parquet de la cour d'appel des affaires de mineurs, aucune disposition n'exige que ce magistrat soit nécessairement le représentant du ministère public aux audiences de la chambre d'accusation appelée à connaître de telles affaires ;

 

D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

 

Sur le troisième moyen de cassation proposé pour Cédric X... pris de la violation des articles 63, 63-1, 154 du Code de procédure pénale, 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs ; manque de base légale, violation des droits de la défense :

 

" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la demande tendant à la nullité de la mesure de garde à vue concernant Cédric X..., ainsi que toute la procédure subséquente ;

 

" aux motifs que de 6 heures à 6 heures 45 Cédric X... a été "entendu sur son identité et recevait notification verbale de ses droits", de gardé à vue comme il résulte de la mention in fine du procès-verbal D 4426, feuillet 3137, signé de sa main, la notification écrite de la mesure de retenue et des dispositions des articles 63-2, 63-4 n'intervenant qu'à 7 heures 30, à l'issue de la perquisition et après transport dans les locaux de gendarmerie entre 6 heures 45 et 7 heures 30, D 4427, feuillet 4/37 ; que la procédure s'est faite dans le respect des dispositions de l'article 63-1 du Code de procédure pénale ; que Cédric X... soutient avoir été placé en garde à vue à 7 heures 30, et conteste cette première notification, que de toute façon, que la mesure ait été prise à 7 heures 30 ou à 6 heures avec notification verbale et immédiate des droits afférents, la garde à vue de Cédric X... est régulière ;

 

" alors, d'une part, que, Cédric X... faisait clairement valoir dans sa requête que la contrainte exercée contre lui avait commencé à 6 heures du matin et que sa garde à vue avait également commencé à 6 heures ; que la requête a été ainsi dénaturée ;

 

" alors, d'autre part, que, si la garde à vue commence dès l'instant où l'officier de police judiciaire en décide ainsi, il ne peut le faire que sous le contrôle des juridictions d'instruction chargées de l'enquête, auxquelles il appartient de déterminer quel est le moment où l'officier de police judiciaire a décidé de cette mesure ; que la chambre d'accusation, en s'abstenant de déterminer le moment exact auquel la garde à vue a commencé, au regard des dispositions contradictoires du procès verbal D 4426, a méconnu ses propres pouvoirs, et n'a pas donné de base légale à sa décision ;

 

" alors, de troisième part, que, dès lors qu'il résulte du procès-verbal que, selon les propres énonciations mentionnées par les officiers de police judiciaire, Cédric X... aurait été entendu à partir de 6 heures, en tant que personne gardée à vue, la garde à vue a bien commencé à 6 heures du matin ; que, dès lors, la notification des droits du gardé à vue devait avoir lieu dès ce moment, et que l'intégralité des droits attachés à la garde à vue devait être notifiée à Cédric X..., les pièces de la procédure devant faire la preuve incontestable et sans ambiguïté possible de cette notification ; que les mentions du procès-verbal D 4426, pages 3 et 4 sont à la fois entachées d'ambiguïté et d'insuffisance, puisque d'une part elles n'ont pas permis à la chambre d'accusation d'exercer réellement son contrôle sur la date exacte à laquelle a commencé une mesure de garde à vue, présentée à la fois comme commençant à 7 heures 30 du matin et à 6 heures, et que d'autre part, aucune précision n'est apportée sur la notification qui aurait prétendument eut lieu entre 6 heures et 6 heures 15, sur les "droits" dont le gardé à vue aurait été informé à ce moment-là ; qu'ainsi, la Cour de Cassation n'est pas en mesure d'exercer son contrôle sur la régularité de la mesure de garde à vue prononcée, et que l'arrêt de la chambre d'accusation doit être annulé " ;

 

Attendu qu'il résulte de l'arrêt et des pièces de la procédure que le 11 février 1999, de 6 heures à 6 heures 45, après s'être assuré de son identité et lui avoir indiqué le but de leur visite, des gendarmes ont, en sa présence, pratiqué une perquisition, dont le résultat a été négatif, au domicile de Cédric X... ; qu'à l'issue de cette opération, celui-ci a accepté de suivre les enquêteurs jusqu'à la brigade la plus proche où, à 7 heures 30, un officier de police judiciaire, après lui avoir donné connaissance des faits pour lesquels sa déposition était requise, l'a aussitôt informé, pour les nécessités de l'exécution de la commission rogatoire, de son placement en garde à vue à compter de 6 heures ; que les droits afférents à cette mesure lui ont été immédiatement notifiés ;

