Cass. com., 9 janvier 2019, n° 16-26.697
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Riffault-Silk
Avocats :
SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, SCP Yves et Blaise Capron
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Dijon, 29 septembre 2016), que la société civile d'exploitation agricole Domaine Z... (la SCEA) a pour associée unique la SARL Rouvière Plane ; qu'autorisée par une décision de son assemblée générale du 12 juin 2013, la SCEA a consenti à M. X... un bail rural à long terme portant sur diverses parcelles de vignes ; qu'alléguant le défaut de pouvoir, lors de cette assemblée, du gérant représentant son associé unique, la SCEA a assigné M. X... en annulation du bail ;
Attendu que la SCEA fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande alors, selon le moyen :
1°/ que les dispositions de l'article L. 223-18, alinéa 4, du code de commerce ne sont pas applicables lorsque le tiers prétend, pour agir en nullité de l'acte accompli par la société à responsabilité limitée, que le gérant de celle-ci a excédé ses pouvoirs statutaires ; qu'en décidant le contraire, au motif que la nullité résultant de l'excès de pouvoir de la société à responsabilité limitée serait une « nullité relative » que seule la société à responsabilité limitée pourrait demander, la cour d'appel a violé les articles L. 223-18 du code de commerce et 1138 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;
2°/ que le jugement entrepris, dont la société domaine Z... sollicitait la confirmation, énonçait que, « si les statuts de la SARL Rouvière Plane autorise pleinement le gérant "à effectuer des actes même ne relevant pas de l'objet social et à engager la société sauf à voir démontrer que le tiers savait que l'acte dépassait cet objet social", ils soumettent cependant impérativement un certain nombre d'actes à la décision collective extraordinaire prévue par l'article 21 de ces statuts, laquelle implique la tenue d'une assemblée générale extraordinaire », « que « relèvent des actes soumis à autorisation préalable "la location, la vente ou l'achat par la sàrl de quelque propriété mobilière ou immobilière de quelque nature qu'elle soit autrement que dans le cours ordinaire des affaires de la sàrl Rouvière Plane et dont la valeur est supérieure à 250 000 F (38 111 euros)" », que « le bail envisagé était [
] un bail à long terme, qui constituait un acte de disposition affectant immédiatement le patrimoine de la société et son développement », qu'« il constituait également une location échappant à l'objet social et engageant la société sur une valeur supérieure à 38 111 euros, compte tenu de l'importante superficie de vignes concernées (4 ha 24 a), de la durée exorbitante du bail (18 ans) et des appellations concernées », que « ce bail devait donc être soumis à l'autorisation préalable des associés de la SARL Rouvière Plane au rang desquels ne figure pas M. Marc B... » et que « M. Marc B..., gérant de la SARL Rouvière Plane n'avait en conséquence pas la qualité pour autoriser M. Z..., alors gérant de la société Z..., à signer la convention de bail, situation privant de fait également ce dernier de toute capacité à agir » ; qu'en énonçant à tort que la nullité résultant de l'excès du pouvoir du gérant de la société à responsabilité limitée serait une « nullité relative » que seule la société à responsabilité limitée pourrait demander, la cour d'appel s'est abstenue de réfuter la motivation du jugement entrepris qu'elle infirme ; qu'elle a violé les articles 455 et 954, dernier alinéa, du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'en application de l'article L. 223-18 code de commerce, les clauses limitant les pouvoirs du gérant sont inopposables aux tiers ; qu'ayant relevé, par des motifs non critiqués, que les statuts de la SCEA autorisaient la conclusion d'un bail, ce dont il résultait que cette dernière était régulièrement engagée avec M. X..., peu important le dépassement de pouvoir, à le supposer établi, du représentant de l'associé unique de la SCEA lors de la délibération de l'assemblée générale ayant autorisé cette société à consentir le bail, une telle limitation statutaire étant inopposable aux tiers, la cour d'appel, abstraction faite du motif surabondant critiqué par la première branche, a, par ces seuls motifs, statué à bon droit ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.