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Décisions

CA Paris, 1re ch. H, 30 mai 2006, n° 2005/24129

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Western Telecom (SA)

Défendeur :

France Telecom (SA), Arcep

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Avoués :

Me Cordeau, SCP Varin-Petit

Avocats :

Me Benhaim, Me Berthault, Me Simonel, Me Delannoy

CA Paris n° 2005/24129

29 mai 2006

La société FRANCE TÉLÉCOM ( ci-après FRANCE TÉLÉCOM ) s'est engagée en vertu d'un "contrat pour l'accès direct aux commutateurs internationaux" ou "contrat Hubbing Access" conclu le 20 avril 2000 à fournir à la société WESTERN TÉLÉCOM (ci-après WESTERN TÉLÉCOM ), à partir de son propre réseau ou le cas échéant de celui d'un tiers, une prestation de gros de transit international. Cette prestation d'interconnexion s'insérait entre le service de départ d'appel, assuré par WESTERN TÉLÉCOM au profit de ses abonnés jusqu'au point d ' interconnexion avec le réseau de FRANCE TÉLÉCOM et la prestation de terminaison d'appel fournie par les opérateurs étrangers de destination des appels et facturée à FRANCE TELÉCOM.

Désignée en qualité d'opérateur "réputé exercer une influence significative" ou l'opérateur puissant" sur le marché de l'interconnexion pour l'année 1998, FRANCE TELÉCOM était, à ce titre, tenue d'orienter ses tarifs d'interconnexion vers les coûts et de publier chaque année une offre technique et tarifaire d'interconnexion, dite "catalogue d'interconnexion", préalablement approuvée par I'ARCEP (ci- après l' "Autorité").Après la ,suppression de ce catalogue qui est intervenue à compter du I er janvier 2001 , FRANCE TELECOM, désignée à nouveau chaque année comme opérateur puissant par l'Autorité jusqu'à la publication de la loi n°2004-669 du 9 juillet 2004, était soumise aux obligations résultant des dispositions de l'article L. 34-8 III et IV du Code des Postes et Télécommunications( CPT ) consistant à faire droit aux demandes raisonnables d'interconnexion, dans des conditions de non-discrimination, d'orientation vers les coûts et de transparence. Dans l'attente de la définition des différents marchés pertinents et de l'état des opérateurs dominants sur chacun de ces marchés, l'article 133 de cette loi a maintenu les obligations de FRANCE TÉLÉCOM jusqu'à l'adoption des décisions d'analyse de marché par l'Autorité.

Après une série de consultations réalisées auprès des opérateurs de télécommunications, à l'occasion desquelles WESTERN TÉLÉCOM n'a pas formulé d' observations, l'ARCEP, par décision du 27 septembre 2005 publiée au J.O. du 14 octobre 2005, a dit n'y avoir lieu à définir "le marché de gros du transit international comme pertinent au titre de la régulation sectorielle", sa décision ayant "pour effet de lever l'ensemble des obligations qui s'appliquent aujourd'hui sur ces prestations".

L'Autorité a notamment relevé que "l'absence dans les 4 dernières offres techniques et tarifaires d'interconnexion de FRANCE TÉLÉCOM, de l'ensemble des destinations internationales, qui s'accompagne d'une absence de contrôle tarifaire sur l'ensemble des prestations d'acheminement de trafic international, n'a pas suscité de réactions négatives de la part des opérateurs alternatifs" et qu' ainsi "il n' est plus nécessaire de maintenir une régulation ex ante sur ce marché, dans la mesure où il n'est plus avéré que des barrières à l'entrée empêchent les opérateurs alternatifs de se positionner et où la concurrence semble s'y développer d'une façon satisfaisante".

WESTERN TÉLÉCOM qui s'oppose par ailleurs à FRANCE TÉLÉCOM dans le cadre d'autres procédures concernant, en particulier, la tarification du trafic fixe vers le mobile ainsi que le règlement de factures impayées, a saisi le 9 juin 2005 l'ARCEP au visa de l'article L 36-8 du code des postes et des télécommunications électroniques d'une demande de règlement d'un différend avec FRANCE TÉLÉCOM ayant pour objet:

- de constater l'échec des négociations avec cette entreprise,

- de constater la pratique de prix discriminants, non orientés vers les coûts et non transparents ainsi que la pratique du ciseau tarifaire sur certaines destinations et, par ailleurs, l'absence de voies de contournement, de pratiquer un audit des comptes de FRANCE TÉLÉCOM pour déterminer les prix orientés vers les coûts, de lui faire injonction de communiquer "les prix les plus bas" et de lui faire également injonction de démontrer que ceux-ci sont orientés vers les coûts,

- de fixer les nouveaux prix non discriminants, ainsi orientés, qu'elle sera tenue de lui appliquer,

- de réintégrer le marché du transit international dans la liste des marchés pertinents.

WESTERN TÉLÉCOM a également formulé une demande de mesures conservatoires tendant au maintien de l'accès au trafic international à un tarif non discriminant fixé provisoirement à 50 % du tarif actuel, que I'ARCEP a rejetée par décision du 30 juin 2005. Cette décision a toutefois été infirmée par un arrêt de cette cour du 17 août 2005 qui a enjoint à FRANCE TÉLÉCOM de rétablir l'accès de WESTERN TÉLÉCOM au trafic international dans l'attente de la décision au fond.

Par décision n° 2005-1009 du 1er décembre 2005, I'ARCEP :

- a déclaré irrecevables les demandes de WESTERN TÉLÉCOM tendant à la constatation d'une pratique de prix discriminants, non orientés vers les coûts et non transparents ainsi qu'à la constatation de l'absence de voies alternatives,

- a également déclaré irrecevable sa demande concernant le maintien du service,

- a retenu la période du 19 avril 2005 au 27 septembre 2005 en ce qui concerne le périmètre de sa demande de fixation des tarifs,

- a rejeté la demande d'audit,

- a statué ainsi sur le fond:

"Article 1 Les demandes [...]de la société WESTERN TÉLÉCOM et notamment celle tendant à la fixation d'un tarif non discriminatoire et orienté vers les coûts pour les prestations de transit international offertes par FRANCE TÉLÉCOM dans le cadre de son contrat "Hubbing Access France" sur 25 destinations et pour la période courant du 19 avril 2005 au 27 septembre 2005 sont rejetées. "

LA COUR

vu le recours formé par WESTERN TÉLÉCOM le 14 décembre 2005•,

Vu les conclusions déposées le 14 décembre 2005 par cette société à I ' appui de son recours, soutenues par son mémoire en réponse déposé le 27 mars 2006, par lesquelles elle demande à la cour:

- de confirmer la décision déférée en ce qu'elle a déclaré recevable sa demande, en ce qu'elle a rejeté la demande d'irrecevabilité de FRANCE TÉLÉCOM et en ce qu'elle a estimé que du I er janvier 2001 jusqu'au 27 septembre 2005 cette entreprise était soumise aux obligations de non-discrimination, de transparence et de prix orientés vers les coûts,

- de réformer pour le surplus cette décision et, statuant à nouveau :

- de constater que FRANCE TÉLÉCOM a pratiqué des prix discriminants, non orientés vers les coûts et non transparents sur le transit international de gros, notamment sur les tarifs qu'elle lui a appliqués pour le transit international depuis 2003 et pour les 25 destinations représentant 80% de son chiffre d'affaires du 1er janvier 2003 jusqu'au 27 septembre 2005,

- de confirmer la recevabilité de la demande de fixation des tarifs qui auraient été non discriminants et orientés vers les coûts ou déterminer le pourcentage de sur tarification opérée par FRANCE TÉLÉCOM sur les 25 destinations représentant 80 % du chiffre d'affaires de WESTERN TÉLÉCOM ; de dire cette demande recevable pour la période allant du 1er janvier 2003 jusqu'à la publication au J.O. de la décision de I'ARCEP du 27 septembre 2005 portant sur la définition des marchés de la téléphonie fixe,

- de constater l' absence de voies alternatives ou de voies de contournement à court terme économiquement et techniquement viables, pour WESTERN TÉLÉCOM spécifiquement,

- d'ordonner à son profit le maintien de l'accès aux services de transit international de FRANCE TÉLÉCOM jusqu'à l'intervention d'une décision définitive statuant sur les comptes entre les parties,

- de déterminer au moyen des pièces produites aux débats ou tout moyen probant à sa disposition, les prix orientés vers les coûts, abstraction faite des avantages mutuels que FRANCE TÉLECOM et ses partenaires étrangers pourraient se consentir par le biais des mécanismes de compensation; en conséquence, fixer les prix non discriminants et orientés vers les coûts que FRANCE TÉLÉCOM était tenue de lui appliquer durant la période litigieuse du 1er janvier 2003 jusqu'à la date de publication de la décision de I'ARCEP du 27 septembre 2005 ;

- de fixer le taux de sur tarification appliquée par FRANCE TÉLÉCOM sur I'ensemble des 25 destinations représentant 80 % de son chiffre d'affaires sur la base des pièces produites aux débats conduisant à une estimation de sur tarification de 50 % laissée à l'appréciation de la cour,

- à titre subsidiaire, d'ordonner toute mesure d'expertise ou d'audit nécessaire à l'accomplissement des mesures sollicitées, de condamner FRANCE TÉLÉCOM à lui payer la somme de 15 000 € au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et de la condamner aux dépens ,

Vu les conclusions récapitulatives, déposées le 15 février 2006, aux termes desquelles FRANCE TÉLÉCOM prie la cour de rejeter le recours de WESTERN TÉLÉCOM et de la condamner aux dépens ;

Vu les observations écrites de l'ARCEP, déposées le 9 mars 2006, tendant au rejet du recours ;

Vu les observations écrites du ministère public, mises à la disposition des parties à l'audience ;

Ouï à l'audience publique du 4 avril 2006, en leurs observations orales, les conseils des parties, chaque partie ayant été mise en mesure de répliquer ;

SUR CE,

1°) Sur la recevabilité de la demande de constat de WESTERN TÉLÉCOM concernant les prix et les tarifs pratiqués par FRANCE TÉLÉCOM et concernant l'absence de voies alternatives ou de contournement

Considérant que l'article L 36-8 du Code des postes et des télécommunications électroniques (CPCE), expressément visé dans la saisine, dispose :

"En cas de refus d'accès d'interconnexion, d'échec des négociations commerciales ou de désaccord sur la conclusion ou I'exécution d'une convention d'interconnexion ou d'accès à un réseau de communications électroniques, l'autorité de régulation des télécommunications électroniques et des postes peut être saisie du différend par l'une ou I'autre des parties.

L'autorité se prononce dans un délai fixé par décret en conseil d'État, après avoir mis les parties à même de présenter leurs observations et, le cas échéant procédé à des consultations techniques, économiques ou juridiques, ou expertises respectant le secret de I'instruction du litige dans les conditions prévues par le présent code. Sa décision est motivée et précise les conditions équitables, d'ordre technique et financier, dans lesquelles l'interconnexion ou I'accès doivent être assurés" [...];

Considérant que la requérante soutient que contrairement à ce qu'a estimé l'Autorité, sa demande tendant à faire constater que FRANCE TÉLÉCOM a pratiqué depuis 2003 des prix discriminants, non orientés vers les coûts et non transparents pour le transit international de gros sur une série de destinations, s'inscrit dans le cadre de cette procédure, comme sa demande de fixation de tarifs dont elle constitue l"introduction" ;

Mais considérant que la demande de WESTERN TÉLÉCOM, formellement présentée à l’ARCEP et distincte de ses autres réclamations, ne relève pas de la procédure prévue par l'article L 36-8 du CPCE dès lors qu'elle impute à FRANCE TÉLECOM un manquement à des obligations réglementaires sur l'interconnexion, I'ARCEP n'étant au surplus pas habilitée à se prononcer par des actes déclaratifs ;

Considérant que WESTERN TÉLÉCOM prétend également que son grief concernant I'absence de voies alternatives ou de contournement constitue I'expression d'un différend en ce que la continuité du service au profit de ses clients serait affectée si FRANCE TÉLÉCOM décidait de couper l'accès à son réseau ;

Mais considérant que cette demande ne se rattache pas non plus à un litige sur les conditions d'interconnexion et que, de surcroît, la question des voies alternatives ou de contournement a été examinée au fond par I ' ARCEP à l' occasion de son analyse du marché du transit international;

Que, s'agissant de la continuité du service, la requérante met vainement en exergue l'obligation de service universel, qui ne concerne que I 'utilisateur final, au surplus dans les conditions et les limites du service restreint fixé par I'article L 35-1 du CPCE, qui ne vise pas l'acheminement des appels internationaux;

Qu'il s'ensuit que c'est à bon droit que l'autorité a déclaré de telles demandes irrecevables ;

2°) Sur la recevabilité de la demande de maintien du service

Considérant que la requérante affirme qu'à partir de sa décision au fond, l'ARCEP reprenait "un entier pouvoir juridictionnel comportant l'aptitude de faire droit à ses demandes de maintien de l'accès au réseau" et cela " jusqu'à l'intervention d'une décision définitive statuant sur les comptes entre les parties" ;

Mais considérant que l'arrêt de cette cour du 17 août 2005 a déjà enjoint à FRANCE TÉLÉCOM, à titre de mesure conservatoire, de rétablir l'accès de WESTERN TÉLÉCOM au trafic international dans l'attente de la décision au fond; qu'au surplus, I'Autorité ne peut être saisie d'une demande de mesure conservatoire qu' accessoirement à une saisine au fond, dans le cadre strictement défini par l'article R11-1 du CPCE, et qu'elle ne détient pas le pouvoir d'ordonner le maintien du service pendant une période s'étendant au-delà de la date de, sa propre décision, de surcroît dans l'attente de l'issue d'une procédure distincte de celle dont elle est saisie;

Que dès lors c'est à juste titre que I'ARCEP a dit que cette demande était irrecevable ;

3°) Sur la demande de fixation des tarifs

Considérant qu'il convient de rappeler, à titre liminaire, que l’Autorité a procédé à une analyse particulièrement précise, non sérieusement critiquée par la requérante, des spécificités du marché du transit international qui se caractérise :

depuis l'année 2000, par une forte concurrence qui permettait à WESTERN TÉLECOM, qui a prétendu ne pas disposer de voies de contournement, de disposer auprès d'autres opérateurs d'offres alternatives pour acheminer son trafic international, - par des coûts particulièrement "mouvants" liés aux diverses techniques (câbles sous-marins, satellite...) permettant d'acheminer les communications, aux variations dues aux taux de change, aux différences de volume du trafic ainsi qu'aux différences de coût des terminaisons d'appel international;

Considérant que concernant la période de référence pour la fixation des tarifs réclamés, WESTERN TÉLÉCOM soutient que le différend l'opposant à FRANCE TELÉCOM n'ayant pu s'exprimer avant le mois d'avril 2005, compte tenu du "diktat tarifaire" voire de la contrainte qui lui a été imposée par cette entreprise vis à vis de qui elle se trouve dans une situation de dépendance économique, c'est à tort que l'Autorité a cru devoir fixer le début de cette période au 19 avril 2005;

Mais considérant que cette entreprise, qui s'est régulièrement obligée en vertu du contrat de "Hubbing Access France" à régler à sa partenaire commerciale le prix constituant la contrepartie des prestations qui étaient assurées, lui a fait parvenir chaque mois des objectifs de prix ( "tarifs cibles" ) auxquels elle répondait à son tour par I'envoi de tarifs ("price lists") et, jusqu'au courrier du 19 avril 2005 dans lequel elle a brusquement critiqué les tarifs au regard des principes de non-discrimination, d'orientation vers les coûts et de transparence et a réclamé le remboursement d'un trop perçu, n'a jamais soulevé la moindre contestation ou même la moindre réserve sur les tarifs jusqu' alors librement négociés;

Qu'elle ne peut non plus sérieusement soutenir, de surcroît sur un marché concurrentiel ou intervenaient d'autres opérateurs concurrents de FRANCE TÉLÉCOM, que subissant la contrainte de cette entreprise, qui ne ressort d'aucune pièce de la procédure, elle n'aurait pas été en mesure de lui faire part de son désaccord avant le mois d'avril 2005;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l' ARCEP ajustement limité du 19 avril 2005, date à laquelle est survenu un différend au sens de l'article L 36-8 du CPCE, au 27 septembre de la même année la période pendant laquelle elle était tenue d'apprécier la demande de fixation de tarifs qui lui était présentée au regard des dispositions de l'article L. 34- 8 111 et IV du CPT•, qu'au surplus, WESTERN TÉLÉCOM qui, devant l'Autorité, s'était limitée au 27 septembre 2005, date de la décision de I'ARCEP, n'est, comme le lui oppose à juste titre son adversaire, pas recevable désormais à étendre cette période jusqu'au 14 octobre 2005, date de la publication de cette décision;

Considérant que, concernant les griefs faits à FRANCE TÉLÉCOM au sujet des tarifs pratiqués, WESTERN TÉLÉCOM qui reprochait à cette entreprise d' avoir manqué à son obligation de transparence en ne publiant pas le contenu des contrats d'interconnexion avec ses homologues étrangers, maintient qu'elle n'a justifié ni ses coûts ni ses tarifs, notamment en s'abstenant de produire une liste vérifiable de prix d'achat de terminaison ainsi que les accords de compensation;

Mais considérant que s'il est vrai que lorsque le marché n'était pas concurrentiel, les opérateurs puissants étaient tenus de communiquer aux opérateurs "entrants " qui en faisaient la demande les conventions d'interconnexion afin de s'assurer que celle qui leur était proposée n'était pas discriminatoire, en revanche, sur le marché désormais concurrentiel du transit international, l'opérateur concerné, s'il doit faire connaître ses tarifs à ses clients, n'est pas pour autant obligé de leur communiquer des données qui, non connues du marché, relèvent du secret des affaires; qu'au surplus, WESTERN TÉLÉCOM avait une connaissance suffisante du mécanisme de fixation des prix dès lors qu'elle procédait elle-même à un envoi régulier d'objectifs de prix ou "tarifs cibles" à sa partenaire;

Considérant que la requérante prétend ensuite que les prix de FRANCE TÉLÉCOM ont un caractère discriminant, révélé par la négociation des tarifs dont bénéficie chaque client, négociation reconnue par cette entreprise dans sa réponse au questionnaire adressé par l'Autorité ;

Mais considérant que le principe de non-discrimination imposant seulement que les opérateurs exerçant leur activité dans des conditions équivalentes soient traités de manière égale, l'Autorité ajustement relevé qu'aucune des pièces qui ont été produites dans le cadre de l' instruction ne permet d' établir que les conditions tarifaires offertes par FRANCE TÉLÉCOM à WESTERN TÉLÉCOM différaient de celles offertes à d'autres opérateurs dont la situation serait équivalente sur ce même marché du transit international , à une même période, pour une même destination et pour les mêmes volumes;

Qu'au demeurant, si elle s'estimait victime de tarifs discriminatoires, WESTERN TÉLÉCOM disposait de la faculté, qu'elle n'a pas cru devoir mettre en oeuvre, de choisir des fournisseurs concurrents ;

Considérant que WESTERN TÉLÉCOM soutient, enfin, que les prix de FRANCE TÉLÉCOM ne sont pas orientés vers les coûts et qu'ils doivent être fixés à hauteur de 50 % de ceux qui ont été pratiqués, en arguant :

- que le tronçon international ( "global et mutualisé" ) ne pouvant coûter plus cher que la terminaison locale ( "individualisée") , le coût de ce tronçon ne saurait être supérieur à 0,50 €;

- que, dans certains pays, FRANCE TÉLÉCOM pratique des prix de détail moins élevés que ses prix de gros , en se prévalant d'un effet de ciseau tarifaire entre, d'une part, l'offre Hubbing Access en cause en l'espèce et, d'autre part, l'offre "Internationale Privilégiée" de FRANCE TÉLÉCOM révélant une sur tarification pour au moins 52 destinations ;

- qu'elle vend au-dessus de ses coûts puisqu'elle offre un tarif supérieur aux tarifs d'interconnexion proposés par les opérateurs ALGÉRIE TÉLÉCOM et MAROC TÉLÉCOM dans leurs catalogues d'interconnexion et, en outre, qu'elle a conclu avec certains opérateurs des accords lui permettant, grâce à un système de compensations, de bénéficier de conditions préférentielles;

