Cass. com., 6 décembre 1994, n° 91-17.684
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bézard
Rapporteur :
M. Tricot
Avocat général :
Mme Piniot
Avocats :
SCP Waquet, Farge et Hazan, SCP Rouvière et Boutet, Me Blondel
Attendu, selon l'arrêt déféré (Papeete, 16 mai 1991), que le tribunal de commerce ayant arrêté le plan de cession du fonds de commerce et de biens immobiliers dépendant du redressement judiciaire de M. X... Chung, l'administration fiscale a délivré une contrainte au représentant des créanciers, au commissaire à l'exécution du plan et à la Société de distribution et d'exploitation commerciale (SDEC), cessionnaire, pour le paiement des droits d'enregistrement dus à la suite de la cession ; que sur oppositions, le tribunal civil a dit que seul le cessionnaire est tenu de régler les droits d'enregistrement et a annulé la contrainte décernée contre les organes de la procédure collective ;
Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche et le deuxième moyen, pris en ses deux branches, réunis :
Attendu que la SDEC reproche à l'arrêt d'avoir confirmé le jugement alors, selon le pourvoi, d'une part qu'aux termes de l'article 1583 du Code civil, la vente entre les parties est parfaite et la propriété est acquise de droit à l'acheteur dès qu'on est convenu de la chose et du prix ; qu'en l'espèce, le jugement du tribunal de commerce, qui, retenant l'offre faite par la SDEC relative à la reprise partielle des actifs du fonds de commerce, a désigné cette société comme tenue d'exécuter le plan qu'elle a proposé et de respecter ses engagements, fixé le prix de cession du fonds, des immeubles qui y sont attachés et du stock, conformément aux articles 62 et 81 de la loi du 25 janvier 1985, emporte nécessairement accord sur la chose et sur le prix entre le débiteur et la SDEC, et vaut dès lors cession du fonds ; que l'arrêt, qui a décidé le contraire, a violé les dispositions des articles 1583 du Code civil, 62 et 81 de la loi du 25 janvier 1985 ; alors, d'autre part, que ni les dispositions de l'article 87 de la loi du 25 janvier 1985 qui ne sont pas impératives ni celles de l'article 67 de la même loi, selon lesquelles le commissaire au plan veille à l'exécution de celui-ci, ne font obstacle à ce que le jugement qui arrête le plan de redressement puisse transférer directement la propriété de l'entreprise au repreneur ; que l'arrêt, qui s'est néanmoins fondé sur de telles dispositions pour décider que le jugement du tribunal de commerce n'avait pas emporté transfert de propriété au profit de la SDEC, a violé les articles 87 et 67 de la loi du 25 janvier 1985 ; et alors, enfin, que les parties ne peuvent déroger au principe du transfert de propriété solo consensu et repousser ledit transfert au jour de la rédaction de l'acte authentique que par stipulation expresse ; que l'article 89 de la loi du 25 janvier 1985 ne constitue pas une telle clause dérogatoire mais une simple limitation temporaire à l'exercice du droit de propriété du repreneur afin de garantir le redressement de l'entreprise cédée ; que l'arrêt qui a néanmoins jugé que l'article 89 de ladite loi avait pour effet de repousser le transfert de propriété à la passation de l'acte authentique, a violé les dispositions des articles 89 précité et 1583 du Code civil ;
Mais attendu qu'il résulte des articles 81 et 87, alinéa 1er, de la loi du 25 janvier 1985, qu'en exécution du plan de cession de l'entreprise arrêté par le Tribunal, l'administrateur passe tous les actes nécessaires à la réalisation de la cession ; que dès lors, et s'il n'en est autrement décidé par le jugement arrêtant le plan, le transfert des droits compris dans le plan s'opère à la date de passation des actes précités ; qu'en l'espèce, la cour d'appel n'ayant pas dérogé à la règle du transfert des droits de propriété au jour de la signature des actes nécessaires à la réalisation de la cession, la SDEC n'est pas fondée à soutenir que ce transfert se serait effectué à une autre date ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Sur le premier moyen pris en sa première branche :
Attendu que la SDEC reproche encore à l'arrêt d'avoir statué comme il a fait alors, selon le pourvoi, qu'il résulte de l'article 4 de l'arrêté du 15 novembre 1873 (droit polynésien) qu'est soumis au droit proportionnel le jugement qui emporte transmission de la simple jouissance des biens meubles et immeubles ; qu'en l'espèce, le jugement du tribunal mixte de commerce a fixé la date d'entrée en jouissance de la SDEC dans le fonds de commerce au lendemain de son prononcé ; que s'imposant au débiteur et au cessionnaire, ce jugement a nécessairement emporté transfert de jouissance au profit de la SDEC ; que l'arrêt qui a décidé le contraire a violé les dispositions de l'article 4 de l'arrêté du 15 novembre 1873 ;
Mais attendu que la cour d'appel a retenu que les droits d'enregistrement sont normalement à la charge de l'acquéreur en vertu des articles 1593 du Code civil et 41 du Code de l'enregistrement (droit polynésien) ; que si le transfert de jouissance antérieur au transfert de propriété est susceptible, en vertu de l'article 4 de l'arrêté du 15 novembre 1873, d'entraîner une exigibilité anticipée des droits d'enregistrement, il n'a pas pour effet, en raison de son caractère accessoire, d'exonérer l'acquéreur de la charge du paiement de ces droits ; que le moyen ne peut être accueilli ;
Et sur le troisième moyen, pris en ses trois branches :
Attendu que la SDEC reproche enfin à l'arrêt d'avoir statué comme il a fait alors, selon le pourvoi, d'une part, que font partie des dépens les droits d'enregistrement auquel est soumis un jugement qui emporte transfert de propriété ou de jouissance ; que met à la charge du redressement judiciaire ces droits proportionnels, le jugement qui, comme celui du tribunal mixte, dit que les dépens seront employés en frais de redressement judiciaire ; que l'arrêt qui a néanmoins jugé que seule la SDEC, cessionnaire du fonds de commerce, était tenue des droits d'enregistrement, a violé l'article 695 du nouveau Code de procédure civile ; alors, d'autre part, que l'article 41 du Code de l'enregistrement prévoit que les parties peuvent déroger au principe général selon lequel le cessionnaire est débiteur des droits d'enregistrement ; que tel est le cas du jugement du tribunal mixte de commerce qui, conformément à l'article 61 de la loi du 25 janvier 1985, a organisé la cession du fonds de commerce et mis à la charge du redressement judiciaire les dépens ; que l'arrêt qui a néanmoins décidé que la SDEC, cessionnaire du dit fonds, était tenue des droits d'enregistrement, a violé les articles 41 du Code de l'enregistrement et 61 de la loi du 25 janvier 1985 ; et alors, enfin, qu'il résulte de l'article 62 de la loi du 25 janvier 1985 que le cessionnaire, bien que non partie à l'instance du jugement qui arrête le plan de cession, peut se prévaloir de ses dispositions ; que l'arrêt, qui a néanmoins jugé que le jugement du tribunal de commerce n'avait pu stipuler en faveur de la SDEC, cessionnaire et non partie à l'instance, en dérogeant au principe général de paiement des droits d'enregistrement par le cessionnaire, a violé l'article 64 de la loi du 25 janvier 1985 ;
Mais attendu que les dépens énumérés à l'article 695 du nouveau Code de procédure civile ne comprennent pas les droits perçus seulement à l'occasion de la décision, qui demeurent à la charge de la partie à qui ils incombent d'après les lois civiles et fiscales, à moins que le jugement n'en impose le paiement à l'autre partie à titre de dommages-intérêts ; qu'ainsi, en l'absence d'une telle mesure, la cour d'appel a énoncé à bon droit que les dépens mis à la charge du redressement judiciaire ne peuvent en aucun cas inclure les droits d'enregistrement afférents aux actes nécessaires à la réalisation du plan qui demeurent à la charge de l'acquéreur en vertu des articles 1593 du Code civil et 41 du Code de l'enregistrement ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.