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Décisions

CA Pau, 2e ch. sect. 1, 27 avril 2021, n° 20/02417

PAU

Arrêt

Infirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Salmeron

Conseillers :

M. Darracq, M. Magnon

Avocat :

Me Bacarat

T. com. Tarbes, du 5 oct. 2020

5 octobre 2020

FAITS PROCEDURE PRETENTIONS et MOYENS DES PARTIES

Par requête déposée le 1er octobre 2020 au greffe du tribunal de commerce de Tarbes, M. X A, exploitant une activité de rénovation et d'entretien des espaces verts, a demandé l'ouverture d'une procédure de rétablissement professionnel accessoirement à une demande de liquidation judiciaire.

Par jugement du 05 octobre 2020, auquel il convient expressément de se référer pour un plus ample exposé des faits et des prétentions et moyens initiaux des parties, le tribunal de commerce de Tarbes a, notamment, constaté la cessation des paiements au 01 juillet 2017, prononcé la liquidation judiciaire directe de M. A et désigné Me Abbadie en qualité de liquidateur.

Par déclaration faite au greffe de la cour le 20 octobre 2020, M. A a relevé appel de ce jugement.

La déclaration d'appel et les conclusions d'appel ont été signifiées à Me Abbadie ès qualités le 29 octobre 2020, à domicile.

Me Abbadie ès qualités n'a pas constitué avocat.

Par ordonnance de référé du 17 décembre 2020, le premier président a ordonné l'arrêt de l'exécution provisoire du jugement entrepris.

Par conclusions du 09 février 2021, le ministère public a indiqué s'en remettre à la sagesse de la cour.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 10 février 2021.

Vu les conclusions remises le 29 octobre 2020 soutenues par l'appelant qui a demandé à la cour d'infirmer le jugement entrepris et d'ordonner l'ouverture d'une procédure de rétablissement professionnel, nommer un mandataire judiciaire et un juge commis du tribunal de commerce de Tarbes.

MOTIFS

La déclaration d'appel ayant été signifiée à Me Abbadie ès qualités, à domicile, le présent arrêt sera rendu par défaut, en application de l'article 473 du code de procédure civile.

Au soutien de son appel, M. A fait valoir que le tribunal ne pouvait prononcer directement sa mise en liquidation judiciaire alors qu'il remplissait les conditions légales d'ouverture d'un rétablissement professionnel.

Pour prononcer la liquidation judiciaire directe, le tribunal de commerce de Tarbes a retenu que « au vu des pièces du dossier et des débats, il en ressort que M. A ne peut prétendre à bénéficier d'une procédure de rétablissement professionnel car l'exactitude de ses déclarations est contestable, qu'il a attendu plus de trois années pour déclarer son état de cessation des paiements, tout en continuant son activité professionnelle jusqu'en juillet 2019 ».

M. A critique d'abord l'absence de motivation du jugement, au visa de l'article 455 du code de procédure civile.

Ensuite, l'appelant fait valoir que le tribunal ne pouvait, sans méconnaître les articles L. 645-1 et suivants et L. 645-9 du code de commerce, prononcer une liquidation judiciaire directe en relevant des faits, infondés au surplus, qui ne conditionnent pas l'ouverture de la procédure de rétablissement professionnel mais son maintien au vu d'un rapport du juge commis. Dès lors qu'il remplit les conditions légales, le tribunal devait ouvrir une procédure de rétablissement professionnel sans avoir à examiner sa bonne foi ou l'existence de fautes susceptibles de donner lieu à sanction.

Concernant le moyen tiré du défaut de motivation du jugement, il ne s'agit pas d'un cas de réformation mais de nullité du jugement, en application des articles 455, 458 et 460 du code de procédure civile.

L'appelant n'ayant pas demandé l'annulation du jugement, ce moyen est inopérant.

Concernant l'ouverture de la procédure de rétablissement professionnel, il résulte des articles L. 645-1 et suivants du code de commerce que le tribunal, après avoir vérifié que les conditions légales énoncées aux articles L. 645-1 et L. 645 sont réunies, ouvre la procédure de rétablissement professionnel, sursoit à statuer sur la liquidation judiciaire, désigne un juge commis et un mandataire judiciaire chargé d'assister celui-ci.

L'article L. 645-9 alinéa 1er, dispose que, à tout moment de la procédure de rétablissement professionnel, le tribunal peut, sur rapport du juge commis, ouvrir la procédure de liquidation judiciaire sur laquelle il a été sursis à statuer s'il est établi que le débiteur n'est pas de bonne foi ou si l'instruction a fait apparaître l'existence d'éléments susceptibles de donner lieu aux sanctions prévues par le titre V du présent livre ou à l'application des dispositions des articles L. 632-1 à L. 632-3.

Le second alinéa précise que la procédure de liquidation judiciaire est également ouverte s'il apparaît que les conditions d'ouverture de la procédure de rétablissement professionnel n'étaient pas réunies à la date à laquelle le tribunal a statué sur son ouverture ou ne le sont plus depuis.

Il résulte des textes précités que la bonne foi du débiteur, ni l'existence de faits susceptibles d''encourir des sanctions, ne sont des conditions d'ouverture du rétablissement professionnel que doit vérifier le tribunal mais des cas de déchéance du maintien du bénéfice de la procédure de rétablissement professionnel que le tribunal peut relever au vu du rapport du juge commis qui les constate.

En l'espèce, il s'évince des motifs elliptiques du jugement que les premiers juges ont refusé d'ouvrir le rétablissement professionnel en raison de la mauvaise foi de M. A, retenant que « l'exactitude de ses déclarations est contestable », voire de faits susceptibles de donner lieu à des sanctions du fait de la déclaration tardive de l'état de cessation des paiements, retenant qu'« il a attendu plus de trois années pour déclarer son état de cessation des paiements, tout en continuant son activité professionnelle jusqu'en juillet 2019 ».

En application des textes précités, le tribunal ne pouvait d'office relever l'existence de ces faits qui conditionnent le maintien du bénéfice de la procédure de rétablissement professionnel et non son ouverture.

Au demeurant, les motifs du tribunal, qui évoquent, sans en préciser la teneur, de prétendues déclarations inexactes faites par M. A, sont impropres à caractériser la mauvaise foi du débiteur, et sont tout autant impropres à caractériser l'existence d'éléments susceptibles de donner lieu à des sanctions alors que, en cas de déclaration tardive de l'état de cessation des paiements, le débiteur encourt les sanctions prévues à l'article L. 653-8 du code de commerce s'il est démontré qu'il a sciemment omis de demander l'ouverture d'une procédure collective dans le délai de 45 jours à compter de la cessation des paiements, ce qui implique, sans préjuger du fond, de faire ressortir des éléments susceptibles de révéler une volonté délibérée du débiteur de se soustraire à ses obligations légales.

Par ailleurs, selon les motifs du jugement, M. A aurait exercé son activité professionnelle jusqu'en juillet 2019.

Le tribunal n'a tiré aucune conséquence de cette constatation qui est susceptible de poser la question de la recevabilité de la demande de rétablissement professionnel qui, selon l'article L. 645-1 du code de commerce, ne peut être faite plus d'un an après la cessation d'activité.

Or, il ressort des pièces produites que M. A a déclaré un chiffre d'affaires jusqu'en juillet 2020, procédé à des achats de fournitures en janvier et février 2020.

En l'état des productions, M. A satisfait aux conditions légales de l'article L. 645-1 du code de commerce dès lors qu'il a produit des pièces tendant à établir qu'il a cessé son activité d'auto entrepreneur depuis moins d'un an, être en état de cessation des paiements, aucun redressement n'étant possible, ne pas avoir employé de salarié au cours des six derniers mois, ne pas faire l'objet d'une instance prud'homale, et déclaré un actif d'une valeur inférieure à 5.000 euros, et ne pas entrer dans les cas d'interdiction de l'article L. 645-2.

Le jugement sera donc infirmé et une procédure de rétablissement professionnel ouverte, sans préjudice pour le tribunal d'ouvrir, le cas échéant, une liquidation judiciaire dans les conditions de l'article L. 645-9 du code de commerce.

PAR CES MOTIFS la cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt par défaut et en dernier ressort,

INFIRME le jugement entrepris, et statuant à nouveau,

SURSOIT à statuer sur la liquidation judiciaire de M. X A,

OUVRE une procédure de rétablissement professionnel à l'égard de celui-ci pour une période de quatre mois,

DESIGNE M. B Z en qualité de juge commis chargé de recueillir tous renseignements sur la situation patrimoniale du débiteur, notamment le montant de son passif et la valeur de ses actifs,

DESIGNE Me Abbadie en qualité de mandataire judiciaire pour assister le juge commis,

RAPPELLE que l'état chiffré des créances et des dettes mentionné au 5° de l'article R. 631-1 peut être complété par le débiteur dans les 15 jours suivant le présent arrêt. Le débiteur porte alors sans délai ces modifications à la connaissance du mandataire judiciaire,

RENVOIE les parties aux dispositions de l'article L. 645-10 du code de commerce sur les conditions de rappel de l'affaire à l'audience du tribunal sur le rapport du juge commis,

DIT que le présent sera notifié par le greffe de la cour au débiteur par lettre recommandée avec accusé de réception reprenant les dispositions du premier alinéa de l'article L. 645-9 et des articles L. 645-11 et L. 645-12 et au mandataire judiciaire par lettre recommandée avec accusé de réception, et contre récépissé au procureur général,

DIT que les dépens seront employés en frais de procédure collective.