Cass. 1re civ., 18 janvier 2023, n° 19-10.111
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Duval-Arnould
Rapporteur :
Mme de Cabarrus
Avocat général :
Mme Mallet-Bricout
Avocats :
SCP Foussard et Froger, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy
Désistement partiel
1. Il est donné acte à M. [W] du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre Mme [X].
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Caen, 6 novembre 2018), rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 11 mai 2017, pourvoi n° 16-17.675), le 9 mars 2008, Mme [L] a acquis de M. [W] un véhicule d'occasion de marque Porsche. Le 30 novembre 2008, elle a échangé ce véhicule avec un autre appartenant à Mme [X].
3. Après avoir appris que le véhicule Porsche avait été gravement accidenté et obtenu en référé une expertise déposée le 25 août 2010, ayant conclu qu'un choc violent avait été subi par le véhicule en mai 2006, que les réparations n'avaient pas été réalisées dans les règles de l'art et que le véhicule était économiquement irréparable, Mme [X] a assigné en résolution de l'échange Mme [L].
4. Le 20 mars 2012, Mme [L] a appelé M. [W] en garantie des vices cachés.
5. Un jugement du 28 juillet 2014, confirmé par un arrêt du 22 mars 2016, a prononcé la résolution de la vente entre Mmes [L] et [X], condamné Mme [L] à indemniser Mme [X] et ordonné la restitution du véhicule Porsche à Mme [L].
6. A l'issue d'une cassation partielle de l'arrêt du 22 mars 2016, en ce qu'il avait rejeté la demande en garantie des vices cachés formée par Mme [L] contre M. [W], celle-ci a sollicité une réduction du prix de vente du véhicule Porsche. M. [W] a opposé des fins de non-recevoir tendant à voir déclarer irrecevable cette demande.
Examen des moyens
Sur les trois moyens réunis
Enoncé des moyens
7. Par son premier moyen, M. [W] fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à Mme [L] la somme de 21 799 euros à titre de restitution d'une partie du prix de vente du véhicule, alors « que les demandes nouvelles formulées en appel sont irrecevables ; qu'à titre d'exception, peuvent être formulées pour la première fois en appel, les demandes tendant aux mêmes fins que celles introduites devant les premiers juges ; que l'action en garantie dirigée, par le défendeur à une action en vice caché, contre de son propre vendeur n'a pas le même objet que l'action estimatoire qu'il peut intenter directement contre ce dernier ; qu'en décidant le contraire, pour décider que l'action estimatoire n'était pas nouvelle et donc recevable, la cour d'appel a violé les articles 564, 565 et 633 du code de procédure civile. »
8. Par son deuxième moyen, M. [W] fait le même grief à l'arrêt, alors :
« 1°/ que la cassation a pour seul effet de saisir la juridiction de renvoi, sous réserve d'une déclaration de saisine, du chef ayant donné lieu à censure ; qu'il est dès lors exclu qu'une partie abandonne la demande, devant la juridiction de renvoi, pour former une demande distincte de celle soumise aux premiers juges ayant donné lieu à cassation ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé les articles 623, 624, 625 et 631 du code de procédure civile ;
2°/ que s'il est vrai que devant la juridiction de renvoi, une partie peut formuler une demande nouvelle, sous réserve qu'elle soit recevable, c'est à la condition que l'auteur de cette demande reprenne la demande formulée devant la cour d'appel et qui été le siège de la cassation ; qu'à cet égard également, l'arrêt attaqué a été rendu en violation des articles 623, 624, 625 et 631 du code de procédure civile. »
9. Par son troisième moyen, M. [W] fait le même grief à l'arrêt, alors :
« 1°/ que la demande en réduction de prix fondée sur l'action estimatoire n'ayant été formée que le 4 janvier 2018, dans le cadre des conclusions déposées par Mme [L] devant la cour d'appel de Caen désignée comme juridiction de renvoi, cette demande devait être déclarée irrecevable comme prescrite, dès lors que Mme [L] a eu connaissance du vice à la date du 25 août 2010, le délai de deux ans qui lui était ouvert à compter de cette date étant largement expiré ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé l'article 1648 du code civil ;
2°/ qu'une assignation n'a d'effet interruptif qu'à l'égard de l'action qu'elle vise ; qu'ainsi l'effet interruptif attaché à l'assignation du mars 2012, en tant qu'elle tendait à obtenir la garantie de M. [W] à l'égard des condamnations susceptibles d'être prononcées au profit de Mme [X], ne pouvait interrompre le délai de prescription s'agissant de l'action estimatoire ouverte à Mme [L], dès le 25 août 2010, à l'encontre de M. [W], son vendeur ; qu'à cet égard encore, l'arrêt attaqué a été rendu en violation de l'article 1648 du code civil. »
Réponse de la Cour
10. En premier lieu, dès lors qu'il résulte de l'article 1644 du code civil qu'en cas de défaut de la chose vendue, l'acheteur a le choix entre l'action rédhibitoire et l'action estimatoire et peut, après avoir exercé l'une, exercer l'autre tant qu'il n'a pas été statué sur sa demande par une décision passée en force de chose jugée, les premier et troisième moyens, qui soutiennent que l'action estimatoire intentée par Mme [L] en appel, substituée à sa demande en garantie de la condamnation ayant accueilli l'action rédhibitoire de Mme [X], est une demande nouvelle qui ne tend pas aux même fins et qui est prescrite en l'absence d'interruption de la prescription par l'assignation du 20 mars 2012, sont inopérants.
11. En second lieu, contrairement aux énonciations du deuxième moyen, les dispositions des articles 623 et suivants du code de procédure civile ne soumettent pas, à l'issue de la cassation qui replace les parties dans l'état où elles se trouvaient avant la décision cassée, la recevabilité d'une demande nouvelle à d'autres règles que celles qui s'appliquaient devant la juridiction dont la décision a été cassée et n'imposent dès lors pas aux parties de reprendre les demandes formées devant cette juridiction.
12. Les moyens ne peuvent donc être accueillis.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [W] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [W] et le condamne à payer à Mme [L] la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit janvier deux mille vingt-trois.