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Décisions

Cass. crim., 10 mai 2012, n° 11-87.328

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Louvel

Rapporteur :

Mme Caron

Avocat général :

Mme Valdès-Boulouque

Avocat :

SCP Waquet, Farge et Hazan

Lyon, du 06 sept. 2011

6 septembre 2011

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, par ordonnance en date du 5 août 2010, le juge d'instruction a ordonné l'interception de communications téléphoniques pour une durée de quatorze jours ;

Attendu que c'est donc à bon droit que la chambre de l'instruction, pour refuser de faire droit au moyen d'annulation, en ce qu'il invoquait l'irrégularité des interceptions effectuées le 19 août 2010 et de celles dont elles seraient le support, a décidé que le point de départ de ces mesures devait être fixé au jour de leur mise en place effective qui a eu lieu le lendemain de l'ordonnance du magistrat les autorisant ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 § 1 et 6 § 3 de la Convention européenne des droits de l'homme, 171, 174, 593 et 802 du code de procédure pénale, ensemble les droits de la défense, défaut de motifs, manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la requête en nullité des déclarations des autres mis en cause ;

" aux motifs que, si le requérant à la nullité est en droit d'invoquer l'irrégularité d'actes de la procédure concernant un tiers, encore faut-il que cet acte accompli illégalement ait porté atteinte à ses intérêts et lui fasse grief ; qu'en l'espèce, en l'absence de demande d'annulation par les intéressés de leurs interrogatoires en garde à vue ou des interrogatoires ou confrontations, il ne saurait réclamer que l'annulation des parties de ces actes le mettant directement en cause, en justifiant de son intérêt à agir ; qu'en vain, pour solliciter l'annulation des procès-verbaux d'audition en garde à vue de Mmes Georgiéva J... A..., C..., D..., MM. E..., F... G... et H..., le conseil de M. X... fait valoir que leur droit au silence ne leur a pas été notifié, que les intéressés n'ont pas été assistés d'un avocat et que leurs auditions n'ont pas fait l'objet d'enregistrement audiovisuel en raison du régime dérogatoire de ces infractions relevant de la criminalité organisée, dès lors qu'il ressort du dossier que les mises en cause de M. X... ne résultent pas uniquement de ces déclarations, qui, par elles-mêmes, ne valent pas preuve, mais également des écoutes téléphoniques, des déclarations d'Y..., prostituée à Chambéry qui a été entendue en dehors de toute garde à vue, de la main courante établie par Z... et surtout des déclarations précises et circonstanciées qui ont été faites par ces mêmes personnes devant le juge d'instruction au cours des interrogatoires et des confrontations, et ce, en présence de leurs avocats, ces actes n'étant pas la conséquence des déclarations faites en garde à vue qui n'en sont nullement le support exclusif, et qui, ainsi qu'il a été rappelé, ne sauraient être viciés, pour les motifs précédemment énoncés du fait de l'absence d'enregistrement audiovisuel effectué conformément à la loi, et sans aucune violation des engagements conventionnels de la France ; que la mise en cause, en garde à vue par ses personnes ne constitue pas l'unique fondement des poursuites diligentées contre M. X... ; que l'établissement du mandat d'arrêt contre M. X... repose sur les éléments recueillis lors de l'enquête, avant les placements en garde à vue des personnes qui le mettent en cause, et aussi sur la plainte prise par les policiers émanant de Z... et les écoutes régulières ; que, par la suite, la mise en examen de M. X... est fondée sur les déclarations faites devant le juge d'instruction, par les témoins et les comis en examen, en présence de leurs conseils ou ceux-ci dûment convoqués ; qu'ainsi, le 19 et le 20 juillet 2010, M. I..., son conseil dûment convoqué répondait aux questions du magistrat instructeur sur le rôle de Kiro, le mettant une nouvelle fois en cause ; que Mme J..., épouse A..., en présence de ses conseils, le 19 juillet 2010, impliquait M. X... dans le réseau de proxénétisme ; que M. E... déclarait, le 20 juillet, qu'il n'avait pas de bonnes relations avec M. X... car il demandait de l'argent à Elena ; que M. F..., le même jour, donnait des précisions sur le rôle de Kiro (Kiril X...), que L..., témoin, le 20 juillet 2010 mettait en cause, pour des remises d'argent en provenance de sa prostitution Mme Elena C... K..., soeur de M. X... et Iréna J..., son concubin ; que Mme A... C... a reconnu son rôle de proxénète, devant le juge en présence de son conseil, transmettant l'argent à Kiril ; qu'il existait donc, du fait de l'existence de ces éléments, et notamment des mises en cause portées contre lui des indices graves ou concordants rendant vraisemblable sa participation aux faits qui lui sont reprochés lors de la mise en examen parfaitement régulière et justifiée ; qu'il ne peut être soutenu que le fondement des poursuites est constitué par les déclarations faites en garde à vue par ces personnes et que M. X... justifie d'un intérêt à obtenir l'annulation des déclarations faites en garde à vue hors la présence d'un conseil par ses accusateurs, qui ne constituent nullement le seul élément justifiant sa mise en cause ; que, dès lors, aucune nullité n'est encourue de ce chef ;

" 1) alors que les déclarations émanant d'autres mis en cause, mettant directement en cause le requérant dans la commission des faits reprochés, mais irrégulièrement recueillies, faute, d'une part, de notification du droit de se taire et de l'assistance d'un avocat durant la garde à vue, et faute, d'autre part, d'enregistrement audiovisuel des auditions et interrogatoires, lui font nécessairement grief, quand bien même ces déclarations ne constitueraient pas l'unique fondement des poursuites ; que l'existence prétendue d'éléments distincts ayant justifié la mise en cause et la mise en examen de M. X... n'est, en aucun cas, exclusive de l'obligation légale d'annuler les déclarations irrégulièrement recueillies ni de l'intérêt du requérant à obtenir cette annulation ; qu'en décidant le contraire, la chambre de l'instruction a violé les articles susvisés et gravement méconnu le droit à un procès équitable ;

" 2) alors que la Cour de cassation a été saisie, par écrit distinct et motivé, d'une question prioritaire de constitutionnalité portant sur la conformité à la Constitution de l'article 64-1 du code de procédure pénale en ce qu'il écarte l'enregistrement audiovisuel lorsque la personne gardée à vue pour un crime, est mise en cause, comme en l'espèce, pour l'un de ceux prévus à l'article 706-73 ; que la déclaration d'inconstitutionnalité à venir privera de fondement juridique la décision de la chambre de l'instruction en ce qu'elle a validé les auditions ainsi réalisées ;

" 3) alors, en toute hypothèse, qu'en jugeant qu'il n'y avait pas lieu à annulation des auditions, interrogatoires et confrontations des autres mis en cause, en dépit de l'absence d'enregistrement audiovisuel et de la qualification criminelle donnée aux faits reprochés, la chambre de l'instruction a violé les articles 20, 47 et 48 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, 6 du Traité sur l'Union européenne, 6 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme, 1 de son Protocole n° 12 et 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques " ;

Attendu qu'en déclarant par les motifs reproduits au moyen n'y avoir lieu à annulation des auditions en garde à vue et interrogatoires par le juge d'instruction d'autres personnes que le demandeur, l'arrêt attaqué n'encourt pas les griefs allégués, dès lors que la méconnaissance des formalités substantielles auxquelles est subordonnée la garde à vue et l'absence d'enregistrement audiovisuel des auditions ou interrogatoires ne peuvent être invoquées à l'appui d'une demande d'annulation d'acte ou de pièce de procédure que par la partie qu'elles concernent ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi.