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Décisions

Cass. 3e civ., 23 mai 2007, n° 06-13.723

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Weber

Rapporteur :

Mme Lardet

Avocat général :

M. Cuinat

Avocats :

SCP Coutard et Mayer, SCP Vincent et Ohl

Poitiers, du 7 févr. 2006

7 février 2006

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 7 février 2006), que les époux X..., maîtres de l'ouvrage, ont, par contrat du 26 mai 2001, chargé la société Bordas, depuis lors en redressement judiciaire, de la construction d'une maison ; que cette société a sous-traité le lot "maçonnerie" à la société Etablissements Tam (société Tam) et, par acte du 6 février 2002, délégué les maîtres de l'ouvrage dans le paiement du sous-traitant ; que n'ayant été réglée que partiellement du prix de ses travaux, la société Tam a, en avril 2002, infructueusement mis en demeure l'entrepreneur principal et les maîtres de l'ouvrage et assigné ces derniers en paiement ;

Attendu que les époux X... font grief à l'arrêt de les condamner à payer une certaine somme, alors, selon le moyen :

1°/ que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; que la cour d'appel, qui a soulevé le moyen tiré de ce que le redressement judiciaire aurait empêché la société Bordas de donner au maître de l'ouvrage l'ordre de payer les deux dernières situations de la société sous-traitante, sans inviter les parties à s'en expliquer, a violé l'article 16 du nouveau code de procédure civile ;

2°/ que tenu de trancher le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables, le juge doit préciser le fondement juridique de sa décision ; que la cour d'appel, pour condamner M. et Mme X..., maître de l'ouvrage, en paiement au profit de la société Etablissements Tam, sous-traitante, a retenu que la société Bordas, entrepreneur principal, se trouvant en redressement judiciaire à compter du 5 juillet 2002, ne pouvait donner l'ordre de payer ; qu'en statuant ainsi, sans indiquer la règle qui aurait empêché l'entreprise principale de donner l'ordre de payer prévu par la délégation de créance signée par les parties, la cour d'appel a violé l'article 12 du nouveau code de procédure civile ;

3°/ que l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'égard d'un entrepreneur principal ne fait pas obstacle à l'ordre donné par ce dernier au maître de l'ouvrage, délégué, de payer l'entrepreneur sous-traitant, délégataire, en vertu d'une délégation souscrite par les parties avant le jugement d'ouverture ; que la cour d'appel, pour condamner M. et Mme X..., maîtres de l'ouvrage, en paiement au profit de la société Etablissements Tam, sous-traitante, a retenu que la société Bordas, entrepreneur principal, se trouvant en redressement judiciaire à compter du 5 juillet 2002, cet ordre ne pouvait plus intervenir ; qu'en statuant ainsi, et tout en constatant qu'aux termes de la délégation de paiement du 6 février 2002 signée par les parties, le maître de l'ouvrage ne procéderait au règlement des situations présentées par le sous-traitant que sur ordre de l'entreprise principale, la cour d'appel a violé l'article 1275 du code civil, ensemble les articles L. 621-23 et L. 621-24 du code de commerce, dans leur rédaction applicable au litige ;

4°/ que tout jugement doit, à peine de nullité, être motivé ; que la cour d'appel, pour condamner M. et Mme X..., maîtres de l'ouvrage, en paiement au profit de la société Etablissements Tam, sous-traitante, a retenu que la société Bordas, entrepreneur principal, se trouvant en redressement judiciaire à compter du 5 juillet 2002, l'ordre de payer ne pouvait plus intervenir ; qu'en statuant ainsi, et tout en constatant que la société Etablissements Tam avait remis ses deux dernières situations, objet du litige, à la société Bordas fin janvier et en février 2002, et que la délégation avait été signée par les parties le 6 février 2002, et sans expliquer pourquoi la société Bordas n'aurait pu donner l'ordre de payer son sous-traitant avant le jugement d'ouverture, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du nouveau code de procédure civile ;

5°/ qu'aux termes de la délégation de paiement du 6 février 2002 signée par la société Bordas, entrepreneur principal, la société Tam, sous-traitant, et les époux X..., maîtres de l'ouvrage, "l'entreprise principale délègue le maître de l'ouvrage, qui l'accepte expressément, au sous-traitant pour recevoir le paiement des sommes dues au titre du contrat de sous-traitance visé ci-dessus. Cette délégation s'inscrit dans le cadre de l'article 14 de la loi du 31 décembre 1975 et dans les termes de l'article 1275 du code civil. Elle porte sur l'ensemble des sommes dues au sous-traitant par l'entreprise principale, y compris la révision des prix et les éventuels travaux supplémentaires dans les limites prévues par le contrat de sous-traitance. De convention expresse entre les parties, le maître de l'ouvrage ne procédera au règlement des situations présentées par le sous-traitant que sur ordre de l'entreprise principale" ; que la cour d'appel, pour condamner M. et Mme X..., maîtres de l'ouvrage, en paiement au profit de la société Etablissements Tam, sous-traitante, a retenu que M. et Mme X... ne pouvaient valablement opposer à la société Etablissements Tam le non-paiement de ses factures au seul motif que la société Bordas ne leur aurait pas donné l'ordre de procéder au paiement, car la société Bordas, entrepreneur principal, se trouvait en redressement judiciaire à compter du 5 juillet 2002, cet ordre ne pouvait plus intervenir, et qu'il appartenait à M. et Mme X... de vérifier si la totalité du troisième appel de fonds de la société Bordas ne devait pas revenir à la société Etablissements Tam compte tenu de l'achèvement des travaux de maçonnerie, qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu la loi du contrat et violé l'article 1134 du code civil ;

6°/ que n'engage sa responsabilité contractuelle que le débiteur qui manque à ses obligations ; que la cour d'appel, pour condamner M. et Mme X..., maîtres de l'ouvrage, en paiement au profit de la société Etablissements Tam, sous-traitante, a retenu que M. et Mme X... ne pouvaient ignorer s'être engagés envers la société Etablissements Tam à lui verser le montant de ses travaux, et qu'il leur appartenait de vérifier si la totalité du troisième appel de fonds de la société Bordas ne devait pas revenir à la société Etablissements Tam compte tenu de l'achèvement des travaux de maçonnerie ; qu'en statuant ainsi, et tout en constatant que la délégation de créance du 6 février 2002, "précisait en outre que de convention expresse entre les parties, le maître de l'ouvrage ne procédera au règlement des situations présentées par le sous-traitant que sur ordre de l'entreprise principale", et que "dans le contrat de construction signé avec la société Bordas, il était prévu que le troisième appel de fonds correspondait à 15% du montant des travaux était dû à l'achèvement des murs", ce dont il résulte que le maître de l'ouvrage était tenu de payer l'entreprise principale et ce sauf ordre contraire, conformément à la délégation, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1147 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant relevé que la clause de la convention tripartite du 6 février 2002, emportant délégation de paiement au bénéfice de la société Tam à concurrence des sommes dues au titre du contrat de sous-traitance, qui stipulait que "le maître de l'ouvrage ne procédera au règlement des situations présentées par le sous-traitant que sur ordre de l'entreprise principale", ne pouvait être valablement opposée à la société Tam, dès lors que le jour de la signature de cette convention, les époux X... connaissaient le montant des travaux de maçonnerie sous-traités et savaient que ces travaux étaient achevés, l'expertise ultérieurement ordonnée sur leur demande ayant permis d'établir qu'il n'existait pas de désordres et que le prix demandé était conforme aux prix habituellement pratiqués, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche dépourvue de portée sur le délai assortissant l'ordre de paiement, lequel n'étant ni une condition de validité de la délégation, ni un élément constitutif de celle-ci, mais une modalité de son exécution, et qui ne s'est pas fondée sur la responsabilité contractuelle des époux X..., a, abstraction faite d'un motif erroné mais surabondant relatif à l'effet du redressement judiciaire sur la clause d'ordre, retenu à bon droit, faisant application de la délégation, que les époux X..., qui s'y étaient obligés, devaient payer à la société Tam le montant non discuté de ses travaux ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.