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Décisions

Cass. crim., 10 mai 1994, n° 93-81.522

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Dumont

Rapporteur :

M. Alphand

Avocat général :

M. Perfetti

Avocat :

SCP Waquet, Farge et Hazan

Lyon, ch. corr., du 11 mars 1993

11 mars 1993

REJET du pourvoi formé par :

- X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de Lyon, chambre correctionnelle, en date du 11 mars 1993, qui l'a déclaré coupable du délit de sortie irrégulière de correspondance et a prononcé contre lui, à titre de peine principale, l'interdiction pendant 2 ans d'exercer son activité d'avocat.

LA COUR,

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 80, 151 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motif et manque de base légale, ensemble violation des droits de la défense :

" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de nullité fondée sur la violation du principe de la saisine in rem du magistrat instructeur ;

" aux motifs que "le juge d'instruction apprenant que l'inculpé communiquait illégalement avec une tierce personne et tentait de faire pression sur un témoin devait vérifier la réalité de ces faits susceptibles d'avoir une incidence sur l'instruction en cours" ; qu'en délivrant la commission rogatoire du 13 avril 1992 ordonnant l'audition de X..., il n'a fait qu'achever cette vérification et permis à ce dernier de s'expliquer avant l'ouverture d'une information à son encontre ; que ce dernier ne s'est pas expliqué, et qu'après la fin de sa garde à vue, la procédure a été communiquée au Parquet en vue de l'ouverture d'une information relative aux faits nouveaux découverts ; qu'ainsi, le magistrat instructeur n'a pas dépassé le cadre de sa saisine initiale, n'a accompli aucun acte efficace pouvant être qualifié de mesure d'instruction sur des faits nouveaux dont il n'était pas saisi et n'a porté en rien atteinte au sens de l'article 802 du Code de procédure pénale aux droits de la partie concernée ;

" alors que le juge d'instruction ne peut informer qu'en vertu d'un réquisitoire du procureur de la République ; que dès lors, mis en présence de faits nouveaux non visés au réquisitoire introductif et susceptibles de caractériser une incrimination nouvelle, il avait l'obligation de transmettre immédiatement les procès-verbaux les constatant au ministère public afin de lui permettre de prendre des réquisitions supplétives ; qu'en procédant sur sa seule initiative à des actes d'instruction et en ordonnant sur ces faits une commission rogatoire aux fins de procéder à l'audition du futur inculpé ainsi qu'à tous actes utiles à la manifestation de la vérité, le magistrat instructeur a méconnu les limites de sa saisine et excédé ses pouvoirs, vouant les actes ainsi accomplis et la suite de la procédure dont ils sont le support nécessaire à une nullité d'ordre public ; que l'arrêt attaqué, en refusant de constater cette nullité, a violé les articles 80 et 171 du Code de procédure pénale " ;

Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué que la surveillance opérée de la ligne téléphonique de Y... ancienne maîtresse de Z..., inculpé de proxénétisme, a révélé, que l'avocat de Z..., X..., avait posté, à l'intention de son interlocutrice, une lettre que lui avait confiée son client à la maison d'arrêt et avait suggéré une intervention auprès d'un témoin, ancienne prostituée pour " qu'elle aligne " sa déposition sur celle de l'inculpé ; que le magistrat instructeur a fait entendre sur ces faits X..., puis Y..., avant de communiquer la procédure au procureur de la République qui a pris des réquisitions supplétives relatives aux faits nouveaux ainsi découverts ;

Attendu en cet état, qu'en rejetant par les motifs repris au moyen la demande du prévenu tendant à l'annulation de la commission rogatoire du 13 avril 1992 et de la procédure subséquente la cour d'appel a fait l'exacte application de la loi ;

Qu'en effet, si l'article 80 du Code de procédure pénale interdit au juge d'instruction d'informer sur des faits dont il n'a pas été saisi, en vertu d'un réquisitoire du procureur de la République, ce texte ne met pas obstacle à ce que soient prescrites des vérifications, en relation, comme en l'espèce, avec la recherche de la preuve des faits poursuivis, fûssent-elles éventuellement de nature a aboutir à caractériser des délits nouveaux ;

Qu'il importe seulement que ces nouveaux faits ne donnent pas lieu, en l'état, contre quiconque, à des actes de poursuite et que les procès-verbaux qui les constatent soient adressés au ministère public dès qu'il en résulte des indices suffisamment graves et concordants d'une incrimination pénale ;

Qu'il s'ensuit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Sur le second moyen de cassation pris de la violation des articles 100 et suivants du Code de procédure pénale, 81, 151 et 593 du même Code, 368 du Code pénal, 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, violation du principe des droits de la défense et de la confidentialité des communications entre les inculpés et leur avocat :

" en ce que l'arrêt attaqué a refusé de prononcer la nullité de la retranscription de la conversation téléphonique intervenue le 7 avril 1992 entre Mme Y... et Me X... ;

" au motif que Mme Y... même si elle avait encore des relations affectives avec Z... dont elle a été la maîtresse et a eu un enfant, et même si elle a versé pour la défense de celui-ci des honoraires à Me X... ne saurait être assimilable à une conversation entre avocat et inculpé ;

" alors que le principe de la libre défense domine toute la procédure criminelle et commande de respecter les communications confidentielles des avocats avec leurs clients ; que doivent bénéficier de cette protection toutes les communications téléphoniques de l'avocat concernant la défense de son client, et plus particulièrement celles intervenues avec la personne proche du détenu, mère de son enfant, et chargée par lui d'assurer à l'extérieur la mise en oeuvre de cette défense ; que l'arrêt attaqué, en décidant de réserver à la seule concubine actuelle de l'inculpé la protection de la confidentialité des communications avec le conseil du détenu a ajouté à la loi une condition qu'elle ne comporte pas et a violé le principe ci-dessus énoncé " ;

Attendu qu'en refusant d'annuler la retranscription de la conversation téléphonique concernée, les juges d'appel qui, outre les motifs repris au moyen, relèvent que Z... vit avec une autre femme que Y..., ont, sans enfreindre les textes et principes visés, justifié leur décision ; que la règle de libre communication entre la personne mise en examen et son avocat, interdit l'interception des correspondances ou communications téléphoniques échangées entre eux, à l'exclusion de tous autres ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi.