CA Douai, 8e ch. sect. 4, 13 juin 2019, n° 18/04624
DOUAI
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Terre D'opale Habitat - Office Public de l'habitat
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Pecqueur
Conseillers :
Mme Theetten, Mme Bimba Amaral
Suivant acte sous seing privé à effet du 1er octobre 2010, l'office public de l'habitat (OPH) terre d'opale habitat a donné à bail à Mme Radihja F. un logement situé [...], moyennant paiement d'un loyer mensuel de 177,65 euros, indexé, outre une provision pour charges initialement fixée à la somme de 76 euros.
Les lieux ont été restitués le 24 mai 2016.
Par acte d'huissier en date du 23 mars 2017, l'OPH terre d'opale habitat a fait assigner l'OPH terre d'opale habitat devant le tribunal d'instance de Calais, afin d'obtenir diverses sommes restant dues au titre du bail.
Reconventionnellement, Mme F. a sollicité la condamnation de l'OPH terre d'opale habitat à lui payer la somme de 5263,68 euros à titre de restitution des charges versées faute de régularisation et de justification de leur caractère récupérable.
Par jugement du 31 juillet 2018, auquel il est renvoyé pour le rappel de la procédure antérieure le tribunal d'instance de Calais a condamné Mme F. à payer à l'OPH terre d'opale habitat la somme de 517,13 euros, condamné l'OPH terre d'opale habitat à payer à Mme F. la somme de 2508,76 euros, ordonné la compensation des créances respectives des parties, condamné l'OPH terre d'opale habitat, compte tenu de la compensation, à régler à Mme F. la somme de 1991,63 euros, et celle de 840 euros à son conseil sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
Par déclaration formée le 9 août 2018 auprès du greffe de la cour d'appel de Douai, l'OPH terre d'opale habitat a formé appel de l'ensemble des dispositions de ce jugement.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 15 octobre 2018, l'OPH terre d'opale habitat demande à la cour d'infirmer le jugement, de condamner Mme F. à lui verser la somme de 1803,62 euros, de la débouter de sa demande de restitution des provisions sur charges qu'elle a versées et de la condamner au paiement de la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Il est expressément renvoyé aux dernières conclusions de l'OPH terre d'opale habitat pour le rappel complet des prétentions et moyens soutenus.
Mme F. n'ayant pas constitué avocat, l'OPH terre d'opale habitat l'a fait assigner devant la cour d'appel par acte d'huissier du 18 octobre 2018, comprenant dénonciation des conclusions.
SUR CE
Le présent arrêt est rendu en application des articles 9, 472 et 473 du code de procédure civile, 7 a et c), 23 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, L 442-5 du code de la construction et de l'habitation, L 111-8 du code des procédures civiles d'exécution, 696 et 700 du code de procédure civile.
Mme F. n'a pas constitué avocat et a été assignée par dépôt de l'acte à l'étude de l'huissier instrumentaire, le présent arrêt sera, conformément à l'article 473 alinéa 1er du code de procédure civile, rendu par défaut.
1 - Sur le montant des sommes dues par Mme F.
- sur les dégradations locatives
Le premier juge a exactement retenu que Mme F. était tenue des dégradations commises dans les lieux dont elle avait la jouissance exclusive jusqu'à la date de restitution effective des lieux loués.
L'OPH terre d'opale habitat produit l'état des lieux d'entrée, l'état des lieux de sortie réalisé contradictoirement par huissier et un décompte des sommes dues au titre des dégradations.
Le décompte des sommes dues mentionne un total de 1650,70 euros à la charge de Mme F.. Or, la somme des postes d'indemnités retenues à sa charge dans les deux pages de décompte produites s'élève à 607,47 euros et non à celle de 1650,70 euros mentionnés in fine et l'OPH terre d'opale habitat ne s'explique pas sur cette différence, pourtant soulignée par le premier juge.
Si le protocole d'accord signé avec les associations de locataires peut permettre d'évaluer les montants dus par le locataire sortant, indépendamment de la production de devis ou de factures, il appartient néanmoins au bailleur de fournir un décompte complet et cohérent des sommes réclamées, la seule affirmation que la somme de 1650,70 euros est due alors que le total des postes imputés est inférieur ne constitue pas une preuve.
- sur les pénalités
Selon l'article L. 442-5 du code de la construction et de l'habitation, les organismes d'habitations à loyer modéré communiquent les renseignements statistiques nécessaires au représentant de l'Etat dans le département du lieu de situation des logements après avoir procédé à une enquête auprès de leurs locataires et après avoir recueilli l'avis d'imposition ou de non-imposition à l'impôt sur le revenu de chaque occupant majeur directement, ou avoir été destinataires du revenu fiscal de référence transmis par les services fiscaux, ainsi que le numéro d'immatriculation au répertoire national d'identification des personnes physiques de chaque occupant majeur. Les locataires sont tenus de répondre dans le délai d'un mois. A défaut, le locataire défaillant est redevable à l'organisme d'habitations à loyer modéré d'une pénalité de 7,62 euros, majorée de 7,62 euros par mois entier de retard, sauf s'il est établi que des difficultés particulières n'ont pas permis au locataire de répondre. Dans ce cas, l'organisme d'habitations à loyer modéré met en oeuvre les moyens adaptés pour que le locataire puisse s'acquitter de cette obligation.
Si aucun texte n'impose au bailleur d'adresser une mise en demeure au locataire, il lui appartient néanmoins de démontrer qu'il a fait la demande des informations, point de départ du délai d'un mois offert au locataire pour y répondre.
L'OPH terre d'opale habitat ne produit aucun élément de nature à démontrer qu'il a formé la demande de communication des éléments prévus par l'article L. 442-5 du code de la construction et de l'habitation auprès de Mme F.. Le document intitulé "histoire des poursuites trésor" dont l'auteur est inconnu, mentionnant simplement les termes "commandements" et "lettre de rappel" sans que l'on puisse déterminer l'acte auquel ils correspondent. En l'absence de preuve du point de départ du délai pour répondre, celui-ci ne peut avoir couru et l'indemnité n'est pas due.
Dans ces conditions, c'est à bon droit que le premier juge a déduit les sommes incluses dans le décompte des loyers au titre des frais de pénalité.
- sur la sommation de payer
L'article L. 111-8 du code des procédures civiles d'exécution dispose que les frais de recouvrement entrepris sans titre exécutoire restent à la charge du créancier, sauf s'ils concernent un acte dont l'accomplissement est prescrit par la loi au créancier.
Aucun texte, a fortiori en 2011, n'imposait à l'OPH terre d'opale habitat de faire délivrer une sommation de payer à Mme F. afin d'obtenir le règlement des loyers, ni avant d'engager une procédure en résiliation du bail.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a déduit ces frais des sommes dues par Mme F..
Compte tenu de ces éléments et du décompte des loyers restant dus produit par le bailleur, le jugement sera confirmé du chef de la condamnation de la locataire au titre des sommes restant dues lors de la restitution des lieux.
2 - Sur les charges récupérables
L'article 23 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 dans sa version issue de la loi n°2014-366 du 24 mars 2014 dispose que le bailleur doit tenir à la disposition des locataires les pièces justificatives des charges pendant six mois à compter de l'envoi du décompte. Cette disposition est, selon l'article 14 de la loi du 24 mars 2014, d'application immédiate.
En l'espèce, les avis de régularisation des charges des années 2013 en date du 5 novembre 2014, 2014 en date du 5 novembre 2015 et 2015 en date du 28 novembre 2016 ainsi que les avis de régularisation des charges de chauffage en date des 16 novembre 2016, 5 novembre 2015 et 5 novembre 2014 mentionnent que les pièces justificatives sont tenues à la disposition des locataires dans le mois qui suit l'envoi du présent décompte, ou que le locataire peut consulter les pièces justificatives sur demande écrite dans le mois qui suit la réception du présent document.
L'OPH terre d'opale habitat soutient qu'il s'agit d'une erreur matérielle quant à la durée de mise à disposition mais ne produit aucun autre élément de nature à démontrer qu'il a effectivement tenu les pièces à disposition, et n'en justifie pas devant la cour.
Le premier juge a donc exactement retenu que l'OPH terre d'opale habitat ne justifiait pas avoir respecté les dispositions de l'article 23 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 à compter de l'année 2014, fût-ce devant les juridictions saisies, et le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a condamné à restituer à Mme F. la somme de 2508,76 euros.
3 - Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
La solution du litige conduit à confirmer le jugement en ce qu'il a condamné l'OPH terre d'opale habitat aux dépens de première instance.
Selon l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer :
1° A l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
2° Et, le cas échéant, à l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle ou totale une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Dans ce cas, il est procédé comme il est dit aux alinéas 3 et 4 de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Le premier juge pouvait donc parfaitement condamner l'OPH terre d'opale habitat à payer à l'avocat de Mme F. une somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Le jugement sera confirmé de ce chef.
Partie perdante en appel, l'OPH terre d'opale habitat sera condamné aux dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant :
Condamne l'office public de l'habitat terre d'opale habitat aux dépens d'appel.