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Décisions

Cass. crim., 29 novembre 2000, n° 99-85.058

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cotte

Rapporteur :

M. Roger

Avocat général :

M. Launay

Avocat :

SCP Guiguet, Bachellier et Potier de la Varde

Besançon, ch. corr., du 29 juin 1999

29 juin 1999

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Jean-Claude,

- Y... Raymond,

contre l'arrêt de la cour d'appel de BESANCON, chambre correctionnelle, en date du 29 juin 1999, qui, pour présentation de comptes annuels infidèles et escroquerie, les a condamnés, chacun, à 20 000 francs d'amende et a statué sur les intérêts civils ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 425-3 de la loi du 24 juillet 1966, 111-4 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jean-Claude X... et Raymond Y... coupables de présentation de bilan inexact ;

"aux motifs qu'il résulte des éléments recueillis par l'enquête diligentée à la suite de la plainte déposée par la société AGRI-CONSEIL que 9 factures reçues par la société SOFAC au cours de l'année 1991, représentant un montant total de 325 121,65 francs, n'avaient pas été portées au passif de la société SOFAC ; que les contestations émise par Jean-Claude X... à l'encontre du montant de 4 de ces factures, établies par la société Y... pour la location d'épandeurs sur un nouveau mode de calcul, ne pouvaient l'autoriser à ne pas les transmettre à son expert comptable lors de l'établissement du bilan de l'année dans lequel elles auraient dû figurer soit à titre provisionnel au moins pour le montant admis par Jean-Claude X..., dès lors qu'elles correspondaient à des prestations fournies et dues ; que le fait que le tribunal de commerce ait, par décision ultérieure et après liquidation de la société SOFAC, débouté Raymond Y... de sa demande en paiement formée à l'encontre de Jean-Claude X... est sur ce point sans incidence et ce d'autant que suivant convention conclue le 21 octobre 1991, Raymond Y... en a obtenu paiement de la SOFAC par compensation avec la garantie de passif à laquelle il était tenu ; que l'importance des factures non portées à la connaissance de l'expert comptable par Jean-Claude X... au moment de l'établissement du bilan, dont le montant total est proche de celui du passif déclaré, a nécessairement empêché ce document de fournir une image fidèle des résultats de la société et de sa réelle situation financière ; que, dès lors, c'est à juste titre que le premier juge a déclaré Jean-Claude X... coupable du délit de présentation de bilan inexact ; qu'en ce qui concerne Raymond Y..., il était personnellement tenu en sa qualité de co-gérant de présenter un bilan de la société exact et ne peut soutenir avoir ignoré le défaut de prise en compte dans le bilan 1991 de la société SOFAC des factures les plus importantes alors qu'elles avaient été établies par sa propre société ; que la décision du tribunal retenant sa culpabilité pour ce chef de prévention doit donc être confirmée ;

"alors que le délit prévu et réprimé par l'article 425-3 de la loi du 24 juillet 1966 suppose, pour être constitué, que les comptes annuels ne donnant pas une image fidèle du résultat des opérations de l'exercice aient été présentés aux associés ; qu'en déclarant Jean-Claude X... et Raymond Y..., en leur qualité de co-gérants de la société SOFAC, coupables de ce délit sans qu'il résulte de ses constatations, non plus que de celles du jugement qu'elle confirme, que le bilan clos au 31 décembre 1991, qu'elle a estimé inexact, aurait été présenté aux associés de la SARL SOFAC à l'occasion de l'approbation annuelle des comptes, la cour d'appel a entaché sa décision d'une insuffisance de motifs" ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit dont elle a déclaré les prévenus coupables ;

D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 405 ancien du Code pénal, 313-1 du même Code, 459, 515 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, défaut de réponse à conclusions, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jean-Claude X... et Raymond Y... coupables d'escroquerie ;

"aux motifs que le défaut de comptabilisation d'une partie des factures présentées à la société SOFAC, dans son bilan clos au 31 décembre 1991, a été commis concomitamment aux pourparlers engagés sur la cession de la société ; que l'inexactitude du bilan présenté a eu pour effet, par la minoration du passif, de donner à la société acquéreur AGRI-CONSEIL une image de la société cédée non fidèle à la réalité et de nature à influencer son engagement de se porter acquéreur ; que l'existence d'une garantie de passif due par les anciens associés n'est pas de nature à exclure la tromperie commise à l'égard de l'acquéreur qui, même s'il obtient ultérieurement remboursement du passif caché, a été amené à s'engager sur la base de données financières fausses susceptibles de l'induire en erreur sur les perspectives futures de la société ; qu'en conséquence, en établissant au moment de la vente de la société SOFAC, un bilan inexact, les prévenus ont commis à l'égard de la société AGRI-CONSEIL une manoeuvre frauduleuse déterminante de son engagement de s'en porter acquéreur et constitutive du délit d'escroquerie ;

1°) "alors que l'insuffisance comme le caractère hypothétique des motifs équivaut à leur absence ; qu'en se bornant à retenir, pour déclarer Jean-Claude X... et Raymond Y... coupables d'escroquerie, que la présentation du bilan 1991, qui minorait une partie du passif, était susceptible d'avoir déterminé la société AGRI-CONSEIL à s'engager à acquérir les parts de la société SOFAC, la cour d'appel, qui n'a ainsi pas constaté en des termes non hypothétiques que la présentation de ce bilan aurait été effectivement déterminante du consentement de la société AGRI-CONSEIL, a privé sa décision de motifs ;

2°) "alors que Raymond Y... et Jean-Claude X... faisaient valoir dans leurs conclusions d'appel que c'était la société AGRI-CONSEIL, qui entendait diversifier ses activités, qui avait pris l'initiative d'engager des pourparlers en vue de l'acquisition de la quasi-totalité des parts sociales de la société SOFAC sans que la situation financière de cette société, dont elle attribuait les résultats déficitaires à Jean-Claude X..., qui, selon elle, n'avait pas su appréhender le marché agricole et disposer d'une structure de clientèle adéquate, ait eu une quelconque incidence sur sa décision ; qu'en affirmant que la présentation d'un passif minoré lors des négociations était susceptible d'avoir déterminé la société AGRI-CONSEIL à s'engager à acquérir la société SOFAC sans réfuter ce moyen péremptoire de défense tiré de l'absence d'influence des résultats de la société SOFAC sur la décision d'ores et déjà arrêtée de la société AGRI-CONSEIL de se porter acquéreur, la cour d'appel a de nouveau privé sa décision de motifs ;

3°) "alors, en tout état de cause, que le délit d'escroquerie suppose la volonté de tromper autrui ; qu'en se bornant à retenir, pour déclarer Jean-Claude X... et Raymond Y... coupables de ce délit, qu'ils avaient établi au moment de la vente un bilan qui ne comptabilisait pas une partie des factures présentées à la société SOFAC, sans constater que cette omission aurait été destinée à déterminer la société AGRI-CONSEIL à se porter acquéreur, la cour d'appel, qui constatait par ailleurs que Jean-Claude X... et Raymond Y... s'étaient engagés auprès de la société AGRI-CONSEIL à garantir le passif de la société cédée et donc à assumer les conséquences d'une éventuelle présentation minorée du passif lors des pourparlers, ce qui excluait qu'ils aient pu sous-estimer celui-ci de mauvaise foi, n'a pas donné une base légale à sa décision" ;

Attendu que, pour condamner du chef d'escroquerie Jean-Claude X... et Raymond Y..., co-gérants de la SOFAC, la cour d'appel relève, par motifs propres et adoptés, que le défaut de comptabilisation d'une partie des factures présentées à cette société, dans son bilan clos au 31 décembre 1991, est concomitant aux pourparlers engagés avec la société AGRI-CONSEIL, acquéreur potentiel de la majorité des parts sociales ; que l'existence d'une garantie de passif due par les anciens associés n'est pas de nature à exclure la tromperie commise à l'égard de l'acquéreur qui s'est engagé sur la base de données financières fausses, susceptibles de l'induire en erreur sur les perspectives futures de la société et qu'en conséquence, en établissant, au moment de la vente des parts, un bilan délibérément tronqué, les prévenus ont commis à l'égard de la société AGRI-CONSEIL, une manoeuvre frauduleuse déterminante de son engagement à s'en porter acquéreur ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, procédant de son appréciation souveraine dont se déduit l'intention des prévenus de tromper leur co-contractant, l'arrêt n'encourt pas les griefs allégués ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 5, 385, 459 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la fin de non-recevoir soulevée par les prévenus et tirée de l'article 5 du Code de procédure pénale et a reçu la société AGRI-CONSEIL en sa constitution de partie civile ;

"aux motifs que la fin de non-recevoir tirée de l'article 5 du Code de procédure pénale doit être soulevée, conformément à l'article 385 du Code de procédure pénale, avant toute défense au fond ; que, faute d'avoir été soulevée devant le tribunal, elle ne peut être accueillie devant la Cour ;

"alors que Raymond Y... faisait expressément valoir, dans les conclusions qu'il avait déposées devant le tribunal correctionnel de Besançon, visées par le greffe et par le président de cette juridiction le 6 mai 1998, et donc avant toute défense au fond, que la constitution de partie civile de la société AGRI-CONSEIL était irrecevable, dès lors que cette société avait d'abord opté pour la voie civile puisqu'elle avait saisi le tribunal de commerce de Besançon d'une action en résolution de la vente des parts de la société SOFAC antérieurement à l'ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel ; que, dès lors, en affirmant que les prévenus se prévalaient pour la première fois devant elle de l'exception de non-recevoir tirée de la règle electa una via, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision" ;

Attendu que, pour rejeter la fin de non-recevoir soulevée par les prévenus, la cour d'appel se détermine par les motifs repris au moyen ;

Attendu qu'en cet état, elle a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois.