CA Paris, 1re ch. H, 27 juin 2000, n° 2000/02659
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
France Télécom (SA)
Défendeur :
Télécom Developpement, Art
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Favre
Conseillers :
M. Lacabarats, M. Carre-Pierrat
Avoués :
SCP Gibou-Pignot-Grappotte-Benetreau, SCP Fisselier-Chiloux-Boulay
Avocats :
Me Calvet, Me Dupuy-Toubol, Me Lombard
Après avoir, à l'audience publique du 30 Mai 2000, entendu les conseils des parties, les observations de l'Autorité de Régulation des Télécommunications et du Ministère public
Vu les mémoires, pièces et documents déposés au greffe à l'appui du recours ;
La société Télécom Développement (ci-après TD), filiale commune de Cegetel et de la SNCF, a pour objet de développer et d'exploiter un réseau de télécommunications longue distance interurbain, ouvert au public, au sens de l'article L. 33-1 du Code des postes et télécommunications.
Pour remplir son rôle d'opérateur longue distance, elle a nécessairement besoin d'être interconnectée au réseau de la société France Télécom (ci-après FT), qui, en tant d'opérateur historique, a un quasi-monopole sur l'activité d'opérateur de boucle locale du fait des infrastructures dont elle dispose.
Ayant choisi pour chacune des deux prestations d'interconnexion qu'elle doit acheter à FIT (trafic entrant et trafic sortant) d'investir dans un réseau d'infrastructure de télécommunications dense consistant à s'interconnecter au niveau des commutateurs d'abonnés de FT (dit CA), et non à un niveau relativement éloigné des abonnés, via un PRO (Point de Raccordement Opérateur), TD, afin d'assurer une bonne qualité de service sur son réseau, a demandé à son partenaire de réacheminer automatiquement les appels à destination de son réseau vers son interconnexion au PRO dès lors que l'interconnexion au commutateur d'abonné connaissait un dysfonctionnement, afin que, en cas de défaillance d'éléments de transmission ou de commutation, il y ait "débordement" du trafic ainsi affecté vers un autre centre de transit de
A la suite du refus de FT, TD a saisi l'Autorité de régulation des télécommunications (ci-après l'ART) du différend l'opposant à la première relatif à la sécurisation automatique des interconnexions aux commutateurs d'abonnés du réseau de FT.
Par décision n°00-30 du 5 janvier 2000, l'ART a décidé ce qui suit :
Article 1er : Pour le trafic sortant de son réseau, Télécom Développement peut réacheminer automatiquement, en cas de coupure de l'interconnexion à un CA de France Télécom, le trafic à destination des abonnés de ce CA vers le PRO de la zone de transit correspondante, ou, le cas échéant, vers un autre PRO.
Pour le trafic entrant sur le réseau de Télécom Développement, France Télécom fournira une prestation de sécurisation des interconnexions aux C4 par débordement du trafic sur le PRO dans les conditions définies ci-après. Télécom Développement ne pourra utiliser ce débordement qu 'à des fins de sécurisation de son réseau : elle ne pourra pas I 'utiliser pour gérer les pointes de trafic.
Article 2 : Jusqu'à l'expiration d'un délai de vingt-trois mois courant à compter de la signature de l'avenant à la convention d'interconnexion entre France Télécom et Télécom Développement prévu à l'article 8, ce débordement sera dans tous les cas automatique.
Article 3 : A l'issue du délai mentionné à l'article 2, ce débordement sera automatique si Télécom Développement dispose pour le CA concerné d'un nombre de BPN (Blocs primaires numériques) d'interconnexion inférieur ou égal à un certain seuil qui devra être déterminé par les parties ou, à défaut d'accord, par l'Autorité.
Il sera pour les commutateurs sur lesquels Télécom Développement dispose d'un nombre de BPN d'interconnexion supérieur à ce seuil, automatique dès lors que Télécom Développement aura sécurisé son interconnexion en transmission et manuel dans les autres cas.
Article 4 : France Télécom traite ce trafic de manière non discriminatoire par rapport à son propre trafic. Les parties conviendront d'un commun accord de mesures de régulation de trafic qu'elles estimeraient nécessaires.
Article 5 : France Télécom est rémunérée, pour l'acheminement du trafic sortant du réseau de Télécom Développement qui déborderait, au tarif simple transit figurant dans son catalogue d'interconnexion en vigueur.
Jusqu'à l'expiration du délai mentionné à l'article 2, France Télécom est rémunérée, pour l'acheminement du trafic entrant dans le réseau de Télécom Développement qui déborderait, au tarif simple transit figurant dans son catalogue d'interconnexion en vigueur.
Article 6 : La sécurisation par débordement automatique sera mise en œuvre :
à la date d'ouverture des interconnexions, pour les interconnexions effectuées plus de 30 jours après la signature de l'avenant prévu à l'article 8 ;
dans un délai de deux mois suivant la signature de l'avenant, pour les autres sites (déjà interconnectés ou interconnectés dans les trente jours suivant la signature de l'avenant).
Article 7 : Le surplus des conclusions de France Télécom et de Télécom Développement est rejeté.
Article 8 : France Télécom et Télécom Développement traduiront la présente décision dans un avenant à leur convention d'interconnexion en date du 30 janvier 1998 dans les quinze jours suivant la notification de cette décision.
LA COUR
Vu le recours formé par la société France Télécom, en annulation de l'ensemble de cette décision, à l'exception de l'alinéa 1er de l'article 1er et de l'alinéa 1er de l'article 5, relatifs au trafic sortant du réseau de Télécom Développement, et, subsidiairement, en réformation à l'encontre de l'article 5 alinéa 2 de la décision de l'ART ;
Vu l'exposé sommaire des moyens par lequel elle fait valoir :
- que la décision a été adoptée en violant le principe du contradictoire et les droits de la défense, l'ART, d'une part n'ayant pas répondu à sa demande, en date du 21 octobre 1999, aux fins d'obtenir communication des dispositions concernant la sécurisation contenues dans la convention d'interconnexion conclue entre Télécom Développement et SFR, d'autre part ne lui ayant pas communiqué le texte des réponses fournies par Télécom Développement aux questions posées par l'Autorité pour l'audience ;
- que l'ART a violé le principe d'impartialité en témoignant, dans un courrier du 5 octobre 1999, bien antérieur à l'audition des parties et à la décision elle-même, d'une préférence manifeste pour la solution réclamée par l'une des parties au différend, et a commis un détournement de procédure en prenant, sous couvert de la procédure de règlement d'un différend, une décision à caractère général ;
- que la décision déférée viole l'obligation de motivation prévue à l'article L. 36-8-1 du Code des postes et télécommunications,
- que la décision viole les L. 34-8-1 et L. 36-8-1, D 99-8 et D 99-9 du Code des postes et télécommunications en ce qu'elle postule que la demande de Télécom Développement porte sur une prestation relevant -des services d'interconnexion ;
- que la décision viole également les articles L. 34-8-1 et L. 36-8-1 du même code en ce qu'elle a décidé que la demande de Télécom Développement est raisonnable au regard de sa besoins, en ce que l'ART a fait une application inexacte du principe de non discrimination et en ce qu'elle impose à France Télécom des conditions inéquitables.
- subsidiairement, que la rémunération fixée est inéquitable en ce qu'elle ne rémunère pas l'immobilisation effective de ressources de transmission et de commutation nécessaires à permettre le débordement automatique et en ce qu'elle est calculée sur une base totalement fausse, de sorte qu'il y a lieu de substituer à l'alinéa 2 de l'article 5 le libellé suivant:
« Jusqu'à l'expiration du délai mentionné à l'article 2, France Télécom est rémunérée, pour l'acheminement du trafic entrant dans le réseau de Télécom Développement déborderait :
- d'une part au tarif simple figurant dans son catalogue d'interconnexion en vigueur,
- et d'autre part par une rémunération égale au coût des ressources de transmission et de commutation effectivement immobilisées par France Télécom pour la mise en œuvre de la solution de débordement automatique ; les coûts à retenir seront ceux calculés à partir des coûts élémentaires du réseau de France Télécom qui ont fait l'objet d'un accord entre France Télécom et l'ART lors de l'approbation du catalogue d'interconnexion en vigueur ; pour la mise en œuvre de cette rémunération, Télécom Développement indiquera à France Télécom les capacités techniques nécessaires, commutateur d'abonné par commutateur d 'abonnés ; pour le cas où il est constaté que l'utilisation effective excéderait ce qui a été ainsi indiqué, une rémunération supplémentaire au prorata de cet excédent sera versée par Télécom Développement, les coûts définis ci-dessus étant dans ce cas majorés de 50% » ;
Vu l'exposé complet des moyens déposé par la requérante le 9 mars 2000 par lequel celle-ci développe son argumentation au soutien de ses demandes d'annulation ou de réformation, et ses écritures en date du 15 mai 2000 en réponse aux observations de l'ART et de Télécom Développement ;
Vu les observations de la société Télécom Développement en date du 10 avril 2000 tendant au rejet du recours et à l'allocation de la somme de 100.000 francs sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, ainsi que son mémoire en duplique en date du 22 mai 2000 ;
Vu les observations de l'ART en date du 25 avril 2000 tendant au rejet des moyens en annulation et en réformation développés par France Télécom à l'appui de son recours ;
Le ministère public ayant été entendu en ses observations orales tendant également au rejet du recours ;
La requérante ayant pu répliquer à l'ensemble des observations écrites et orales développées ;
SUR CE
Sur le recours en annulation
Sur le principe de la contradiction et les droits de la défense
Considérant que la requérante soutient que l'ART a gravement méconnu le principe de la contradiction, qui s'impose à elle, notamment en application des dispositions de l'article L. 36-8 du Code des postes et télécommunications, d'une part en n'ayant jamais répondu à sa demande en date du 21 octobre 1999 visant à obtenir que lui soient communiquées les clauses concernant la sécurisation contenues dans la convention d'interconnexion conclue entre TD et SFR, d'autre part en ne lui communiquant pas le texte des réponses fournies oralement lors de l'audience du 3 décembre 1999 par TD aux questions posées l'Autorité pour cette audience ;Considérant que l'ART souligne que, s'il n'est pas contestable ni contesté qu'elle est bien soumise aux principes fondamentaux de la contradiction et du respect des droits de défense, les griefs articulés par FT sur ce terrain ne présentent pas un caractère sérieux ;
Considérant, s'agissant du premier de ces griefs, que FT prétend qu'il existait un intérêt manifeste et légitime à ce qu'elle puisse vérifier que la demande faite par TD devant l'ART était raisonnable, au sens des dispositions de l'article L. 34-8-1 du Code des postes et télécommunications, au regard notamment de ses propres de sécurisation conclues avec SFR, principal client de TD ; que l'examen de la convention passée TD et SFR était donc indispensable et que c'est pour cette raison qu'elle a en demandé la communication à l'ART, laquelle aurait dû accéder à sa réclamation dès lors que la communication des conventions d'interconnexion est prévue par l'article D.99-6 alinéa 2 du code précité ; qu'elle fait en conséquence valoir qu'en n'accédant pas à sa demande, l'ART a porté atteinte à l'exercice de ses droits de la défense, et ce d'autant que cette dernière connaissait parfaitement les termes de la convention lorsqu'elle a statué sur le différend ;
Mais considérant que la demande présentée par FT au chef du service licences et interconnexion de l'ART, par courrier du 21 octobre 1999, a été faite dans le cadre de l'article D. 99-6 lequel prévoit que les conventions d’interconnexion de l’ART dans un délai de dix jours suivant leur conclusion, l'alinéa 2 précisant que l'Autorité peut, sur demande, communiquer aux tiers intéressés des informations qu'elle contient, sous réserve des informations couvertes par le secret des affaires, et non, dans le cadre de l'instruction contradictoire de la procédure de règlement du différend ;
Qu'il n'est pas démontré, ni même allégué que l'ART se serait saisie de cette pièce pour fonder sa décision de règlement du différend opposant FT à TD et que la décision ne contient aucune référence à ce document ;
Qu'il s'ensuit que l'ART n'a, en ne transmettant pas le document sollicité dans le cadre des dispositions relatives à une de ses compétences, ni violé le principe de la contradiction, ni porté atteinte aux droits de la défense ;
Considérant, s'agissant du second grief, que FT reproche à l'Autorité d'avoir statué, au mépris du principe dans la contradiction, sur la base d'un document qui ne lui a pas été communiqué, à savoir le texte des réponses fournies oralement lors de l'audience du 3 décembre 1999 par TD aux questions posées pour cette audience par l'ART ;
Considérant que le principe de la contradiction, qui s'impose à l'ART dans la cadre de la procédure de règlement des différends, rappelé à l'article L. 36-8 du Code des postes et télécommunications qui prévoit que l'ART ne peut se prononcer qu'après avoir mis les parties à même de présenter leurs observations, fait obligation à l'ART de s'assurer que chaque partie a eu la faculté de prendre connaissance des observations et pièces produites par l'autre partie, afin de les discuter ;
Considérant toutefois, s'il est vrai que l'ART ne s'est pas assuré du caractère contradictoire de la production par TD d'un écrit reproduisant les réponses apportées à l'audience du 3 décembre 1999 à un questionnaire qu'elle avait antérieurement adressé aux parties, que FT reconnaît avoir pleine connaissance, sur le fond, de la teneur de ce document régulièrement versé aux débats dans le cadre de la procédure de recours qu'elle admet ainsi nécessairement que cet écrit ne fait que reproduire des observations orales auxquelles elle a pu répondre de sorte que le manquement, purement formel, commis par l'ART, n'a pas porté atteinte à ses droits ;
Qu'il s'ensuit que le moyen d'annulation tiré de la violation du principe de la contradiction et des droits de la défense doit être rejeté ;
Sur le principe d 'impartialité et sur le détournement de procédure
Considérant que l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales impose que toute person.ne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décide des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil ;
Considérant que l'ART déclare qu'il n'est ni contestable ni contestée qu'elle est soumise à l'obligation d'impartialité ;
Considérant que FT lui fait grief d'avoir méconnu cette exigence en exprimant, dans un courrier en date du 5 octobre 1999 relatif à la procédure d'approbation de son catalogue d'interconnexion pour l'an 2000, alors que l'instruction du présent différend était en cours, et bien avant que la décision ne soit rendue, une préférence manifeste pour la solution réclaŒiée par l'une des parties au différend ;
Qu'elle fait ainsi état de ce que, s'agissant de ses offres de sécurisation, l'ART lui a indiqué, le 5 octobre 1999 : « Concernant le débordement d'optimisation et de sécurisation vers un PRO du trafic en provenance d'un CA pour l'interconnexion indirecte, France Télécom est invitée à proposer le cas échéant cette possibilité en fonction de l'issue du règlement de différend en cours » ;
Considérant que l'impartialité doit s'apprécier selon une démarche subjective qui tente d'établir ce que le juge pensait en son for intérieur en la circonstance et aussi selon une démarche objective amenant à s'assurer qu'il offrait des garanties suffisantes pour exclure à cet égard tout doute légitime ;
Considérant, en l'espèce, qu'antérieurement à la saisine de règlement de différend émanant de TD, en date du 12 juillet 1999, dans le cadre des discussions annuelles avec FT relatives à l'approbation de son catalogue d'interconnexion, le président de l'ART a adressé à celle-ci une lettre en date du 22 juin, détaillant l'ensemble des points que l'Autorité souhaitait voir figurer dans le projet que FT devait lui transmettre ;
Que ce courrier précisait :
« Sécurisation
Il est important d'améliorer les niveaux de sécurisation des interconnexions. En particulier, France Télécom doit :
- confirmer que son offre d'acheminement du trafic commuté permet le débordement d'optimisation et de sécurisation vers un PRO du trafic en provenance d'un CA. France Télécom avait indiqué, lors du processus d'approbation du catalogue 1999, que ce point était en cours de validation au travers d'une expérimentation avec un opérateur du marché » ;
Que le courrier incriminé, qui s'inscrit dans la poursuite des négociations concernant l'approbation du catalogue d'interconnexions de FT, accusait réception du projet transmis par cette dernière le 30 juillet 1999 et joignait en annexe les modifications et compléments à apporter à ce projet parmi lesquels figurent les recommandations relatives à la sécurisation ;
Que force est de constater que les termes qui y sont employés sont en retrait par rapport à ceux contenus dans le courrier du 22 juin et que l'emploi des mots " le cas échéant" et "en fonction de l'issue du règlement de différend en cours" ne reflètent ni parti pris, ni préjugé, et ne justifient pas un doute légitime sur l'impartialité de celui qui les a écrits ;
Que le moyen tiré de la violation du principe d'impartialité doit en conséquence être écarté ;
