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Décisions

CA Paris, 1re ch. H, 7 décembre 2004, n° 2004/10272

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Mobius (SA), France Télécom (SA)

Défendeur :

Le Conseil Régional De La Réunion, Arcep

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Pezard

Conseillers :

Mme Mouillard, M. Remenieras

Avoués :

Me Teytaud, SCP Grapotte-Benetreau

Avocats :

Me Dupuis-Toubol, Me Clarenc, Me Simonel, Me Delannoy

CA Paris n° 2004/10272

6 décembre 2004

La société Mobius est un fournisseur d'accès à Internet opérant dans le département d'outre-mer de la Réunion, qui propose, depuis le mois d'août 2000, des prestations d'accès sécurisé haut débit à Internet.

Courant 2002, a été mis en service le câble SAT-3/WASC/SAFE (ci-après câble SAFE), câble sous-marin en fibre optique reliant l'Europe à l'Afrique et à l'Asie, réalisé et exploité par un consortium de 36 opérateurs de télécommunications de nationalités différentes, parmi lesquels la société France Télécom (ci-après France Télécom).

Par lettre adressée le 11 juillet 2003 à France Télécom, la société Mobius a demandé à bénéficier d'un ensemble d'offres de prestations utilisant ce câble.

N'étant pas parvenue, plusieurs échanges épistolaires, à s'entendre avec France Télécom, la société Mobius a, par lettre du 5 janvier 2004, saisi l'Autorité de régulation des télécommunications (ci-après l'Autorité) d'une demande de règlement de différend, en application de l'article L 36-8 du Code des postes et télécommunications.

Par décision no 04-375, du 4 mai 2004, l'Autorité a statué comme suit :

"article 1 : France Télécom devra proposer à Mobius un service d'interconnexion de liaison louée de transport entre un sire France Télécom ouvert à l'interconnexion et dans lequel est disponible un service d'aboutement de liaisons louées à Saint-Denis de la Réunion et un site France Télécom ouvert à l'interconnexion et dans lequel est disponible un service d'aboutement de liaisons louées à Paris, au tarif de 1.550 euros mensuels par Mbit/s en vue de la signature d 'une convention d 'interconnexion quatre semaines plus tard après la notification de la présente décision. Les frais d'accès au service de cette offre devront refléter les coûts de mise en service de la prestation.

article 2 : France Télécom devra proposer à Mobius une offre de transit IP entre le site du BAS France Télécom de Saint-Denis de la Réunion et un site à Paris fixé en accord avec Mobius, en vue de la signature d'une convention six semaines au plus tard après la notification de la présente décision. Le tarif de cette offre devra respecter les principes définis ci-avant. Les frais d'accès au service de cette offre devront être orientés vers les coûts. Cette offre devra permettre l'échange de trafic local entre France Télécom, ses filiales et Mobius.

article 3 : le surplus des conclusions présentées par les sociétés Mobius et France Télécom est rejeté.

Suivant déclarations reçues le 11 juin 2004, France Télécom et la société Mobius ont, chacune, formé un recours contre cette décision.

Le 13 juillet 2004, le Conseil régional de la Réunion est intervenu volontairement à la procédure.

Aux termes de l'exposé sommaire de ses moyens, et de ses mémoires en réplique des 6 septembre 2004 et 15 octobre 2004, France Télécom demande à la cour de :

  • sur l’intervention volontaire à titre accessoire du Conseil régional de la Réunion :

- prononcer la nullité de cette intervention, à titre principal en application des articles 117 et suivants du nouveau Code de procédure civile, à titre subsidiaire en application des articles 330 du nouveau Code de procédure civile et L 34-8 du Code des postes et télécommunications,

- débouter le Conseil régional de la Réunion de ses demandes,

- le condamner à lui payer une somme de 15.000 euros au titre des frais irrépétibles,

  • sur son recours :

- le déclarer recevable,

- juger que l'évaluation des coûts de la prestation d'interconnexion de liaison louée de transport retenue par la décision pour établir le coût et le tarif de cette prestation est manifestement illégale au regard des conditions de l'article L 34-8 du CPT et manifestement inéquitable au regard des conditions de l'article L 36-8 du CPT,

- juger que le coût de 887 euros par mois et par Mbit/s retenu par la décision et que le tarif de 1.550 euros par mois et Mbit/s fixé pour 2004 par l'article I er de la décision sont entachés d'irrégularité au regard de ces conditions ,

- annuler et/ou réformer la décision et son article 1er et, dans ce dernier cas, dire que cet article 1er sera libellé comme suit :

article 1 :France Télécom devra proposer à Mobius un service d'interconnexion de liaison louée de transport entre un site France Télécom ouvert à l’interconnexion et dans lequel est disponible un service d'aboutement de liaisons louées à Saint-Denis de la Réunion et un site France Télécom ouvert à I 'interconnexion et dans lequel est disponible un service d 'aboutement de liaisons louées à Paris, au tarif de 3.294 euros par mois et par Mbit/s pour l'année 2004, en vue de la signature d'une convention d'interconnexion quatre semaines plus tard après la notification de la présente décision. Les frais d'accès au service de cette offre devront refléter les coûts de mise en œuvre de la prestation.

  • sur le recours de la société Mobius :

- à titre principal, le déclarer irrecevable en application de l'article 546 du nouveau Code de procédure civile,

- à titre subsidiaire, le déclarer irrecevable et inopérant au regard des articles 555 et 564 du nouveau Code de procédure civile,

- à titre très subsidiaire, le juger dépourvu de tout fondement au regard des articles L 34-8 et L 36-8 du Code des postes et télécommunications,

- à titre infiniment subsidiaire, juger irrecevables et infondées les modifications de l' article 1 er proposées par la société Mobius, autres que celles portant sur le tarif applicable à l'année 2004,

- condamner la société Mobius à lui payer une somme de 15.000 euros au titre des frais irrépétibles.

Aux termes des exposés sommaire et complet de ses moyens, et de ses mémoires en réponse déposés le 6 septembre et le 15 octobre 2004, la société Mobius demande à la cour de :

  • sur son recours :

- constater que l'évaluation des coûts supportés par France Télécom, foumis par l'Autorité dans sa décision, constitue la révélation d'un fait nouveau qui entraîne une évolution substantielle du litige, de nature à justifier une modification par Mobius de sa demande initiale.

En conséquence,

- réformer l'article 1 de la décision de l'Autorité en lui substituant un nouvel article rédigé comme suit :

"France Télécom devra proposer à Mobius un service d 'interconnexion de liaison louée de transport entre un site France Télécom ouvert à I 'interconnexion et dans lequel est disponible un service d 'aboutement de liaisons louées à Saint-Denis de la Réunion et un site France Télécom ouvert à I 'interconnexion et dans lequel est disponible un service d'aboutement de liaisons louées à Paris, un tarif reflétant les coûts évalués par I 'ART dans sa décision, soit un montant correspondant à cette évaluation (887 euros mensuels par Mbit/s pour 2004, 708 euros mensuels par Mbit/s pour 2005 et 622 euros mensuels par Mbit/s pour 2006, ainsi que des évolutions des coûts de fourniture des liaisons louées d'aboutement dans le catalogue d'interconnexion de France Télécom), en vue de la signature d'une convention d'interconnexion quatre semaines plus tard après la notification de la présente décision. Lesfrais d'accès au service de cette offre devront refléter les coûts de mise en service de la prestation. "

  • sur le recours de France Télécom

- à titre principal, constater l'absence de dépôt par cette dernière de l' exposé complet des moyens produits au soutien de son recours, en violation de l'article R 11-3 du Code des postes et télécommunications, en conséquence, déclarer irrecevable ce recours,

- à titre subsidiaire, constater l'absence de fondement du recours et le rejeter,

- en tout état de cause, condamner France Télécom à lui payer la somme de 15.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Aux termes de son mémoire en intervention et de sa réplique du 15 octobre 2004, le Conseil régional de la Réunion demande à la cour de, vu les articles 329 et 554 du nouveau Code de procédure civile,

- rejeter les moyens proposés par France Télécom,

- le recevoir en son intervention volontaire,

- enjoindre à France Télécom de lui communiquer le recours formé par elle à I'encontre des décisions 04-375 et 04-376 de l'ART, rejeter les recours formés par France Télécom à l'encontre de ces décisions, condamner France Télécom à lui payer la somme de 15.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

L'Autorité a déposé le 27 septembre 2004 des observations écrites tendant au rejet des recours.

Le Ministère Public a conclu au rejet des recours.

A l'audience publique du 26 octobre 2004, ont été entendus en leurs observations orales les conseils des sociétés requérantes et de l'Autorité ainsi que le Ministère Public, chaque partie ayant été mise en mesure de répliquer.

SUR CE, LA COUR :

I - sur la recevabilité des recours et intervention

1°) sur la recevabilité du recours de France Télécom

Considérant, d'une part, que, si la demande de France Télécom tend à "l'annulation et/ou la réformation" de la décision entreprise, elle n'en est pas pour autant imprécise ;

Qu'en effet, FRANCE TÉLÉCOM, qui soutient que les coûts retenus par l’Autorité sont à la fois manifestement erronés et non équitables, a pu estimer, ainsi qu'elle l'indique dans son mémoire du 15 octobre 2004, que ces caractéristiques, si elles étaient reconnues, seraient de nature à entraîner l'annulation, à tout le moins la réformation de la décision déférée ;

Considérant, d'autre part, que France Télécom, qui a déposé, en même temps que sa déclaration de recours, un exposé sommaire de ses moyens, s'est conformée aux dispositions de l'article R 11-3 du Code des postes et télécommunications, prescrites à peine d'irrecevabilité du recours ;

Que le fait qu'elle n'ait pas usé de la faculté que lui confère cet article de déposer un exposé complet de ses moyens dans le délai d'un mois à compter de la déclaration ne rend pas son recours irrecevable, la seule sanction prévue par ce texte étant l'irrecevabilité du mémoire déposé après l'expiration de ce délai ;

Que le recours de France Télécom est donc recevable ;

2°) sur la recevabilité du recours de la société Mobius

Considérant que la société Mobius avait demandé à l'Autorité, notamment, d'imposer à France Télécom de lui fournir, au moyen du câble SAFE, un service de liaisons louées vers la métropole au tarif de 1.550 euros HT mensuels par Mbit/s ;

Qu'après avoir jugé la demande recevable et justifiée, l'Autorité a procédé à  l'estimation du coût de la prestation en cause -qu'elle a évalué à 887 euros par mois et par Mbit/s- mais, eu égard aux termes de la saisine de la société Mobius, a fixé le prix au montant demandé par cette dernière ;

Considérant que la société Mobius forme un recours contre ce chef de la décision pour obtenir le prix calculé par l’Autorité, en soutenant que l’évaluation des coûts supportés par France Télécom, telle que révélée par la décision, constitue un fait nouveau qui entraîne une évolution substantielle du litige et justifie qu'elle modifie sa demande initiale ainsi que l'y autorisent les articles 555 et 564 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais considérant que, parmi les dispositions du nouveau Code de procédure civile, seules sont applicables en la cause celles auxquelles il n'est pas dérogé par des textes spéciaux et qui sont compatibles avec la nature particulière du contentieux du règlement de différend ;

Que, l’article L 36-8, III du Code des postes et télécommunications instituant une voie de recours en réformation ou en annulation qui, serait-elle de plein contentieux, ne s'exerce que dans la limite des compétences de l'Autorité et des questions qui lui ont été soumises, les articles 555 et 564 sont inapplicables ;

Que c'est donc à bon droit que France Télécom oppose à la société Mobius, qui a obtenu l'intégralité de ce qu'elle avait demandé à l'Autorité, l'irrecevabilité de son recours,

3°) sur l'intervention volontaire accessoire du Conseil régional de la Réunion

Considérant que France Télécom soulève la nullité de cette intervention sur le fondement de l'article 117 du nouveau Code de procédure civile, faute pour le président du Conseil régional de la Réunion de justifier avoir été habilité à représenter cette collectivité territoriale, ainsi qu'il le prétendait dans son mémoire du 13 juillet 2004 ;

Considérant qu'en effet, dans ce mémoire en intervention, le Conseil régional de la Réunion précisait être représenté par son président "dûment habilité aux fins des présentes, par une délibération de la Commission permanente en date du 8 juin 2004" ;

Qu'en suite de la contestation élevée par France Télécom, a été produite une délibération de la commission permanente de la région Réunion, en date du 8 juin 2004, qui autorise le "Président du Conseil Régional à ester en justice devant la cour d'appel de Paris dans le cadre de cette affaire et à prendre toutes les mesures nécessaires à la défense des intérêts de la Région dans le cadre du contentieux cité en objet",

Que toutefois, cette autorisation, en ce qu'elle vise la décision n°04-374 de l'Autorité, en date du 27 avril 2004, se prononçant sur un différend opposant le Conseil régional de la Réunion à France Télécom, est inopérante en l'espèce ;

Qu'ainsi, le président du Conseil régional de la Réunion ne justifiant pas de l'habilitation dont il se prévaut, le mémoire en intervention de ce dernier doit être annulé par application du texte susvisé ;

II - sur le fond

Considérant que France Télécom conteste l'article 1 de la décision qui a fixé à 1.550 euros par mois et par Mbit/s le prix de la prestation de liaison louée ;

Qu'elle fait valoir que la décision comporte des erreurs manifestes :

- en ce qu'elle n'a pas pris en compte "les coûts spécifiques d' interconnexion" et les "coûts communs pertinents".

- en ce qu'elle a appliqué un taux de conversion USD/Euro erroné et inéquitable sur les investissements engagés,

- en ce qu'elle a appliqué une méthode d'évaluation des coûts "irrégulière et très inéquitable" pour déterminer le coût d'utilisation et de la composante "câble sous-marin" du réseau de transport,

- en ce qu' elle a commis une erreur de calcul dans son évaluation du coût de la composante "station d'atterrissement" ,

  • sur les coûts spécifiques d'interconnexion et les coûts communs pertinents

Considérant que France Télécom fait grief à la décision de n' avoir pris en compte que les coûts de réseau général - soit les coûts de la prestation de transport (câble, station d'atterrissement, partie terminale terrestre)- en omettant les coûts spécifiques d'interconnexion et les coûts communs pertinents, et d'avoir ainsi méconnu les règles de droit commun de la tarification des prestations d'interconnexion et entaché la tarification retenue d'une irrégularité manifeste et grave au regard des exigences des articles L 34-8 et L 36-8 du Code des postes et télécommunications ;

Qu'elle revendique à cet égard l'application des taux retenus par l'Autorité dans sa décision n°03.1231 du 13 novembre 2003, soit une majoration de 10 % sur le coût du réseau pour couvrir les coûts spécifiques à l'interconnexion et une majoration de 6,7 % appliquée à la fois aux coûts de réseau général et aux coûts spécifiques d'interconnexion au titre des coûts communs pertinents ;

Mais considérant que l’Autorité a retenu que la demande de la société Mobius, qui avait pour finalité de disposer, en s'interconnectant au réseau de France Télécom, d'une offre de capacité entre la Réunion et la métropole, lui permettant d'élaborer des offres de détail destinées au marché final, alors que France Télécom dispose d'un monopole de fait sur le transport entre la Réunion et la métropole, devait être regardée "comme une demande de service d'interconnexion de liaison louée de gros sur le segment du transport", comme telle donnant lieu à une rémunération de l’usage effectif du réseau de transport, reflétant les coûts du service rendu ;

