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Décisions

Cass. 3e civ., 26 février 1997, n° 95-10.925

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Beauvois

Rapporteur :

M. Fromont

Avocat général :

M. Baechlin

Avocats :

SCP Coutard et Mayer, SCP Piwnica et Molinié

Poitiers, ch. civ. sect. 2, du 16 nov. 1…

16 novembre 1994

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 16 novembre 1994), que la société Le Bastion, maître de l'ouvrage, a, en mai 1991, chargé de la construction d'un groupe d'immeubles la société Sogea Atlantique (Sogea) qui a sous-traité les travaux de charpente à la société d'Entreprise Ridoret (SER); que, le 30 septembre 1991, la société Sogea a délégué le maître de l'ouvrage dans le paiement du sous-traitant; que, n'ayant pas été réglé du solde des travaux, ce dernier a assigné en paiement la société Le Bastion;

Attendu que la société SER fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande, alors, selon le moyen, "1°/ que, dans la délégation imparfaite, les exceptions que le délégué peut entretenir contre le délégant sont, par principe, inopposables au délégataire; qu'en opposant au délégataire (SER) le litige existant entre le délégué (SARL Le Bastion) et le délégant (Sogea Atlantique) portant sur le marché principal, la cour d'appel a violé l'article 1275 du Code civil; 2°/ que, si la règle précitée de l'inopposabilité au délégataire des exceptions du délégué contre le délégant n'est pas d'ordre public et peut être écartée par l'accord des parties dans le droit commun de la délégation, il en va autrement lorsque la délégation est consentie comme substitut du cautionnement dans le cadre d'un contrat de sous-traitance; qu'en admettant que la SARL Le Bastion, entrepreneur principal et délégant, et la société Sogea Atlantique, maître de l'ouvrage et délégué, aient pu s'entendre pour rendre les exceptions nées de leurs rapports opposables à la SER sous-traitante et délégataire, la cour d'appel a violé les articles 14 et 15 de la loi du 31 décembre 1975; 3°/ qu'en tout état de cause, le contenu de la délégation se modèle sur ce qu'ont décidé les trois parties à l'opération; qu'en opposant au délégataire une (supposée) limitation de la délégation, intervenue seulement entre le délégant et le délégué, sans constater que le délégataire y aurait souscrit, l'arrêt attaqué a violé les articles 1165 et 1275 du Code civil; 4°/ qu'à supposer que la règle de l'inopposabilité des exceptions ne soit pas d'ordre public dans le cadre de la sous-traitance, en relevant que la phrase : "le règlement (du délégataire par le délégué) se fera dans les mêmes délais et conditions que ceux du marché principal", contiendrait renonciation par le délégataire à la règle de l'inopposabilité des exceptions, la cour d'appel a conféré à cette phrase une signification qu'elle n'a pas, et par là même en a dénaturé le sens clair et précis en violation de l'article 1134 du Code civil; 5°/ que la volonté d'écarter la règle de l'inopposabilité des exceptions au délégataire doit ressortir clairement des conventions des parties; que la cour d'appel n'a pas suffisamment caractérisé, par la simple citation de la phrase sus-énoncée, la volonté claire des parties de rendre opposables au délégataire les exceptions du délégué contre le délégant; que l'arrêt attaqué manque de base légale au regard de l'article 1275 du Code civil et 14 de la loi du 31 décembre 1975";

Mais attendu qu'ayant, d'une part, relevé que la société SER, dont le contrat de sous-traitance avait été établi conformément au modèle habituel dit "transparent", et avec laquelle il avait été convenu que son règlement "se ferait dans les mêmes délais et conditions que ceux du marché principal" ne pouvait pas ignorer l'importance pour elle-même du marché auquel elle participait, et ne pouvait être surprise de ce que sa dernière situation de travaux soit revenue impayée par le maître de l'ouvrage, dès lors que celui-ci avait obtenu l'organisation de mesures d'expertise et assigné l'entrepreneur principal en restitution de 6 000 000 francs, d'autre part, retenu qu'il n'était justifié que d'une délégation imparfaite, telle que prévue par les articles 14 de la loi du 31 décembre 1975 et 1275 du Code civil, en vertu de laquelle l'inopposabilité des exceptions du délégué au délégant ne pouvait, conformément à la volonté des parties, jouer en faveur du délégataire, la cour d'appel a, sans dénaturation, légalement justifié sa décision;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.