Cass. com., 29 mars 2017, n° 16-10.016
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Avocats :
SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin
Attendu, selon les arrêts attaqués (Montpellier, 25 novembre 2014 et 3 novembre 2015), que la société par actions simplifiées La Compagnie du vent (la société LCV) est détenue à 41 % par la Société de participation dans les énergies renouvelables (la Soper) et à 59 % par la société Castelnou Energia, filiale de la société Engie, anciennement dénommée GDF-Suez ; que les relations entre les deux actionnaires sont régies par un pacte établi le 29 novembre 2007 ; que M. [R], président de la société LCV, a soumis au vote de l'assemblée générale de celle-ci un projet d'accord de collaboration entre la société LCV et la société GDF-Suez, prévoyant notamment le transfert, contre rémunération, des études préalables afférentes à un projet d'implantation d'éoliennes ; que cet accord de collaboration a été voté lors d'une assemblée générale de la société LCV du 22 juillet 2011 ; qu'exerçant l'action sociale en responsabilité au profit de la société LCV, la Soper a assigné M. [R] et la société GDF-Suez en paiement de dommages-intérêts pour fautes de gestion, l'un en sa qualité de dirigeant de droit de la société LCV, l'autre en sa qualité de dirigeant de fait ;
Sur le pourvoi, en ce qu'il attaque l'arrêt du 25 novembre 2014 :
Attendu qu'aucun grief n'étant formulé contre cet arrêt, il y a lieu de constater la déchéance du pourvoi ;
Sur le pourvoi, en ce qu'il attaque l'arrêt du 3 novembre 2015 :
Sur le deuxième moyen, pris en ses quatrième à huitième branches :
Attendu que la Soper fait grief à l'arrêt de dire irrecevable l'action sociale en responsabilité engagée par elle contre la société Gdf-Suez alors, selon le moyen :
1°/ que tout préjudice fautivement causé à une personne morale, notamment par un dirigeant de fait, fait naître au profit de celle-ci un droit à réparation et, à tout le moins, une espérance légitime de voir constater judiciairement sa créance indemnitaire, laquelle s'analyse dès lors en une valeur patrimoniale assimilable à un bien ; qu'en retenant au contraire que la « prétendue créance indemnitaire d'une personne morale contre un dirigeant » ne serait pas assimilable à un bien, la cour d'appel a violé l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
2°/ qu'en l'absence d'exercice de l'action sociale par le représentant légal de la personne morale lésée, la fermeture de l'action sociale ut singuli contre le dirigeant de fait est une atteinte au droit de propriété de ladite personne morale sur sa créance indemnitaire ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
3°/ que la qualité de dirigeant de fait n'est pas une condition de recevabilité de l'action en responsabilité civile engagée par un associé minoritaire à l'encontre d'un associé majoritaire, mais une condition de son bien-fondé ; qu'en énonçant, pour déclarer irrecevable l'action en responsabilité civile engagée par Soper, associée minoritaire de LCV, à l'encontre de Gdf-Suez, associée majoritaire, que Soper n'apportait pas la démonstration de la qualité de dirigeant de fait de Gdf-Suez, quant cette preuve n'était pas une condition de recevabilité de ladite action, la cour d'appel a violé les articles 30, 31 et 32 du code de procédure civile ;
4°/ qu'en se bornant à affirmer que les pièces versées aux débats ne permettaient pas de prouver que Gdf-Suez avait eu la qualité de dirigeant de fait de LCV, sans aucunement expliciter son éventuelle analyse desdites pièces et, en particulier, sans rechercher, comme l'y avait invitée Soper, si Gdf-Suez ne s'était pas fortement immiscée dans la gestion de LCV en intervenant, non seulement par l'intermédiaire de son préposé, mais également de manière directe, dans l'élaboration de business plans, dans la détermination des honoraires du mandataire chargé en 2011 de représenter Soper lors de l'assemblée générale devant se prononcer sur l'accord de collaboration de LCV et de Gdf-Suez et, via son comité des engagements de la branche Energie France, dans le choix des projets de LCV, la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle de qualification, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 225-252 et L. 227-8 du code de commerce et des articles 1382 et 1383 du code civil ;
5°/ qu'en retenant que la qualité de dirigeant de fait de Gdf-Suez ne pouvait être déduite de la circonstance que M. [R], nouveau président de LCV, était salarié d'une filiale de Gdf-Suez, la cour d'appel a statué par un motif d'ordre général et privé de plus fort sa décision de base légale au regard des articles L. 225-252 et L. 227-8 du code de commerce et des articles 1382 et 1383 du code civil ;
Mais attendu que si l'action sociale en responsabilité ne peut être exercée que contre les dirigeants de droit d'une société par actions simplifiée, celle-ci peut agir en responsabilité contre son gérant de fait, soit directement par ses représentants légaux, soit par l'intermédiaire d'un mandataire ad hoc dont la désignation peut être demandée en justice par un actionnaire ; que c'est donc sans méconnaître les dispositions de l'article 1er du protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que la cour d'appel a retenu que le refus d'application de l'action sociale ut singuli aux dirigeants de fait ne conduit pas à priver la personne morale de son droit d'agir en justice en vue de faire constater sa créance indemnitaire à raison des fautes de gestion et n'a donc pas pour objet ni pour effet d'entraîner la privation de son droit de propriété ; que le moyen, inopérant en ses quatrième, sixième, septième et huitième branches qui critiquent des motifs surabondants, n'est pas fondé pour le surplus ;
Et sur le troisième moyen, pris en sa troisième branche :
Attendu que la Soper fait grief à l'arrêt de la condamner à payer des dommages-intérêts pour procédure abusive à M. [R] alors, selon le moyen, que ne procède pas d'une attitude malveillante et ne correspond pas à une entreprise de dénigrement systématique l'exercice, par un justiciable, de toutes les voies de droit mises à sa disposition pour obtenir, sur un point de droit précis, une évolution jurisprudentielle pouvant se recommander d'arguments sérieux et, en particulier, recommandée par la doctrine ; qu'en affirmant que les moyens soutenus et les procédures engagées par Soper, dont une question prioritaire de constitutionnalité, procédaient d'une attitude malveillante à l'égard de M. [R], dirigeant de droit de Lcv, en ce qu'ils auraient en réalité tenté d'atteindre Gdf-Suez et auraient correspondu à une entreprise de dénigrement systématique, cependant que ces actions s'inscrivaient dans une démarche procédurale cohérente, visant à obtenir une évolution de la jurisprudence en vue de la recevabilité de l'action sociale exercée ut singuli par un associé en vue de la condamnation in solidum du dirigeant de droit et du dirigeant de fait à réparer le préjudice social, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;
Mais attendu que l'arrêt retient, d'abord, que l'action lancée contre M. [R] vise en réalité la société GDF-Suez, ainsi que l'attestent les prétendus griefs invoqués contre le dirigeant de la société LCV, mais qui concernent essentiellement l'actionnaire GDF-Suez, et les divers moyens et procédures vainement soutenus et initiés par la Soper pour tenter d'atteindre la société GDF-Suez ; qu'il retient, ensuite, que cette multiplicité de procédures et de moyens procède d'une attitude malveillante de la part de la Soper qui, à travers la mise en cause de M. [R], poursuit les nombreux contentieux l'opposant à l'actionnaire majoritaire ; qu'il retient, encore, que cette attitude était systématiquement critique envers M. [R], qui a été instrumentalisé dans le cadre d'une instance judiciaire qui ne le concernait pas et qui s'inscrivait dans une entreprise de dénigrement systématique du dirigeant de la société LCV par la Soper ayant pour conséquence de le décrédibiliser ; que de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a pu déduire que le caractère malveillant de l'action poursuivie contre M. [R] justifiait l'octroi de dommages-intérêts ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les premier moyen, deuxième moyen, pris en ses trois premières branches, et troisième moyen, pris en ses première et deuxième branches, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
CONSTATE LA DECHEANCE du pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt du 25 novembre 2014 ;
REJETTE le pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt du 3 novembre 2015.