CA Grenoble, 1re ch. civ., 2 février 2016, n° 13/03194
GRENOBLE
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Crédit Immobilier de France Rhône Alpes Auvergne (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Allard
Conseillers :
Mme Jacob, Mme Blatry
A l'audience publique du 14 décembre 2015 Monsieur ALLARD a été entendu en son rapport.
Les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries.
Puis l'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu à l'audience de ce jour.
Selon acte authentique en date du 13 juin 2006, M. S. a souscrit auprès de la société Crédit immobilier de France Rhône Alpes Auvergne un prêt d'un montant de 107.591 € en vue de financer l'acquisition d'un appartement à Valence.
Par jugement du 19 août 2006, le juge de l'exécution de Valence a ordonné la vente forcée de ce bien qui a été adjugé le 9 décembre 2009 pour un prix de 59.500 €.
Selon courrier recommandé distribué le 12 juin 2012, la banque a sollicité l'inscription d'une hypothèque sur la « quote part indivise appartenant » à M. S. dans l'immeuble sis à Bourg-lès-Valence et cadastré AD n° 17, qu'il avait acquis le 10 octobre 1998 avec Mme D., pour sûreté de sa créance évaluée à la somme de 49.995,31 € selon décompte actualisé au 27 janvier 2012.
Le 23 août 2012, la société Crédit immobilier de France Rhône Alpes Auvergne a assigné Mme D. et M. S. devant le tribunal de grande instance de Valence pour obtenir le partage de cet immeuble en indivision.
Par jugement en date du 11 juin 2013, la juridiction saisie, retenant que la demanderesse ne justifiait pas avoir effectué des démarches destinées à permettre un partage amiable du bien, a :
- déclaré irrecevable l'action en partage engagée par la société Crédit immobilier de France Rhône Alpes Auvergne,
- condamné la société Crédit immobilier de France Rhône Alpes Auvergne à payer aux défendeurs une somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société Crédit immobilier de France Rhône Alpes Auvergne aux dépens.
Par déclaration transmise le 15 juillet 2013, la société Crédit immobilier de France Rhône Alpes Auvergne a interjeté appel de cette décision.
Aux termes de ses conclusions récapitulatives notifiées le 22 juillet 2014, la société Crédit immobilier de France Rhône Alpes Auvergne demande à la cour de :
- réformer le jugement entrepris ;
- ordonner le partage de l'indivision existant entre M. S. et Mme D. sur le bien immobilier suivant : une maison d'habitation sise sur un terrain cadastré section AD n° 17, [...], pour une superficie de 2a 71ca ;
- commettre un juge pour surveiller les opérations de partage ;
- commettre un notaire pour procéder aux opérations de compte, liquidation et partage, sous la surveillance du président de la première chambre du tribunal de grande instance de Valence qui sera saisi en cas de difficulté constatée par le notaire ;
- ordonner, après l'accomplissement des formalités légales et sur cahier des charges, la licitation à la barre du tribunal de grande instance de Valence du bien litigieux ;
- rejeter les prétentions des intimés tendant à remettre en cause le montant de la créance due ;
- condamner in solidum M. S. et Mme D. au paiement d'une somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- dire que les dépens comprenant éventuellement les frais d'expertise seront retenus en frais privilégiés de partage.
Au soutien de son appel, elle fait valoir en substance :
- que demeurant créancière d'un montant de 49.995,31 €, elle est autorisée par l'article 815-17 du code civil à solliciter le partage de l'indivision existant entre M. S. et Mme D. ;
- que les dispositions de l'article 1360 du code de procédure civile ne s'appliquent pas à une action oblique en partage fondée sur l'article 815-17 ;
- qu'elle est fondée à réclamer le paiement des frais de saisie puisque ceux-ci sont à la charge du débiteur en vertu de l'article L 111-8 du code des procédures civiles d'exécution.
Selon conclusions transmises le 8 novembre 2013, M. S. et Mme D. rétorquent :
- que l'action en partage n'est pas recevable puisque les prescriptions de l'article 1360 du code de procédure civile n'ont pas été respectées ;
- que la banque n'a entrepris aucune démarche pour parvenir à un partage amiable et aucune sommation n'a été délivrée à Mme D. ;
- que le décompte invoqué par l'appelante est inexact en ce qu'il intègre les frais de procédure de saisie-attribution et des intérêts légaux sur le montant de l'adjudication.