 

Attendu qu'en cet état, et dès lors qu'il n'importe que, dans l'intérêt de la personne concernée, le délai de garde à vue ait été calculé à compter du début de la perquisition, la chambre d'accusation n'a méconnu aucun des textes invoqués ;

 

Que, dès lors, le moyen ne peut qu'être écarté ;

 

Mais, sur le deuxième moyen de cassation proposé pour Jean- Bernard X..., pris de la violation des articles 63, 63-1, 154 du Code de procédure pénale, 593 du même code, défaut de motifs, manque de base légale :

 

" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la demande tendant à la nullité de la mesure de garde à vue prise à l'encontre de Jean-Bernard X..., et de toute la procédure subséquente ;

 

" aux motifs que, si Jean-Bernard X... a été avisé verbalement de ce que à 6 heures 45, heure de présentation des enquêteurs à son domicile, une mesure de garde à vue était décidée à son encontre, la garde à vue n'a été "effective" qu'à 9 heures 30, heure à laquelle le juge d'instruction était avisé, et la fouille à corps, premier acte de la mesure de rétention, effectuée ; que ses droits lui ont immédiatement été notifiés ; qu'au demeurant il ne justifie d'aucune atteinte à ses intérêts ;

 

" alors, d'une part, que la garde à vue commence dès l'instant où l'officier de police judiciaire en décide ainsi, et notifie à l'intéressé qu'il est placé en garde à vue ; qu'ainsi, la garde à vue a commencé à 6 heures 45, dès le moment de sa notification à Jean-Bernard X... ; que la chambre d'accusation a violé les textes précités ;

 

" alors, d'autre part, que l'officier de police judiciaire doit obligatoirement notifier immédiatement les droits attachés au placement en garde à vue, et que tout retard à la mise en oeuvre de cette obligation, non justifié par une circonstance insurmontable, porte nécessairement atteinte aux droits de la défense ;

 

" alors, enfin, qu'aucune circonstance insurmontable de nature à justifier l'absence de notification des droits dès 6 heures 45 n'est caractérisée en l'espèce " ;

 

Vu l'article 63-1 du code de procédure pénale ;

 

Attendu qu'il résulte de ce texte que l'officier de police judiciaire ou, sous son contrôle, l'agent de police judiciaire, a le devoir de notifier immédiatement les droits attachés au placement en garde à vue ; que tout retard dans la mise en oeuvre de cette obligation, non justifié par une circonstance insurmontable, porte nécessairement atteinte aux intérêts de la personne concernée ;

 

Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué qu'une perquisition a eu lieu le 11 février 1999 à partir de 6 heures 45 au domicile de Jean-Bernard X... ; que l'intéressé a été, aussitôt, avisé qu'une mesure de garde à vue était décidée à son encontre, mais n'a reçu la notification de ses droits que par un procès-verbal dressé à 9 heures 30 ;

 

Attendu que, pour rejeter la demande d'annulation de la procédure de garde à vue formée par Jean-Bernard X... et prise d'un retard dans la notification des droits prévus à l'article 63-1 précité, les juges, après avoir relevé que la durée de cette mesure a été calculée à compter du début de la perquisition, énoncent que l'intéressé ne justifie d'aucune atteinte à ses intérêts ; qu'ils précisent qu'entre le moment où la garde à vue a été décidée et le moment où elle a été notifiée par procès-verbal, ainsi que les droits en découlant, il n'a été procédé à aucune audition de Jean-Bernard X..., lequel a pu régulièrement exercer ses droits ;

 

Mais attendu qu'en prononçant, par des motifs qui ne caractérisent pas l'impossibilité, pour l'officier de police judiciaire, de notifier immédiatement chacun de ses droits à la personne gardée à vue, la chambre d'accusation n'a pas donné de base légale à sa décision ;

 

D'où il suit que la cassation est encourue ;

 

Par ces motifs :

 

I. Sur le pourvoi de Cédric X... ;

 

Le REJETTE :

 

II. Sur le pourvoi de Jean-Bernard X... ;

 

CASSE ET ANNULE, en ses seules dispositions ayant statué sur la demande de Jean-Bernard X..., l'arrêt susvisé de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris en date du 17 février 2000, et pour qu'il soit statué à nouveau, conformément à la loi, dans la limite de la cassation ainsi prononcée ;

 

RENVOIE la cause et les parties devant la chambre d'accusation de la cour d'appel d'Orléans.