Cass. crim., 19 août 1997, n° 96-83.944
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Milleville
Rapporteur :
M. de Mordant de Massiac
Avocat général :
M. Amiel
Avocat :
SCP Tiffreau et Thouin-Palat
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 1741 et 1745 du Code général des impôts, L. 227 du Livre des procédures fiscales, 485 et 512 du Code de procédure pénale, 6, § 2, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble violation du principe de la présomption d'innocence :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jean X... coupable de fraude fiscale ;
" aux motifs qu' "il résulte des éléments du dossier que l'Administration des Impôts a procédé en septembre 1992 à une vérification de comptabilité de la SA Etablissements X... dont Jean X... était président-directeur général ; que ce contrôle a révélé que la société acquittait la TVA d'après les encaissements alors qu'elle était due dès la livraison des biens, et qu'une partie de la TVA encaissée n'a pas été déclarée ; que la commission des infractions fiscales a donné un avis favorable aux poursuites ; qu'au cours de l'enquête diligentée par le ministère public Jean X... a reconnu la matérialité des faits ; qu'il conteste sa culpabilité pénale en faisant valoir que M. Y... bénéficiait d'une délégation de pouvoirs en matière de comptabilité ; que cependant Jean X... ne justifie d'aucune délégation de pouvoirs en faveur de M. Y... ; que, bien plus, il a reconnu qu'il signait lui-même tous les bordereaux et chèques relatifs à la TVA ; qu'il gardait ainsi manifestement le contrôle des documents fiscaux ; que c'est donc à juste titre que les premiers juges ont déclaré Jean X... coupable des faits visés à la prévention" ;
" alors qu'en induisant l'absence de la délégation de pouvoirs invoquée par Jean X..., de la seule circonstance qu'il signait lui-même les bordereaux et les chèques relatifs à la TVA établis par M. Y..., directeur administratif et financier de l'entreprise, sans s'expliquer sur les conclusions dudit prévenu faisant valoir que, nonobstant cette circonstance, la délégation de pouvoirs n'en était pas moins caractérisée en tous ses éléments et s'évinçait notamment des propres déclarations de M. Y... lors de l'enquête de police, la cour d'appel a privé sa décision de motifs au regard des textes susvisés ;
" alors que le délit de fraude fiscale est une infraction intentionnelle ; que la cour d'appel, qui s'est bornée à déclarer que Jean X... avait reconnu la matérialité des faits et qu'il ne justifiait d'aucune délégation de pouvoirs, mais qui n'a pas caractérisé la mauvaise foi dudit prévenu, laquelle ne pouvait s'induire de ce qu'il signait les bordereaux et les chèques relatifs à la TVA, dès lors qu'il n'était pas constaté soit qu'il établissait lui-même ces documents, soit qu'il donnait des instructions à cet effet, soit qu'il avait consenti à l'emploi des procédés frauduleux, a, 1° privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ; 2° violé le principe de la présomption d'innocence " ;
Attendu que Jean X..., président-directeur général de la société Etablissements X..., a été cité devant la juridiction correctionnelle, sur plainte de l'administration des Impôts et après avis conforme de la commission des infractions fiscales, pour avoir partiellement soustrait son entreprise au paiement de la TVA ;
Attendu que, pour le déclarer coupable des faits visés à la prévention, les juges du fond relèvent que la société, dont l'activité était la vente de matériels informatiques et la maintenance, s'était délibérément placée, à raison de l'ensemble de ces activités, sous le régime du paiement de la TVA " sur les encaissements ", prévu par l'article 269-2 c du Code général des impôts, applicable aux seules prestations de services, en vue de différer le paiement de cet impôt ; qu'ils observent aussi que l'entreprise avait en outre minoré, dans ses déclarations TVA, le chiffre d'affaires effectivement réalisé et qui apparaissait dans ses déclarations annuelles de résultat ; qu'ils notent, enfin, que de tels errements ayant déjà été stigmatisés par l'administration fiscale, lors d'un précédent contrôle, leur persistance ne pouvait procéder que d'un choix délibéré ;
Que les juges ajoutent que le prévenu, dirigeant de la société, ne saurait, pour éluder sa responsabilité, invoquer une délégation de pouvoirs au profit du directeur financier, dans la mesure où il avait, en se réservant la signature des chèques et en exigeant un compte rendu hebdomadaire sur cette question, conservé le contrôle effectif du respect, par l'entreprise, de ses obligations vis-à-vis de l'administration fiscale ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, et dès lors que la présomption de responsabilité du dirigeant social qu'instituent les articles 52 et 244 de la loi du 24 juillet 1966, en ce qu'elle n'a pas d'autre effet que de renverser la charge de la preuve, n'est pas contraire à la présomption d'innocence et dès lors également que la réalité et la portée de la délégation de pouvoirs, que le dirigeant peut invoquer pour combattre une telle présomption, sont laissées à l'appréciation des juges du fond, la cour d'appel a, sans encourir les griefs allégués, justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen qui revient à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause ne peut qu'être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.