Considérant que la requérante prétend ensuite que l'ART a utilisé le cadre du règlement du différend pour poser des principes généraux relatifs à la qualité de service des réseaux , alors que de telles règles devaient être posées en respectant la procédure applicable à des décisions à caractère réglementaire, prévue à l'article L. 36-6 du Code des postes et télécommunications, et que, ce faisant elle a commis un détournement de procédure constitutif d'un détournement de pouvoir qui justifie l'annulation de la décision déférée ;
Mais considérant que l'argumentation de FT repose exclusivement sur le texte d'un communiqué de presse en date du 19 janvier 2000 par lequel l'ART, après avoir exposé les termes du différend opposant FT et TD, concluait dans les termes suivants :
« Cette décision est la première de l'Autorité concernant la qualité de service des réseaux de télécommunications. Elle revêt une importance particulière dans la mesure où elle permet de garantir aux utilisateurs le maintien d'une qualité de service élevé sur les réseaux de télécommunications, dans un contexte où les réseaux des opérateurs se déploient progressivement et où le nombre d'offres de service se multiplient » ;
Que ce communiqué, qui d'ailleurs est loin d'avoir la portée qui veut lui donner la requérante, est sans incidence sur la nature de la décision rendue, laquelle, tant par la procédure utilisée, que par les termes employés et les dispositifs adoptées ne concernent que les relations de FT et de TD ;
Que le grief invoqué, tiré d'un détournement de procédure ne peut dès lors qu'être rejeté ;
Sur la violation de l'obligation de motivation prévue par l'article L. 368-1 du Code des postes et télécommunications
Considérant que FT soutient que la décision déférée comporte une double violation de l'obligation de motivation prévue dans le cadre de règlement de différend, la première résultant de ce qu'elle affirme que la solution s'appuyant sur des ressources réservées proposée à TD par FT lors de leurs négociations « est probablement très onéreuse » en se fondant sur un motif hypothétique, la seconde en ce qu'il existe une contradiction les motifs et le dispositif concernant le seuil de référence, les motifs, en ce qu'ils déterminent de façon chiffrée le seuil de référence, étant totalement incompatibles avec l'article 3 prévoyant que ce seuil sera déterminé par les parties ;
Mais considérant qu'aucun des griefs allégués n'est caractérisé ;
Qu'en effet, contrairement à ce qui est prétendu, l'ART ne s'est pas fondée sur un motif hypothétique pour retenir que la solution s'appuyant sur des ressources réservées est probablement très onéreuse, dès lors qu'elle a étayé cette appréciation par des raisons tenant au silence observé par FT sur les tarifs correspondants, et ce en dépit des questions qu'elle lui avait posées ( cf p. 18 alinéa 6 de la décision) ;
Qu'il n'existe pas, s'agissant du seuil de référence, de contradiction entre le dispositif aux termes duquel « à l'issue du délai mentionné à l'article 2, ce débordement sera automatique si TD dispose pour le CA concerné d'un nombre de BPN (blocs binaires numériques) d'interconnexion inférieur ou égal à un certain seuil qui devra être déterminé par les parties où, à défaut d'accord, par l'Autorité » ( article 3 de la décision) et les indications de seuil exprimées en page 19 par l'ART, lesquelles traduisent l'état de la technologie actuelle, sans préjuger des évolutions qui pourraient intervenir durant le délai de vingt-trois mois à l'issue duquel le seuil, selon le dispositif, sera déterminé par les parties ;
Sur la violation des article L. 34-8-1 et L. 36-8-1. D. 99-8 et D. 99-9 du Code des postes et télécommunications en ce que la décision postule que la demande de TD porte sur une prestation relevant des services d'interconnexion
Considérant que l’article 34-8-1 du Code des postes et télécommunications prévoit que :
« Les exploitants de réseaux ouverts au public font droit, dans des conditions objectives, transparentes et non discriminatoires, aux demandes d'interconnexion des titulaires d'une autorisation délivrée en application des articles L. 33-1 et L. 34-1.
« La demande d'interconnexion ne peut être refusée si elle est raisonnable au regard, d'une part, des besoins du demandeur, d'autre part, des capacités de l'exploitant à la satisfaire. Le refus d'interconnexion est motivé.
« L'interconnexion fait l'objet d'une convention de droit privé entre les deux parties concernées. Cette convention détermine, dans le respect des dispositions du présent code et des décisions prises pour son application, les conditions techniques et financières de l'interconnexion. Elle est communiquée à l'Autorité de régulation des télécommunications. Lorsque cela est indispensable pour garantir l'égalité des conditions de concurrence ou l'interopérabilité des services, l'Autorité de régulation des télécommunications peut, après avis du Conseil de la concurrence, demander la modification des conventions déjà conclues » ;
Qu'aux termes de l'article 36-8-1, en cas de refus d'interconnexion, d'échec des négociations commerciales ou de désaccord sur la conclusion ou l'exécution d'une convention d'interconnexion ou d'accès à un réseau de télécommunications, l'Autorité de régulation des télécommunications peut être saisie du différend par l'une ou l'autre des parties ;
Considérant que FT soutient que la prestation de sécurisation du trafic entrant sur le réseau de TD n'est pas une prestation relevant des services d'interconnexion, au sens de l'article D. 99-9 du Code des postes et télécommunications puisque la demande de TD porte sur la sécurisation de son propre réseau, dès lors qu'elle concerne un segment du réseau de l'opérateur qui se trouve bien au-delà de l'interface d'interconnexion prévue par l'article D-998 ; qu'il s'agit de simples prestations commerciales ; qu'en conséquence la décision attaquée viole les articles L. 34-8-1 et L. 36-8-1 en ce qu'elle lui impose des conditions sur des prestations ne relevant pas de ces textes ;
Mais considérant que l'argumentation de la requérante procède d'une analyse inexacte du l'objet du différend soumis à l'ART, lequel porte, non sur la sécurisation du réseau de TD, mais sur la sécurisation des éléments de transmission et de commutation qui assurent l'interconnexion de son réseau et les différents CAA de FT auxquels l'opérateur qui a saisi l'Autorité s'interconnecte dès lors que le service de TD ne peut être assuré au client final- que par le biais des interconnexions au réseau de FT, aux deux extrémités du chemin par la communication ;
Que l'article D. 99-9 du Code des postes et télécommunications prévoit expressément que les accords d'interconnexion précisent au minimum au titre des caractéristiques techniques des services d'interconnexion la qualité des prestations fournies, et notamment la sécurisation ;
Que cette analyse est confortée par la donnée de l'interconnexion bar l'article L.32 du même Code, dans les termes suivants :
« On entend par interconnexion les prestations réciproques offertes par deux exploitants de réseaux ouverts au public qui permettent à l'ensemble des utilisateurs de communiquer librement entre eux, quels que soient les réseaux auxquels ils sont raccordés ou les services qu'ils utilisent.
« On entend également par interconnexion les prestations d'accès au réseau offertes dans le même objet par un exploitant de réseau ouvert au public à un prestataire de service téléphonique au public » ;
Que le moyen allégué n'est en conséquence pas fondé ;
Sur le caractère raisonnable de la demande au regard des besoins de TD
Considérant que FT fait encore valoir que la seule justification apportée par l'ART, s'agissant des besoins de TD, concerne l'image de marque de cet opérateur, ce qui ne répond en aucun cas à l'exigence du caractère raisonnable de la demande contenue dans l'article L. 34-8-1 du Code des postes et télécommunications et que, de ce fait, la décision attaquée encourt l'annulation ;
Considérant qu'il résulte des éléments du dossier et de la décision que la demande de sécurisation au CA présentée par TD a pour objet de satisfaire aux obligations de qualité de service qui s'imposent à tout opérateur ;
Que l'Autorité a observé que si les indicateurs qui existent aujourd'hui à l'interconnexion sont des indicateurs de la qualité technique des réseaux qui ne mesurent pas les désagréments subis par les abonnés lorsque leurs communications passent par des réseaux interconnectés, on pouvait néanmoins estimer, d'après les chiffres fournis, que chaque abonné de TD est potentiellement privé du service de TD une heure continue par an ;
Qu'actuellement, tout abonné peut faire le choix de l'utilisation d'un service téléphonique longue distance d'un opérateur autre que FT, et qu'il peut revenir au service fourni par cette dernière s'il n'est pas satisfait des prestations ; que l'enjeu est ainsi important au moment où un opérateur tente de conquérir une clientèle, à laquelle il lui faut assurer une qualité de service répondant aux standards de qualité qui lui sont généralement ; qu'il s'agit donc de proposer une qualité de service similaire à celle offerte par FT ;
Que FT déclare elle même que la qualité de service est et sera de plus en plus un élément de différenciation commerciale entre les différents opérateurs (p.18 de l'exposé complet des moyens) ;
Qu'il s'ensuit que la demande présentée est assurément raisonnable au regard des besoins de TD, au sens des dispositions de l'article L. 34-8-1 du Code des postes et télécommunications ;
Qu'elle aussi au regard des capacités de l'exploitant à la satisfaire, lequel se borne sur ce point à rappeler que d'autres solutions de sécurisation existent, utilisées par les autres opérateurs, sans jamais expliciter, de manière précise, en quoi il ne serait en mesure d'y répondre ;
Que loin de violer les dispositions invoquées, l'ART n'a fait que les appliquer ;
Sur le principe de non discrimination
Considérant que FT soutient que la décision déférée viole le principe de non discrimination contenu dans l'article L. 34-8-1 dès lors qu'elle a pour objet de permettre à TD d'utiliser systématiquement la solution de débordement automatique sur son réseau alors qu'elle n'utilise elle-même cette faculté qu'à titre accessoire et exceptionnel ; qu'elle affirme traiter exactement de la même manière l'intégralité du trafic sur son propre réseau, qu'il s'agisse du trafic généré par des clients d'opérateurs interconnectés ou du trafic généré par ses clients et ajoute sa situation, au regard de sa politique de sécurisation et de l'utilisation du débordement n'est manifestement pas comparable à celle de TD, de sorte que, selon elle, c'est sur la base d'une application erronée du principe de non discrimination que l'ART a fait droit à la demande de TD ;
Mais considérant que l'ART a relevé que "France Télécom n'utilise cette possibilité (débordement automatique de trafic) qu'en complément d'autres solutions de sécurisation : en particulier, France Télécom sécurise systématiquement en transmission ses liens entre commutateurs, limitant ainsi le recours au débordement et les surdimensionnements des faisceaux en résultant" (p. 18, dernier alinéa de la décision) ;
Qu'elle en a tiré les conséquences puisqu'elle indique ensuite « qu'il est légitime que France Télécom demande à terme à Télécom Développement de mettre également en ouvre des mesures de sécurisation en transmission au-delà d'un certain volume de trafic, avant de la faire bénéficier du débordement automatique », ajoutant que « dans l'hypothèse inverse, la contrainte pesant sur France Télécom serait disproportionnée » ;
Qu'ainsi, contrairement à ce qui est affirmé par la requérante, la décision tient compte de la situation exacte de chaque partie au litige, sans assimiler celle de FTet celle de TD ;
Que, par ailleurs, le fait que FT traite de la même manière l'intégralité du trafic sur son propre est sans incidence sur la solution du différend qui porte sur la sécurisation des liens entre commutateurs, la requérante, qui admet le principe de la sécurisation des interconnexions, discutant en réalité les seules conditions techniques et économiques de celle-ci
Sur l'imposition de conditions inéquitables
Considérant que l'article L. 36-8-1 du Code des postes et télécommunications dispose que la décision de l'ART précise les conditions équitables, d'ordre technique et financier, dans lesquelles l'interconnexion ou l'accès spécial doivent être assurés ;
Considérant que FT fait valoir, au soutien de sa demande d'annulation, que la décision rendue lui impose des conditions inéquitables, en violation du texte précité, en ce qu'elle a pour objet de transférer à FT la charge de la sécurisation du réseau TD, ce qui est contraire au principe selon lequel la responsabilité de la sécurisation de son réseau incombe à l'opérateur, soit à TD, s'agissant du déploiement, de la qualité et de la sécurisation de son propre réseau , en ce que les incidences qui en résultent pour elle sont totalement disproportionnées par rapport à la rémunération qu'elle percevrait, en ce qu'il est totalement inéquitable de faire bénéficier TD, sans délai ni condition, de la sécurisation par débordement automatique au motif précisément de sa propre carence ou de son propre retard dans la sécurisation de ses transmissions, enfin, parce que le seuil de 8 BPN expressément mentionné dans le motif de la décision est manifestement inéquitable en ce qu'il est prévu comme définitif, sans tenir compte de l'incidence inévitable qu'auront les futures offres de sécurisation ;
Considérant que l'allégation selon laquelle la décision rendue serait contraire au principe en vertu duquel la responsabilité de la sécurisation de son réseau incombe à l'opérateur est inopérante, dès lors que l'ART s'est prononcée, ainsi qu'il a été précédemment indiqué, non sur la sécurisation du réseau de TD en tant que tel, mais sur la sécurisation des interconnexions au réseau de FT, dans le cadre de la qualité du service d'interconnexion assuré par cette dernière ;
Qu'est inexacte, et par suite dénuée de portée, celle relative au seuil de 8 BNP, puisque ce seuil n'est pas retenu par l'ART dans les motifs de sa décision, laquelle, en son article 3, dispose que le seuil devra être déterminé par parties ou, à défaut d'accord, par l'Autorité ; que l'Autorité explicite justement, dans les écritures qu'elle a déposées devant la Cour, qu'il lui est apparu nécessaire de ne pas fixer d'ores et déjà un seuil de référence, dans le dispositif de sa décision, compte tenu du caractère simplement indicatif des informations qui peuvent être recueillies aujourd'hui en fonction de l'état actuel de la technologie, et qui sont susceptibles d'évoluer très rapidement (point 47, p. 26) ;
Considérant, pour le surplus, que la décision attaquée n'a ni pour objet ni pour effet d'obliger FT à entreprendre des investissements complémentaires pour faire face aux besoins de TD ; qu'elle oblige seulement la première, pour une période limitée à 23 mois, à permettre l'utilisation de ressources essentielles déjà installées dans son réseau afin d'assurer la sécurisation des interconnexions aux commutateurs d'abonnés ; qu'il s'ensuit que l'allégation par la requérante de l'existence de surcoûts inévitables ne trouve pas son fondement dans la décision de l'ART ; qu'elle ne repose pas plus sur une démonstration concrète et précise de la part de FT laquelle procède par simples affirmations ;
Que de même ne reposent sur aucune démonstration sérieuse affirmations selon lesquelles le débordement imposé mettra FT dans l'impossibilité de planifier et programmer son propre réseau, par suite de garantir un niveau de qualité de service satisfaisant à ses utilisateurs, et entrainera un risque considérable de blocage de son réseau ; qu'elles sont contredites par la décision elle-même qui indique qu'en aucun ras TD ne pourra utiliser le débordement du trafic sur le PRO pour gérer les pointes de trafic et que rien ne permet de retenir que nombre d'autres opérateurs vont solliciter la même sécurisation des interconnexions aux commutateurs d'abonnés, qui n'apparait nécessaire qu'en cas de déploiement d'un réseau propre impliquant un investissement important ;
Qu'enfin la décision attaquée ne « récompense pas » TD de sa propre carence, mais retient à juste titre que, tandis que l'article D. 99-9 du Code des postes et télécommunications prévoit que les conventions, précisent au minimum, au titre des caractéristiques techniques d'interconnexion, la qualité des prestations fournies, dont la sécurisation, les interconnexions au CA fournies par FT ne sont pas sécurisées, de sorte que l'Autorité, dans le cadre des pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 36-8-1 pouvait imposer à FT une prestation de sécurisation des interconnexions aux commutateurs d'abonnés, s'agissant d'installations détenues par celle-ci, non aisément reproductibles et dont l'accès est indispensable à TD pour exercer son activité sur le marché ;
Que le moyen invoqué tiré de l'imposition de conditions inéquitables est ainsi mal fondé et doit être rejeté ;
Sur le recours en réformation
Considérant que la société requérante reproche à l'ART d'avoir fixé une rémunération manifestement inéquitable, en limitant celle-ci au coût d'un simple transit tel qu'il figure dans le catalogue d'interconnexion et en ne prévoyant la rémunération que du transit résultant du débordement effectif ; qu'elle prétend devoir être rémunérée pour l'ensemble des coûts encourus, ce qui comprend, selon elle, le coût des ressources de transmission et de commutation effectivement immobilisées pour la mise en œuvre de la sécurisation par débordement automatique de TD, laquelle nécessairement une surdimensionnement des faisceaux du réseau ; qu'elle soutient, en outre, qu'il est équitable de prévoir un mécanisme financier incitatif visant à assurer une déclaration loyale par TD de ses besoins en capacités techniques ;
Mais considérant que l'argumentation de FT repose essentiellement sur le fait que le coût d'un simple transit ne couvre pas les charges liées pour elle aux investissements supplémentaires nécessaires pour prévenir risques d'embouteillage sur son réseau, dénuée de portée puisque la solution du débordement automatique retenue par l'ART ne doit être mise en œuvre par FT que dans la mesure de ses disponibilités existantes ;
Que l'ART indique, sans sur ce point contredite par la requérante, que le tarif simple transit du catalogue d'interconnexion de FT en vigueur couvre coûts d'acheminement du trafic via le PRO et comprend en conséquence déjà les coûts surdimensionnement du réseau nécessaires à l’acheminement et à la sécurisation de son propre du trafic ; qu'elle note également que la prestation correspondant à la mise en œuvre de la solution de débordement telle que retenue n'est pas à ce jour différente de celle actuellement comptabilisée dans le cadre des prestations que FT se fournit à elle-même pour assurer la sécurisation pour son propre trafic ;
Qu'enfin, rien ne permet de douter de la loyauté de TD à l'occasion de la déclaration de ses besoins en capacités techniques et des négociations qui doivent intervenir entre les parties ;
Que, dans ces conditions, la rémunération fixée, qui applique à TD le tarif que FT s'applique à elle-même, est pleinement équitable ;
Qu'il s'ensuit que le recours en réformation formé par la société France Télécom doit être rejeté ;
Considérant, enfin, qu'il n'apparait pas inéquitable de laisser à la charge de la société Télécom Développement ses frais de procédure ;
PAR CES MOTFS
Rejette le recours en annulation ou en réformation formé par la société France Télécom à l'encontre de la décision de l'Autorité de régulation des télécommunications n°00-30 en date du 5 janvier 2000 ;
Déboute la société Télécom Développement de sa demande en application de l'article
700 du nouveau Code de procédure civile ;
Met les dépens à la charge de la société France Télécom.