Livv
Décisions

Cass. crim., 16 janvier 2002, n° 01-87.235

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cotte

Rapporteur :

Mme de la Lance

Avocat général :

Mme Fromont

Avocat :

Me Cossa

Colmar, ch. de l'instr., du 23 août 2001

23 août 2001

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 14-2 et 14-3 g du pacte international relatif aux droits civils et politiques, 6 et 11 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, préliminaire, 137, 138, alinéa 2.12°, 139, 206, 591 et 593 du Code de procédure pénale :

" en ce que l'arrêt attaqué a confirmé l'ordonnance, en date du 3 août 2001, et la mesure de contrôle judiciaire faisant interdiction à Patricia X... d'exercer l'activité professionnelle de pharmacienne, étant précisé que n'était visée que l'activité d'exploitante indépendante d'officine, directement ou par interposition de personne ou intéressement par le biais d'une personne morale, et non l'exercice comme simple préposée salariée ;

" aux motifs qu'il convient de rappeler, en fait, qu'en 1999, les employés de la pharmacie du Samaritain à Strasbourg, ont constaté des falsifications d'ordonnances médicales et de factures subrogatoires destinées au paiement direct par la sécurité sociale de l'officine tenue par Patricia X..., épouse Y..., habilitée à obtenir le remboursement selon la procédure de tiers payant ; qu'ils ont observé le comportement de Patricia Y... qui collectait des factures subrogatoires le soir au motif allégué de les vérifier, et qu'ils ont entendu le fonctionnement de son imprimante ; qu'ils ont observé des modifications des factures subrogatoires, notamment depuis leurs postes informatiques et qu'ils ont collecté des ordonnances originales qui avaient été modifiées ; qu'ils ont observé la présence de factures subrogatoires éliminées par Patricia Y... dans sa corbeille et qu'ils ont prélevé une enveloppe qui paraissait comptabiliser des médicaments ajoutés ; qu'un des employés s'est finalement chargé d'avertir la caisse primaire d'assurance maladie de Strasbourg qui a porté plainte pour faux, usage et escroquerie ; que les époux Y... ont essayé, dans un premier temps, d'imputer les falsifications, dont la réalité n'est pas discutable, à leurs employés, mais que M. Y... a finalement indiqué qu'il était à l'origine de la fraude ; qu'il a précisé qu'il prélevait environ 2 000 francs par jour en numéraire et hors de la comptabilité pour alimenter le compte d'une SCI Z..., propriétaire d'un immeuble de rapport à Strasbourg ; qu'il a expliqué que le ménage avait un endettement immobilier très important, lui valant des échéances de remboursement de près de 120 000 francs par mois, consécutivement à l'acquisition de plusieurs biens, notamment une maison à Illkirch, un immeuble de rapport et une maison de plus de quatre millions de francs à Saint-Raphaël dans le Var ; qu'il a prétendu que son épouse n'était pas au courant de ses falsifications ; que cependant, les témoignages concordants des employés de la pharmacie imputent au contraire à Patricia Y..., accusée de manquements déontologiques divers, les falsifications et l'escroquerie en résultant ; qu'il ont précisé que c'était bien Patricia Y... qui collectait les factures sous prétexte de les vérifier et qu'ils ont estimé que M. Y..., jugé très maladroit dans l'usage de l'outil informatique, n'avait pas les capacités nécessaires pour faire les opérations de rappel de factures falsifiées ; qu'ils ont observé la cohérence médicale des médicaments ajoutés aux prescriptions et qu'ils ont estimé que M. Y..., architecte de formation, n'avait pas les connaissances pharmaceutiques nécessaires pour respecter une telle cohérence ; que la poursuite de l'information a aggravé les charges contre Patricia Y..., qui a d'ailleurs continué de mettre en cause ses employés, malgré les indications de son mari, dans des conditions logiquement peu cohérentes ; qu'il a été observé que des rajouts sur les factures subrogatoires étaient concomitants ou suivaient de très près la saisie du médicament par scanner ce qui mettait en cause le distributeur de médicaments qui ne pouvait pas être M. Y..., non habilité à vendre des médicaments ; qu'il a été relevé que le jour de certaines falsifications, la carte bancaire de M. Y... avait été utilisée dans des péages autoroutiers du sud de la France ;

qu'une expertise graphologique a imputé enfin à Patricia Y... les rajouts sur les ordonnances, de manière catégorique pour onze cas et de manière plus ou moins probable pour une quinzaine d'autres ; que, malgré ces éléments, Patricia Y... a contesté être à l'origine des falsifications et a continué de mettre en cause ses employés ; que M. Y... a finalement tenté une synthèse entre sa version et celle de Patricia Y... en indiquant qu'il avait imité au départ un employé, M. A..., encouragé par des menaces de celui-ci contre lui-même et sa famille ; que quant à l'étendue de la fraude, les enquêteurs ont estimé qu'elle pouvait être en rapport avec les versements de la SCI Z... sans pouvoir l'estimer précisément ni situer son point de départ ; que la cour observe, pour sa part, que, malgré des exercices déficitaires en 96/97 et 97/98, les époux Y... ont prélevé de quoi payer leur considérable endettement immobilier ; que les charges contre Patricia X..., actuellement divorcée Y..., sont effectivement très lourdes ;