Qu'elle a constaté qu'alors qu'il appartenait à France Télécom de justifier que ses tarifs respectaient ce principe, cette dernière se bornait à produire des modèles de coûts ne correspondant pas à la demande de la société Mobius ou encore proposait des coûts correspondant aux différents tronçons de la prestation, sans fournir d'explication sur leur origine ;

Qu'elle a finalement procédé à sa propre évaluation, en conciliant, autant que possible, les approches respectives des deux parties, relevant à cet égard que toutes deux écartaient la méthode des "coûts moyens incrémentaux de long terme", puisqu'elles se fondaient sur une approximation des coûts effectivement supportés par l'opérateur  historique au titre du câble SAFE, soulignant, d'ailleurs, que le caractère récent de cette structure diminuait les écarts entre les résultats obtenus suivant que l'on retenait les coûts historiques ou les coûts actuels des meilleurs technologies disponibles ; (p. 36-37)

Que pour ce faire, elle a additionné -comme du reste France Télécom dans sa réponse à la question 10 du questionnaire du 12 février 2004- les coûts attachés à chacun des segments de la prestation en cause, à savoir :

- entre Le Port et la station d' atterrissement à Saint Paul (faute de proposition des parties, elle a retenu le tarif d'une liaison louée d'aboutement, tel que fixé au catalogue d'interconnexion),

- entre la Réunion et le Portugal (câble SAFE), à partir des investissements engagés par France Télécom, tant pour le câble proprement dit que pour la station d'atterrissement, des charges de personnel (20% de l'amortissement annuel) et des coûts opérationnels de la transmission ( 10 % de l’investissement initial) tels qu' estimés par France Télécom, (p. 40), - entre le Portugal et Penmarch (sur un câble différent, mais en retenant les chiffres du câble SAFE, plus favorables à France Télécom),

- entre Penmarch et Paris, en retenant les chiffres avancés par France Télécom ;

Considérant que, dans ces conditions, France Télécom n'est pas fondée à reprocher à l'Autorité, qui a procédé, au vu des éléments dont elle disposait, à une évaluation équitable prenant en compte les spécificités du câble sous-marin, de ne pas avoir appliqué strictement la méthode propre aux tarifs d'interconnexion, inadaptée à la prestation particulière en cause, ni, au surplus, d'avoir négligé de prendre en compte les coûts spécifiques et les coûts communs pertinents, qui, appréciés forfaitairement, figurent bien dans le coût du transport par câble SAFE sus-mentionné ,

  • sur le taux de conversion

Considérant que France Télécom reproche à la décision d'avoir appliqué un taux de conversion USD/Euro erroné et inéquitable sur les investissements engagés par elle en USD, en retenant le taux en cours début 2004 alors que ces investissements avaient été réalisés de décembre 1999 à décembre 2003 quand le taux de change était moins favorable ;

Mais considérant que, devant l'Autorité, France Télécom, qui n' a communiqué le montant de ses investissements qu'en dollars, n'a pas fait état de la date des versements dont elle se prévaut aujourd'hui, refusant même, au prétexte de considérations de confidentialité, de produire le contrat la liant au consortium, qui prévoyait les conditions de règlement de l'investissement ; qu' elle ne justifie d' ailleurs toujours pas des règlements qu'elle invoque ;

Que, dès lors, son moyen doit être écarté, étant du reste observé que l'application d'un taux unique à des paiements échelonnés sur quatre ans ne serait pas davantage appropriée ;

  • sur la méthode d'évaluation du coût d'utilisation de la composante "câble sous- marin" du réseau de transport

Considérant que France Télécom reproche tout d ' abord à I ' Autorité de ne pas avoir tenu compte de l'utilisation effective du câble en 2004, qui était de 502 Mbit/s, et d'avoir retenu pour cette période une bande passante de 2,2 Gbit/s, obtenue par projection à partir d'une utilisation optimale présumée dans 9 ans, période de saturation de la structure en cause ;

Mais considérant qu'ayant relevé qu'en séance, France Télécom avait indiqué que le câble serait saturé après 11 années d'utilisation, qu'il était en service depuis deux ans et qu'eu égard à la capacité déjà utilisée, à croissance constante, le câble serait saturé dans moins de 10 ans, l'Autorité en a déduit que "l'hypothèse de remplissage retenue est donc une croissance linéaire du trafic sur le câble jusqu'à saturation" (p.38) ;

Que, se fondant sur les réponses aux questionnaires de France Télécom, qui convenait de la nécessité pour les opérateurs de procéder à des extensions de capacité et, à cette fin, de concéder des investissements complémentaires, l'Autorité a estimé qu'en 2012, la capacité maximale du câble atteindrait 120 Gbits/s, de sorte que, compte tenu de sa participation et de l'hypothèse de croissance linéaire retenue, il devrait être considéré que France Télécom bénéficierait, en 2004, d'une capacité effective de 2,2 Gbits /s ;

Que cette manière de procéder, conforme aux hypothèses admises par les parties, ne peut être critiquée en l'état des éléments dont l'Autorité disposait ;

Considérant, ensuite, que France Télécom reproche à l'Autorité d'avoir retenu qu'elle n'utiliserait le câble qu'à 68 %, par une démarche dont le principe même est contestable, et alors que ce taux n'est pas justifié puisque, selon ses propres réponses au questionnaire, cette utilisation atteignait 83,66 % ;

Mais considérant qu'ainsi que le souligne l'Autorité, France Télécom, en revendiquant un taux plus élevé, admet elle-même le principe d'une utilisation partielle de câble, la prise en compte de ce critère étant, du reste, conforme à la règle de l'usage effectif ; que la critique porte en réalité sur le taux retenu ;

Qu' à cet égard, le pourcentage de 68% a été obtenu par comparaison non de ratios de capacité (Mbits/s), comme le voudrait à présent France Télécom, mais de ratios de distance et de capacité exprimés en "MIU.km", unité de référence proposée à plusieurs reprises par France Télécom elle-même, dans sa réponse à la question 12 du questionnaire du 12 février 2004 et en page 6 de sa note d'analyse du modèle de coût développé par Tera/Strema Wide pour le Conseil régional de la Réunion ;

Qu' ainsi, l'Autorité, qui s' est déterminée en fonction des éléments qui lui étaient soumis, ne peut être critiquée ;

  • sur l'erreur de calcul

Considérant que France Télécom prétend que l'Autorité a commis une erreur de calcul dans l'évaluation du coût 2004 de la composante "station d'atterrissement", en retenant un montant de 4,11 STMI qui, sachant qu'un STMI vaut 155 Mbit/s, ne correspond pas au chiffre de 450 Mbit/s qu'elle avait porté dans le questionnaire au titre de la capacité totale activée prévue à la Réunion pour cet exercice ;

Mais considérant que l’Autorité réplique qu'elle ne s'est pas fondée sur le montant indiqué par France Télécom, qui ne lui paraissait pas pertinent, mais sur sa propre évaluation de la progression d'utilisation du câble, calculée à partir du nombre d'abonnements supposé et de la capacité réservée sur le câble par utilisateur, telle que communiquée par France Télécom dans ses réponses au deuxième questionnaire ;

Qu'ainsi, l'estimation proposée par l'Autorité pour l'année 2004 n'est pas entachée d'erreur matérielle ;

Considérant qu'au vu de ce qui précède, il apparaît que l'Autorité n'a commis aucune erreur manifeste d'appréciation et que le recours de France Télécom doit donc être rejeté ;

Et considérant qu'il n'y a pas lieu de faire application en la cause des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

Annule l'intervention volontaire accessoire du Conseil régional de la Réunion,

Déclare irrecevable le recours de la société Mobius,

Déclare recevable le recours de la société France Télécom, mais le rejette,

Rejette les demandes fondées sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elles exposés.