CSA, 2 octobre 2019, n° 2019-08
CONSEIL SUPÉRIEUR DE L'AUDIOVISUEL (DEVENU L'ARCOM)
Avis
demande de mesures conservatoires et à une saisine de l’Autorité de la concurrence par Molotov concernant des pratiques mises en œuvre par les groupes TF1 et M6 qui seraient contraires aux articles L. 420-1, L. 420-2 du code de commerce, 101 et 102 du TFUE
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Maistre
Les informations couvertes par le secret d'affaires figurent entre crochets et sont remplacées par des points de suspension.
Le Conseil supérieur de l’audiovisuel,
Vu le code de commerce, notamment son article R. 463-9 ;
Vu la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 modifiée relative à la liberté de communication ;
Vu le courrier du 23 août 2019 de l’Autorité de la concurrence invitant le Conseil supérieur de l’audiovisuel à formuler ses observations sur la demande de mesures conservatoires dans le cadre de la saisine de l’Autorité de la concurrence par Molotov relative à des pratiques mises en œuvre par TF1 et M6 contraires aux articles L. 420-1, L. 420-2 du code de commerce, 101 et 102 du TFUE ;
Vu les demandes d’informations du Conseil supérieur de l’audiovisuel à la société Molotov et aux groupes TF1, M6 et NRJ envoyées en date du 2 et 3 septembre 2019 ;
Vu les réponses du 9 septembre 2019 de la société Molotov et du groupe TF1, du 12 septembre 2019 du groupe M6, et du 13 septembre 2019 du groupe NRJ ;
Vu la demande d’informations complémentaires du Conseil supérieur de l’audiovisuel à la société Molotov envoyée en date du 23 septembre 2019 ;
Vu la réponse de la société Molotov du 24 septembre 2019 ; Vu les autres pièces du dossier ;
Après en avoir délibéré, Émet l’avis suivant :
Synthèse
Par courrier en date du 23 août 2019, l’Autorité de la concurrence a invité le Conseil supérieur de l’audiovisuel à formuler des observations sur la demande de mesures conservatoires introduite par Molotov dans le cadre de la saisine de l’Autorité de la concurrence relative à des pratiques mises en œuvre par les groupes TF1 et M6 qui seraient contraires aux articles L. 420-1 et L. 420-2 du code de commerce et aux articles 101 et 102 du TFUE.
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La saisine de l’Autorité de la concurrence par Molotov intervient dans un contexte marqué par un regain des tensions entre éditeurs de chaînes gratuites de la TNT et distributeurs autour notamment de la question de la rémunération des éditeurs pour la reprise de leurs chaînes. Dans une décision de règlement de différend rendue le 31 juillet 20191, le Conseil supérieur de l’audiovisuel a explicité le cadre juridique des relations entre éditeurs et distributeurs : si les éditeurs de services de la TNT peuvent demander à un distributeur une rémunération pour la reprise de leurs chaînes, aucune disposition législative n’oblige ce distributeur à les reprendre sur son réseau.
Parallèlement, l’importance de la maîtrise de la distribution de leurs contenus et de leur valorisation sur internet ont conduit les groupes France Télévisions, M6 et TF1 à concevoir un projet de service audiovisuel en ligne dénommé Salto, qui distribuera notamment leurs offres de direct et de rattrapage, des services associés et, le cas échéant, des services audiovisuels d’éditeurs tiers, ainsi qu’une offre de vidéo à la demande par abonnement (VàDA). Le lancement de ce service a été autorisé par l’Autorité de la concurrence le 12 août dernier, après avis favorable du Conseil, sous réserve d’engagements portant notamment sur les relations entre les trois groupes et les distributeurs tiers. La plateforme devrait donc voir le jour au début de l’année 2020.
Dans ce contexte - mais avant de connaître la décision de l’Autorité de la concurrence relative à l’autorisation du projet Salto - Molotov a saisi l’Autorité de la concurrence à la suite de l’échec de la renégociation de ses contrats de distribution avec les groupes TF1 et M6 pour la distribution de leurs chaînes gratuites de la TNT. Molotov considère en effet que cet échec résulte de pratiques anticoncurrentielles des deux groupes ayant pour objectif de l’évincer du marché au moment de la concrétisation du projet Salto. Parallèlement à la saisine au fond, Molotov a introduit auprès de l’Autorité une demande de mesures conservatoires consistant à enjoindre aux groupes TF1 et M6 de reprendre, en l’attente de la décision au fond de l’Autorité, la mise à disposition de leurs chaînes et services à la plateforme Molotov aux conditions contractuelles qui étaient en vigueur à la date de la résiliation des accords qui liaient le groupe TF1 et le groupe M6 à Molotov. Molotov estime en effet que leurs pratiques portent une atteinte grave et immédiate tant à sa situation qu’aux intérêts des consommateurs et au secteur audiovisuel dans son ensemble. Le présent avis porte sur cette demande de mesures conservatoires.
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Le Conseil note que, saisi d’une demande de mesures conservatoires en application de l’article L 464-1 du code de commerce, l’Autorité apprécie si trois critères sont cumulativement remplis : i) la gravité de l’atteinte ii) l’immédiateté de l’atteinte à l’économie, au secteur, à l’intérêt des consommateurs ou à l’entreprise plaignante iii) le lien de causalité entre les faits dénoncés et l’atteinte. La pratique à l’origine de ce danger grave et immédiat doit au préalable apparaître susceptible de constituer une pratique contraire aux articles L. 420-1 ou L. 420-2 du code de commerce.
Au terme de l’instruction qu’il a dû mener dans un délai contraint, le Conseil ne dispose pas des éléments suffisants pour se prononcer sur la qualification à donner aux pratiques dont Molotov a saisi l’Autorité de la Concurrence.
En l’état des informations portées à sa connaissance, il est mesure, en revanche, de formuler les observations suivantes.
En dépit de l’intérêt que peut représenter le développement de l’« over-the-top »2 (OTT) pour le secteur des médias audiovisuels, le Conseil estime, tout d’abord, qu’au regard de la part de l’OTT dans la distribution des chaînes de la TNT gratuite et, a fortiori, de la part de Molotov dans la distribution OTT, la disparition du service ne représenterait pas, à date, un danger grave et immédiat pour le secteur audiovisuel.
De la même façon, le Conseil estime qu’il ne peut être affirmé que la disparition du service porterait une atteinte grave et immédiate aux intérêts des consommateurs. Molotov propose un service innovant qui se révèle attractif pour un nombre substantiel de consommateurs, notamment car il propose une offre agrégée, gratuite et transverse de services de télévision en clair accessible en OTT via un portail unique. Cependant, certaines de ces innovations sont aujourd’hui largement diffusées, en particulier l’enregistrement à distance dans le nuage (« nPVR »)3, et les consommateurs ont accès à une pluralité de canaux de distribution.
S’agissant de l’atteinte grave et immédiate à Molotov, le Conseil relève, à la date à laquelle il se prononce, les points suivants.
Il importe de souligner, tout d’abord, que la distribution des chaînes TF1 et M6 contribue substantiellement à l’audience du service Molotov et que leur disparition de la plateforme pourrait en diminuer fortement l’attractivité, tant pour les consommateurs que les investisseurs.
Toutefois, à la date du présent avis, le service continue de distribuer les chaînes de la TNT gratuite de TF1 et de M6, en dehors de tout accord de distribution. Molotov n’a, de ce fait, pas subi d’atteinte grave résultant de la fin des contrats de distribution des services linéaires des deux groupes. Au demeurant, s’il revient au seul juge de se prononcer sur le caractère licite ou non du comportement de Molotov, le cadre normal de la reprise du signal des chaînes par un distributeur est un cadre contractuel.
Par ailleurs, les difficultés financières de Molotov, sérieuses, se révèlent, dans une large mesure, indépendantes de l’état de ses relations avec TF1 et M6. Selon ses représentants, l’entreprise aurait perdu […] millions d’euros en 2018. Cependant, Molotov a informé le Conseil […].
Enfin, l’appréciation du risque auquel est confronté Molotov doit prendre en compte les engagements pris dans le cadre de l’autorisation du projet d’entreprise commune Salto par l’Autorité de la concurrence. Salto, les groupes TF1, France Télévisions et M6 se sont en effet engagés à proposer à tout distributeur tiers qui en fait la demande, la « distribution de [leurs] chaînes de la TNT en clair et de leurs services et fonctionnalités associés, à des conditions techniques, commerciales et financières transparentes, objectives et non discriminatoires ». Molotov peut, depuis le 17 septembre 2019, date de la publication de la décision de l’Autorité de la concurrence, demander aux groupes TF1 et M6 de lui proposer une offre aux conditions objectives et non-discriminatoires pour la distribution de leurs chaînes, services et fonctionnalités associés. Les parties resteront en revanche libres de contracter ou non.
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Au-delà de ces observations, le Conseil tient à souligner l’importance de la contribution de Molotov à l’innovation dans le secteur des médias audiovisuels et, en particulier, à la distribution OTT. De manière générale, dans un contexte de mutation profonde et très rapide du secteur audiovisuel, marqué par l’émergence d’entreprises dont le modèle d’affaires n’est pas toujours pleinement établi, le Conseil est attaché à ce que le cadre concurrentiel favorise durablement l’innovation dans le secteur.
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A titre liminaire, le Conseil souhaite souligner que cet avis a été rédigé dans un contexte de dissymétrie d’information entre la saisissante Molotov d’une part, et les mis en cause, les groupes TF1 et M6, d’autre part. En effet, ces derniers n’avaient pas encore connaissance de l’objet de la saisine de Molotov à la date de leur réponse au questionnaire et de leur audition par le Conseil.
En raison de cette dissymétrie et des délais contraints tenant à la procédure spécifique de mesures conservatoires, le Conseil a concentré ses observations sur la demande de mesures conservatoires de Molotov à l’Autorité de la concurrence.
I. Eléments de contexte
Jusqu’au milieu des années 2010, les contrats de distribution visant la reprise des chaînes de la TNT en clair ne prévoyaient pas de rémunération spécifique pour la mise à disposition du flux linéaire. Une rémunération était en général prévue pour les services associés, et notamment les services de télévision de rattrapage.
La contraction du marché publicitaire en télévision, le renforcement de la pression concurrentielle exercée par les acteurs numériques et la forte pénétration des offres des FAI ont récemment conduit certains éditeurs de chaînes en clair à demander aux distributeurs de rémunérer la mise à disposition globale de leurs chaînes et des services associés.
Ces évolutions ont également contraint les acteurs à proposer des services innovants pour rester attractifs auprès de leurs consommateurs et pour s’aligner sur les services et les fonctionnalités que des acteurs américains - par exemple Netflix - ont imposés comme des standards de marché. C’est précisément le cas de Molotov qui a, dès 2016, proposé un service innovant pour le consommateur consistant en l’agrégation de services de télévision et la mise à disposition de fonctionnalités inédites. La création prévue pour 2020 de la plateforme OTT Salto, entreprise commune aux groupes TF1, M6 et France Télévisions4, relève de la même démarche.
A. Evolution et description des relations entre éditeurs et distributeurs
1. Les tensions relatives à la reprise des services de télévision en clair par les distributeurs
a) Les FAI
A partir de 2016, à l’occasion des derniers renouvellements de leurs contrats de distribution, le groupe TF1 et le groupe M6 ont successivement demandé aux FAI et au groupe Canal Plus une rémunération pour la mise à disposition et la diffusion de l’intégralité de leurs services.
Le groupe TF1 a été le premier à souhaiter être rémunéré par les distributeurs pour l’ensemble des services linéaires gratuits du groupe, les services de télévision de rattrapage (ci-après TVR) qui leur sont associés ainsi que certaines fonctionnalités (start-over5, enregistrement en nPVR, programmes diffusés en 4K6).
Le groupe M6 a formulé des demandes équivalentes.
Le groupe TF1 et le groupe M6 ont signé, en 2017 et 2018, des accords commerciaux avec l’ensemble des FAI ainsi qu’avec le groupe Canal Plus prévoyant une rémunération en contrepartie de la distribution de l’ensemble de leurs chaînes gratuites et des services associés.
Ces accords sont intervenus après que certains services du groupe TF1 ont été rendus indisponibles par plusieurs distributeurs et que le Conseil a été saisi en règlement de différend à plusieurs reprises7.
D’une part, le service de rattrapage MyTF1 a été coupé sur le service TV d’Orange entre le 1er février 2018 et le 11 mars 2018. Cette suspension est intervenue à la suite de l’échec du processus de négociation commerciale, initié […], pour les nouveaux accords de distribution des chaînes en clair et services de TVR du groupe TF1 qui étaient arrivés à échéance8.
D’autre part, le groupe Canal Plus a décidé après plus […] de négociations de rendre les chaînes du groupe TF1 inaccessibles à ses abonnés Canal et TNTSat9 le jeudi 1er mars 2018. Cette situation a perduré jusqu’au 7 mars 2018 et a concerné […] millions de foyers français ([…] millions d'abonnés au satellite, […] millions d'abonnés à l'ADSL et […] million d'abonnés à TNTSat)10. Ces abonnés avaient néanmoins toujours la possibilité de recevoir les chaînes sur leurs téléviseurs par la TNT hertzienne et d’accéder à l’environnement en propre (MyTF1) pour regarder les chaînes du groupe TF1 et disposer de services associés dans ce second cas.
TF1 souligne que bien que ces deux périodes aient été courtes, elles ont eu un effet négatif sur l’audience des services concernés :
« - l’impact de la suspension sur le service d’Orange s’est traduite par une perte de part d’audience (TVR incluse) de […] point pour la cible « individus de 4 ans et plus », […] point sur la cible stratégique « femme responsable des achats (FRDA) de moins de cinquante ans ». Sur la seule partie replay IPTV, le nombre de vidéos vues sur le service Orange a diminué de […].
- l’impact de la suspension sur Canal + / CanalSat a conduit à une baisse de part d’audience (TVR incluse) de […] point pour la cible « individus de 4 ans et plus » et […] point sur la cible stratégique « FRDA de moins de cinquante ans »11.
Le groupe M6 n’a pas connu de coupure du signal de ses chaînes par les distributeurs.
Plus récemment, le groupe NextRadioTV a également demandé à être rémunéré par certains distributeurs. Si le groupe NextRadio TV a rapidement conclu des accords de rémunération avec Bouygues Télécom, le groupe Canal Plus et SFR, des discussions plus longues ont eu lieu avec les FAI Free et Orange.
Le groupe NextRadio TV a cessé de fournir les signaux de ses chaînes (BFM TV, BFM Business, RMC Découverte et RMC Story) au groupe Free, le 5 avril 2019. Dans les faits, Free a continué de reprendre et distribuer le signal de ces chaînes. Les sociétés BFM TV, RMC Découverte et Diversité TV ont introduit une demande de règlement de différend devant le Conseil supérieur de l’audiovisuel qui s’est prononcé par une décision en date du 31 juillet 201912. Dans cette décision, le Conseil a explicité le cadre juridique des relations entre éditeurs et distributeurs. Si les éditeurs de services de la TNT peuvent demander à un distributeur une rémunération pour la reprise de leurs chaînes, aucune disposition législative n’oblige ce distributeur à les reprendre sur son réseau13.
Le 27 août 2019, le signal de ces chaînes a été intégralement coupé à la suite d’une ordonnance de référé rendue par le tribunal de grande instance de Paris en date du 26 juillet 201914. Free et NextRadioTV sont finalement parvenus à un accord en date du 10 septembre 2019 pour la diffusion des chaînes BFMTV, RMC Découverte et RMC Story15.
En ce qui concerne Orange, après une suspension d’un peu plus de 24 heures sur ses box, les deux groupes ont annoncé être parvenus à un accord en date du 6 septembre 2019, pour la diffusion de l'ensemble des chaînes du groupe (BFMTV, RMC Découverte et RMC Story). Ce nouvel accord concerne la diffusion du signal linéaire des chaînes mais pas les services à valeur ajoutée associés, les discussions sur ce dernier point ayant été repoussées à une date ultérieure16.
A la connaissance du Conseil, les autres éditeurs présents sur la TNT (Amaury, Arte, Canal+, France Télévisions et NRJ) n’ont pas négocié de nouvelles conditions de reprise à ce jour. Toutefois, il convient de noter que les chaînes du service public, qui sont principalement financées par des ressources publiques et bénéficient d’une obligation de reprise par les distributeurs relèvent d’un régime particulier17.
En résumé, d’une manière générale, les distributeurs considèrent que les éditeurs de services TNT en clair devraient mettre gratuitement à disposition leur flux linéaire (à l’exception des frais techniques) car ils bénéficient de ressources gratuites et rares. A l’opposé, la majorité des éditeurs de services de TNT en clair estiment qu’ils participent, grâce à la notoriété de leurs chaînes, à la valorisation des offres triple play auprès des abonnés aux offres des FAI et qu’ils doivent en conséquence être rémunérés à juste proportion de la valeur apportée. Par ailleurs, ils rappellent qu’en contrepartie de la mise à disposition gratuite de ressources publiques, ils financent la création via les obligations d’investissements dans la production audiovisuelle et cinématographique.
b) Molotov
Molotov, distributeur natif en OTT, propose une offre gratuite qui permet à tout utilisateur français qui télécharge son application d'accéder à une quarantaine de chaînes dont les chaînes de la TNT en clair. Molotov donne accès par une interface innovante à de nombreuses fonctionnalités, comme l’enregistrement des contenus dans le « nuage » (nPVR), afin de répondre aux usages et aux attentes des consommateurs. Les utilisateurs peuvent compléter ce bouquet de base en souscrivant sans durée d’engagement à des options payantes pour accéder à davantage de chaînes et/ou de services18.
Molotov a signé en 2015 des premiers contrats commerciaux avec les groupes TF1, France Télévisions et M6 pour assurer la diffusion sur sa plateforme des principales chaînes de télévision françaises.
Dès 2016, les groupes TF1 et M6 ont limité certaines des fonctionnalités auparavant accordées à Molotov (notamment en matière d’enregistrement sur le nPVR)19. Certains groupes ont interdit temporairement (comme NextRadioTV et TF1) ou définitivement (comme NRJ pour l’ensemble de ses chaînes et GCP pour sa chaîne Canal+20) la diffusion de leur flux linéaire par Molotov.
S’agissant de la fonctionnalité de nPVR, le Conseil a publié en juillet 2019 la synthèse et les conclusions d’une réflexion dans le cadre de laquelle il a entendu les principaux acteurs21 concernés entre mai et octobre 2018. Il en ressort que les distributeurs estiment que le remplacement des disques durs par un cloud personnel est une évolution logique en ce qu’il favorise le développement d’offres et de fonctionnalités innovantes au bénéfice des utilisateurs.
Selon les éditeurs, le risque principal du nPVR consiste en une concurrence que ce dispositif exerce par rapport à leurs services linéaires et non linéaires. Certains redoutent, à terme, la dévalorisation de leur rôle en matière d’éditorialisation des contenus voire leur propre désintermédiation au profit d’une consommation « à la carte » de tous leurs programmes enregistrés et stockés dans un cloud aux capacités de stockage quasi-illimitées. Les éditeurs ont également relevé le risque tenant à la possibilité pour un distributeur de recomposer, à partir de tels enregistrements et à l’aide d’une intelligence artificielle, un service linéaire personnalisé en fonction des goûts et préférences de l’utilisateur.
B. Le lancement de Salto
Depuis l’apparition des premiers services de télévision de rattrapage en 2008, les groupes audiovisuels ont très largement développé leurs offres en ligne. Ces stratégies numériques traduisent la nécessité pour les éditeurs d’être présents sur tous les supports pour répondre aux attentes des consommateurs, suivre l’évolution des usages, et élargir et fidéliser leur audience. La consommation non linéaire et sur des écrans autres que le téléviseur est en forte croissance, portée par la télévision de rattrapage (TVR) et la VàDA, alors que la consommation linéaire sur le téléviseur stagne voire connaît des baisses selon les catégories de population22.
Le service Salto est une réponse des groupes France Télévisions, M6 et TF1 (aussi appelés « Mères ») à ces évolutions.
Ce projet, né d’une initiative commune aux trois groupes, consiste à créer un service audiovisuel en ligne qui, notamment, distribuera les offres de direct et de rattrapage des chaînes de la TNT en clair qu’ils éditent, tout service de télévision et/ou SMAD d’éditeurs tiers que Salto pourrait décider de reprendre selon sa ligne éditoriale et éditera une offre de VàDA.
Cette nouvelle offre pourrait également permettre de mieux rentabiliser les investissements dans les programmes grâce à une exposition supplémentaire alors même que le marché publicitaire télévisuel est sous tension du fait de la concurrence forte d’acteurs numériques étrangers, non régulés et très puissants, comme Google et Facebook.
Elle répond enfin à l’installation sur le marché français d’acteurs de la VàDA tout aussi puissants, tels que Netflix et Amazon, dont les offres exercent une pression importante sur le secteur audiovisuel. Cette tendance devrait se poursuivre avec le lancement très prochain de nouvelles offres, comme Disney+.
Saisi par l’Autorité de la concurrence le 2 mai 2019, le Conseil supérieur de l’audiovisuel a rendu le 17 juillet 2019 un avis favorable à la création du projet Salto23.
Lors de l’instruction de ce dossier, Molotov avait indiqué que la plateforme Salto « […]»24.
L’Autorité a autorisé la création de Salto le 12 août 2019 sous réserve du respect par les trois groupes et Salto de plusieurs engagements, dont quatre relatifs à la distribution des services audiovisuels25.
Deux engagements concernent les exclusivités de distribution qui seraient accordées par Salto :
« E.11. Salto ne contractera pas d’exclusivité de distribution avec des éditeurs tiers de Chaînes de la TNT en clair, cet engagement incluant les services de télévision linéaire et leurs Services et Fonctionnalités Associés (…)».
« E.12. Les Mères ne contracteront pas d’exclusivité de distribution au profit de Salto pour leurs Chaînes de la TNT en clair et leurs Services et Fonctionnalités Associés (…)».
Deux autres engagements encadrent les conditions générales de distribution des sociétés Mères et de Salto :
« E.13. Sans préjudice de l’Engagement précédent, chaque Mère proposera à tout distributeur tiers qui en ferait la demande, la distribution de ses Chaînes de la TNT en clair et de leurs Services et Fonctionnalités Associés, à des conditions techniques, commerciales et financières, transparentes, objectives et non discriminatoires ».
« E.14. Pour assurer le principe d’une rémunération non discriminatoire entre Salto et les distributeurs tiers pour la distribution des Chaînes de la TNT en clair et des Services et Fonctionnalités Associés des Mères, la rémunération due par Salto sera déterminée de la manière suivante, sous le contrôle du Mandataire :
- Dans le cadre de négociations initiées par Salto avec chaque Mère sur le périmètre du contrat de distribution, chaque Mère proposera un prix non discriminatoire (compte tenu du périmètre concerné) à deux experts indépendants, qui contrôleront l’absence de discrimination entre Salto et les distributeurs tiers ; (…)
- Chaque année, les Mères transmettront à ces deux experts indépendants, leurs contrats de distribution en cours avec les distributeurs tiers ; (…)
- L’exercice sera renouvelé chaque année, (…) ».
Par ces engagements, les Mères et Salto assurent que tous les distributeurs soient traités équitablement, ce qui ne doit pas pour autant signifier égalitairement. Salto ne devrait pas bénéficier d’une tarification anormalement et excessivement basse ; les distributeurs tiers ne devraient pas se voir proposer des offres de reprise des chaînes des Mères anormalement et excessivement hautes. Au cas d’espèce, dans l’attente du lancement effectif de Salto, l’engagement E.13, dont Molotov peut demander l’application depuis la date de publication de la décision de l’Autorité de la concurrence, semble apporter des garanties suffisantes à Molotov pour que s’engagent des négociations pour une distribution dans des conditions techniques, commerciales et financières transparentes, objectives et non discriminatoires.
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C’est dans ce contexte, mais sans connaître la nature des engagements pris par les Mères dans le cadre de l’autorisation de l’entreprise commune Salto26, que Molotov a introduit une demande de mesures conservatoires devant l’Autorité de la concurrence ainsi qu’une saisine relative à des pratiques mises en œuvre par les groupes TF1 et M6 quant à la reprise des signaux des chaînes qu’ils éditent.
II. Présentation de la saisine de Molotov
La saisine au fond du groupe Molotov porte sur des pratiques mises en œuvre par les groupes TF1 et M6 qui seraient contraires aux articles L. 420-1 et L. 420-2 du code de commerce et 101 et 102 du TFUE. La rupture des négociations relatives à la distribution des chaînes des groupes TF1 et M6 par Molotov est à l’origine de cette saisine. La saisine au fond s’accompagne d’une demande de mesures conservatoires.
A. L’échec des négociations relatives aux contrats de distribution des chaînes des groupes TF1 et M6 par Molotov
Avant le lancement de sa plateforme, Molotov avait conclu avec les groupes TF1 et M6 des accords de distribution de leurs chaînes et fonctionnalités associées en vue de leur diffusion.
Cependant, aux termes de la saisine de Molotov, « à l’approche du terme de la période contractuelle initiale, le groupe M6 puis le groupe TF1 ont exercé une forte pression sur Molotov pour imposer de nouvelles conditions contractuelles incompatibles avec son modèle économique, et ont finalement refusé de renouveler les accords qui les liaient à la plateforme »27.
1. Molotov et le groupe M6
S’agissant tout d’abord du groupe M6, Molotov explique qu’il avait « signé le 5 juin 2015 avec le groupe M6 un contrat de distribution dit « expérimental » d’une durée de deux ans à compter du 31 décembre 2015, portant sur la diffusion sur sa plateforme OTT des chaînes en clair M6, W9, 6ter et des chaînes thématiques M6 Boutique, Paris Première, Teva, M6 Music et Girondins TV, ainsi que des services de télévision de rattrapage de Paris Première et Teva »28.
Le contrat prévoyait la diffusion en clair des chaînes M6, W9, 6ter et M6 Boutique et l’accès payant aux chaînes Paris Première, Teva, M6 Music et Girondins TV. En contrepartie des droits concédés, Molotov devait verser au groupe M6 une rémunération globale et forfaitaire de […] HT par an29.
En juillet 2017, M6 indiquait à Molotov que le nouveau contrat de distribution de ses chaînes serait subordonné à un nouvel accord de distribution redéfinissant les « conditions d’accès des utilisateurs de la plateforme MOLOTOV à nos chaînes »30.
Selon Molotov, le groupe M6 a « voulu imposer à Molotov de nouvelles conditions menaçant directement la survie de son activité »31. Ainsi, le 30 octobre 2017, le groupe M6 a rappelé à Molotov que le contrat de distribution arrivait à échéance le 31 décembre 2017, et précisé que « s’agissant de nos chaînes de la TNT en clair, tout nouvel accord devra s’inscrire dans le cadre de conditions générales de distribution de [ces] services qui prévoient notamment que ceux-ci doivent être repris uniquement au sein d’une offre de télévision payante ne pouvant être constituée essentiellement de chaînes de la TNT en clair »32.
Le groupe M6 a fait parvenir à Molotov ses nouvelles conditions générales de vente (CGV) le 27 novembre 2017. L’article 3.1 de ces CGV prévoyait notamment que la distribution des chaînes en clair de la TNT du groupe M6 devait se faire dans le cadre d’une « offre TV » qui devait être « commercialisée par le distributeur directement auprès du public dans le cadre d’un abonnement payant » (clause de « paywall »). Les chaînes du groupe M6 ne pouvaient donc plus être reprises dans l’offre de base gratuite de Molotov33.
Sur le plan financier, le groupe M6 demandait selon Molotov « un tarif de distribution […] par mois»34.
Molotov a demandé une prorogation de l’accord pendant la durée de négociations au cours desquelles Molotov devait s’entendre avec M6 sur la possibilité de conclure un accord qui ne soit pas incompatible avec son modèle « freemium ».
Le 19 décembre 2017, Molotov annonçait au groupe M6 être « disposé à s’engager à mener des négociations de bonne foi sur la base des nouvelles Conditions Générales de Distribution du Groupe M6 […]35 »36.
Le 29 décembre 2017, le groupe M6 a prévenu Molotov qu’il devrait cesser de distribuer ses services au 31 mars 2018 à défaut de signature à cette date d’un nouvel accord prévoyant la distribution de ses chaînes et services « dans le cadre d’un abonnement payant non assimilable à une offre gratuite »37.
Par courriel du 12 mars 2018, le dirigeant de Molotov répondait que « nous travaillons encore sur un retour que nous allons vous formaliser dans les prochains jours et qui prévoit la poursuite de la distribution de vos chaînes », ce qui laissait augurer une possibilité d’accord entre les parties38. Cependant deux jours plus tard, le 14 mars 2018, Molotov indiquait au groupe M6 : « aucune des deux exigences exprimées par le Groupe M6, à savoir que ses chaînes gratuites (M6, W9 et 6Ter) soient rémunérées d’une part et qu’elles soient obligatoirement facturées aux consommateurs d’autre part ne peut être acceptées en l’état »39.
Après divers échanges, aucun accord n’a pu être trouvé au 30 mars 2018 entre Molotov et le groupe M6 pour ses chaînes en clair. Les parties sont seulement arrivées à un accord portant sur les chaînes thématiques du groupe.
Molotov a maintenu la diffusion des services du groupe M6 malgré l’absence et en dehors de tout contrat de distribution. […]40.
Parallèlement, Molotov a assigné le 4 avril 2018 le groupe M6 devant le tribunal de commerce de Paris afin que ce dernier prononce notamment la nullité de la clause dite de « paywall » de ses CGV du 31 novembre 2017.
Le tribunal a rendu un jugement le 11 février 2019 dans lequel il indique que « M6 avait exercé sur Molotov une pression caractérisant une volonté ou tentative de soumission, Molotov n’ayant d’autre choix que de refuser ou contracter et de renoncer aux chaînes gratuites du second groupe audiovisuel français » et que la position du groupe M6 avait pour conséquence de « fragiliser la pertinence et la pérennité du modèle d’affaires de Molotov la conduisant à devoir questionner le prix facturé à ses clients »41. Le groupe M6 a fait appel de la décision du tribunal de commerce de Paris et la procédure est actuellement pendante.
2. Molotov et le groupe TF1
Molotov avait conclu […] avec TF1 Distribution un accord de distribution pour une durée de […]42. Cet accord prévoyait les modalités de diffusion du signal linéaire des chaînes de la TNT du groupe (TF1, TMC, NT1 (maintenant TFX), HD1 (maintenant TF1 Séries Films) et LCI), et de ses chaînes thématiques payantes (TV Breizh, Ushuaïa TV et Histoire) et de leurs services de télévision de rattrapage. Le groupe TF1 exigeait en contrepartie de la concession de ces droits le versement par Molotov au groupe TF1 d’une somme […] HT43.
Ce contrat a été prolongé jusqu’au […] et son exécution s’est poursuivie après ce terme pour une période indéterminée.
Selon Molotov, « le groupe TF1 a brutalement tenté d’imposer un durcissement de ses conditions de distribution à compter du début de l’année 2019 »44. Le groupe TF1 aurait, « par un courrier du 8 mars 2019, signifié à Molotov qu’il entendait résilier l’accord de distribution et appliquer à leur relation les termes de son offre « TF1 Premium » en fixant unilatéralement au 30 juin 2019 la date butoir pour la conclusion d’un nouvel accord 45»46.
Par la suite, selon Molotov, le groupe TF1 a refusé de lui remettre les CGV de l’offre « TF1 Premium », au motif que Molotov devait d’abord communiquer ses chiffres relatifs au parc d’utilisateurs47.
Or, il ressort des informations fournies par le groupe TF1 qu’à l’occasion d’un rendez-vous en date du 26 avril 201948, il avait été convenu que Molotov adresserait à TF1 Distribution ses données de parc, afin que TF1 Distribution puisse lui adresser une première proposition commerciale. Ces données n’ayant pas été transmises, TF1 Distribution a envoyé un courriel à Molotov en lui demandant : « en vue de pouvoir vous envoyer notre proposition commerciale compte tenu de notre échéance de fin de contrat du 30.06, pouvez- vous comme convenu nous communiquer rapidement les données relatives à votre parc ? »49, réitérant la demande faite en ce sens durant le rendez-vous. Le parc du distributeur est en effet selon TF1 une donnée essentielle, habituellement utilisée pour déterminer la rémunération de l’éditeur, et qui sert de base à la grille tarifaire de son offre TF1 Premium.
En réponse, Molotov répondait par un courriel par lequel il demandait l’accès aux chaînes du groupe TF1 « sans coût pour l’utilisateur comme pour Molotov » et demandait de communiquer une offre commerciale « en distinguant le prix de chacun des services possibles »50.
Le groupe TF1 a alors considéré que les termes de ce courriel aboutissaient à refuser l’offre TF1 Premium et à exiger la mise à disposition gratuite des chaînes en clair du groupe. Le groupe TF1 a alors réitéré sa demande tendant à ce que Molotov lui transmette les données de parc nécessaires à l’établissement d’une proposition commerciale, et lui demandait également de régulariser son impayé51.
Finalement, le groupe TF1 a annoncé, par un courrier du 14 juin 2019, son refus de « poursuivre les négociations » et a invoqué notamment à cet égard des […] de la part de Molotov ainsi que l’absence de transmission des données d’audience52.
Il a ainsi intimé à Molotov de cesser « à compter du 1er juillet 2019 d’exploiter les chaînes TF1, TMC, TFX, TF1 Séries Films, LCI, TV Breizh, Ushuaïa TV et Histoire, ainsi que le service de TVR associé aux chaînes thématiques au sein de vos offres et ce quel que soit le support considéré » et lui a indiqué que l’exploitation de ses chaînes au-delà du 30 juin 2019 engagerait sa responsabilité sur le terrain de la contrefaçon53.
Le groupe TF1 a assigné Molotov en contrefaçon devant le tribunal de grande instance de Paris après que Molotov a récupéré le signal de ses chaînes […] »54.
Ainsi, les groupes TF1 et M6 indiquent avoir rencontré […] avec Molotov. Selon ces groupes, […] sont l’une des raisons justifiant l’échec des négociations.
B. Les pratiques imputées aux groupes TF1 et M6
Dans un premier temps, Molotov estime être en état de dépendance économique vis-à-vis de TF1 et M6 au sens de l’article L. 420-2 du code de commerce. Molotov estime que l’accès aux chaînes historiques de la TNT est essentiel à la constitution de son offre multiservices et sa capacité à exercer une concurrence effective. Les chaînes des groupes TF1 et M6 sont par conséquent incontournables dans son offre de services et indispensables pour apparaître auprès des consommateurs comme un opérateur sérieux, proposant une offre complète et offrant une alternative crédible aux plateformes concurrentes (plateformes et FAI, satellite et TNT). Selon Molotov, l’accès à ces chaînes constitue une condition essentielle à la survie et au développement de sa plateforme55.
Dans un second temps, Molotov estime que TF1 et M6 disposent collectivement avec France Télévisions d’une position dominante sur deux marchés dont il propose l’introduction, le marché de l’édition de chaînes de télévision en clair et celui connexe des droits nécessaires à la constitution d’une offre multiservices médias. Molotov note également que TF1 et M6 lancent leur plateforme commune Salto, qui serait concurrente de celle de Molotov sur le marché de la fourniture agrégée de contenus et services associés gratuits et payants.
Ainsi, selon Molotov, les comportements de TF1 et M6, en position dominante collective avec France Télévisions, constituent une tentative abusive d’éviction de la plateforme Molotov. Ces moyens abusifs sont en particulier :
- le refus de fournir des intrants indispensables à l’exercice d’une activité en aval où elles sont elles- mêmes présentes ;
- l’imposition de conditions techniques et financières d’accès à leurs services qui empêchent Molotov d’exercer une concurrence sur le marché aval des plateformes télévisuelles multiservices dans les mêmes conditions que leur propre plateforme ;
- l’immixtion des groupes TF1 et M6 dans la politique commerciale de Molotov, qui constitue un obstacle à sa capacité à faire évoluer son offre de services pour se distinguer des plateformes concurrentes et pour parvenir à une meilleure rentabilité ;
- une utilisation abusive des procédures judiciaires sur le fondement de la contrefaçon, dont le seul objectif est d’exercer une pression financière lourde sur Molotov, susceptible d’influer négativement sur ses résultats et surtout sur la perception des investisseurs quant à sa rentabilité et ses perspectives de développement, de manière à compromettre l’accès de Molotov aux sources de financement et à l’évincer en conséquence du marché.
Enfin, Molotov estime que les comportements de TF1 et M6 établissent l’existence d’une collusion anticoncurrentielle. Les discussions ayant abouti à la création de la plateforme Salto auraient, selon Molotov, donné naissance à un intérêt commun ayant substantiellement affecté l’autonomie de leur comportement puisqu’à partir de ce moment-là, ils auraient été incités à adopter de concert un comportement vis-à-vis de leur distributeur et futur concurrent tendant à restreindre sa capacité à exercer une pression concurrentielle sur leur plateforme Salto afin de maximiser l’audience de celle-ci.
C. La demande de mesures conservatoires
Parallèlement à la saisine au fond de l’Autorité de la concurrence, Molotov a introduit auprès de cette- dernière une demande de mesures conservatoires et estime à cet égard que les comportements de TF1 et M6 sont susceptibles de constituer des pratiques anticoncurrentielles contraires aux articles L. 420-2 du code de commerce et 102 du TFUE et qu’ils portent une atteinte grave et immédiate tant à Molotov qu’aux intérêts des consommateurs et au secteur audiovisuel dans son ensemble.
Ainsi, la société Molotov demande à l'Autorité de la concurrence sur le fondement des articles 101, 102 TFUE, L. 420-1, L. 420-2 et L. 464-1 du code de commerce d’enjoindre :
- à TF1 de reprendre, en l’attente de la décision au fond de l’Autorité, la mise à disposition de ses chaînes et services à la plateforme Molotov aux conditions contractuelles qui étaient en vigueur à la date de la résiliation de l’accord qui liait TF1 et Molotov au 30 juin 2019 ;
- à M6 de reprendre, en l’attente de la décision au fond de l’Autorité, la mise à disposition de ses chaînes et services à la plateforme Molotov aux conditions contractuelles qui étaient en vigueur à la date de la résiliation de l’accord qui liait M6 et Molotov au 31 mars 2018.
Molotov estime que les mesures demandées sont proportionnées et adéquates au regard de la gravité et de l’urgence de la situation.
III. L’examen de la demande de mesures conservatoires de Molotov
Aux termes de l’article L. 464-1 du code de commerce, « l’Autorité de la concurrence peut (…) prendre les mesures conservatoires qui lui sont demandées ou celles qui lui apparaissent nécessaires. Ces mesures ne peuvent intervenir que si la pratique dénoncée porte une atteinte grave et immédiate à l’économie générale, à celle du secteur intéressé, à l’intérêt des consommateurs ou à l’entreprise plaignante ».
Selon une jurisprudence constante, les faits dénoncés doivent être susceptibles, « de constituer une pratique contraire aux articles L. 420-1 ou L. 420-2 du code de commerce, pratique à l’origine directe et certaine de l’atteinte relevée »56. Par ailleurs, « la gravité de l’atteinte, son immédiateté et l’existence d’un lien de causalité entre les faits dénoncés et l’atteinte sont trois critères cumulatifs »57.
En résumé, lorsqu’elle statue sur une demande de mesures conservatoires, l’Autorité apprécie si trois critères sont cumulativement remplis : i) la gravité de l’atteinte ii) l’immédiateté de l’atteinte à l’économie, au secteur, à l’intérêt des consommateurs ou à l’entreprise plaignante iii) et, si ces deux premiers critères sont remplis, le lien de causalité entre les faits dénoncés et l’atteinte. La pratique doit également apparaître susceptible de constituer une pratique contraire aux articles L. 420-1 ou L. 420-2 du code de commerce.
Le Conseil ne se prononce pas, dans le présent avis, sur le caractère potentiellement anti-concurrentiel des pratiques litigieuses et renvoie pour cette analyse à la compétence de l’Autorité de la concurrence.
En outre, le Conseil observe que les chaînes en clair des groupes TF1 et M6 sont toujours disponibles sur la plateforme Molotov à la date de transmission de l’avis. Molotov a en effet repris le signal de ces chaînes en dehors de tout contrat et par des moyens que Molotov qualifie d’« alternatifs »58. Face à cette pratique, […] TF1 […] assigné Molotov devant le tribunal de grande instance de Paris, aux fins de voir l’entreprise condamnée pour contrefaçon des droits voisins et pour contrefaçon de marques59. S’il revient au seul juge de se prononcer sur le caractère licite ou non du comportement de Molotov, le cadre normal de la reprise du signal des chaînes par un distributeur est un cadre contractuel.
A. La gravité et l’immédiateté de l’atteinte au secteur
1. La position de Molotov
En ce qui concerne l’atteinte au secteur, la société Molotov considère que :
« C’est la structure même du marché qui en souffrirait [de la disparition de Molotov ou de l’imposition de conditions abusives de distribution par TF1 et M6], dans un moment crucial pour l’émergence d’une offre innovante de services.
La disparition de Molotov qui résulterait inéluctablement de l’indisponibilité des chaînes de TF1 et M6 marquerait la disparition de la principale plateforme de télévision OTT, alors que ce mode de distribution s’impose progressivement comme l’une des principales alternatives aux plateformes existantes (FAI, TNT, satellite) en raison des nombreux avantages qu’il offre aux consommateurs (flexibilité et facilité d’utilisation, accès sur tous les supports connectés grâce au système applicatif, possibilité d’utilisation en mobilité, possibilité d’opter pour des décodeurs et des interfaces tiers par rapport à ceux des opérateurs de réseau) »60.
2. Les observations du Conseil
Les éditeurs de télévision, qui négocient la reprise de leurs chaînes et/ou leurs services associés auprès des distributeurs afin que ces derniers les mettent à disposition du consommateur final ne seraient affectés par l’affaiblissement ou la disparition de Molotov que si celle-ci devait conduire à une baisse significative de leur audience.
Le Conseil ne dispose pas d’indicateurs de mesure61 lui permettant d’évaluer précisément ce que représente la part de Molotov dans l’audience totale des chaînes en clair, toutes plateformes confondues. Toutefois, au global, la consommation des chaînes en clair en OTT62 représente, en l’état, une part minoritaire de la consommation totale de ces chaînes. En effet, le paysage audiovisuel français est historiquement marqué par le poids de la distribution via la TNT (49 % des foyers63) ; la réception de la télévision par internet (IPTV64), tous postes confondus, continue de progresser pour atteindre 57 % des foyers au 4ème trimestre 201865. Ainsi, la TNT et l’IPTV sont les principaux canaux de diffusion.
Certes, la consommation en OTT de flux en direct ou de contenus délinéarisés connaît un succès croissant et rapide, particulièrement marqué chez les jeunes générations. La consommation de télévision en ligne, qui inclut le direct sur les supports autres que le téléviseur, le rattrapage tous supports et les bonus, enregistre une croissance de 11,7 % en un an66. La télévision en ligne (différé sur le téléviseur, ainsi que différé et direct sur les autres écrans) représente 14 % de la consommation totale de télévision67. Les sites et applications des chaînes de télévision concentrent 39 % de la consommation de programmes TV en direct sur les écrans internet ; les agrégateurs tels que les FAI ou Molotov en représentent 20,5 %68.
Cependant, les Français de 4 ans et plus passent en moyenne 5 minutes 30 par jour à regarder la télévision en direct sur un autre écran (+ 1 minute en un an), soit 2,5 % de la durée d’écoute du direct TV totale69.
Ainsi, si la consommation de télévision en direct en OTT progresse, elle demeure encore marginale. En outre, Molotov ne représente qu’une partie de cette consommation, les chaînes de la TNT étant également accessibles en OTT sur d’autres plateformes, et notamment dans les environnements en propre des éditeurs de télévision de type MyTF1 et 6play.
De ce point de vue, Molotov a déclaré oralement, lors de son audition par le Conseil, qu’il générerait « près de […] % de l’audience nationale des chaînes des groupes TF1 et M6 »70.
Le groupe TF1, de son côté, a déclaré au Conseil que l’audience de l’ensemble de ses chaînes sur la plateforme Molotov s’élèverait à environ […] téléspectateurs par jour, ce chiffre devant pour le groupe TF1 être mis en parallèle du taux d’exposition71 de la chaîne TF1, qui se situerait autour de […] millions de personnes par jour72.
Le groupe M6 a quant à lui fourni au Conseil la distribution de la contribution des différents modes de réception à l’audience de ses chaînes de la TNT en clair (M6, 6ter, W9 et Gulli) au 1er semestre 2019 :
[Contribution des différentes plateformes et distributeurs à l’audience des chaînes du groupe M6] […] Source : confidentiel, réponse du groupe M6 au questionnaire envoyé par le Conseil.
Tous acteurs et toutes plateformes confondus, l’OTT représenterait […] % de la consommation totale des chaînes en clair du groupe M6 ; ce niveau de […] % constitue dès lors un majorant de la contribution de Molotov à l’audience des chaînes en clair du groupe M6.
Le groupe M6 poursuit et indique que sur la période janvier-mars 2018, la contribution de Molotov à la part d’audience des chaînes M6, W9 et 6ter s’élève respectivement à […] %73 ; […] % et […] %.
Dans sa réponse au questionnaire du Conseil, le groupe M6 compare la situation de Molotov et d’Orange: « alors que Molotov revendique plus de […] millions d’utilisateurs, ce qui correspond au nombre d’abonnés d’un distributeur […], le poids de la plateforme Molotov [tableau ci-dessus] dans l’audience de nos chaînes est marginal et largement inférieur à celui de la plateforme Orange ([…] %), ce qui démontre que les utilisateurs de la plateforme Molotov consomment […] les chaînes du Groupe M6 »74.
Molotov a indiqué qu’il générait près de […] % de l’audience nationale des chaînes des groupes TF1 et M6 et revendiquait […] millions d’utilisateurs. A titre de comparaison, les quatre principaux FAI disposeraient de […] millions d’abonnés à une offre de services incluant le premier niveau des chaînes de la TNT en clair, et permettraient aux chaînes TF1 et M6 de réaliser respectivement […] % et […] % de leur audience (cf. tableaux ci-dessous).
En conclusion, ces données montrent que du point de vue d’un éditeur, Molotov reste un canal de distribution complémentaire mais encore secondaire. Aussi, dans l’hypothèse d’une disparition de Molotov, le secteur de l’édition et de la commercialisation de services de télévision en clair ne connaîtrait pas de déséquilibre majeur. Si la disparition de la plateforme Molotov liée à la perte des chaînes de la TNT gratuite des groupes TF1 et M6 priverait les éditeurs de services audiovisuels d’un distributeur, ces derniers continueraient à diffuser leurs chaînes et/ou services associés via d’autres distributeurs qui sont les principaux contributeurs à leur audience.
Ce constat vaut également pour les chaînes payantes et/ou des bouquets de chaînes payantes distribués par Molotov : Adult Swim + Toonami, OCS, « Molotov Extended » (qui comprend un bouquet de plusieurs dizaines de chaînes supplémentaires comme TV Breizh, Mezzo, CNN, etc.) Ciné+, NFL Game Pass Essential et NFL Game Pass PRO76.
Il ressort en effet du dossier de saisine que parmi les options payantes éditées par des tiers […] que distribue Molotov participent à la constitution de son chiffre d’affaires. Ces recettes sont toutefois bien plus faibles que celles tirées […] (cf. tableau ci-dessous77). Dès lors, […], l’exposition de ces offres sur Molotov est de facto limitée.
Part du chiffre d’affaires générée par les options payantes de Molotov
[…] Source : confidentiel, annexe 49 accompagnant la saisine au fond de Molotov.
En synthèse, le secteur pris dans son ensemble ne se verrait donc pas à court terme gravement affaibli dans l’hypothèse d’une disparition de Molotov. Au regard de l’intérêt que peut représenter le développement de l’OTT pour le secteur des médias audiovisuels, le Conseil tient à souligner, toutefois, l’importance qui s’attache à favoriser durablement l’innovation dans le secteur audiovisuel.
B. La gravité et l’immédiateté de l’atteinte au consommateur
1. La position de Molotov
Dans sa demande de mesures conservatoires, la société Molotov rappelle que « l’atteinte grave (…) à l’intérêt des consommateurs est ainsi constituée lorsque la pratique en cause porte sensiblement atteinte à la structure du marché en réduisant significativement l’intensité de la concurrence, notamment via l’affaiblissement ou la disparition des sources de concurrence sur le marché »78.
Dans le cas d’espèce, Molotov estime « qu’il est évident que les consommateurs verraient leurs intérêts atteints. D’une part, la disparition d’un acteur innovant du marché réduirait la diversité de l’offre, le choix et la qualité des services proposés sur ce marché émergent des offres multiservices de médias. D’autre part, cette disparition – […], seraient libres d’augmenter leurs prix sans être incitées à investir dans de futures innovations »79.
Molotov poursuit : « l’on voit d’ailleurs déjà que l’offre de Salto se présenterait, selon les informations disponibles actuellement, sous forme d’offres uniquement payantes, ce qui représente un recul pour les consommateurs qui ont toujours eu accès aux chaînes de la télévision en clair gratuitement »80.
Une autre crainte de Molotov concerne Salto : « une plateforme à la main des trois mères éditrices, qui entend aussi agréger des éditeurs tiers, risque fort de mettre plus en avant ses propres contenus ([…]. Ainsi (…) le consommateur serait lui aussi lésé par rapport à une consommation via un modèle parfaitement neutre comme Molotov »81.
L’atteinte aux intérêts des consommateurs est également caractérisée, selon Molotov, « dans l’exigence formulée par le groupe M6 selon laquelle ses chaînes devraient être proposées par Molotov uniquement dans le cadre d’offres payantes » car « le groupe M6 cherche à imposer aux utilisateurs un accès payant pour ses chaînes gratuites de la TNT »82.
Enfin, Molotov estime que sa disparition qui résulterait inéluctablement de l’indisponibilité des chaînes des groupes TF1 et M6 marquerait la fin des « nombreux avantages que [ce mode distribution] offre aux consommateurs (flexibilité et facilité d’utilisation, accès sur tous les supports connectés grâce au système applicatif, possibilité d’utilisation en mobilité, possibilité d’opter pour des décodeurs et des interfaces tiers par rapport à ceux des opérateurs de réseau) »83.
2. Les observations du Conseil
a) Molotov, une offre agrégée de services de télévision
Pionnier à plusieurs égards, le service Molotov joue un rôle précurseur par l’innovation qu’il apporte dans la distribution et la consommation des services audiovisuels, en particulier linéaires. Certaines des innovations qu’apporte le service constituent toujours un facteur de différenciation important, au premier rang desquelles figure la possibilité de disposer d’une offre agrégée gratuite84 (sur un modèle « freemium ») et transverse de services de télévision en clair accessible en OTT via un portail unique. Molotov propose parallèlement certains contenus et fonctionnalités gratuits (version originale, start-over, etc.) ou payants (enregistrement, HD, etc.). La plateforme se distingue par ailleurs par son ergonomie, ainsi que par sa facilité d’utilisation (possibilité de filtrer les contenus, de suivre les programmes où interviennent certaines personnalités ou acteurs, etc.). L’intérêt retiré par les consommateurs de la plateforme se traduit notamment par le nombre d’utilisateurs évalué par Molotov à […] millions, dont près de […] millions qui utiliseraient chaque mois la plateforme.
Pour autant, l’absence des chaînes du groupe NRJ, des plages en clair de la chaîne Canal+, par exemple, ainsi que l’absence de fonctionnalités ou services associés à certains flux linéaires, notamment le rattrapage, sont des éléments qui viennent modérer, pour certains consommateurs, l’attractivité du service.
Par ailleurs, Molotov estime que sa disparition signifierait la fin d’une offre agrégée « neutre », notamment au regard de ce que proposerait Salto. Molotov considère en effet que dans l’hypothèse où Salto agrégerait les services de télévision d’autres éditeurs que ceux des sociétés Mères, Salto aurait tendance à privilégier et à mettre en avant les programmes des Mères via son algorithme de recommandation. Sur ce point, le Conseil estime qu’il reviendra aux éditeurs tiers dont les services seront agrégés aux services des Mères de Salto de négocier contractuellement les conditions de la reprise de leurs flux et services associés directement auprès de Salto.
b) Molotov propose le flux linéaire des chaînes en clair mais ne dispose pas de toutes les fonctionnalités associées à ce flux
Molotov permet aujourd’hui un accès gratuit, mais en dehors de tout contrat de distribution, au flux linéaire des chaînes des groupes TF1 et M6. Cependant, même en cas d’indisponibilité sur Molotov, le flux linéaire des chaînes des groupes M6 et TF1 serait toujours disponible gratuitement via la plateforme TNT et le satellite85. Le flux linéaire accompagné de contenus en rattrapage et de services associés sont également disponibles gratuitement sur les sites internet et applications des groupes TF1 et M6 (respectivement MyTF1 et 6play). Les contrats conclus entre les groupes TF1 et M6 et Molotov ne prévoyaient d’ailleurs pas de service de télévision de rattrapage pour les chaînes en clair ou payantes desdits groupes.
Les fonctionnalités associées aux chaînes de la TNT des groupes M6 et TF1 ont une réelle valeur ajoutée pour le téléspectateur. L’accès du consommateur à ces fonctionnalités ne serait que modérément affecté par la disparition de la plateforme Molotov car cette plateforme ne donne accès qu’à seulement trois d’entre elles et ce, uniquement pour les chaînes en clair du groupe M6. En effet, le term sheet, du 23 octobre 2015, conclu entre le groupe TF1 et Molotov, ne prévoyait aucune mise à disposition des utilisateurs de fonctionnalités associées au flux linéaire des chaînes gratuites du groupe TF1. M6 avait pour sa part consenti dans son accord de distribution, en date du 5 juin 2015, à ce que Molotov mette à disposition de ses utilisateurs les fonctionnalités associées aux chaînes en clair du groupe suivantes : le cast-to-TV, le contrôle du direct et le start-over.
En outre, de nombreuses fonctionnalités associées aux chaînes en clair des groupes TF1 et M6 sont accessibles en contrepartie du paiement d’un abonnement à une offre triple play d’un FAI (cf. tableaux ci- dessous). L’utilisation de Molotov nécessitant un accès à internet, de nombreux consommateurs utilisant le service disposent déjà d’un accès à la composante TV de ces offres des FAI86, ou aux environnements en propre de ces groupes (MyTF1 et 6play) et disposent donc d’un accès à un large panel de fonctionnalités associées87.
c) La fonctionnalité de nPVR et ses modalités ne sont pas propres à Molotov
La fonctionnalité de nPVR88 introduite sur le marché par la plateforme Molotov tend à se démocratiser89, mais dans le cadre du respect des principes juridiques de l’exception pour copie privée et d’une convention que doit conclure le distributeur avec chaque éditeur concerné90.
En effet, les contrats conclus à tout le moins entre les quatre principaux FAI et M6 et TF1 prévoient que les abonnés aux offres TV du distributeur peuvent procéder à l’enregistrement de programmes via le nPVR du distributeur, sous réserve que les parties formalisent préalablement une convention91 définissant les fonctionnalités de ce service de stockage et notamment les contraintes suivantes : limitation de la capacité d’enregistrement, impossibilité d’occulter les coupures publicitaires enregistrées dans les programmes des chaînes, pas de visionnage simultané des enregistrements sur plusieurs terminaux, etc.92.
En outre, le nPVR de Molotov ne semble pas offrir plus de fonctionnalités ni d’usages que le PVR93 disponible sur les boîtiers des distributeurs. Sur plusieurs points, il semble en retrait par rapport à certains systèmes de PVR (notamment sur les supports autonomes) : moindres capacités de stockage94, pas d’exportation ni de lecture d’une copie en dehors de l’univers applicatif de Molotov, impossibilité de lire une copie enregistrée sur Molotov sans connexion internet.
Ainsi, en dépit du caractère innovant du service, plusieurs éléments viennent relativiser l’impact à court terme, sur les consommateurs, d’une éventuelle disparition du service, notamment en raison de la pluralité des canaux de distribution auxquels ceux-ci ont accès.
C. La gravité et l’immédiateté de l’atteinte à Molotov
1. La position de Molotov
Molotov précise que « une entreprise peut se prévaloir d’une atteinte grave à ses intérêts dès lors qu’elle démontre que les pratiques dénoncées obèrent gravement sa situation financière, ou sont de nature à accroître ses difficultés, de sorte que la poursuite de son activité est compromise. Il résulte par ailleurs de la pratique décisionnelle de l’Autorité que lorsque les pratiques incriminées ont pour effet d’envoyer un signal susceptible de décourager l’investissement, elles peuvent constituer une atteinte grave, justifiant le prononcé de mesures conservatoires : « que de telles pratiques, et leurs conséquences, constituent, pour des investisseurs potentiels, des signaux susceptibles de décourager, pour plusieurs années, investissement dans ce secteur » (§79 et 80 de la demande de mesures conservatoires).
Selon Molotov, la prédominance des groupes TF1 et M6 dans les parts d’audience en France, qui se reflète sur Molotov, caractérise le caractère incontournable des groupes TF1 et M6 pour tout distributeur95.
2. Observations du Conseil
a) Analyse du Conseil à date
A la date où le Conseil rend son avis, les signaux des chaînes des groupes TF1 et M6 sont toujours disponibles sur la plateforme Molotov en dehors de tout contrat et par le biais de moyens que Molotov qualifie d’« alternatifs »96. Le retrait de certaines fonctionnalités (le cast-to-tv, l’enregistrement et le start- over) s’est quant à lui matérialisé mais seulement pour les chaînes en clair du groupe M697. Molotov précise que « depuis la rupture de la relation contractuelle avec M6, l’enregistrement sur les chaînes gratuites du groupe M6 n’est plus possible, seul celui des chaînes payantes qui sont sous contrat demeure possible » 98. En revanche, pour le groupe TF1, Molotov indique que « compte tenu du caractère essentiel de l’enregistrement pour ses abonnés, Molotov a pris la décision de maintenir la possibilité d’enregistrement des chaînes du groupe TF1 même après la rupture par TF1 de leur relation contractuelle »99. Molotov semble, sur ce point, apprécier différemment la nécessité de proposer la fonctionnalité permettant d’enregistrer les flux linéaires des chaînes du groupe M6 d’une part et des chaînes du groupe TF1 d’autre part.
A date, il n’apparaît donc pas que Molotov a subi une atteinte grave, puisque les signaux sont toujours disponibles pour les consommateurs.
En ce qui concerne la santé financière de Molotov, la presse s’est faite l’écho des difficultés économiques de Molotov100. La plateforme a toutefois […]. Cet élément vient modérer la probabilité d’une atteinte grave et immédiate101.
Molotov déclare toutefois que « […] »102.
Molotov relève que « […] »103. En effet, en ce qui concerne le groupe M6, c’est dès la fin de l’année 2017 qu’il a enjoint à Molotov de cesser de distribuer ses services au 31 mars 2018. Le groupe TF1, quant à lui, a formellement rompu les négociations le 14 juin 2019 à la suite de désaccords majeurs avec TF1 depuis plusieurs mois.
b) Analyse du Conseil des conséquences d’une éventuelle indisponibilité des chaînes de TF1 et M6 sur Molotov
Il est délicat d’évaluer le niveau de gravité de l’atteinte que pourrait subir la société Molotov dans l’hypothèse de l’indisponibilité des chaînes de la TNT gratuite des groupes TF1 et M6 sur la plateforme.
En théorie, elle pourrait continuer à proposer son service. Mais l’attractivité de ce dernier pour le consommateur (et de facto, pour les investisseurs) serait en pratique affectée puisque près de la moitié des audiences de la plateforme est réalisée par ces chaînes (cf. tableau ci-dessous).
En termes de chiffre d’affaires, Molotov en réalise plus de […] %105 au titre des offres « Molotov Plus106 » et « Molotov Extended »107, ce qui représente au total près de […] % des abonnés aux offres payantes accessibles via Molotov108. Ces deux offres donnent accès à plusieurs fonctionnalités, parmi lesquelles 150 heures d’enregistrement109.
Or, parmi les utilisateurs abonnés aux offres payantes de Molotov, […] utilisateurs regardent au minimum […] consécutives d’un programme du groupe TF1 par mois110. De la même façon, parmi les enregistrements réalisés sur la plateforme par les utilisateurs ayant souscrit à l’option « Molotov Plus », […] % portaient sur les programmes des chaînes du groupe TF1 au 20 juin 2019 et […] % portaient sur des programmes du groupe M6 avant le 30 mars 2018111. En pratique, […] % des abonnés ayant enregistré TF1 visionnent leur enregistrement, contre […] % pour les utilisateurs qui utilisent le nPVR pour les chaînes du groupe France Télévisions112.
c) Conclusion
A la date du présent avis, le Conseil estime qu’on ne peut affirmer que la société Molotov encoure, en l’état, un danger grave et immédiat, dès lors qu’elle continue de distribuer les chaînes des groupes TF1 et M6. Toutefois, il souligne qu’une coupure des signaux des chaînes des groupes TF1 et M6, qui pourrait notamment résulter d’une condamnation pour contrefaçon, serait susceptible d’avoir un impact important et direct sur Molotov du fait d’une moindre utilisation du service par les consommateurs, voire de leur désaffection et/ou d’un potentiel désengagement des investisseurs.
Pour autant, Molotov rencontre des difficultés financières sérieuses indépendantes de l’état de ses relations avec les groupes TF1 et M6, rendant plus délicate la caractérisation d’un lien de causalité entre les comportements des groupes TF1 et M6 dénoncés par Molotov et l’atteinte que subirait Molotov dans l’hypothèse d’une coupure des signaux. Dans sa saisine, le distributeur précise d’ailleurs […]113. Les représentants de la société ont indiqué lors de leur audition devant le Conseil en date du 11 septembre 2019 que l’entreprise […] millions d’euros en 2018114.
La relative fragilité de Molotov, dont le Conseil tient à souligner l’importance de la contribution à l’innovation dans le secteur audiovisuel, découle notamment de son taux de transformation115 qui, bien qu’en croissance, ne suffit pas actuellement […] à assurer la pérennité et la profitabilité du service. Molotov a souligné lors de son audition que son modèle économique « freemium » est fondé sur une révolution des usages qui, si elle a commencé, n’est pas encore généralisée. En outre, l’appréciation du risque auquel est confronté Molotov doit prendre en compte les engagements pris dans le cadre de l’autorisation du projet d’entreprise commune Salto par l’Autorité de la concurrence. Salto, les groupes TF1, France Télévisions et M6 se sont en effet engagés (cf. engagements E13 et E14 cités supra dans la partie I. B.) à proposer à tout distributeur tiers qui en fait la demande, la « distribution de [leurs] chaînes de la TNT en clair et de leurs services et fonctionnalités associés, à des conditions techniques, commerciales et financières transparentes, objectives et non discriminatoires ». Les engagements prévoient en particulier un mécanisme de fixation de la rémunération due par Salto à ses Mères par deux experts indépendants. Ce mécanisme assure le principe d’une rémunération des éditeurs non discriminatoire entre Salto - dont la rémunération est contrôlée par les mandataires - et les distributeurs tiers. La mission des mandataires ne consiste en revanche pas à estimer le caractère pertinent de conditions discutées par les parties.
L’Autorité conclut, au sujet de ces deux engagements, qu’ils « permettent d’écarter toute stratégie de forclusion partielle qui pourrait être mise en œuvre par les Mères au bénéfice de Salto, en octroyant aux concurrents de sa filiale commune des conditions dégradées, d’un point de vue technique ou tarifaire »116 ou en privant simplement Molotov de leurs flux linéaires et services associés. En pratique, ces engagements, et tout particulièrement l’engagement E.13, garantissent à Molotov de pouvoir recevoir une offre transparente, objective et non-discriminatoire pour la distribution des chaînes des groupes TF1 et M6 ainsi que de leurs services et fonctionnalités associés.
Ces engagements sont entrés en vigueur dès la notification de la décision de l’Autorité de la concurrence mais restent subordonnés dans leur bonne application à la nomination d’un mandataire qui pourra contrôler leur respect. Molotov peut donc, depuis le 17 septembre 2019, date de la publication de la décision de l’Autorité de la concurrence, demander aux groupes TF1 et M6 de lui proposer une offre aux conditions objectives et non-discriminatoires pour la distribution de leurs chaînes, services et fonctionnalités associés.
Les parties resteront en revanche libres de contracter ou non.
Notes :
1 Décision du CSA n° 2019-395 du 31 juillet 2019 relative à un différend opposant les sociétés BFM TV, RMC Découverte et Diversité TV à la société Free.
2 L’OTT désigne la distribution de services audiovisuels sur l’internet ouvert, par opposition aux réseaux classiques de diffusion de services de télévision (réseaux gérés par les fournisseurs d’accès à internet, réseau hertzien, câble, satellite). Les services OTT sont disponibles avec une simple connexion internet (offrant un niveau de débit suffisant), sans passer par un boîtier spécifique (décodeur) comme la box d’un FAI.
3 Le Network Personal Video Recorder (nPVR) désigne un système par lequel un espace personnel d’enregistrement non physique, dit dans le cloud ou nuage, est mis à disposition d’un utilisateur.
4 Décision de l’Autorité de la concurrence n° 19-DCC-157 du 12 août 2019 relative à la création d’une entreprise commune par les sociétés France Télévisions, TF1 et Métropole Télévision.
5 Possibilité de reprendre au début le visionnage d’une émission dont la diffusion linéaire est en cours.
6 Définition d’image de 3840x2160 pixels, soit 4 fois plus qu’en haute définition.
7 Par exemple, le Conseil a été saisi par le groupe Canal Plus d’une demande de règlement de différend contre le groupe TF1 qui demandait une importante hausse de la rémunération que lui versait alors le groupe Canal Plus pour la distribution de ses services. Cette procédure n’a pas abouti du fait du désistement des parties.
8 Confidentiel, avis du Conseil supérieur de l’audiovisuel n° 2019-05 relatif au projet de création d’une entreprise commune dénommée Salto par les sociétés France Télévisions, Métropole Télévision et Télévision Française 1.
9 Après échéance des contrats les parties ont plusieurs fois prorogé pour une courte période le contrat de distribution les liants. Cf. le communiqué de presse du groupe TF1 en date du 2 mars 2018 : https://www.groupe- tf1.fr/fr/communiques/activit%C3%A9-du-groupe-d%C3%A9veloppement-acquisition-cession- diversification/r%C3%A9action-du-groupe-tf1-suite-%C3%A0-la-d%C3%A9cision-unilat%C3%A9rale-du-groupe- canal
10 Confidentiel, avis n° 2019-05 précité.
11 Confidentiel, avis n° 2019-05 précité.
12 Décision n° 2019-395 précitée.
13 Hormis, pour les chaînes de France Télévisions, La Chaîne Parlementaire et Arte, les obligations dites de must- carry - voir note de bas de page n°17 ci-après.
14 Ordonnance de référé rendue le 26 juillet 2019 par le TGI de Paris, n°19/54162.
15 Cf. le communiqué de presses du groupe Free en date du 11 septembre 2019: https://www.iliad.fr/presse/2019/CP_110919.pdf
16 Cf. par exemple Les Echos, « Orange et Altice sont parvenus à un accord sur la diffusion de BFM TV », 6 septembre 2019 : https://www.lesechos.fr/tech-medias/medias/orange-et-altice-sont-parvenus-a-un-accord-sur-la- diffusion-de-bfm-tv-1129673.
17 Obligation de must-carry prévue aux articles 34-2 et 45-3 de la loi de 1986 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.
18 Saisine au fond de Molotov (p.5) : « L’offre de services « Molotov Plus » à 3,99 euros par mois, donnant accès à 150H d’enregistrement, à la diffusion simultanée sur plusieurs écrans et à la possibilité de consulter les programmes dans toute l’Union européenne
- l’offre de chaînes et de services « Molotov Extended » à 9,99 euros par mois, donnant accès à 150H d’enregistrement, à la diffusion en simultanée sur plusieurs écrans, ainsi qu’à 40 chaînes complémentaires et certains services de télévision de rattrapage
- Des offres de chaînes payantes pouvant être souscrites séparément : OCS, Ciné+, NFL Network et RMC Sport ».
19 Confidentiel, cf. annexe n° 12 à la saisine au fond de Molotov qui correspond à un avenant en date du […] venant modifier le contrat de distribution du 5 juin 2015 conclu entre Molotov et le groupe M6 s’agissant des
« fonctionnalités des espaces de stockage distants ».
20 Canal+ n’est disponible ni en clair ni en payant sur la plateforme Molotov, tandis que les chaînes C8, CStar et CNews le sont.
21 Editeurs auditionnés : groupe TF1, groupe M6, France Télévisions, Arte, L’Equipe, NBCU, Lagardère et NRJ ; Distributeurs (dont certains également éditeurs) et représentants: Molotov, Free, Orange, Groupe Canal Plus, SFR et la Fédération Française des Télécoms ; Pouvoirs publics entendus : Ministère de la culture, HADOPI ; Représentants des ayants droit auditionnés : membres de Copie France.
22 Médiamétrie – Année TV 2018.
23 Avis n° 2019-05 précité.
24 Réponse au questionnaire envoyé par le Conseil à Molotov, p. 37 et p.38.
25 Décision n° 19-DCC-157 précitée.
26 En effet, la saisine de Molotov de l’Autorité de la concurrence date du 23 juillet 2019, tandis que l’Autorité de la concurrence a communiqué pour la première fois sur la décision relative à la création de Salto le 12 août 2019 par un communiqué de presse.
27 Saisine au fond de Molotov §28.
28 Saisine au fond de Molotov §29.
29 Confidentiel, saisine au fond de Molotov §33. 30 Réponse au questionnaire du Conseil de M6. 31 Saisine au fond de Molotov §34.
32 Cf. annexe n°13 à la saisine au fond de Molotov.
33 Saisine au fond de Molotov §36.
34 Confidentiel, saisine au fond de Molotov §38.
35 Le projet de term sheet entre le groupe M6 et Molotov du 13 février 2018 souligne que « le Distributeur n’est autorisé à distribuer les Services du Groupe M6 que dans le cadre des bouquets Payants de son Offre Molotov », cela correspond à la clause dite de « paywall ».
36 Réponse au questionnaire du Conseil du groupe M6 et annexe fournie par le groupe M6 (courrier de Molotov adressé à M6 en date du 19 décembre 2017).
