Cass. com., 8 février 2005, n° 02-18.017
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Tricot
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 10 mai 2002), que la société Pétroles Shell (la société Shell) a donné en location-gérance une station-service à la société X... ; qu'un désaccord est né entre les parties après que la société X... eut vainement demandé à la société Shell de l'indemniser des pertes d'exploitation subies du fait d'une réduction de la clientèle ; que la société Shell, reprochant notamment à M. et Mme X..., cogérants de la société X..., d'avoir masqué les couleurs, le logo et la marque Shell pour vendre des carburants d'une autre provenance et d'avoir refusé de restituer les lieux à l'expiration du contrat malgré une décision de justice exécutoire par provision, a demandé que ceux-ci soient condamnés à lui payer des dommages-intérêts ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. et Mme X... font grief à l'arrêt de les avoir condamnés in solidum à payer à la société Shell la somme de 160 492,37 euros à titre de dommages-intérêts alors, selon le moyen :
1 ) que la responsabilité personnelle des dirigeants sociaux suppose qu'ils aient accompli une faute détachable de leurs fonctions et qui leur soit personnellement imputable ; que dès lors, en relevant, pour retenir leur responsabilité personnelle, que la société X... s'était engagée à ne pas porter atteinte à la marque Shell ni à revendre des produits commercialisés par une société concurrente de celle-ci et qu'en masquant les couleurs, le logo et la marque Shell pour les remplacer par l'image d'un kangourou ainsi qu'en commençant à distribuer du carburant acheté sur le marché libre, ils s'étaient ainsi résolument placés hors la loi du contrat, ce dont il résultait que les gérants, dans l'exercice de leur fonction de représentation de la société X..., avaient violé les engagements contractuels de celle-ci, la cour d'appel n'a pas caractérisé l'existence d'une faute personnelle extérieure à leur activité de gérant et partant a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;
2 ) que dans les rapports avec les tiers, le gérant est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société qui est engagée même par les actes du gérant qui ne relèvent pas de l'objet social ; que dès lors, en relevant, pour constater leur faute personnelle, qu'aucune disposition statutaire, ni aucune délibération sociale ne les autorisaient à accomplir des actes aussi contraires aux engagements contractuels souscrits par la société X..., ce qui n'établit pas pour autant que les actes ainsi accomplis aient été étrangers au pouvoir de représentation dont sont investis les gérants, agissant dans le cadre de l'intérêt de celle-ci, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à établir que les gérants aient ainsi agi en dehors de leurs attributions légales et partant privé sa décision de base légale au regard des articles 1382 du Code civil et L. 223-18 du Code de commerce ;
3 ) qu'ils soutenaient qu'ils avaient été contraints de poursuivre leur activité de vente de carburant en s'approvisionnant à d'autres sources par le fait que la société Shell avait refusé d'accorder à la société X... une aide financière et s'était soustraite à ses obligations de mandante qui l'obligeaient à indemniser le mandataire des pertes d'exploitation qu'il subissait ; qu'en ne répondant pas à ce moyen de nature à démontrer l'existence d'une faute contractuelle de la société Shell susceptible de les exonérer de leur responsabilité, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt relève qu'en masquant les couleurs, le logo et la marque Shell, en les remplaçant, tant sur la station que sur le tracé de l'autoroute, par l'image d'un kangourou et en commençant à distribuer du carburant acheté sur le marché libre pour leur propre compte, M. et Mme X... se sont résolument placés hors la loi du contrat et se sont purement et simplement approprié le fonds de commerce de la société Shell ; qu'en l'état de ces constatations, d'où il résulte que M. et Mme X... n'ayant pas agi en qualité de gérants de la société X..., les fautes commises par eux étaient séparables de leurs fonctions sociales, et abstraction faite du motif surabondant critiqué par la deuxième branche, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
Et attendu, en second lieu, que M. et Mme X... s'étant bornés à prétendre que l'attitude de la société Shell avait constitué une contrainte excluant qu'une faute puisse être retenue à leur encontre, la cour d'appel a, en retenant cette faute, répondu aux conclusions prétendument délaissées ;
D'où il suit que le moyen, qui ne peut être accueilli en sa deuxième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
Et sur le second moyen :
Attendu que M. et Mme X... font encore le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen, que l'indemnité d'occupation est due par un occupant sans droit ni titre ; que dès lors, en retenant, pour les condamner à payer la somme de 13 755,42 euros au titre de la privation du loyer, le calcul opéré par la société Shell et admis par l'expert qui incluait une indemnité d'occupation à partir du 1er février 1995, sans avoir constaté que le contrat de location-gérance avait pris fin à cette date, ce qui était contesté, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1382 du Code civil ;
Mais attendu que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain et sans se référer à l'indemnité d'occupation dont fait état le moyen que la cour d'appel a apprécié l'étendue du préjudice subi par la société Shell du fait de la privation du loyer ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.