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Décisions

Cass. 3e civ., 15 février 2023, n° 21-23.166

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Teiller

Avocats :

SCP Alain Bénabent, SCP Boullez

Nîmes, du 07 juill. 2021

7 juillet 2021

1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 7 juillet 2021), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ., 3 décembre 2020, pourvoi n° 19-23.397), le 30 octobre 2009, la société Palmer plage (la bailleresse) a donné à bail des locaux commerciaux à la société Access Global Security (la locataire).

 

2. La locataire, assignée en constatation de résiliation du bail, a, à titre reconventionnel, demandé son annulation pour vice du consentement.

 

Examen du moyen

 

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

 

Enoncé du moyen

 

3. La bailleresse fait grief à l'arrêt d'annuler le bail commercial et de la condamner à restituer des loyers et charges alors « que la validité du consentement doit être appréciée au moment de la formation du contrat ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que le contrat de bail signé le 1er octobre 2009 énonçait « le montant des provisions pour charges au 1er octobre 2009, à savoir 24 480 euros l'an », et « qu'à compter de l'année 2012, des régularisations de charges portant sur les années 2010-2012 ont été demandées? » ; que pour décider que « le consentement de la société Access global security a été vicié en ce qu'elle a commis une erreur sur les qualités substantielles du contrat, à savoir le montant du loyer et des charges », la cour d'appel a retenu « qu'à compter de l'année 2012, des régularisations de charges portant sur les années 2010-2012 ont demandées pour des sommes très importantes : environ 25 000 euros au titre de l'année 2010, 34 000 euros l'année suivante et 27 000 euros en 2012, alors même que le preneur était à jour du paiement du loyer et des provisions sur charge en 2012 : le décompte du bailleur inséré dans ses écritures ne fait été d'un non paiement du loyer et charges qu'à compter du 2ème trimestre 2013 » ; que le bailleur « avait tout à fait les moyens de « deviner » la croissance extraordinaire des charges puisqu'il doit normalement procéder à une régularisation annuelle de celles-ci et que cela n'a été, dans le cas d'espèce, fait qu'à partir de 2012 » ; que « le contrat de bail, s'il est très précis sur le transfert des charges, ne donne pas d'éléments d'information sur le montant réel des charges puisqu'il est simplement fait état du montant des provisions sur charges de l'année 2009 » ; que le preneur « n'avait donc pas, lorsqu'il a contracté, une vision exacte du montant réel du loyer et charges dont (elle) aurait à s'acquitter alors que c'est un élément fondamental du contrat » ; qu'en se déterminant par de tels motifs tirés d'éléments postérieurs et donc impropres à caractériser l'erreur commise par la société Ags sur le montant des charges au jour de la conclusion du contrat de bail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1110 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016. »

 

Réponse de la Cour

 

Vu l'article 1110 du code civil, alinéa 1er, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

 

4. Aux termes de ce texte, l'erreur n'est une cause de nullité de la convention que lorsqu'elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l'objet.

 

5. La validité du consentement doit être appréciée au moment de la formation du contrat.

 

6. Pour annuler le contrat de bail commercial, l'arrêt constate, qu'à compter de l'année 2012, des régularisations de charges portant sur les années 2010 à 2012 ont été demandées pour des sommes très importantes.

 

7. Il retient que le contrat de bail détaillait les éléments des provisions pour charges, que leur montant était parfaitement prévisible pour la bailleresse qui les a cependant sous évaluées, qu'elle ne justifie pas la raison de l'augmentation exponentielle des charges et qu'elle avait tout à fait les moyens de deviner leur croissance extraordinaire puisqu'elle doit normalement procéder à leur régularisation annuelle.

 

8. L'arrêt ajoute que le contrat de bail, s'il est très précis sur le transfert des charges, ne donne pas d'éléments d'information sur leur montant réel, et que la locataire n'avait donc pas, lorsqu'elle a contracté, une vision exacte du montant réel du loyer et charges dont elle aurait à s'acquitter alors que c'est un élément fondamental du contrat.

 

9. Il en déduit que le consentement de la locataire a été vicié en ce qu'elle a commis une erreur sur les qualités substantielles du contrat, à savoir le montant du loyer et des charges.

 

10. En se déterminant ainsi, par des motifs tirés d'éléments postérieurs impropres à caractériser l'existence de l'erreur de la locataire lors de la conclusion du contrat, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

 

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en nullité, l'arrêt rendu le 7 juillet 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier.