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Décisions

CA Paris, 1re ch. H, 22 février 2000, n° 1999/20793

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Spacetel Communications (SARL)

Défendeur :

France télécom (SA), Art

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Lacadarats

Conseillers :

Mme Bregeon, Mme Carre-Pierrat

Avocats :

Me Deluc, Me Michau, Me Lombard

CA Paris n° 1999/20793

21 février 2000

Après avoir, à l'audience publique du 11 Janvier 2000, entendu le conseil des parties, les observations de l'Autorité de régulation des télécommunications et celles du Ministère public ;

Vu les mémoires, pièces et documents déposés au greffe à l'appui du recours ;

Le 3 mai 1999, la société SPACETEL COMMUNICATIONS , ci-après SPACETEL) a saisi l'Autorité de régulation des télécommunications (l'Autorité), sur le fondement de l'article L 36-8 du Code des postes et télécommunications, des refus opposés par la société FRANCE TELECOM, par deux courriers du 15 février 1999, à ses demandes de réservation des codes d'accès « 3615XCV » et « 3615XS » au service « Télétel » , pour offrir des services de « messagerie, boîte aux lettres et petites annonces ». Aux termes de sa saisine, SPACETEL demandait à l'Autorité de dire que FRANCE TELECOM n'a pas respecté les dispositions de l'article L 34-8 (II) du Code précité et d'ordonner à celle-ci de lui réserver ces deux codes d'accès.

Par décision n°99-716 au 9 septembre 1999, l'Autorité de régulation des télécommunications a rejetée la demande présentée, comme étant portée devant une autorité incompétente pour en connaitre.

LA COUR,

Vu le recours en réformation formé le 11 octobre 1999 par SPACETEL à rencontre de cette décision,

Vu l'exposé sommaire des moyens par lequel elle demande à la Cour ;

de constater à titre principal :

* la compétence décisoire exclusive de l'Autorité en matière d'accès à un réseau ouvert au public, nonobstant des recommandations déontologiques élaborées par l'exploitant de ce réseau pour limiter ou opérer des discriminations d'accès,

* la compétence technique et financière de l'Autorité en matière d'accès au réseau d'un exploitant, notamment :

** en précisant le bon usage d'un numéro de téléphone (L 36-6-3°)

** par l'attribution d'une ressource (L 36-7-6°),

** au titre de l'article D 406-4 du Code des postes et télécommunications en sa qualité d'administration des télécommunications,

- subsidiairement de :

* constater qu'elle a été victime d'une discrimination de FRANCE TELECOM en matière d'accès au réseau des numéros courts Télétel pour I t exploitation de ses marques XS et XCV,

* lui attribuer les accès 3615XS et 3615XCV,

Vu l'exposé complet des moyens déposé par la requérante le 25 octobre 1999, par lequel, après avoir développé ses moyens sommaires, elle demande à la Cour de :

* subsidiairement, renvoyer les parties devant l'Autorité s'il y a lieu de définir des conditions techniques et financières particulières, différentes de celles des conditions contractuelles Télétel 3615,

* dire « qu'aucune demande d'article 700 ne saurait être accueillie en application de l'article R11-5 et R11-8 du CPT »,

Vu les observations déposées le 25 novembre 1999 par FRANCE

TELECOM concluant :

* à titre principal, à la confirmation de la décision déférée.

* à titre subsidiaire, en cas d'infirmation, au renvoi de l'affaire à l'Autorité pour examen au fond,

* à la condamnation de SPACETEL à lui verser la somme de 9.000 francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

Vu les observations produites le 3 décembre 1999 et le 4 janvier 2000 par l'Autorité, tendant au rejet du recours,

Vu les écritures en réplique de SPACETEL, en date du 23 décembre 1999,

Le Ministère Public ayant été entendu en ses observations tendant à l'incompétence de l'Autorité et la société requérante ayant pu répliquer à l'ensemble des observations écrites et orales,

SUR CE,

Considérant qu’il ressort de l'article D 406-4 du Code des postes et télécommunications que, selon des conditions par elle définies et sous réserve du droit des tiers, l'administration des télécommunications met à la disposition des fournisseurs de service des codes d'accès aux services Télétel ;

Que, par des motifs pertinents que la cour adopte, l'Autorité relève qu'elle ne peut être assimilée à l'administration des télécommunications ainsi mentionnée et que FRANCE TELECOM doit être regardée comme étant cette administration ;

Qu'il s'ensuit que SPACETEL n'est pas fondée à déduire de ce texte réglementaire la compétence de l'Autorité ;