En conséquence, ils prient la cour de :
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré ;
à titre subsidiaire,
- constater que le décompte fourni par la banque intègre des postes injustifiés, à savoir les frais de procédure sur saisie attribution et pour recouvrement de créance ainsi que les intérêts au taux légal sur le solde restant dû ;
en tout état de cause,
- condamner la société Crédit immobilier de France au paiement d'une somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 20 octobre 2015.
SUR CE, LA COUR,
Vu les pièces et les écrits des parties auxquels il est renvoyé pour l'exposé du détail de leur argumentation,
Attendu que la société Crédit immobilier de France entend exercer l'action oblique en partage d'un bien indivis de son débiteur, M. S., que lui ouvre l'article 815-17 du code civil ;
Attendu qu'elle indique demeurer créancière d'un montant de 51.211,69 € et se prévaut d'un décompte arrêté au 28 novembre 2012 (annexe n° 13) ; que les intimés contestent ce décompte en ce qu'il intègre :
- des frais de procédure sur saisie-attribution de recherches pour 861,12 €,
- des frais de procédure pour recouvrement créance pour 2.237,76 €,
- intérêts au taux légal sur le solde restant dû pour 1.134,98 € ;
Attendu que le décompte précise les modalités de calcul des intérêts entre le 12 février 2009 et le 28 novembre 2012 ; que les intérêts n'ont pas été calculés de façon indifférenciée sur un solde de 104.213,34 € ; que leur assiette a varié en fonction des paiements obtenus tant au titre de la saisie-attribution que de l'adjudication ; qu'il n'existe aucun motif de remettre en cause le montant mis en compte de 1.134,98 € au titre des intérêts échus à compter du 10 décembre 2012 ;
Attendu que les frais de l'exécution forcée étant, selon l'article L 111-8 du code des procédures civiles d'exécution, à la charge du débiteur, il ne peut pas être reproché à la banque de répercuter sur M. S. les frais engendrés par la procédure de saisie-attribution et celle d'adjudication des lots de copropriété acquis au moyen du prêt du 13 juin 2006 ;
Attendu que le décompte produit sera entériné ;
Attendu que la société appelante qui détient une créance certaine, liquide et exigible à l'encontre de M. S., propriétaire d'un bien immobilier indivis, dispose, en vertu de l'article 815-17 du code civil, de la faculté de provoquer le partage au nom de son débiteur ;
Attendu que les dispositions de l'article 1360 du code de procédure civile, qui imposent notamment à l'indivisaire demandeur en partage de préciser les diligences entreprises en vue de parvenir à un partage amiable, ne sont pas applicables à l'action oblique en partage ; qu'en effet, ces dispositions sont destinées à inciter les indivisaires à rechercher une solution amiable, avant de solliciter un partage judiciaire alors que la recherche d'un tel accord est illusoire lorsque le créancier d'un indivisaire tente de recouvrer sa créance ;
Attendu que c'est à tort que le premier juge a déclaré la demande de la société Crédit immobilier de France irrecevable en raison d'une violation de l'article 1360 du code de procédure civile ; que le jugement entrepris doit être infirmé et l'ouverture des opérations de liquidation et de partage de l'immeuble sera ordonnée ;
Attendu qu'en l'absence de possibilité de partage en nature, la licitation du bien est nécessaire pour parvenir au partage ;
Attendu que les intimés supporteront les dépens de première instance et d'appel et régleront, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, une indemnité que l'équité commande de fixer à 1.000 € ;
PAR CES MOTIFS :
LA COUR :
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Infirme le jugement entrepris ;
Déclare la société Crédit immobilier de France Rhône Alpes Auvergne recevable et fondée en son action oblique ;
Ordonne la liquidation et le partage de l'indivision existant entre M. S. et Mme D. et portant sur l'immeuble bâti sis à Bourg-lès-Valence, cadastré AD n° 17 ;
Désigne pour y procéder le président de la chambre départementale des notaires de la Drôme avec faculté de délégation ;
Ordonne, pour parvenir à la liquidation et au partage, la licitation de l'immeuble ;
Dit qu'il appartiendra au notaire liquidateur de procéder à l'estimation de l'immeuble et qu'en cas de désaccord sur la mise à prix, la partie la plus diligente saisira la juridiction compétente sur procès-verbal de difficulté du notaire ;
Condamne M. S. et Mme D. à payer à la société Crédit immobilier de France Rhône Alpes Auvergne une somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. S. et Mme D. aux dépens.
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.