Cass. 3e civ., 3 novembre 2021, n° 20-19.115
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Teiller
Rapporteur :
M. Jessel
Avocats :
SCP Claire Leduc et Solange Vigand, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 16 décembre 2019), après expertise ordonnée en référé, M. [Y] a assigné M. et Mme [O], propriétaires voisins, en démolition d'un mur empiétant sur le terrain lui appartenant, en réalisation de travaux de remise en état destinés à remédier aux désordres occasionnés par le système d'évacuation des eaux usées et en indemnisation.
Examen des moyens
Sur les premier, deuxième et quatrième moyens, ci-après annexés
2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le troisième moyen, pris en ses deuxième et troisième branches
Enoncé du moyen
3. M. [Y] fait grief à l'arrêt de rejeter la demande au titre de la perte de chance de vendre la parcelle au prix de 150 000 euros en raison de la présence du système d'évacuation des eaux usées, alors :
« 2°/ que le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; que pour établir son préjudice, M. [Y] versait aux débats les lettres d'acquéreurs potentiels manifestant leur refus d'acquérir la parcelle AI [Cadastre 3] en raison de la présence du tuyau d'évacuation litigieux et notamment une lettre d'intention de M. [F] indiquant que « si les problèmes soulevés par l'installation d'un compteur et d'un regard d'évacuation de votre voisin ne trouvent pas de solution dans le mois à venir, je renoncerai à mon projet d'acquisition »; qu'en retenant, pour rejeter la demande en indemnisation formée par M. [Y], que « les attestations de témoins non conformes à l'article 202 du code de procédure civile tendant à prouver que ceux-ci ont renoncé à la vente en raison de la présence sur le lot 25 de ce tuyau d'évacuation ne sont pas suffisantes à établir la perte de chance alléguée », quand les pièces produites par M. [Y], en particulier la lettre d'intention de M. [F], n'étaient pas des attestations mais des lettres d'acquéreurs potentiels, par lesquelles ils manifestaient leur refus d'acquérir la parcelle AI [Cadastre 3] en raison de la présence du tuyau d'évacuation litigieux, la cour d'appel a dénaturé les pièces qui lui étaient soumises en violation du principe susvisé ;
3°/ que le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; que pour établir son préjudice, M. [Y] versait aux débats les lettres d'acquéreurs potentiels manifestant leur refus d'acquérir la parcelle AI [Cadastre 3] en raison de la présence du tuyau d'évacuation litigieux et notamment un courrier de rétractation de M. [C] qui justifiait son refus d'acquérir la parcelle AI [Cadastre 3] par le fait que la condition suspensive de l'enlèvement du tuyau d'évacuation n'était pas remplie ; qu'en retenant, pour rejeter la demande en indemnisation formée par M. [Y], que « les attestations de témoins non conformes à l'article 202 du code de procédure civile tendant à prouver que ceux-ci ont renoncé à la vente en raison de la présence sur le lot 25 de ce tuyau d'évacuation ne sont pas suffisantes à établir la perte de chance alléguée », quand les pièces produites par M. [Y], en particulier la lettre de rétractation de M. [C], n'étaient pas des attestations mais des lettres d'acquéreurs potentiels, par lesquelles ils manifestaient leur refus d'acquérir la parcelle AI [Cadastre 3] en raison de la présence du tuyau d'évacuation litigieux, la cour d'appel a dénaturé les pièces qui lui étaient soumises en violation du principe susvisé. »
Réponse de la Cour
Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis :
4. Pour rejeter la demande au titre de la perte de chance de vendre la parcelle au prix de 150 000 euros, en raison de la présence du système d'évacuation des eaux usées, l'arrêt retient que les attestations de témoins, non conformes à l'article 202 du code de procédure civile et tendant à prouver que ceux-ci ont renoncé à la vente en raison de la présence du tuyau d'évacuation, ne sont pas suffisantes à établir la perte de chance alléguée, la vente du bien ayant finalement été conclue au prix de 125 000 euros le 15 octobre 2014, sans que soit rapportée la preuve que cette opération n'a pas été faite au prix du marché.
5. En statuant ainsi, alors que les pièces produites ne constituaient pas des attestations, mais des lettres d'intention de candidats à l'acquisition déclarant renoncer, selon le cas, à la proposition d'achat à défaut de règlement du problème d'évacuation des eaux usées, ou au compromis de vente conclu pour un prix de 150 000 euros en raison de la défaillance de la condition qui y était stipulée, tenant à la suppression du système d'évacuation, la cour d'appel, qui en a dénaturé les termes clairs et précis, a violé le principe susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande au titre de la perte de chance de vendre la parcelle au prix de 150 000 euros en raison de la présence du système d'évacuation des eaux usées, l'arrêt rendu le 16 décembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Basse-Terre ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Basse-Terre autrement composée.