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Décisions

Cass. com., 6 février 1962, n° 60-11.320

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Astie

Rapporteur :

M. Nectoux

Avocat général :

M. Gegout

Avocats :

Me Brouchot, Me le Gesne

Nancy, du 3 déc. 1959

3 décembre 1959

SUR LE PREMIER MOYEN : ATTENDU QUE, SELON LES ENONCIATIONS DE L'ARRET ATTAQUE (NANCY, 3 DECEMBRE 1959) LA SOCIETE A RESPONSABILITE LIMITEE "ENTREPRISE CHARLES SAUSSURE" A ETE ADMISE LE 6 MAI 1954 AU BENEFICE DE LA LIQUIDATION JUDICIAIRE ET QUE CETTE MESURE A ETE CONVERTIE EN FAILLITE PAR JUGEMENT DU 7 JUILLET 1954 ;

QUE, PAR EXPLOIT DU 4 DECEMBRE 1954, LE SYNDIC A ASSIGNE LE GERANT DEMAY EN RESPONSABILITE PAR APPLICATION DE L'ARTICLE 25, ALINEA I DE LA LOI DU 7 MARS 1925, LUI REPROCHANT DES FAUTES DE GESTION ET NOTAMMENT UN DEFAUT DE SURVEILLANCE SUR LES AGISSEMENTS D'UN SIEUR Y... QU'IL AVAIT ENGAGE EN QUALITE DE DIRECTEUR ET A QUI IL AVAIT CONSENTI UNE PROCURATION L'INVESTISSANT DES POUVOIRS LES PLUS ETENDUS ;

QUE, PAR JUGEMENT DU 11 MAI 1955, LE TRIBUNAL DE COMMERCE A RETENU A LA CHARGE DE DEMAY DES FAUTES LOURDES ET COMMIS UN EXPERT X... FINS DE CHIFFRER LE MONTANT DES DOMMAGES-INTERETS DUS AUX TIERD CREANCIERS DE LA SOCIETE ;

QUE PAR EXPLOIT DU 21 JUILLET 1958 LE SYNDIC A ASSIGNE DEMAY EN PAYEMENT DU PASSIF SOCIAL EN SE FONDANT SUR L'ARTICLE 25, ALINEA 2 DE LA LOI DU 7 MARS 1925 MODIFIE PAR LE DECRET DU 9 AOUT 1953 ;

QUE, PAR JUGEMENT DU 25 FEVRIER 1959 LE TRIBUNAL DE COMMERCE A FAIT DROIT A CETTE DEMANDE ET ORDONNE UNE EXPERTISE, TOUT EN CONDAMNANT DEMAY AU PAYEMENT DE DIX MILLIONS DE FRANCS A TITRE PROVISIONNEL ;

ATTENDU QU'IL EST REPROCHE A L'ARRET ATTAQUE, STATUANT SUR L'APPEL DES DEUX JUGEMENTS PRECITES, D'AVOIR RETENU LA RESPONSABILITE DE DEMAY EN SA QUALITE DE GERANT DE LA SOCIETE SAUSSURE, EN RAISON DES FAUTES QU'IL AURAIT COMMISES DANS LA GESTION DE LA SOCIETE, AVANT LE 9 AOUT 1953, AU MOTIF QU'IL N'Y AURAIT PAS LIEU DE RECHERCHER CE QUE LE GERANT AURAIT DU FAIRE POUR EXERCER UN CONTROLE EFFICACE ET QU'IL SUFFISAIT DE CONSTATER QUE LE DIRECTEUR DE LA SOCIETE A PU EXERCER UNE ACTIVITE NETTEMENT PREJUDICIABLE AUX INTERETS DE LA SOCIETE, ALORS QUE L'ARRET ATTAQUE DECLARE PAR AILLEURS QU'IL SERAIT VAIN DE PRETENDRE QUE DEMAY N'A RIEN FAIT ET S'EST DESINTERESSE DE L'ENTREPRISE ;

