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Décisions

Cass. com., 19 avril 2005, n° 02-10.256

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Tricot

Pau, 2e ch. civ. sect. 1, du 15 oct. 200…

15 octobre 2001

Sur le moyen unique, après avertissement délivré aux parties :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Pau, 15 octobre 2001), que M. Claude X... et M. Paul X... ont constitué la société Constructions X... frères (la société) dont les parts ont été également réparties entre eux, M. Claude X... étant désigné comme gérant et M. Paul X... exerçant les fonctions de directeur technique ; qu'après une période de forte activité, la société a connu une chute rapide de son chiffre d'affaires et qu'après le licenciement du personnel, la cessation de l'exploitation et la démission du gérant, un administrateur provisoire a été désigné à la demande de ce dernier ; que M. Paul X..., alléguant que le gérant n'avait pas agi dans l'intérêt de la société et avait ainsi manqué à l'obligation de loyauté dont il était tenu à l'égard de son coassocié, a demandé que M. Claude X... soit condamné à lui payer des dommages-intérêts ;

Attendu que M. Paul X... fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté cette demande alors, selon le moyen :

1 / que la cour d'appel a d'abord constaté que les agissements du dirigeant de la société, M. Claude X..., visant à compromettre la pérennité de cette dernière avaient commencé au mois de juin 1993 ; qu'elle a ensuite constaté que M. Paul X... était en arrêt de travail pour cause de maladie depuis le 28 mai 1993, de sorte qu'il se trouvait dans l'incapacité de prendre quelque initiative que ce soit pour mettre en oeuvre des mesures propres à rétablir la bonne marche de la société ou à tout le moins à paralyser l'action nuisible de son dirigeant ;

qu'en imputant néanmoins à faute à M. Paul X... sa passivité devant les agissements de son frère pour le débouter de sa demande en paiement de dommages-intérêts lorsqu'il était dans l'incapacité de les entraver, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article 1382 du Code civil ;

2 / que le non-usage d'une faculté n'est pas fautif ; que la possibilité offerte aux associés d'une société d'en demander ou d'en accepter la dissolution, ainsi que celle leur permettant de faire désigner un administrateur provisoire ne constituent en aucun cas des obligations, de sorte que le non-usage de ces prérogatives ne peut être imputé à faute à un associé ; qu'en jugeant M. Paul X... fautif, en sa qualité d'associé de la société Constructions X... frères, pour n'avoir accepté ni la dissolution de la société ni de racheter les parts de son frère Claude, ni pris l'initiative de faire désigner un administrateur provisoire, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;

3 / que dans ses conclusions d'appel, M. Paul X... faisait valoir que M. Claude X..., gérant, n'avait effectivement démissionné qu'en 1994 avec effet rétroactif au 31 décembre 1993, soit après avoir ainsi, selon les constatations de l'arrêt, "définitivement compromis toute chance de survie de l'entreprise qui n'avait plus alors d'ouvrier et dont le carnet de commande était vide", puisque le gérant avait cessé d'effectuer la prospection de clientèle qui lui incombait depuis le mois de juin 1993 et pris l'initiative, sans en aviser M. Paul X..., de licencier l'ensemble du personnel de la société avec effet au 31 décembre 1993 ; qu'en imputant à faute à M. Paul X... de n'avoir pris l'initiative de faire désigner un administrateur provisoire pour gérer la société, sans rechercher si à la date à laquelle la société Constructions X... frères était dépourvue de gérant, M. Paul X... pouvait encore utilement entreprendre une telle démarche puisqu'elle avait constaté que la société ne pouvait plus avoir d'activité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;

4 / que seule une faute de la victime en relation causale avec le préjudice dont elle se plaint peut exonérer le responsable ; que la cour d'appel a constaté que le gérant, M. Claude X..., avait cessé d'effectuer la prospection de clientèle qui lui incombait à compter du mois de juin 1993 et avait pris l'initiative, sans en aviser M. Paul X..., de licencier l'ensemble du personnel de la société avec effet au 31 décembre 1993, d'où elle a déduit qu'il avait ainsi "définitivement compromis toute chance de survie de l'entreprise qui n'avait plus alors d'ouvrier et dont le carnet de commande était vide" ; que dès lors, la ruine de la société et du fonds qu'elle exploitait était exclusivement le fruit de l'action du gérant qui, à l'insu de l'associé, avait fait en sorte que la société ne puisse plus avoir d'activité ; qu'en estimant néanmoins que M; Paul X..., associé, avait contribué à la réalisation de ce préjudice par son inaction, sans caractériser de lien de causalité entre cette abstention et son préjudice, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1382 du Code civil ;

5 / que la faute de la victime n'est de nature à exonérer totalement l'auteur du dommage de sa propre responsabilité qu'à la condition qu'elle soit cause exclusive de son dommage ; qu'après avoir expressément constaté que la victime, M. Paul X..., avait contribué "en part égale" avec le gérant, M. Claude X..., à la réalisation de son dommage, d'où il résultait que les faits imputés à faute à la victime n'avaient pas été la cause exclusive de son dommage, la cour d'appel, qui l'a néanmoins déboutée de sa demande en paiement de dommages-intérêts, exonérant ainsi totalement le gérant de sa responsabilité, n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, violant ainsi l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu que l'action individuelle en responsabilité dont disposent les associés à l'encontre des dirigeants de la société ne peut tendre qu'à la réparation d'un préjudice personnel distinct de celui causé à la personne morale ;

Attendu qu'après avoir constaté que M. Paul X... n'exerçait pas l'action sociale mais une action personnelle en réparation de son propre préjudice, l'arrêt relève que M. Claude X... avait, du fait de la mésentente qui s'était instaurée entre les deux associés et dans le dessein de reprendre seul l'activité sociale, volontairement organisé la ruine de la société dont il était le gérant et retient que les fautes ainsi commises avaient entraîné, avec la ruine de l'entreprise, la perte quasi-totale de la valeur des parts sociales ; qu'en l'état de ces constatations, d'où il résulte que, quels qu'aient été les mobiles les ayant inspirées, les fautes commises par le gérant n'avaient pas causé à M. Paul X... un préjudice personnel distinct du préjudice social, la demande ne pouvait être accueillie ; que par ce motif de pur droit, substitué à ceux que critique le moyen, l'arrêt se trouve justifié ; que le moyen ne peut être accueilli ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.