Cass. com., 12 février 1991, n° 89-15.845
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Defontaine
Rapporteur :
Mme Pasturel
Avocat général :
M. Patin
Avocats :
SCP Nicolas et de Lanouvelle, SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 24 mai 1989), que, une procédure de redressement judiciaire ayant été ouverte à l'égard de la société SA Transports Verdier, la société Auto express moderne (société AEM), filiale d'une société Picoty, a formulé une proposition d'acquisition des actifs de l'entreprise ; que cette offre prévoyait, " à l'effet d'assurer l'activité ", la constitution d'une société dans laquelle les sociétés Picoty et AEM conserveraient la majorité, la nouvelle société devant, à l'issue du contrat de location-gérance qui lui serait consenti pour une certaine période, se porter acquéreuse des actifs pour un prix dont le paiement serait garanti par le cautionnement de la société AEM ; que, par jugement du 19 février 1988, le Tribunal a arrêté le plan de cession tel que proposé par la société AEM, autorisé la cession des actifs pour un certain prix, ainsi que la location-gérance du fonds de commerce de la débitrice au profit de la société AEM pour 6 mois, dit que l'acte de vente devrait être passé à l'expiration de cette période et sursis à statuer sur le maintien des contrats visés à l'article 86 de la loi du 25 janvier 1985 et sur l'évaluation des biens grevés de sûretés ; qu'un contrat de location-gérance a été conclu le 8 avril 1988 par la débitrice et l'administrateur au profit de la société Transports Verdier société anonyme (la Société nouvelle), qui était en cours de constitution et dont les statuts ont été signés le 3 mai 1988 ; que, la nouvelle société ayant, à l'issue de la location-gérance, fait connaître qu'elle ne pouvait donner suite à l'offre de rachat de l'entreprise, la débitrice et l'administrateur ont assigné la société AEM devant le Tribunal qui a condamné cette société à exécuter la cession et a dit que le jugement ainsi rendu valait vente ;
Sur le premier moyen : (sans intérêt) ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu qu'il est, en outre, reproché à l'arrêt d'avoir statué comme il a fait alors selon le pourvoi, que l'article 5 de la loi du 24 juillet 1966 consacre l'existence rétroactive des sociétés commerciales au moment de la passation des contrats conclus en leur nom, lorsque ces sociétés, après avoir été régulièrement constituées et immatriculées au registre du commerce, reprennent les engagements ainsi souscrits avant l'acquisition de la personnalité morale ; que dès lors, en s'abstenant de rechercher, comme l'y invitait la société AEM, si la reprise par la Société (nouvelle) Transports Verdier, société anonyme, des actes accomplis en son nom avant l'immatriculation au registre du commerce n'établissait pas son existence à la date de la proposition du plan de cession du 27 janvier 1988 et surtout à celle du jugement intervenu le 19 février 1988 sur le plan de cession, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 5 de la loi du 24 juillet 1966 ;
Mais attendu qu'une société n'acquiert la personnalité morale qu'à compter de son inscription au registre du commerce et des sociétés, peu important à cet égard qu'elle soit tenue, lorsqu'elle les a ratifiés, des engagements pris par les personnes agissant en son nom au cours de la période de formation ; qu'il s'ensuit que ces personnes ne peuvent, pendant cette période et, partant, avant le début des opérations de formation, être considérées comme les mandataires de la société ; que, dès lors, la cour d'appel a décidé à bon droit que la société AEM ne pouvait être considérée comme la mandataire de la société nouvelle au moment où le Tribunal avait arrêté le plan comportant la création de cette dernière société, inexistante à ce moment ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que la société AEM reproche encore à l'arrêt d'avoir statué comme il a fait, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'il résulte des termes clairs et précis, tant de la lettre du 27 janvier 1988 que de celle du 11 février 1988, que la société AEM a proposé, pour la reprise de la société SA Transports Verdier, en redressement judiciaire, la constitution d'une société d'exploitation à l'effet d'assurer l'activité à poursuivre et a précisé tant les conditions de constitution de cette société que celles de la reprise, en mentionnant précisément que la location-gérance serait attribuée à la société nouvelle qui, à l'issue de ce contrat, exécuterait la cession de l'entreprise ; qu'en décidant donc que la société AEM était tenue à l'exécution de la cession de l'entreprise, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis des lettres des 27 janvier 1988 et 11 février 1988 ; alors, d'autre part, qu'en interprétant le jugement du 19 février 1988 comme arrêtant le plan de cession à la société AEM et comme emportant sous-location de l'entreprise à celle-ci, tout en constatant que le même jugement avait arrêté le plan tel que proposé par la lettre du 27 janvier 1988 prévoyant, pour la reprise de l'entreprise, la constitution d'une société nouvelle qui serait locataire-gérante, puis cessionnaire de l'exploitation, la cour d'appel a dénaturé le jugement du 19 février 1988 et a violé l'article 1351 du Code civil ; et alors, enfin, qu'il résulte de l'article 61, alinéa 3, de la loi du 25 janvier 1985, que la cession de l'entreprise doit être faite au locataire-gérant en cas de conclusion d'un tel contrat ; qu'en décidant que la société AEM devait exécuter la cession de l'entreprise, en redressement judiciaire, bien que la location-gérance ait été faite à la société nouvelle, personne morale distincte de la société AEM, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article 61, alinéa 3, de la loi du 25 janvier 1985 ;
Mais attendu que l'arrêt a relevé que le Tribunal a arrêté le plan proposé par la société AEM et désigné celle-ci pour l'exécuter ; qu'il en a déduit à bon droit, et hors toute dénaturation, que quelles que soient les modalités de ce plan, cette société était seule tenue de son exécution ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Et sur le quatrième moyen : (sans intérêt) ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.