MAIS ATTENDU QUE, POUR LA PERIODE ANTERIEURE AU DECRET DU 9 AOUT 1953, LA COUR D'APPEL DECLARE QUE, S'IL EST VAIN DE PRETENDRE QUE DEMAY N'A RIEN FAIT ET S'EST DESINTERESSE SYSTEMATIQUEMENT DE L'ENTREPRISE, IL A CEPENDANT COMMIS UNE SERIE DE FAUTES EN OMETTANT DE SURVEILLER EFFICACEMENT UN DIRECTEUR QU'IL AVAIT CHOISI ET A QUI, SANS MIEUX LE CONNAITRE, IL AVAIT CONSENTI UNE PROCURATION DES PLUS LARGES CONSTITUANT EN REALIT UNE VERITABLE DELEGATION DE POUVOIRS ET EN NE PRENANT PAS, LE JOUR OU IL A ETE INFORME DES AGISSEMENTS REPREHENSIBLES DE CE DIRECTEUR, LES MESURES QUI S'IMPOSAIENT ;

QU'AINSI LA COUR D'APPEL A PU RETENIR LA RESPONSABILITE DE DROIT COMMUN DE DEMAY ET QUE LE MOYEN DOIT ETRE REJETE. SUR LE DEUXIEME MOYEN : ATTENDU QU'IL EST ENCORE FAIT GRIEF A L'ARRET ATTAQUE D'AVOIR RETENU LA RESPONSABILITE DE DEMAY DANS LE PASSIF DE LA SOCIETE SAUSSURE, SANS TENIR COMPTE DE LA DATE OU SA GESTION A PRIS FIN, C'EST-A-DIRE LE 15 JANVIER 1954, AU MOTIF QUE L'UN DES GRIEFS ETABLIS A L'ENCONTRE DE DEMAY ETAIT D'AVOIR OMIS DE SIGNALER AUX SOCIETAIRES LES RAISONS SERIEUSES QU'IL AVAIT DE REFUSER TOUTE CONFIANCE A CELUI QUI ALLAIT LUI SUCCEDER, ALORS QUE LA COUR D'APPEL N'A PAS AINSI CONSTATE QUE LES FAUTES DE GESTION POSTERIEURES A LA DEMISSION DE DEMAY ET QUI, PAR CONSEQUENT, NE PEUVENT LUI ETRE IMPUTEES, SE RATTACHAIENT INDIVISIBLEMENT A DES FAUTES PERSONNELLES QU'IL AURAIT LUI-MEME COMMISES PENDANT SA GERANCE ;

MAIS ATTENDU QUE POUR CONDAMNER DEMAY AU PAYEMENT D'UNE PARTIE DU PASSIF SOCIAL, LA COUR D'APPEL, CONSIDERANT LA PERIODE POSTERIEURE AU DECRET DU 9 AOUT 1953, CONSTATE QUE DEMAY N'A PAS RAPPORTE LA PREUVE QUI LUI INCOMBAIT ET DECLARE QUE LA PRESOMPTION DE RESPONSABILITE EDICTEE PAR L'ARTICLE 25 DE LA LOI DU 7 MARS 1925 TEL QUE COMPLETE PAR LEDIT DECRET, DOIT JOUER A L'ENCONTRE DE DEMAY ;

QU'ELLE PREND SOIN DE PRECISER QUE C'EST JUSQU'AU 15 JANVIER 1954, DATE A LAQUELLE DEMAY DOIT ETRE CONSIDERE COMME DEMISSIONNAIRE VIS-A-VIS DES TIERS, QUE LA RESPONSABILITE DE DEMAY EST THEORIQUEMENT ENGAGEE ;

QU'ELLE AJOUTE QUE PRATIQUEMENT CETTE DATE N'A QU'UN INTERET SECONDAIRE, PUISQUE L'UN DES GRIEFS ESSENTIELS ETABLIS A L'ENCONTRE DE DEMAY ETAIT D'AVOIR OMIS DE SIGNALER AUX SOCIETAIRES LES MOTIFS TRES SERIEUX QU'IL AVAIT DE REFUSER TOUTE CONFIANCE A CELUI QUI, SUR SA PROPOSITION MEME, ALLAIT LUI SUCCEDER ET PRECIPITER LA RUINE DE LA SOCIETE ;

D'OU IL SUIT QUE LE MOYEN N'EST PAS FONDE ;

PAR CES MOTIFS : REJETTE LE POURVOI FORME CONTRE L'ARRET RENDU LE 3 DECEMBRE 1959 PAR LA COUR D'APPEL DE NANCY.