Mais considérant que par des appréciations pertinentes que la cour fait siennes, l'Autorité a vérifié de manière concrète, à partir des éléments de réponse et des pièces communiquées par les parties, ce qui rend inutile l'audit de FRANCE TÉLÉCOM, que la présomption d'orientation des prix vers les coûts qui résulte de la situation de concurrence déjà évoquée sur le marché du transit international n'était pas renversée ;

Qu'au terme d' une analyse économique particulièrement précise, l’ARCEP a exactement relevé que les coûts encourus sur le tronçon international, c'est à dire le coût de l'acheminement depuis le commutateur en France jusqu'au commutateur situé dans le pays de destination, étaient caractérisés par une forte variabilité résultant de la technologie employée (satellite, câble),du type d'infrastructure ("en propre ou en tiers"),de la longueur de l'infrastructure dans le cas d'une transmission par câble ainsi que du volume du "débit circulant" et qu' en raison de la multiplicité des facteurs techniques caractérisant la prestation de transit international, l'évaluation du coût théorique maximal du tronçon international revendiqué par la requérante n'était pas opérante d'un point de vue économique;

Que l'Autorité a ensuite justement écarté l'effet de ciseau tarifaire invoqué par la requérante à partir d'une comparaison de l'offre dont elle a bénéficié avec l'offre "Internationale Privilégiée" de FRANCE TÉLÉCOM, dès lors qu'un tel effet, constaté par la réalisation d'un test, est censé survenir dans l'hypothèse, étrangère à la situation de I 'espèce, ou un opérateur "verticalement intégré" disposant d'une puissance de marché sur un marché "amont", notamment grâce à la détention d'une facilité essentielle, et intervenant sur un marché "aval", supprime, par sa politique tarifaire, l'espace économique minimal nécessaire à ses concurrents, opérateurs entrants, pour se développer sur ce dernier marché;

Qu'au demeurant, l’ARCEP a démontré que les comparaisons effectuées par la requérante entre les deux offres en question ne constituaient pas des indices probants de tarifs non orientés vers les coûts du fait que :

- WESTERN TÉLÉCOM avait pratiqué à tort une remise pour des destinations qui, en réalité, n'en bénéficiaient pas,

- pour ce qui concerne le cas précis du tarif de terminaison d'appel vers l'Algérie "Mobile" ,la requérante n' a pas pris en considération le tarif de l' opérateur vers lequel elle achemine la majorité de son trafic,

- ses calculs n'avaient pas pris en compte un "crédit temps",

- plus généralement, les tarifs comparés étaient d'une nature différente, dans la mesure où il s'agissait, dans un cas, de tarifs de détail et, dans l'autre cas, de tarifs de gros;

Que, concernant les coûts de terminaison d'appel à partir des tarifs d'interconnexion proposés par MAROC TÉLÉCOM et par ALGÉRIE TÉLÉCOM dans leurs catalogues d'interconnexion, dont le montant, très inférieur à celui facturé par FRANCE TÉLÉCOM pour ces destinations révélerait une vente au-dessus des coûts, cette entreprise était fondée à objecter que seuls les "opérateurs alternatifs" détenteurs d'une licence dans ces pays peuvent bénéficier des prestations de leurs catalogues d' interconnexion, et que, ne bénéficiant pas pour sa part d'une licence dans ces pays, les conditions tarifaires qui lui sont fixées sont significativement plus élevées que celles figurant aux catalogues correspondants; que, dans ces conditions, les tarifs qui lui sont opposés ne pouvaient servir de référence en termes d'étude de coûts ;

Qu'en ce qui concerne, enfin, les accords bilatéraux passés par FRANCE TÉLÉCOM avec certains opérateurs, il ressort des explications de cette entreprise, étayées par des pièces, qui ont été validées par I'ARCEP, que contrairement à ce que soutient WESTERN TÉLÉCOM qui lui impute des méthodes de compensation permettant de facturer des prix ou des tarifs très supérieurs à leurs coûts, les tarifs étaient négociés, sans compensation, en fonction des engagements sur le volume de trafic;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l' ARCEP, a pu sans commettre d'erreur d'appréciation, écarter les demandes de fixation de tarifs de WESTERN TÉLÉCOM ;

Que le recours doit, en conséquence, être rejeté ;

PAR CES MOTIFS

Rejette le recours,

Condamne la société WESTERN TÉLÉCOM aux dépens.