37 Cf. annexe n° 16 à la saisine au fond de Molotov.
38 Réponse de M6 au questionnaire du Conseil et annexes fournies par le groupe M6.
39 Réponse de M6 au questionnaire du Conseil et annexe n°19 accompagnant la saisine au fond de Molotov.
40 Confidentiel, cf. annexe n° 23 à la saisine au fond de Molotov.
41 Cf. annexe n° 25 à la saisine au fond de Molotov.
42 Confidentiel, saisine au fond de Molotov §57.
43 Confidentiel, saisine au fond de Molotov §62.
44 Saisine au fond de Molotov §66.
45 Cf. annexe n°31 à la saisine au fond de Molotov.
46 Saisine au fond de Molotov §67.
47 Saisine au fond de Molotov §74.
48 Un courriel en date du 20 mai 2019 envoyé par TF1 à Molotov fait état d’un « riche échange » entre les deux sociétés en date du 26 avril 2019 permettant d’échanger « sur les nouvelles fonctionnalités de Molotov et l’offre TF1 Premium » (annexe n°16 à la réponse au questionnaire envoyé par le Conseil à TF1).
49 Annexe n°16 à la réponse au questionnaire envoyé par le Conseil à TF1. 50 Annexe n°17 à la réponse au questionnaire envoyé par le Conseil à TF1. 51 Annexe n°18 à la réponse au questionnaire envoyé par le Conseil à TF1. 52 Confidentiel, cf. annexe n°41 à la saisine au fond de Molotov.
53 Saisine au fond de Molotov §81.
54 Saisine au fond de Molotov § 84 et 85.
55 Saisine au fond de Molotov § 111.
56 Cour de cassation, arrêt du 8 novembre 2005, Neuf Télécom, n° 04-16857.
57 Décision n° 13-D-04 du 14 février 2013 relative à une demande de mesures conservatoires concernant des pratiques mises en œuvre par le groupe EDF dans le secteur de l’électricité photovoltaïque.
58 Saisine au fond de Molotov, §88.
59 Confidentiel, […] et assignation de Molotov devant le TGI de Paris le 1er juillet 2019 par TF1 (cf. annexe 45 à la saisine au fond de Molotov).
60 Demande de mesures conservatoires de Molotov, § 121 et 122.
61 La mesure de référence que constitue le Médiamat de Médiamétrie ne permet pas de distinguer la contribution des différents acteurs de l’OTT à l’audience des chaînes en clair.
62 La consommation de contenus en OTT inclut en particulier la consommation de programmes sur les sites propriétaires et auto-distribués des éditeurs (de type 6play ou MyTF1), réduisant de facto le poids de Molotov dans cette consommation en OTT.
63 Dont près d’un foyer sur quatre (22 % au quatrième trimestre 2018) reçoit la télévision exclusivement par la TNT.
64 Réception de la télévision par internet dont la qualité de service est gérée par le FAI contrairement à la réception de la télévision en OTT. Quand bien même la réception de la télévision s’opère sur internet, l’IPTV et l’OTT ne recouvrent pas les mêmes réalités techniques et in fine pour le consommateur.
65 CSA, Observatoire de l’équipement audiovisuel des foyers de France métropolitaine, résultats du quatrième trimestre 2018 pour la télévision. Pourcentage exprimé sur la base de foyers de France métropolitaine équipés en téléviseur(s).
66 Baromètre de la TVR du CNC d’avril 2019. Les résultats portent sur 1 000 internautes âgés de 15 ans et plus.
67 Médiamétrie, L’année TV 2018, sur la base des 4 ans et plus.
68 Médiamétrie, Global TV, sur la base des 4 ans et plus.
69 Médiamétrie, Global TV, sur la base des 4 ans et plus.
70 Confidentiel, audition de Molotov devant le Conseil en date du 11 septembre 2019.
71 Cet indicateur correspond au nombre de personnes ayant été mises au contact de la chaîne sur une durée d’au moins 10 secondes consécutives.
72 Il s’agit de l’audience cumulée journalière moyenne en millions de téléspectateurs sur l’ensemble de l’année 2018.
73 Qui s’entend […] au sein de la part d’audience des chaînes.
74 Confidentiel, réponse au questionnaire envoyé par le Conseil au groupe M6.
75 Confidentiel, avis n° 2019-05 précité.
76 Site de Molotov, consulté le 5 septembre 2019.
77 Pour rappel, le chiffre d’affaires de Molotov s’élevait à […] millions d’euros en 2018. La part du chiffre d’affaires de Molotov générée par les options « Molotov Plus » et « Molotov Extended » s’élève à […] millions d’euros, tandis que la part du chiffre d’affaires générée par les options […] s’élève à […] million d’euros.
78 Demande de mesures conservatoires de Molotov, § 110.
79 Demande de mesures conservatoires de Molotov, § 114.
80 Demande de mesures conservatoires de Molotov, § 115.
81 Demande de mesures conservatoires de Molotov, § 116.
82 Demande de mesures conservatoires de Molotov, § 117.
83 Demande de mesures conservatoires de Molotov, § 122.
84 Hors coût d’équipement et d’accès à internet.
85 Hors coût d’équipement. S’agissant de la métropole, l’article 96-1 de la loi du 30 septembre 1986 définit les objectifs de couverture de la population. Il prévoit qu’au moins 95 % de la population métropolitaine doit être couverte par l’ensemble des chaînes nationales de la TNT. En pratique, en 2018 97,3 % de la population métropolitaine était couverte par la TNT. Le satellite couvre quant à lui 100 % de la population en France ; or, les éditeurs de chaînes nationales en clair de la TNT sont tenus de mettre leur signal à disposition d’un distributeur par satellite ou d’un opérateur de réseau satellitaire en vue de la constitution d’une offre non conditionnée à la location d’un terminal de réception ni à la souscription d’un abonnement (article 98-1 de la loi du 30 septembre 1986).
86 Selon l’Observation de l’équipement audiovisuel du CSA, la réception de la télévision par internet (IPTV), tous postes confondus, continue de progresser pour atteindre 57 % des foyers au 4ème trimestre 2018.
87 Le Conseil note que de plus en plus de consommateurs souscrivent à des offres dual play sans offre de télévision mais ce mode d’accès à internet concerne encore aujourd’hui une minorité de français.
88 Pour rappel, le nPVR désigne un système par lequel un espace personnel d’enregistrement non physique, dit dans le
cloud ou nuage, est mis à disposition d’un utilisateur.
89 D’autres services de nPVR ont été lancés, notamment par SFR (avril 2019) et Videofutur (juillet 2019).
90 Dispositif introduit par la loi relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine du 7 juillet 2016 qui autorise et encadre la copie privée sur un support à distance (nPVR).
91 En conclusion de sa réflexion sur le nPVR, le Conseil a appelé l’attention des acteurs sur le fait que ladite convention n’avait pas pour objet d’empêcher ni de restreindre le bénéfice de l’exception pour copie privée ou encore de permettre une intervention sur la jouissance et les usages d’une copie par l’utilisateur final, qui doivent demeurer privés. Il a rappelé qu’il était légitime que le téléspectateur s’acquittant d’une redevance en contrepartie de capacités de stockage selon le barème défini par la commission compétente bénéficie de ces dernières sans limitation indue.
92 Contrats conclus entre les groupes TF1 et M6 avec les différents FAI transmis à titre confidentiel.
93 Le PVR (« Personal Video Recorder ») désigne l’enregistrement sur un support de stockage physique à savoir les supports autonomes (magnétoscopes, lecteur enregistreur DVD, clés, disques durs, etc.) ou intégrés dans les boîtiers des distributeurs.
94 La capacité maximum de stockage est en tout état de cause fixée par la Commission copie privée à 500 Go.
95 Demande de mesures conservatoires de Molotov, §85 et 90.
96 Saisine au fond de Molotov, §88.
97 Comme indiqué ci-dessus, le contrat liant Molotov et le groupe TF1 n’ayant jamais prévu de fonctionnalités associées pour les chaînes en clair du groupe, à l’exception du nPVR. Cf. par exemple §51 de la demande de mesures conservatoires de Molotov.
98 Réponse au questionnaire adressé à Molotov par le Conseil, p. 6.
99 Réponse au questionnaire adressé à Molotov par le Conseil, p. 6.
100 Marina Alcaraz, Molotov à nouveau à la recherche de partenaires, Les Echos en date du 13 mai 2019.
101 Confidentiel.
102 Confidentiel.
103 Confidentiel.
104 La décision de l’Autorité de la concurrence ° 19-DCC-120 du 25 juin 2019 relative à la prise de contrôle exclusif des sociétés Jeunesse TV et Lagardère Thématiques par le groupe M6 a autorisé ce dernier la prise de contrôle exclusif de la chaîne Gulli. L’opération a été finalisée le 2 septembre 2019, i.e. postérieurement à la saisine de l’Autorité de la concurrence par Molotov.
105 Confidentiel, saisine au fond de Molotov, §110.
106 « L’offre de services Molotov Plus à 3,99 euros par mois donne accès à 150h d’enregistrement, à la diffusion simultanée sur plusieurs écrans et à la possibilité de consulter les programmes dans toute l’Union européenne », saisine au fond de Molotov, §6.
107 « L’offre de service Molotov Extended à 9,99 euros par mois donne accès à 150h d’enregistrement, à la diffusion en simultané sur plusieurs écrans, ainsi qu’à 40 chaînes complémentaires et certains services de télévision de rattrapage », saisine au fond de Molotov, §6.
108 Confidentiel, annexe n°2 à la réponse au questionnaire envoyé par le Conseil à Molotov.
109 Cette possibilité a été encadrée dans les contrats de distribution conclus avec les groupes TF1 et M6, la durée maximale d’enregistrement étant alors fixée à 20 heures.
110 Confidentiel, estimations internes de Molotov, pièce n°24 annexée à la réponse au questionnaire du Conseil du groupe TF1.
111 Confidentiel, saisine au fond de Molotov, §109.
112 Confidentiel, réponse au questionnaire adressé à Molotov par le Conseil, p.6.
113 Confidentiel, saisine au fond de Molotov, §239.
114 Confidentiel.
115 En l’espèce, le taux de transformation s’entend comme le taux d’utilisateurs gratuits qui décident de payer pour une option, ces utilisateurs se « transforment » et deviennent des utilisateurs payants qui contribuent directement au chiffre d’affaires de la société.
116 Décision n° 19-DCC-157 précitée.