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Décisions

CA Basse-Terre, 1re ch. civ., 26 avril 2010, n° 06/01376

BASSE-TERRE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

VALMORIN, VALMORIN (consorts)

Défendeur :

LAPOUSSIN

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Jean-Luc POISOT

Conseillers :

Mme Marie-Hélène CABANNES, Mme Claire PRIGENT

Avocats :

SCP MORTON, Me Marie-Pierre SAGET-JOLIVIERE

Basse-terre, du 13 fév. 2003

13 février 2003

Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées Signé par M. Jean- Luc POISOT, président de chambre, et par Mme Murielle LOYSON, adjointe administrative faisant fonction de greffière, serment préalablement prêté, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

Par acte passé devant un notaire de la SCP R et D Beaubrun le 22 janvier 1993, M. Valmorin a cédé à M. et Mme Lapoussin le lot n° 14 du plan de division parcellaire, cadastré sous les références section AD n° 643, au lieudit [...], d'une contenance de 967 m2.

Par acte d'huissier de justice du 23 août 1999, M. Valmorin a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Basse-Terre M. Lapoussin en demandant à cette juridiction, aux termes de ses dernières conclusions, de :

condamner M. Lapoussin condamner au paiement de la somme de 55 500 francs avec les intérêts au taux légal à compter de la présente assignation et ce au titre du solde du prix de vente de l'immeuble sis à Baillif

condamner M. Lapoussin au paiement des sommes de :
50 000 F avec les intérêts au taux légal à compter de la présente assignation et ce au titre de la reconnaissance de dette du 3 juillet 1992 37 500 F représentant le montant de la TVA réglée par lui avec les intérêts au taux légal à compter la présente assignation
4 000 F représentant le montant de l'apport personnel avec les intérêts au taux légal à compter de la présente assignation
10 000 F par application de l'article 700 du code de procédure civile
le condamner à payer les dépens, à recouvrer conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

M. Lapoussin a, pour sa part, demandé au tribunal de :

dire et juger que le prix d'acquisition du terrain surmonté d'une villa inachevée constituant le lot n°14 du plan de division parcellaire cadastré sous les relations section AD n° 643 au lieudit Chaulet d'une contenance de 967 m2 suivant acte notarié du 22 janvier 1993 est de 500 000 F

juger que M. Valmorin n'a pas satisfait aux prescriptions de l'article 1601-1 et 1603-3 du codecivil

à titre reconventionnel
constater que M. Lapoussin s'est acquitté de la somme de 631 125 F
condamner M. Valmorin à lui verser la somme de 131 125 F
condamner le même au paiement de la somme de 50 000 F pour procédure abusive
condamner M. Valmorin au paiement de la somme de 7 000 F sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile condamner M. Valmorin aux dépens.

Par jugement du 13 février 2003, le tribunal de grande instance a :

dit que la vente par les époux Valmorin aux époux Lapoussin de l'immeuble sis à [...], section AD n° 463, a été consentie moyennant le prix de 76 224,50 € (500 000 F)

condamné M. Lapoussin à payer à M. Valmorin la somme de 5 716,83 € (37 500 F) en remboursement de la TVA condamné M. Valmorin à rembourser à M. Lapoussin la somme de 19 989, 88 € en remboursement de l'indu
dit qu'il y a compensation entre ces dettes réciproques
en conséquence, condamné M. Valmorin à payer à M. Lapoussin la somme de 14 273,05 €

débouté M. Lapoussin de sa demande de dommages et intérêts
dit n y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile condamné M. Valmorin aux dépens.

M. Valmorin a interjeté appel de cette décision par déclaration enregistrée au greffe de la cour d'appel le 24 mars 2003.
L'affaire radiée le 5 février 2004 a été rétablie par ordonnance du 7 août 2006.
Par conclusions du 13 novembre 2009, les consorts Valmorin, qui ont repris l'instance après le décès de l'appelant, demandent à la cour de :

constater qu'ils rapportent la preuve, par un acte de prêt en la forme authentique du même jour que l'acte authentique de vente, par une offre préalable de prêt émise par le Crédit Agricole, par une promesse de vente, que le prix stipulé dans l'acte authentique de vente ne correspond pas à l'accord des parties

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constater l'accord des parties pour un prix de 650 000 F ou subsidiairement 600 000 F

constater que M. Lapoussin n'a payé à M. Valmorin que la somme de 582 000 F

constater que M. Valmorin a payé 37 500 F, soit 5 716,84 €, au titre de la TVA afférente à l'acte de vente

en conséquence,

confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné M. Lapoussin à payer la somme 5 716, 84 € à titre de remboursement de TVA

infirmer le jugement entrepris en ses autres dispositions

statuant à nouveau,

condamner M. Lapoussin à payer aux consorts Valmorin à titre de solde du prix

la somme de (650 000 - 582 000 = 68 000 F) soit 10 366,53 €

ou subsidiairement (600 000- 582 000 = 18 000 F) 2 744,08 €

condamner M. Lapoussin à payer aux consorts Valmorin la somme de 4 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens qui seront recouvrés par la SCP Morton et associés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

M. Lapoussin, par conclusions déposées le 24 juin 2009, demande à la cour de :

constater la reprise d'instance initiée par Michel Valmorin par ses héritiers Mmes Jeanne Valmorin, Dominique Valmorin et M. Jean-Michel Valmorin en application des dispositions du code de procédure civile

confirmer le jugement rendu le 13 février 2003 en ce qu'il a :

dit que la vente par les époux Valmorin aux époux Lapoussin de l'immeuble sis à Baillif, lieudit Chaulet section AD n° 463, a été consentie moyennant le prix de 76 224,50 € (500 000 F)

condamné Michel Valmorin à lui rembourser la somme de 19 989,88 € en remboursement de l'indu

subsidiairement ;

annuler la promesse de vente du 13 août 1992 en ce qu'elle constitue une contre-lettre sur le fondement de l'article 1840 du code général des impôts

dire et juger que le prix d'acquisition du terrain surmonté d'une villa inachevée constituant le lot n° 14 du plan de division parcellaire cadastré sous les relations section AD n° 643 au lieudit Chaulet d'une contenance de 967 m2 suivant acte notarié du 22 janvier 1993 est de 76 224,50 € (500 000,00 F)

juger que M. Valmorin n'a pas satisfait aux prescriptions de l'article 1601-1 et 1601-3 du code civil
condamner M. Valmorin à rembourser la somme de 19 989,88 € en remboursement de l'indu sur le fondement de l'article 1377 alinéa 1er du code civil réformer ledit jugement pour le surplus et statuant de nouveau,
dire que la demande de remboursement de la somme de 5 716,83 € (37 500 F) au titre de la TVA n'est pas fondée
condamnner M. Valmorin à lui verser la somme de 8 000 € pour procédure abusive
condamner M. Valmorin au paiement de la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile
condamner le même au paiement des entiers dépens par distraction au profit de Me Marie-Pierre Saget-Joliviere.

MOTIFS :

Attendu que M. Valmorin et M. Lapoussin ont conclu le 13 août 1992 une promesse synallagmatique de vente d'un terrain de 967 m2, situé à Baillif lieudit Chaulet et cadastré section AD n° 463, et d'une construction édifiée sur ce terrain pour un prix de 600 000 F ;

Qu'antérieurement les mêmes parties avaient signé un acte sous seing privé le 3 juillet 1992 précisant que le prix de vente convenu serait de 650 000 F mais que pour des raisons personnelles de la part de l'acheteur, il serait mentionné seulement 600 000 F ;

Attendu que le 22 janvier 1993, il a été établi devant le notaire Daniel Beaubrun un acte de vente de ce bien immobilier pour un prix de 500 000 F ;

Attendu que les ayants droit de vendeur, qui contestent le montant du prix mentionné dans l'acte authentique, soutiennent que le prix à retenir est en réalité celui de 650 000 F fixé initialement par l'acte sous seing privé du 3 juillet 1992, ou à défaut celui de 600 000 F, tel qu'indiqué dans la promesse de vente du 13 août 1992 dès lors que la vente était parfaite aux conditions stipulées dans cet acte ;

Attendu que si l'article 1589 du code civil pose comme principe que la promesse réciproque de vente vaut vente lorsqu'il y a consentement réciproque des deux parties sur la chose et sur le prix, les contractants sont cependant libres de s'en affranchir en décidant de faire de la réitération en la forme authentique de la promesse synallagmatique, non pas un terme suspensif à l'issue duquel se réalisera le transfert de propriété assorti du paiement du prix, mais une condition de formation de la vente et un élément constitutif de leur consentement ;

Attendu que tel est le cas en l'occurrence dès lors qu'il résulte de la mention indiquant que la vente, 'si elle se réalise, sera consentie et acceptée moyennant le prix global de 600 000 F hors taxes' que les signataires considéraient qu'ils n'étaient pas liés par une vente définitivement conclue et que leur consentement devait être réitéré et consacré par la signature de l'acte authentique de l'acte du 13 août 1992 ;

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Qu'il en résulte que l'obligation de paiement par l'acheteur d'un prix déterminé doit être appréciée au regard des mentions de l'acte authentique, qui seul consacre la vente et le transfert de propriété, et non pas de celles de la promesse de vente qui comporte des obligations susceptibles d'être modifiées lors de la signature de l'acte de vente ;

Qu'ainsi, en l'absence de vente parfaite consacrée par la promesse de vente, les ayants droit du vendeur ne sauraient faire prévaloir sur le prix de 500 000 F mentionné par l'acte authentique celui de 650 000 F fixé antérieurement par l'acte sous seing privé du 13 août 1992, ni a fortiori celui de 600 000 F indiqué dans celui du 3 juillet 1992 ;

Attendu que, lors de vente passée devant le notaire, les parties qui n'étaient pas liées par un prix de vente définitivement arrêté, avaient donc la faculté de convenir d'un prix inférieur ;

Attendu que la mention de l'acte notarié indiquant, en page 3, que le prix de vente est de 500 000 F et que l'ancien prix était de '625 000 F' établit que les parties ont fait usage de cette faculté ;

Attendu que l'acquéreur qui affirme que la vente avait été envisagée initialement dans le cadre de la réglementation sur les ventes d'immeubles en l'état futur d'achèvement, explique cette la réduction du prix par l'inachèvement de la construction de la maison et l'incapacité du vendeur à mener à son terme cette opération ;

Attendu que l'acte confirme ses dires sur ce point dès lors qu'il fait état de la vente d'une maison 'inachevée' ou 'en voie d'achèvement', 'dans son état actuel, sans réserve et sans garantie tant du bon ou du mauvais état des constructions, et que cette mention contredit celles indiquant au chapitre 'Charges et conditions' que 'la présente vente en état futur d'achèvement est faite sous les charges et conditions ordinaires et de droit en pareille matière' et que l'acquéreur 'deviendra propriétaire des ouvrages à venir pour l'achèvement de l'immeuble, au fur et à mesure de leur exécution' ;

Attendu que, dès lors qu'en dépit de ses mentions qui subsistent sans raison dans l'acte, l'immeuble a été vendu sans être achevé et sans engagement d'achèvement de la part du vendeur, il était donc logique que les parties conviennent de réduire le prix initialement fixé à '625 000 F' ;

Attendu que la demande en paiement d'un rappel de prix ne serait fondée que si les ayants droit du vendeur étaient en mesure de rapporter la preuve que leur auteur a fait procéder, après la vente, aux travaux d'achèvement et de finition de la maison, ce qui n'est ni établi, ni même allégué par les intéressés, l'acquéreur produisant, au contraire, des justificatifs et attestations prouvant que ces travaux ont été faits à son initiative et à sa charge ;

Attendu que le fait que la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de la Guadeloupe a consenti un prêt en rapport avec une opération d'un montant total de 631 125 F et qu'il soit fait mention de cette somme dans l'acte de prêt passé en la forme authentique n'est pas de nature à infirmer l'indication dans l'acte de vente d'un prix de 500 000 F dès lors que l'offre préalable relative à ce prêt, qui prévoit une mise à disposition des fonds prêtés suivant l'avancement des travaux, révèle que la somme de 631 125 F était accordée pour la réalisation de la totalité des travaux construction et d'achèvement de la maison d'habitation ;

Attendu que l'acte notarié concernant le prêt de la SODEGA qui a été signé par certaines parties avant la vente, le 28 septembre et le 12 octobre 1993, fait également référence à un 'programme d'investissement dont le total a été évalué à 626 125 F' qui s'applique à la construction d'une maison en état d'achèvement ;

Que, dès lors qu'elles concernent une opération de construction complète et achevée d'un immeuble, ces références dans les actes de prêt authentique sont sans rapport avec le prix indiqué dans l'acte de vente qui correspond à un immeuble vendu sans être achevé ;

Attendu qu'il convient ainsi de confirmer le jugement en ce qu'il a retenu l'existence d'un accord de volonté des parties pour réduire le prix à 500 000 F (76 224, 50 €) et constaté l'existence d'un trop payé de 19 989, 88 € à restituer à l'acquéreur ;

Attendu que, dès lors qu'il est justifié que le notaire a prélevé sur les fonds versés au vendeur une somme de 5 716, 83 €, correspondant au coût de la TVA sur le prix de 500 000 €, qui devait être à la charge de l'acquéreur qui ne le conteste pas, il y a lieu de confirmer le jugement condamnant celui-ci à payer cette somme aux ayants droit du vendeur, peu important qu'il ne soit pas établi avec certitude qu'elle ait été versée au Trésor public ;

Attendu que la demande en paiement de dommages et intérêts formée par M. Lapoussin sera rejetée dès lors que le rejet des prétentions de M. Valmorin est insuffisant pour conférer à la procédure un caractère abusif et que l'acquéreur qui a accepté d'acheter une maison inachevée à un prix réduit ne peut se faire un grief du défaut de délivrance du certificat de conformité ;

PAR CES MOTIFS La cour,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement du 13 février 2003

Et y ajoutant ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes des parties

Condamne ensemble les ayants droit de Michel Valmorin aux dépens à distraire conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.