" et qu'interdite par contrôle judiciaire de paraître à sa pharmacie du Samaritain, Patricia Y... l'a revendue et a déménagé dans le Midi en octobre 2000, sans en aviser le juge d'instruction ; qu'elle a racheté une pharmacie à Nice ; que le magistrat instructeur s'en est aperçu lors du dernier interrogatoire le 3 août 2001 et a ajouté à l'interdiction de paraître à la pharmacie du Samaritain l'interdiction d'exercer l'activité professionnelle de pharmacienne, conformément à l'article 138-12° du Code de procédure pénale ; que, s'il est exact que son ordonnance n'est pas explicitement motivée, sa motivation implicite résulte assez de circonstances précédemment décrites, qui caractérisent bien un risque grave de renouvellement de l'infraction commise dans l'exercice des fonctions de pharmacienne indépendante de Patricia X...-Y... ; que l'absence de motivation explicite ne fait pas grief dans la mesure où la Cour est à même d'expliciter cette motivation et de reconnaître le bien-fondé de la mesure prise ; qu'il ne suffit naturellement pas de nier l'infraction pour faire échec aux mesures prises pour faire échec à son renouvellement, dans le cas où des présomptions graves précises et concordantes sont réunies à l'encontre de la personne mise en examen, que le risque de renouvellement dans une nouvelle activité d'exploitante indépendante est réel, grave et actuel ; que Patricia Y..., accusée de manquement à la déontologie par certains de ses employés, comme par la directrice d'une maison de retraite, victime de surfacturations, paraît prête à des moyens très répréhensibles pour se procurer de l'argent, que ses dernières déclarations qui mettent en cause ses employés contre toutes les apparences ne sont pas de nature à accréditer l'idée qu'elle entend changer de comportement ; que son endettement immobilier subsiste et que le plan de cession de la pharmacie de Nice, en liquidation judiciaire, fait état de l'accord du crédit mutuel pour un nouveau crédit de 4,9 millions ; que les enquêteurs ont relevé que même après que les employés de Patricia Y... eurent fait part à cette dernière de leurs soupçons en octobre 1999, les fraudes avaient été en s'aggravant ; que le dossier permet donc d'émettre les craintes les plus graves quant au renouvellement de l'infraction dans l'exercice de la profession de pharmacienne indépendante ; qu'il y a lieu, dès lors, d'éviter d'exposer les organismes sociaux, les salariés de Patricia X..., ou même les assurés sociaux au risque de nouvelles malversations ; que même si l'on devait apporter quelque crédit aux allégations de Patricia X..., prétendument dépassée par son entourage, le risque existerait de la même façon à Nice ;

" alors, d'une part, que, dès lors qu'elle constatait que l'ordonnance déférée, prononcée au visa des dispositions de l'article 138, alinéa 2.12° du Code de procédure pénale, n'était pas explicitement motivée, la chambre de l'instruction ne pouvait confirmer cette décision et lui conférer ainsi une existence légale ;

" alors, d'autre part, que la chambre de l'instruction a méconnu le principe de présomption d'innocence ainsi que le droit légitime de toute personne mise en examen de ne pas s'avouer coupable en reprochant à Patricia X...-Y... de nier toute implication dans la commission des faits poursuivis en mettant en cause des tiers ;

" alors, enfin que Patricia X...-Y... avait contesté en cause d'appel la régularité de la désignation du lieutenant de police B... en qualité d'expert graphologue ; qu'en tirant argument des conclusions dudit rapport sans répondre à ce moyen péremptoire, la chambre de l'instruction a entaché sa décision d'un défaut de motifs " ;

Attendu que, pour confirmer l'ordonnance du juge d'instruction ayant modifié le contrôle judiciaire de Patricia X... pour lui interdire l'activité professionnelle de pharmacienne, l'arrêt attaqué, après avoir rappelé les faits reprochés à l'intéressée et les indices de culpabilité retenus contre elle, prononce par les motifs repris au moyen ;

Attendu qu'en cet état, la chambre de l'instruction a justifié sa décision ;

Que, d'une part, en raison de l'effet dévolutif de l'appel, les motifs de l'arrêt confirmant l'ordonnance imposant une interdiction professionnelle, en application de l'article 138, alinéa 2, du Code de procédure pénale, se substituent à ceux, insuffisants, de la décision entreprise ;

Que, d'autre part, à l'occasion de son appel en matière de contrôle judiciaire, la personne mise en examen n'est pas recevable à invoquer de prétendues irrégularités ou formuler des demandes étrangères à l'unique objet de l'appel ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi.