CA Paris, Pôle 4 ch. 8, 5 décembre 2013, n° 13/15560
PARIS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Défendeur :
Crédit Foncier (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Chauvet
Conseillers :
Mme Forest-Hornecker, Mme Sarbourg
Avocats :
Me Blin, Me d’Almeida, Me Leopold Couturier, Me Dean
Par jugement réputé contradictoire du 27 juin 2013 dont appel, le Juge de l'exécution du Tribunal de grande instance de CRETEIL a :
- mentionné que le montant retenu pour la créance du SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES DE LA [...], est de 2 034,85 euros arrêtés au 30 mai 2013,
- dit que la vente forcée des biens situés à [...], cadastrés section H N 140 et 142 pour une contenance totale de 1 hectare 3 ares 90 centiares, lots numéros 131 et 132 de l'état descriptif de division dudit ensemble immobilier aura lieu à la barre du Tribunal de grande instance de CRETEIL le jeudi 24 octobre 2013 à 9h30, salle A, rez-de-chaussée, bâtiment Nord,
- dit qu'en vue de cette vente, la SCP FONFREDE MARTINEZ, huissiers de justice associés à CHAMPIGNY-SUR-MARNE, pourra faire visiter le bien, selon des modalités arrêtées dans la mesure du possible en accord avec les occupants, et qu'en cas de nécessité relatée au procès-verbal, elle pourra être assistée du commissaire de police ou à défaut de deux témoins majeurs et d'un serrurier,
- dit que les dépens seront employés en frais taxés de vente.
Madame Carine DOS SANTOS a interjeté appel de ce jugement, par déclaration reçue au greffe de la cour le 26 juillet 2013.
Ayant été autorisée à assigner à jour fixe, Madame Carine DOS SANTOS a fait citer le SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES RESIDENCE VILLA CHARLES DE GAULLE et la société CREDIT FONCIER DE FRANCE par acte d'huissier du 30 août 2013 et Monsieur José Carlos PINHEIRO FERREIRA par acte d'huissier du 27 août 2013 ; par ces actes et par dernières conclusions du 23 août 2013, elle demande à la cour de :
à titre principal :
- dire nulle et de nul effet, l'assignation à l'audience d'orientation qui lui a été délivrée le 4 janvier 2013,
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a autorisé la vente forcée des biens et droits immobiliers saisis, en vertu du commandement de payer en date du 13 septembre 2012,
subsidiairement, au fond :
- dire que seules les dépenses afférentes aux actes et formalités préparatoires effectués antérieurement à cette date seront prises en compte, à l'exclusion de tous autres,
- réduire le montant des frais de la saisie immobilière, eu égard au caractère modique de la créance,
- dire que l'émolument légal susceptible d'être exigé, ne peut excéder le montant du droit fixe visé à l'article 2 du décret du 22 avril 1960,
- en toute hypothèse, condamner le SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES DE LA [...] à la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, et le condamner aux entiers dépens.
Par dernières conclusions du 17 octobre 2013, le SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES DE LA VILLA CHARLES DE GAULLE A CHAMPIGNY-SUR-MARNE, intimé, demande à la Cour de :
- à titre principal, déclarer mal fondée Madame Carine DOS SANTOS en son appel et l'en débouter,
à titre subsidiaire :
- la déclarer débitrice avec Monsieur PINHEIRO de l'ensemble des dépens d'exécution tels que listés à l'article 695 du Code de procédure civile,
- la déclarer également débitrice avec Monsieur PINHEIRO de l'émolument de vente dû à l'avocat poursuivant en application de l'article 44 du décret du 2 avril 1960 d'après la taxe qui en sera faite dans les conditions des articles 700 et suivants du Code de procédure civile,
- condamner enfin Madame Carine DOS SANTOS à payer au SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, et mettre à sa charge les entiers dépens.
Ces conclusions ont été signifiées à Monsieur PINHEIRO FERREIRA le 23 octobre 2013.
Par dernières conclusions du 5 septembre 2013, la société CREDIT FONCIER DE FRANCE, intimée, demande à la cour de :
- donner acte au CREDIT FONCIER qu'il s'en rapporte à la Cour sur le mérite de l'appel de Madame DOS SANTOS,
- donner acte au CREDIT FONCIER qu'il se réserve la possibilité de demander la subrogation si le syndicat des copropriétaires ne vendait pas en vente forcée pour le cas où la Cour confirmerait le jugement du 27 juin 2013,
- condamner l'appelante en tous les dépens, ainsi qu'à payer au CREDIT FONCIER la somme de 1 000 euros en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile.
Sur l'assignation remise en l'étude de l'huissier, Monsieur PINHEIRO FERREIRA n'a pas constitué avocat.
SUR CE, LA COUR
Qui se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, à leurs écritures et au jugement déféré,
Considérant qu'il résulte des débats et des pièces produites que, le 13 septembre 2012, le syndicat des copropriétaires a fait délivrer un commandement de payer valant saisie immobilière à Monsieur PINHEIRO FERREIRA et Madame DOS SANTOS pour avoir paiement d'une somme de 3 157,79 euros, ce commandement ayant été publié le 7 novembre 2012 ; que, le 4 janvier 2013, le syndicat a fait assigner Monsieur PINHEIRO FERREIRA et Madame DOS SANTOS à l'audience d'orientation devant le juge de l'exécution de CRETEIL;
Considérant que le syndicat des copropriétaires ne conteste aucunement qu'à la date du 13 novembre 2012, Madame DOS SANTOS s'était entièrement acquitté des causes du jugement fondant la mesure de saisie immobilière comprenant les intérêts et les dépens afférents audit jugement, soit les frais d'assignation, le timbre, le droit de plaidoirie et les frais de signification en lui versant la somme totale de 4 060 euros ;
Qu'il estime cependant qu'il était justifié de poursuivre la procédure en délivrant assignation à l'audience d'orientation dès lors que :
- les frais relatifs à la saisie immobilière, qu'il qualifie de 'dépens d'exécution', d'un montant de 2 361,95 euros n'ont pas été réglés par les débiteurs, alors que ces frais seraient des accessoires du jugement au fond ne nécessitant, pour leur recouvrement par voie de saisie immobilière, aucun autre titre que ledit jugement,
- la sanction de caducité prévue par l'article R 311-11 du Code des procédures civiles d'exécution le contraignait à délivrer l'assignation dans les délais prescrits par l'article R 322-4 du même code ;
Considérant que, lorsque l'article R 322-18 du Code des procédures civiles d'exécution dispose que le jugement d'orientation doit mentionner le montant de la créance du créancier poursuivant, 'en principal, frais, intérêts et autres accessoires', ces frais ne comprennent jamais les frais taxables de la saisie immobilière ; qu'en effet, les textes spéciaux particuliers à cette procédure disposent du sort de ces frais ; qu'en particulier, lorsque la procédure est menée jusqu'à l'audience de vente, ces frais sont visés par les articles R322-24,R 322-27, R322-42 et R 322-58 du Code des procédures civiles d'exécution et sont à la charge soit de l'acquéreur amiable, soit de l'adjudicataire, soit, en cas de vente non requise, du créancier poursuivant ou, par décision spécialement motivée du juge, du débiteur ;
Qu'il s'ensuit qu'il ne peut être soutenu que le titre fondant la mesure de saisie immobilière soit celui qui permet de recouvrer les frais de vente en poursuivant à cette seule fin la vente judiciaire de l'immeuble, les dispositions susvisées s'opposant à une telle interprétation ; que le jugement sera donc infirmé en toutes ses dispositions ;
Qu'il convient cependant de déterminer, pour le cas où le créancier inscrit n'exercerait pas son droit de subrogation, qui doit supporter la charge de ces frais lorsque la saisie immobilière est interrompue avant l'audience de vente ;
Considérant à ce titre qu'aux termes de l'article L 111-8 du Code des procédures civiles d'exécution, les frais de l'exécution forcée sont à la charge des débiteurs sauf s'il est manifeste qu'ils n'étaient pas nécessaires au moment où ils ont été exposés ; qu'ainsi, lorsque la saisie immobilière n'est pas menée jusqu'à l'audience de vente, ces dispositions doivent trouver application ;
Qu'en l'espèce, s'il ne peut être reproché au syndicat des copropriétaires d'avoir engagé le 13 septembre 2012 la procédure de saisie immobilière, force est de constater que, à la date du 13 novembre 2012, peu après la publication du commandement, il n'était plus nécessaire d'en poursuivre les actes puisque les causes du jugement avaient été soldées ;
Que le syndicat fait cependant valoir que l'article R 322-4 lui imposait de délivrer l'assignation dans un certain délai, faute de quoi il encourait la sanction de caducité du commandement et souligne qu'au moment de la délivrance de l'assignation, le 4 janvier 2013, les débiteurs n'avaient réglé aucun des frais d'exécution engagés par lui, notamment antérieurement aux versements effectués par Madame DOS SANTOS, frais pourtant à leur charge ; qu'ainsi, si l'assignation délivrée le 4 janvier 2013 n'était pas objectivement 'nécessaire' vis-à-vis des débiteurs, puisque ces frais ne pouvaient être recouvrés contre eux par la poursuite de la procédure de saisie immobilière, elle n'encourt cependant pas l'annulation en ces circonstances, aucun vice de forme n'étant par ailleurs allégué ;
Qu'il s'ensuit que, sauf subrogation, les frais de cette assignation ainsi que ceux de tous les actes effectués postérieurement au paiement, considérés comme non nécessaires vis-à-vis des débiteurs au sens de l'article L111-8 précité, doivent rester à la charge du syndicat ;
Qu'ainsi, à l'examen de la demande de taxe, pièce 18 du syndicat, ne peuvent être mis à la charge de Monsieur PINHEIRO FERREIRA et de Madame DOS SANTOS les frais d'assignation et de dénonciation (85,43 + 87,06 + 17+17 +16 + 35 + 1,64 euros), ceux relatifs au dépôt le 9 janvier 2013 du cahier des conditions de vente (16 + 381,73), ainsi que les émoluments, à l'exception de ceux relatifs aux demandes d'état civil(9,83) de documents cadastraux (9,83), d'états hypothécaires (1,64) et d'urbanisme (49,16), le surplus restant à la charge du créancier, étant rappelé que seul est dû par les appelants le droit fixe prévu aux article 44 a) et 2 du décret du 2 avril 1960, le dépôt du cahier des conditions de vente étant considéré comme injustifié vis à vis d'eux; que, par ailleurs, la demande de réduction du coût de l'établissement des diagnostics du 7 novembre 2012 n'est pas justifiée et sera rejetée ;
Considérant qu'il est inutile de donner acte au CREDIT FONCIER DE FRANCE de ses intentions, cette demande n'ayant pas d'effets juridiques, étant rappelé qu'en cas de subrogation, les frais de vente devront être taxés par le juge de l'exécution selon les pratiques habituelles, les éléments ci-dessus ne s'entendant qu'en cas d'arrêt de la procédure ;
Considérant que les circonstances de la cause conduisent à ne faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile en faveur d'aucune des parties, les dépens de première instance et d'appel étant à la charge du syndicat des copropriétaires succombant au principal ;
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement et par défaut
INFIRME le jugement en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau,
REJETTE la demande de vente forcée ;
DIT QUE, sauf subrogation, les frais de l'assignation à l'audience d'orientation ainsi que ceux de tous les actes effectués postérieurement au paiement, ainsi que détaillés dans les motifs du présent arrêt, doivent rester à la charge du syndicat des copropriétaires de la [...], le surplus étant supporté par Monsieur José Carlos PINHEIRO FERREIRA et Madame Carine DOS SANTOS, au besoin les y condamne ;
REJETTE toute autre demande ;
CONDAMNE le syndicat des copropriétaires de la [...] aux dépens de première instance et d'appel qui pourront pour ces derniers être recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.