Considérant qu'il résulte des articles L 36-8 et L 34-8 du même Code, qu'en cas de refus d'interconnexion, d'échec des négociations commerciales ou de désaccord sur la conclusion ou l'exécution d'une convention d'interconnexion ou d'accès à un réseau de télécommunications, l'Autorité de régulation des télécommunications peut être saisie du différend par l'une ou l'autre des parties ;

Qu'aux termes de l'article L 36-8, la décision de l'Autorité précise les conditions équitables, d'ordre technique et financier, dans lesquelles l’interconnexion ou l'accès spécial doivent être assurés ;

Que ces deux derniers textes donnent ainsi compétence à l'Autorité en précisant la nature des contestations à trancher de sorte que celle-ci devait examiner si les demandes qui lui étaient soumises relevaient ou non de cette compétence d'attribution :

Considérant qu'en l'espèce FRANCE TELECOM a refusé de faire droit aux demandes de SPAC.ETEL en se référant à l'article 4.2 des conditions générales des contrats Télétel, selon lequel « le code de service ne doit pas porter atteinte à l'image de Télétel ou de FRANCE TELECOM » ; qu'elle s'est prévalue, devant l'Autorité, de l'avis du 6 janvier 1998 par lequel le Comité de la télématique anonyme, saisi par SPACETEL, l'a estimée fondée à refuser à cette dernière l'attribution du code 3615XS au motif que, compte tenu de la nature du service proposé, « la lettre X identifiant habituellement la pornographie, associée au libellé de code, est de nature à porter atteinte » a son image ou à celle de Télétel ;

Que la société requérante soutient que cet avis méconnaît les droits qu'elle détient sur la marque XS, déposée par elle à l'Institut national de la propriété intellectuelle le 19 décembre 1995, et qu'il est sans effet sur la compétence exclusive de l'Autorité, « les restrictions déontologiques d’attribution » lui étant inapplicables dans la mesure où elle est déjà détentrice de la marque ;

Qu'elle fait grief à l'Autorité d'avoir refusé d'apprécier les conditions restrictives d'attribution de codes et de refus d'accès contenues dans les contrats de FRANCE TELECOM ; qu'elle fait valoir qu'en application de l'article L 36-6 3° du code précité, celle-ci a compétence pour se prononcer sur le bon usage des ressources qu'elle attribue et leur compatibilité avec d'éventuelles restrictions déontologiques élaborées par le Conseil national de la consommation ou par le Conseil supérieur de la télématique ;

Que SPACETEL estime enfin être victime de discrimination au sens de l'article L 34-8 II dernier alinéa, dans la mesure où des codes comportant la lettre X ont été antérieurement attribués ;

Mais considérant qu'elle a ainsi soumis à l' Autorité le litige l'opposant à la société FRANCE TELECOM sur la validité de clauses contenues dans des contrats « Télétel », établis conformément aux dispositions des articles D 406-1 et suivants du Code des postes et télécommunications instituant le Conseil supérieur de la télématique ainsi que le Comité de la télématique anonyme ; que ces derniers textes, résultant du décret 93-274 du 25 février 1993, n'ont été ni abrogés ni modifiés par la loi du 26 juillet 1996 créant l'Autorité ;

Que, dès lors, le litige dont celle-ci a été saisie ne se rattache pas à un problème d'accès à un réseau de télécommunications ou de discrimination, au sens des articles L 36-8 ou L 34-8 précités. mais tend seulement à remettre en cause les modalités de régulation des services Télétel et services offerts sur les kiosques télématiques ou téléphoniques, issues de l'application du décret du 25 février 1993 dont l'objet même était d'instituer une procédure permettant que des restrictions soient apportées au principe de la liberté des télécommunications en fonction du contenu de ces services, lorsque celui -ci est de nature à porter atteinte à la protection de la jeunesse ;

Or considérant que l'Autorité n'a été investie ni du pouvoir d'interprétation des lois et règlements ni de celui de contrôler la légalité du règlement sus-évoqué ; qu'elle n'a pas davantage vocation à apprécier les clauses insérées dans des contrats en application du régime juridique d'exception prévu pour les services en cause ; qu'il n'entre également pas dans ses attributions de statuer sur la revendication de la propriété d’une marque ;

Considérant qu'il s'ensuit que, sans méconnaitre l'étendue de ses pouvoirs et sans dénaturer le litige dont elle était saisie, l'Autorité a estimé que celui-ci n'entre pas dans le champ d'application des articles L 36-8 ou L 34-8 du Code des postes et télécommunications ; qu'elle s'est, dès lors, à juste titre déclarée incompétente pour le trancher ;

Considérant que l'équité commande de ne pas attribuer de sommes au titre des frais non compris dans les dépens ;

PAR CES MOTIFS

Rejette le recours.

Dit n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile,

Condamne la société SPACETEL COMMUNICATIONS aux dépens.