CSA, 17 juillet 2019, n° 2019-05
CONSEIL SUPÉRIEUR DE L'AUDIOVISUEL (DEVENU L'ARCOM)
Avis
projet de création d’une entreprise commune dénommée Salto par les sociétés France Télévisions, Métropole Télévision et Télévision Française 1
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Maistre
Vu le code de commerce, notamment ses articles L.430-1 à L.430-10 ;
Vu la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 modifiée relative à la liberté de communication ;
Vu le courrier du 2 mai 2019 de l’Autorité de la concurrence invitant le Conseil supérieur de l’audiovisuel à formuler ses observations sur le projet d’entreprise commune des groupes France Télévisions, TF1 et M6 ;
Vu le dossier de notification du projet d’entreprise commune dénommée Salto des groupes France Télévisions, TF1 et M6, en date du 17 juin 2019 ;
Vu les demandes d’informations du 23 mai 2019 du Conseil supérieur de l’audiovisuel aux groupes France Télévisions, TF1 et M6 ;
Vu les réponses des groupes France Télévisions, TF1 et M6, du 6 juin 2019, aux demandes d’information du Conseil supérieur de l’audiovisuel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Après en avoir délibéré le 17 juillet 2019,
Émet l’avis suivant :
SYNTHESE
Le 18 mars 2019, la Commission européenne a renvoyé à l'Autorité de la concurrence l'examen de la création d'une entreprise commune par les groupes France Télévisions, Métropole Télévision et TF1, dénommée Salto. Par un courrier du 2 mai 2019 et compte tenu des enjeux de cette opération, l’Autorité de la concurrence a sollicité l’avis du Conseil supérieur de l’audiovisuel dès la phase de pré-notification. Le projet a été formellement notifié à l’Autorité le 17 juin 2019.
Un projet de création d’une offre audiovisuelle payante et disponible en ligne
Selon le dossier de notification transmis par l’Autorité de la concurrence le 17 avril 20191, le projet consiste en la création d’une entreprise commune éditant un service composé de deux offres audiovisuelles payantes distribuées sur internet, en over-the-top (OTT), c’est-à-dire proposées directement aux consommateurs sans passer par le réseau géré d’un distributeur tiers.
La première offre, dite « Premium », correspond à une offre de distribution de services audiovisuels comprenant, dans un premier temps, la reprise et l’accès à 15 chaînes de la TNT gratuite éditées par les groupes France Télévisions, M6 et TF1 (flux linéaire et service de télévision de rattrapage) via un catalogue unifié et commun2. Le prix pour le téléspectateur serait de [0-5] euros par mois les trois premières années, […].
L’offre est susceptible de comprendre, dans un second temps, la reprise de chaînes tierces avec lesquelles Salto aurait conclu un accord de distribution.
La seconde offre, dite « Intégrale », comprendrait l’offre « Premium » et un service de vidéo à la demande par abonnement (VàDA) dont Salto serait l’éditeur. Le catalogue de cette offre de VàDA serait composé principalement d’œuvres audiovisuelles principalement d’expression originale française (EOF) et européennes (fictions, documentaires, animation) et de quelques films de cinéma. Le prix de l’abonnement à l’offre « Intégrale » serait de [5-10] euros par mois.
Les trois groupes continueraient de distribuer leurs chaînes et contenus sur les réseaux autres que la TNT selon les modalités actuelles, que ce soit sur leurs propres sites internet ou dans les bouquets des distributeurs tels que les fournisseurs d’accès à internet (FAI) ou Canalsat.
Une réponse à l’évolution des usages
Depuis l’apparition des premiers services de télévision de rattrapage en 2008, les groupes audiovisuels ont très largement développé leurs offres en ligne. Ces stratégies numériques traduisent la nécessité pour les éditeurs d’être présents sur tous les supports pour répondre aux attentes des consommateurs, suivre l’évolution des usages, et élargir et fidéliser leur audience. La consommation non linéaire et sur des écrans autres que le téléviseur est en forte croissance, portée par la télévision de rattrapage (TVR) et la vidéo à la demande par abonnement, alors que la consommation linéaire sur le téléviseur stagne3. La composition des offres de Salto (à la fois TVR et VàDA) reflète la nécessité pour les trois sociétés Mères de s’adapter à ces évolutions.
Ces offres en ligne peuvent également permettre de mieux rentabiliser les investissements dans les programmes grâce à une exposition supplémentaire alors même que le marché publicitaire télévisuel est sous tension du fait de la concurrence forte d’acteurs numériques étrangers, non régulés et très puissants, comme Google et Facebook. Elles répondent enfin à l’installation sur le marché français d’acteurs de la VàDA tout aussi puissants, tels que Netflix et Amazon, dont les offres exercent une pression importante sur le secteur audiovisuel. Cette tendance devrait se poursuivre avec le lancement très prochain de nouvelles offres, comme Disney+.
Par ailleurs, l’auto-distribution en OTT, c’est-à-dire le fait pour un acteur de ne pas recourir à un intermédiaire pour la mise à disposition de son offre, permet de conserver la relation directe avec ses usagers et de mieux les connaître grâce aux données collectées. L’auto-distribution permet une moindre dilution de la valeur créée par l’offre (données, audience, recettes publicitaires, abonnements) alors même que les intermédiaires se multiplient et occupent une place centrale dans l’accès aux contenus.
Enfin, les éditeurs sont contraints de proposer constamment des services innovants pour rester attractifs auprès de leurs consommateurs et de s’aligner sur les services et les fonctionnalités que les acteurs américains ont imposés comme des standards de marché.
Une réponse à la concurrence des groupes étrangers puissants
Ce rapprochement entre trois groupes audiovisuels historiquement concurrents en télévision gratuite en vue de constituer une offre de VàDA payante répond à la nécessité de dégager des synergies grâce à la mise en commun de certains de leurs actifs. Il s’agit de tenter de soutenir la concurrence de plus en plus forte de la part d’acteurs internationaux sur les marchés de la publicité et de l’acquisition des programmes.
Ce type de rapprochement entre éditeurs pourtant concurrents n’est pas nouveau. Aux Etats- Unis, 21st Century Fox, Disney, Warner et NBCUniversal (Comcast) se sont regroupés dès 2007 en lançant la plateforme commune Hulu. Le groupe audiovisuel public britannique, la BBC et l’éditeur privé ITV ont mis en commun leurs programmes sur le service payant Britbox, pour l’instant disponible aux Etats-Unis et au Canada. En Allemagne, ProSiebenSat.1 et Discovery se sont alliés pour mettre en commun leurs offres de streaming Maxdome et Eurosport player. D’autres groupes ont rejoint la plateforme qui compte aujourd’hui une cinquantaine de chaînes4. En Espagne, la RTVE, Atresmedia et Mediaset se sont réunis pour créer LOVEStv5. Les groupes publics France Télévisions, RAI et ZDF ont créé « The Alliance » pour faciliter les coproductions et les synergies en matière de production de programmes6.
Outre ces initiatives éditoriales, des alliances telles que Media Square, Gravity ou encore EBX7 ont émergé sur les marchés de la publicité pour mutualiser les coûts humains et techniques, agréger et enrichir les audiences des éditeurs en les qualifiant et atteindre ainsi une taille critique capable de concurrencer les offres de publicité ciblée performantes d’acteurs tels que Google, Facebook ou Amazon.
Salto s’inscrit pleinement dans la continuité de ces nombreuses initiatives ayant émergé ces dix dernières années en Europe et outre-Atlantique.
Un projet ambitieux et innovant que le Conseil supérieur de l’audiovisuel soutient pleinement compte tenu des engagements proposés par les trois groupes audiovisuels
Le Conseil accueille très favorablement l’initiative des groupes France Télévisions, TF1 et M6, qui vise à créer un service français ambitieux sur un marché de la VàDA dont le dynamisme est aujourd’hui porté par des acteurs étrangers puissants. Salto pourrait être un relais de croissance pour les éditeurs alors que les ressources tirées du marché publicitaire tendent à stagner pour le média télévision. Il offre par ailleurs une nouvelle fenêtre d’exposition à la création audiovisuelle française et européenne qui est aujourd’hui peu présente sur les services de VàDA. Il peut contribuer à répondre à une attente des téléspectateurs quant à la disponibilité de ces programmes sur tous les supports et à tout moment.
Ce projet commun aux trois groupes audiovisuels historiques est susceptible de produire des effets structurants pour le secteur audiovisuel compte tenu de la place que ces groupes occupent en télévision gratuite. En 2018, ils représentaient à eux trois 69 % de part d’audience en télévision linéaire, 72 % du marché brut de la publicité télévisée et 76 % des investissements dans le préfinancement des œuvres audiovisuelles aidées8. Dès lors, il convient de s’assurer que sa mise en œuvre se fera dans le respect de la diversité de l’offre et du paysage audiovisuel français.
Le Conseil est particulièrement vigilant quant aux effets de l’opération sur les marchés d’acquisition de droits de diffusion. Salto doit permettre de valoriser la création française et européenne et de renforcer l’offre non linéaire des acteurs français historiques de la télévision gratuite, sans toutefois priver l’accès des services concurrents aux droits de diffusion d’une manière telle que la diversité de l’offre en serait significativement affectée.
La position des groupes et les pratiques contractuelles existantes en matière d’acquisition de droits, notamment les pratiques de couplages, les clauses dites de holdback – qui permettent de protéger les fenêtres d’exploitation des droits linéaires – et, dans certains cas, les droits de préemption, permettront à Salto de constituer un catalogue de programmes riche, indispensable pour que le service soit compétitif. Toutefois, la circulation des œuvres doit rester fluide et se faire dans des conditions normales de marché permettant une juste rémunération des ayants droit.
S’agissant des marchés intermédiaires, qui couvrent l’édition et la commercialisation de services audiovisuels, l’activité de distribution présentée dans le projet notifié à l’Autorité de la concurrence ne semble pas de nature à modifier les équilibres du secteur. Dans un paysage marqué par l’importance de la distribution par les réseaux gérés, la distribution OTT reste en effet encore marginale. Toutefois, le Conseil reste attentif aux équilibres des relations entre éditeurs et distributeurs et à ce que l’innovation en matière de mise à disposition des programmes audiovisuels ne soit pas bridée.
Le Conseil relève que les Mères ont proposé des engagements forts répondant à ses préoccupations et allant parfois au-delà de celles-ci. Ils couvrent tout d’abord de façon large les problématiques identifiées par le Conseil sur les marchés de l’acquisition puisque les parties ont proposé des engagements en matière de couplage des achats par les Mères, d’achats de droits non linéaires par Salto auprès des Mères, de levées de clauses de holdback au profit de Salto et d’exercice de droits de préemption et de priorité au profit de Salto. Concernant les marchés intermédiaires, les Mères ont proposé des engagements assurant l’absence d’exclusivité au profit de Salto et l’absence de traitement préférentiel de Salto par les Mères par rapport aux autres distributeurs. Les Mères ont également proposé des engagements permettant d’éliminer les risques de coordination entre elles ainsi que des engagements en matière de promotion croisée de Salto sur leurs chaînes.
*
Au regard des missions qui lui sont confiées par la loi et compte tenu des engagements pris par les parties à l’opération auprès de l’Autorité de la concurrence, le Conseil émet ainsi un avis favorable au projet Salto.
PARTIE 1 : ELEMENTS DE CONTEXTE GENERAL
I. Description de l’opération
A. Présentation du projet : une offre payante en OTT
1. L’activité principale de Salto
Selon le dossier de notification transmis par l’Autorité de la concurrence, le service Salto se compose de deux offres audiovisuelles payantes. Ce service est distribué sur internet, en over- the-top (OTT), c’est-à-dire proposé directement aux consommateurs sans passer par le réseau géré par un distributeur tiers.
La première offre, dite « Premium », correspond à une offre de distribution de services audiovisuels comprenant, dans un premier temps, la reprise des 15 chaînes existantes de la TNT gratuite des groupes France Télévisions, M6 et TF1 (flux linéaire et service de télévision de rattrapage via un catalogue unifié et commun).
L’offre est susceptible de comprendre, dans un second temps, la reprise de chaînes tierces avec lesquelles Salto aurait conclu un accord de distribution. Le prix pour le téléspectateur serait de [0-5] euros par mois les trois premières années, […].
Les offres Salto incluront à la date de lancement toutes les chaînes existantes de la TNT en clair des groupes France Télévisions (franceinfo:, France 2, France 3, France 4, France 5 et France Ô), M6 (M6, W9 et 6ter) et TF1 (TF1, TMC, TFX, TF1 Séries Films et LCI), ainsi que les services de télévision de rattrapage associés à ces chaînes.
Il est précisé que les Mères resteront libres de mettre à la disposition des téléspectateurs leur propre offre linéaire ou non linéaire sur le marché comme elles le font actuellement, soit directement en OTT (via leurs propres sites internet et applications, à savoir france.tv, 6Play, MYTF1) soit par l’intermédiaire des distributeurs.
Salto bénéficiera de droits non exclusifs de distribution des chaînes de télévision linéaires des Mères et des services de rattrapage associés à ces chaînes : les Mères gardent donc toute liberté pour poursuivre ou nouer des relations commerciales avec les distributeurs (FAI, opérateurs du câble et satellite, distributeurs OTT) en vue de la distribution de leurs services linéaires et non linéaires respectifs, sous réserve de ne pas discriminer Salto par rapport aux autres distributeurs.
En outre, les parties indiquent que Salto pourra distribuer, à l’issue d’une négociation de gré à gré et de bonne foi sur la base de conditions objectives et non discriminatoires, et dans le respect de la ligne éditoriale de Salto, les services de télévision et services de média à la demande de tout éditeur tiers qui en ferait la demande.
La seconde offre, dite « Intégrale », comprendrait l’offre « Premium » et un service de vidéo à la demande par abonnement dont Salto serait l’éditeur. Le catalogue de cette offre de VàDA serait composé principalement d’œuvres audiovisuelles principalement EOF et européennes (fictions, documentaires, animation) et d’une cinquantaine de films de cinéma par mois. Le prix de l’abonnement à l’offre « Intégrale » serait de [5-10] euros par mois.
Le dossier prévoit également la possibilité que Salto propose une option […].
2. Les fonctionnalités proposées par Salto et autres précisions sur l’offre
Salto agrègera le flux linéaire direct et les services de télévision de rattrapage des chaînes de différents éditeurs, dont celles des Mères, ainsi que ceux de chaînes tierces, via un catalogue unifié et commun.
Selon le dossier de notification, Salto proposera également : […].
Outre ses activités de distributeur de services audiovisuels et d’éditeur de service de VàDA, le dossier de notification prévoit que Salto commercialisera, auprès des éditeurs dont il distribue les services audiovisuels (éditeurs tiers et éditeurs actionnaires), des données agrégées afin de leur permettre d’améliorer le ciblage de leur offre publicitaire en ligne. Les Mères précisent que dès lors que ses services seront distribués par Salto, tout éditeur obtiendra de Salto les données de consommation de ses propres contenus sur la plateforme, en contrepartie d’une rémunération annuelle versée par l’éditeur faisant partie intégrante du contrat de distribution. Les données collectées par Salto lors de la navigation sur la plateforme sont des données spécifiques à chaque Mère qui seront remontées « en silo » par Salto à chacune d’entre elles.
Les parties indiquent que Salto ne commercialisera pas d’espace publicitaire, n’aura pas de régie et ne percevra ainsi aucun revenu à ce titre. Les espaces publicitaires disponibles au sein de chaque service distribué par Salto seront commercialisés par l’éditeur concerné, sans que Salto n’intervienne d’une quelconque façon. En effet, chaque éditeur (tiers ou associé) et/ou sa régie publicitaire demeurera libre de gérer ses espaces publicitaires pour ses services linéaires comme il le souhaite, tant en ce qui concerne ses contenus, la forme, le prix ou le nombre.
Enfin, dans le Protocole d’accord les parties se sont engagées à étudier la possible mise en place d’un […].
B. Plan d’affaires
Les parties ont établi un plan d’affaires9 dont elles ont fourni les données suivantes : […].
Le budget que Salto prévoit d’allouer aux acquisitions de droits n’est pas précisément indiqué dans la notification. Ainsi, les […] millions d’euros qui figurent dans le plan d’affaires prévisionnel (pour l’année 1 à compter du lancement de Salto, dans les charges comprises au titre des « Investissements dans les contenus ») ne correspondent pas au montant que les Mères souhaitent consacrer à l’acquisition de contenus pour l’offre de VàDA de Salto et comprennent aussi la rémunération des chaînes distribuées par Salto. Le dossier indique que le budget dédié à l’acquisition d’œuvres françaises et étrangères est estimé à […] millions d’euros10.
En ce qui concerne l’édition de l’offre de VàDA, les Mères indiquent que l’offre reposera avant tout sur des programmes de stock principalement français et européens (tels que des fictions télévisuelles, des séries, des œuvres d’animation jeunesse et des documentaires, mais aussi de films de cinéma) plus susceptibles d’être visionnés plusieurs fois que les programmes de flux. En effet, les programmes de stock correspondent davantage, selon les Mères, au modèle économique d’une offre de VàDA, à tout le moins pendant la période de lancement.
Bien que l’acquisition de programmes de flux n’apparaisse ainsi pas prioritaire, il n’est pas exclu que l’équipe dirigeante de Salto décide d’investir dans ce type de programmes, à l’instar de Netflix qui commence à proposer des programmes de flux sur son service, en complément de son offre de programmes de stock.
C. Modalités de fonctionnement de la structure mise en place
Aux termes de la notification de l’opération à l’Autorité de la concurrence, « l’opération consiste en la création d’une entreprise commune de plein exercice11. Salto sera contrôlée conjointement par France Télévisions, M6 et TF1. Elle sera constituée sous la forme d’une société en nom collectif de droit français. Le capital social de cette société sera constitué d’apports en numéraires. Chacune des Mères apportera […] euros, soit un total de […] euros. Ces apports donneront droit, à chacune des Mères, à une part de 33,33 % du capital social et des droits de vote »12.
Il est prévu que « Salto pourra, en outre, […]»13. Par ailleurs, « Salto sera dirigée par […]» 14.
La notification précise aussi que « Salto disposera de ressources financières propres issues de son activité. Ces ressources seront, pour l’essentiel, constituées de la vente d’abonnements aux consommateurs. Elle percevra également des revenus provenant de la commercialisation de données agrégées (data) auprès des éditeurs souhaitant distribuer leurs services audiovisuels linéaires et non linéaires via sa plateforme » et que « Salto disposera de ses propres moyens matériels et humains qui lui permettront d’exercer son activité de façon autonome. Elle disposera d’une équipe dédiée d’environ […] salariés, de sa propre marque et de sa propre plateforme technique »15.
S’agissant des moyens humains nécessaires à Salto pour exercer son activité de façon autonome, « les Mères n’ont prévu aucune contrainte relative aux personnes qui seront recrutées par Salto. Ainsi, les futurs salariés de Salto pourront être recrutés soit auprès des Mères (sans toutefois qu’aucun salarié des Mères ne soit spécifiquement visé à ce jour), soit en externe. A ce titre, il n’est pas envisagé que des salariés des Mères contribuent à Salto dans le cadre de simples missions ou projets »16.
En tout état de cause, si des salariés étaient amenés à être détachés de l’une ou plusieurs des Mères au sein de Salto, « les personnes concernées seraient tenues à un engagement de confidentialité qui empêcherait toute transmission d’informations confidentielles notamment concernant l’acquisition de droits des sociétés Mères concernées vers Salto et inversement, de même que tout échange d’informations entre Mères »17.
Plus précisément, et s’agissant de l’activité d’édition de service de VàDA de Salto, « il appartiendra à Salto de choisir, de manière autonome, la composition de son catalogue sur le marché des droits SVoD, Salto n’étant pas tenue de le constituer exclusivement à partir d’œuvres que les Mères auraient contribué à financer »18. Sur ce point, la notification à l’Autorité de la concurrence indique que Salto « achètera seule les droits de diffusion SVoD auprès des ayants droit. Il est aussi prévu que Salto soit dotée de salariés dédiés à la négociation de droits SVoD au nom et pour le seul compte de Salto »19.
II. Le paysage audiovisuel
Afin d’alimenter leurs grilles de programmes, les éditeurs de chaînes acquièrent des droits de diffusion de contenus auprès des ayants droit (sociétés de production ou de distribution de programmes) ou produisent eux-mêmes leurs propres programmes. Les éditeurs de télévision négocient par ailleurs la reprise de leurs chaînes et/ou leurs services associés auprès des distributeurs qui constituent des offres qu’ils mettent à la disposition des consommateurs. Les distributeurs en assurent la commercialisation et gèrent la relation avec l’abonné.
A. L’édition de services de télévision soumise à des tensions sur le marché publicitaire
1. La puissance des Mères en télévision linéaire gratuite
L’édition de services de télévision a représenté un chiffre d’affaires de 8,5 milliards d’euros en 2017, dont 3,4 milliards d’euros de recettes publicitaires, 2,3 milliards d’euros issus de la contribution à l’audiovisuel public et 2,8 milliards d’euros issus de recettes de télévision payante (abonnements et redevances versées par les distributeurs)20.
Le chiffre d’affaires cumulé des activités d’édition des groupes France Télévisions, TF1 et M6 représentait 5,3 milliards d’euros en 2017, soit 62 % du total toutes chaînes confondues gratuites et payantes21. Cela représente 92 % du total des chaînes gratuites. Les trois groupes occupent une place prépondérante en télévision gratuite, à la fois en parts d’audience et en parts de marché publicitaire.
Les groupes France Télévisions et TF1 se démarquent des autres groupes de télévision gratuite avec respectivement 28 % et 27,6 % de parts d’audience respectives en 2018. Le groupe M6 dispose également d’une part d’audience importante qui s’élève à 13,3 % en 2018. En cumulé, ces groupes audiovisuels représentent 68,9 % de part d’audience22. Les autres groupes de télévision gratuite disposent de parts d’audience qui se répartissent entre 1,2 % et 6,2 %, soit à des niveaux très inférieurs à ceux des groupes des Mères.
Sur le marché de la publicité télévisuelle, les groupes TF1 et M6 sont les deux premiers acteurs. En 2018, la part de marché publicitaire brute23 du groupe M6 s’élevait à 24 %, en deuxième position derrière le groupe TF1 (42 %). La part de marché publicitaire du groupe France Télévisions était de 6 %24. Réunis, les trois groupes ont une part de marché cumulée qui s’élève à 72 %.
2. La nécessité pour les Mères d’aller chercher des relais de croissance
Le marché publicitaire télévisuel est soumis à une forte pression concurrentielle liée à une profonde évolution des médias et aux arbitrages des annonceurs. La télévision a ainsi perdu 9 % de ses revenus publicitaires en dix ans quand internet est devenu en 2016 le premier média choisi par les annonceurs. En 2018, le marché publicitaire de la télévision a progressé de 2,4 % par rapport à 2017 alors que le marché publicitaire total média est en hausse de 4,2 %, tiré par la progression de la publicité en ligne (+17% par rapport à 2017)25. La télévision témoigne toutefois d’une certaine résilience par rapport à certains autres médias comme la presse.
Par ailleurs, la consommation audiovisuelle linéaire est en baisse et subit la forte progression de la consommation non linéaire, d’une part, et sur les écrans autres que le téléviseur, d’autre part. La télévision occupe encore une place centrale dans la consommation audiovisuelle : 44,1 millions de Français ont regardé la télévision26 en 2018, quel que soit l’écran (téléviseur, ordinateur, smartphone, tablette) et le lieu, pour une durée d’écoute quotidienne moyenne de 3 h 4627. Bien que la durée d’écoute quotidienne moyenne des Français reste très importante, elle est en baisse depuis 2015, et ce même en prenant en compte la consommation de la télévision en télévision de rattrapage et en différé28.
En outre, les écarts de consommation se creusent entre les générations de téléspectateurs. Quotidiennement, les 4-14 ans regardent en moyenne la télévision pendant 1 h 39, alors qu’en 2015 ils la regardaient pendant 1 h 56. Quant aux 15-49 ans, ils la regardent en moyenne 2 h 42 (- 20 minutes par rapport à 2015). Le jeune public consomme ainsi moins la télévision et connaît une baisse relative plus forte de sa DEI29.
Parallèlement, les usages continuent à se transformer. La consommation de programmes audiovisuels non linéaires est de plus en plus importante. La durée d’écoute en rattrapage de la télévision sur le téléviseur est en hausse de 20 % en 201830 et chaque jour 2,3 millions d’individus ont recours à un service de vidéos à la demande par abonnement (VàDA) en 201831.
B. Le marché de la VàDA tiré par des acteurs américains qui imposent leur modèle d’acquisition de droits
1. Des éditeurs linéaires très peu présents sur le marché de la VàDA
Le marché de la VàDA est récent en France, le premier service ayant été lancé en 2005. Néanmoins, l’offre s’est considérablement étoffée depuis cette date. Ce marché connaît un réel essor depuis 2014, qui coïncide avec l’arrivée de Netflix en France en septembre de la même année. Contrairement au marché de la VàD (acte et location) qui stagne depuis 2012 (217 millions d’euros en 2018), la valeur du marché de la VàDA a été multipliée par 15 depuis 2014 pour atteindre 455 millions d’euros en 201832.
Le marché de la VàDA compte aujourd’hui une soixantaine de services disponibles en France. Les services actifs sont très variés en termes de positionnement éditorial, de taille et d’actionnariat.
Alors même qu’ils ont très tôt diversifié leurs offres et développé des services numériques innovants, les éditeurs de chaînes de télévision gratuite sont peu présents sur le marché de la VàDA.
En effet, parmi les trois Mères, seul le groupe TF1 dispose d’une offre de VàDA, dédiée à l’animation jeunesse (« TFOUMax »). Il est à l’heure actuelle, avec Lagardère (Gulli Max), le seul éditeur de chaînes gratuites à proposer une offre de VàDA. Le groupe M6 avait lancé en 2010 son offre de VàDA consacrée aux séries, le Pass M6, qui a fermé en 2016. France Télévisions avait développé Francetv zoom en 2015 mais le service mobile a également fermé.
Parmi les services généralistes disponibles en France, Canalplay était le seul service édité par un groupe historique français. Groupe Canal Plus a cependant annoncé sa fermeture fin 2017. Le groupe Canal Plus s’est depuis relancé sur le marché de la VàDA en mars 2019, avec le lancement de son offre Canal+Séries.
Fin 2017, près d’un service sur cinq accessible en France n’était pas établi en France (et donc non soumis aux obligations de diffusion et de production), dont les plus importants en termes d’abonnés : Netflix (installé aux Pays-Bas), Amazon Prime Video (Royaume-Uni) et SFR Play (Luxembourg). Quatre services sur cinq avaient un positionnement spécifique (manga, jeunesse, musique, etc.), par opposition aux services généralistes tels que Canalplay ou Netflix. Près de la moitié des services dépendaient d’un groupe ayant une activité d’édition ou de distribution de télévision33.
Les services généralistes et étrangers sont à la fois les plus connus et les plus consommés34 : Netflix concentre plus de la moitié des usages de tous les services de vidéo à la demande confondus (achat et location à l’acte et abonnement). En mars 2019, 57,3 % des consommateurs de vidéo à la demande (VàD et VàDA confondus) déclarent ainsi avoir visionné un programme sur Netflix (+11,3 points par rapport à mars 2018) et 15,9 % sur Amazon Prime Video35. L’offre Canal+ Séries rassemblait, en mars 2019, 12,1 % des consommateurs de vidéo à la demande.
Le marché de la VàDA est loin d’être stabilisé. Outre les perspectives de croissance de la consommation, la liste des acteurs qui ont annoncé le lancement de leur service en Europe ne fait que s’allonger. Disney a annoncé que son nouveau service, Disney+, serait lancé en 2020- 2021, tandis que WarnerMedia et NBCUniversal prévoient un lancement de leurs services respectifs en 2020.
2. Des catalogues des services généralistes de VàDA disponibles en France axés sur les programmes américains
En 2017, Netflix était le service généraliste de VàDA qui proposait le plus de titres, loin devant SFR Play, Canalplay et Amazon Prime Video. En nombre de titres, les films représentaient plus de la moitié des catalogues de ces quatre services. En nombre d’épisodes, les premiers genres représentés sont les séries et les programmes destinés à la jeunesse.
S’agissant des films, ils sont majoritairement américains dans toutes les offres. Les films qui ne sont pas sortis en salle occupent une place croissante sur Netflix et représentent plus de la moitié de son offre cinéma. Ils permettent également à l’opérateur américain de proposer une offre de « cinéma » (selon sa qualification par la plateforme) plus récente et exclusive. Les programmes jeunesse constituent également une part importante de l’offre des plateformes, en volume et en diversité.
La part de programmes exclusifs est plus importante chez Netflix et Amazon Prime Video, pour les séries comme pour les films, en particulier grâce aux films non sortis en salle36.
Selon l’Observatoire européen de l’audiovisuel, les épisodes de séries européennes représentent seulement 14 % du catalogue de séries de Netflix en France, la majorité du catalogue de séries étant constituée de séries américaines37.
Les contenus les plus consommés sont d’ailleurs les séries américaines. En effet, les quatre programmes les plus visionnés en VàDA en 2018 étaient des séries américaines38 diffusées sur Netflix. Les autres genres de programmes (sport, flux), qu’ils soient américains ou français,39 sont peu présents et ne génèrent pas autant de visionnages40, bien que Netflix et Amazon commencent à proposer des programmes de flux dans leurs catalogues41.
Ainsi, l’arrivée sur le marché d’un acteur français généraliste susceptible de proposer au consommateur des œuvres françaises et européennes et soumis aux obligations de diffusion et de production serait complémentaire des catalogues des acteurs américains. Cette complémentarité serait moins affirmée une fois mises en œuvre les obligations de diffusion et de financement de la création pesant sur tous les acteurs de VàDA établis en Europe, en application de la nouvelle directive SMA.
3. Une stratégie des acteurs de VàDA en matière d’investissements dans les contenus qui évolue vers des pratiques d’exclusivité
Le marché de la VàDA en France étant très concurrentiel, en particulier entre les services leaders, les acteurs cherchent à différencier leur offre de celles de leurs concurrents. Ils mettent en œuvre des stratégies éditoriales spécifiques centrées sur l’exclusivité et le rafraîchissement régulier des programmes offerts. Les montants investis par Netflix et Amazon pour alimenter leurs services de VàDA sont depuis quelques années comparables, et parfois très supérieurs aux montants investis par les gros éditeurs américains et français de chaînes de télévision. Ces montants couvrent une base d’abonnés mondiale et des acquisitions de droits « monde », dans la majorité des cas.
Pour les services de VàDA, l’acquisition de contenus auprès des ayants droit se fait généralement sur une base forfaitaire. S’agissant spécifiquement des œuvres cinématographiques, les plateformes de VàDA achètent des droits à un prix fixe convenu à l’avance, comme les chaînes linéaires. Toutefois, dans certains cas, le montant est corrélé à la consommation effective.
La durée des droits d’acquisition pour une diffusion en VàDA n’est pas encadrée.
Initialement, le marché de la VàDA s’est développé selon un modèle de non exclusivité : les mêmes programmes étaient disponibles sur plusieurs plateformes et les pratiques de préfinancement étaient rares. Les mécanismes d’exclusivités et de préachats se sont développés avec l’arrivée de Netflix, d’Amazon Prime Video, puis d’Altice qui ont « importé » en France des pratiques déjà installées dans d’autres pays.
Ces pratiques d’exclusivités constituent un fort levier de différenciation et d’attractivité des services généralistes. La différenciation entre les services s’est d’abord faite sur les séries, contenu particulièrement adapté au modèle de la VàDA. En alimentant la plateforme dans la durée (plusieurs saisons de plusieurs épisodes), les séries permettent de fidéliser les abonnés. Par ailleurs, les séries présentent l’avantage de ne pas être soumises à la chronologie des médias, contrairement aux films sortis en salle.
Les pratiques d’exclusivités se sont ensuite étendues aux films : acquisition d’œuvres cinématographiques en exclusivité et croissance des films non sortis en salles au sein des catalogues.
Les services de vidéo à la demande Netflix et Amazon financent généralement l’intégralité des œuvres française qu’ils acquièrent, en contrepartie de l’obtention de droits d’exploitation « monde ».
Jusqu’en 2018, Netflix a produit annuellement environ sept œuvres françaises, représentant « plusieurs dizaines de millions d’euros » par an42, selon Le Monde, d’après des propos de Reed Hastings43. A partir de 2019, Netflix devrait produire 10 à 12 projets par an. Fin 2018, Netflix a annoncé l’ouverture prochaine d’un bureau français qui comptera une vingtaine d’employés chargés de superviser la production des créations originales françaises.
A ce jour, quatre séries françaises intégralement financées par la plateforme sont disponibles sur le service : « Marseille », « Plan cœur », « Osmosis » et « Family Business ».
Netflix a également produit des longs-métrages français (sans sortie salles) tels que « Je ne suis pas un homme facile », « Les goûts et les couleurs » et « Paris est à nous »44 ainsi que des documentaires français tels que « 13 novembre : fluctuat nec mergitur »45. Un programme français de de télé-réalité, français est également en cours de production : « The circle »46.
De son côté, Amazon Prime Video n’a produit qu’un seul programme français : « Deutsch-les- Landes », représentant un budget total de 6 millions d’euros47.
C. La production audiovisuelle : un secteur oligopsonistique
1. Le marché de la production audiovisuelle
Le chiffre d’affaires des entreprises de production audiovisuelle s’élevait à près de 3 milliards d’euros en 2016, en progression de 34 % par rapport à 2008 (et 4,6 % par rapport à 2015)48.
Le tissu des sociétés de production audiovisuelle française est très éclaté. En 2016, il était composé d’un total de 3 994 entreprises actives, dont une proportion élevée de structures de petite taille n’employant aucun permanent. Le secteur est dominé par quelques sociétés de production indépendantes. Néanmoins, compte tenu de leurs obligations d’investissements dans la production indépendante et du large éventail des contenus qu’elles diffusent, les Mères font appel à un grand nombre de sociétés de production qui ont chacune leurs spécificités et leur expertise.
Depuis quelques années, les groupes audiovisuels tendent à développer leur activité de production interne, par croissance interne ou rachat de sociétés existantes. Ce phénomène témoigne d’une volonté de consolider leurs actifs et de diversifier leurs revenus. C’est par exemple le cas des groupes TF1 (Newen), Canal Plus (Studio Canal) et M6 (M6 Studio). L’activité de production audiovisuelle va de pair avec l’activité de distribution de programmes audiovisuels, qui permet ainsi aux groupes audiovisuels, dans le cas où ces sociétés de distribution leur sont intégrées, d’acquérir et de gérer les mandats de commercialisation d’œuvres audiovisuelles. A titre d’exemple, France Télévisions dispose de sa société de distribution (France Télévisions Distribution) tout comme TF1 (TF1 DA) ou encore M6 (M6 DA). L’activité de distribution fait de plus en plus l’objet d’intégrations verticales.
Dans ce paysage très hétérogène, les relations entre les éditeurs établis en France et les producteurs d’œuvres audiovisuelles sont structurées par un cadre législatif et réglementaire (décrets et conventions) ainsi que par des accords interprofessionnels. Ces textes détaillent avec précision les niveaux d’investissements et le périmètre des droits accordés aux éditeurs selon la nature des services, le type d’œuvres et le niveau de financement.
2. La position des Mères
Le « Bilan 2018 » du CNC49 indique que 1,5 milliard d’euros a été investi en 2018 dans la production d’œuvres audiovisuelles aidée, pour un volume de 4716 heures. L’intégralité de ces œuvres audiovisuelles ont fait l’objet d’un financement des chaînes de télévision et le total de leurs apports représentait 836 M€ en 2018 (soit 54 % du total). Parmi ces diffuseurs, les chaînes Mères occupent une place importante.
En moyenne, et sur les trois dernières années (2016, 2017 et 2018), 76 % des sommes totales investies par l’ensemble des chaînes de télévision dans la production audiovisuelle aidée ont été apportés par les Mères. Cela représente 56 % du volume horaire des œuvres audiovisuelles aidées préfinancées (sur 2016, 2017 et 2018). Ces sommes sont directement investies par les Mères sur le marché amont du préfinancement des œuvres audiovisuelles EOF afin d’en acquérir les droits de diffusion.
Les Mères occupent une place particulièrement centrale dans le préfinancement de la fiction : leurs investissements représentent, en moyenne, sur trois ans, 86 % des investissements totaux des chaînes (et 86 % du volume horaire total).
D. La distribution de services audiovisuels : le poids croissant des offres des FAI et le développement des offres OTT
1. Les modes de réception de la télévision
Selon l’Observation de l’équipement audiovisuel, la réception de la télévision par internet (IPTV), tous postes confondus, continue de progresser pour atteindre 57 % des foyers au 4ème trimestre 2018, devant la TNT (49 % des foyers).
La réception de la télévision par le satellite, payant et gratuit, est quant à elle stable et concerne 22 % des foyers.
Toutefois, si la majorité des contenus audiovisuels traditionnels sont désormais directement accessibles en over-the-top50 (ci-après OTT), que ce soit en direct ou en rattrapage, les conditions techniques (comme la disponibilité d’un débit suffisant et la qualité de service) peuvent être un frein au développement de cette consommation.
2. Typologie des distributeurs de services audiovisuels
Fin 2018, le Conseil dénombrait 75 offres de distribution de services de communication audiovisuelle proposées au public ayant fait l’objet d’une déclaration auprès de lui, dont 53 en métropole et 22 outre-mer.
Sur les réseaux gérés, les principaux distributeurs sont les FAI. Bouygues, Free, Orange, SFR proposent des offres triple play51 qui donnent accès à de nombreux services audiovisuels linéaires et non linéaires en IPTV. Ces offres sont disponibles dans les bouquets de « premier niveau» (sans surcoût pour l’abonné) ou en souscrivant à des offres optionnelles de « second niveau » (beIN Sports, OCS par exemple).
Le groupe Canal Plus est également un acteur majeur de la distribution de services audiovisuels sur réseaux gérés, historiquement par satellite puis en IPTV.
L’offre commerciale du groupe Canal Plus auprès des FAI est aujourd’hui scindée entre le modèle de gros dit « wholesale »52 et l’auto-distribution53.
Par ailleurs, le paysage audiovisuel a vu apparaître des offres audiovisuelles distribuées via l’internet ouvert, en OTT. Le principal distributeur uniquement disponible en OTT actif et déclaré au Conseil est le service Molotov. Lancé en juillet 2016, Molotov compte […] millions de comptes ouverts en France pour […] millions d’utilisateurs par mois54, dont environ 6 000 à 7 000 abonnés payants selon plusieurs sources de presse55.
PARTIE 2 : LES EFFETS CONCURRENTIELS SUR LES MARCHES AMONT
Dans la notification à l’Autorité de la concurrence, les Mères indiquent que Salto a pour objectif de proposer au sein de son offre « Intégrale » « des séries […], des catalogues de fictions françaises et européennes, une sélection d’environ […] films par mois, une offre jeunesse et des documentaires56 ».
Les Mères ont ainsi construit l’offre de VàDA de Salto « sur la base de contenus correspondant à des programmes de stock principalement français et européens »57. L’offre « Intégrale » sera donc principalement composée d’œuvres audiovisuelles, majoritairement d’expression originale française (EOF).
I. Position des Mères sur les marchés58 amont
A. Position des Mères sur les marchés de l’acquisition d’œuvres audiovisuelles EOF récentes et de catalogue
Afin de pouvoir proposer sur leurs antennes des œuvres audiovisuelles EOF inédites, gage de bonnes performances en termes d’audience59, les chaînes françaises investissent en préfinancement (préachat60 ou coproduction) d’œuvres audiovisuelles EOF.
Le « Bilan 2018 » du CNC61 indique que 1552,1 M€ ont été investis en 2018 dans la production d’œuvres audiovisuelles aidée62, ce qui correspond à un volume de 4716 heures. L’intégralité de ces œuvres audiovisuelles63 ont fait l’objet d’un financement des chaînes de télévision et le total de leurs apports représentait 836,3 M€ en 2018 (soit 54 % du total).
Parmi ces diffuseurs, les chaînes Mères occupent une place importante.
1. Rappel du cadre des obligations de contribution des chaînes au développement de la production audiovisuelle EOF et européenne
Les éditeurs de services qui réservent annuellement au moins 20 % de leur temps de diffusion à des œuvres audiovisuelles64 sont soumis à des obligations de contribution à la production d’œuvres audiovisuelles européennes ou EOF65. Les Mères sont donc réglementairement contraintes d’investir dans le préfinancement d’œuvres audiovisuelles EOF.
Cette obligation globale est assortie de l’obligation de réserver une part des investissements à la production d’œuvres indépendantes. Cette dernière est définie dans le décret selon deux critères68 : l’indépendance capitalistique du producteur vis-à-vis du diffuseur (ce dernier ne devant pas posséder, directement ou indirectement, plus de 15% du capital social ou des droits de vote de l’entreprise de production) et le respect des conditions règlementaires s’agissant des parts de coproduction et de la durée des droits de diffusion69.
En fonction des groupes et des accords interprofessionnels que ces derniers ont conclus avec les syndicats de producteurs, cette part réservée à la production indépendante peut varier. Jusqu’à fin 2018, elle s’élevait à 75 % pour France Télévisions, à 64 % pour le groupe TF1 et à 74,9 % pour le groupe M6.
2. Position des Mères sur les marchés de l’acquisition d’œuvres audiovisuelles EOF récentes et de catalogue
a) Position cumulée des Mères sur le marché amont du préfinancement des œuvres audiovisuelles EOF et en volumes de diffusion
En moyenne sur les trois dernières années (2016, 2017 et 201870), 76 % des sommes totales investies par l’ensemble des chaînes de télévision dans la production audiovisuelle aidée ont été apportés par les Mères. Cela représente 56 % du volume horaire des œuvres audiovisuelles aidées préfinancées.
Ces sommes sont directement investies par les Mères sur le marché amont du préfinancement des œuvres audiovisuelles EOF afin d’en acquérir les droits de diffusion.
Les œuvres de fiction concentrent 70 % des investissements des Mères dans le préfinancement des œuvres audiovisuelles.
Le coût horaire moyen des œuvres de fiction étant très élevé (il se situe en moyenne à 0,8M€ sur les trois dernières années), le nombre d’heures produites, toutes chaînes confondues, est relativement faible (912 heures en moyenne sur chacune des trois dernières années).
La part des Mères dans le préfinancement de la fiction représente, en moyenne, sur trois ans, 86 % des investissements totaux des chaînes (et 86 % du volume horaire total).
La part de l’apport des éditeurs au plan de financement de ces œuvres de fiction est par ailleurs particulièrement élevée (70 % en moyenne pour les chaînes gratuites en 201773), signe de l’importance de ce type de programme pour les éditeurs.
En effet, la fiction est un genre stratégique dans la programmation des chaînes en clair historiques car elle leur permet de générer de fortes audiences74. La fiction EOF est depuis quelques années particulièrement prisée par les téléspectateurs, puisque parmi les 10 meilleures audiences de fiction en 2018, 9 étaient EOF75. En outre, sur les 50 meilleures audiences réalisées par les œuvres audiovisuelles de fiction en 2018, 29 étaient EOF et toutes ont été diffusées sur les antennes des chaînes Mères.
b) Position cumulée des mères sur le marché amont de l’acquisition de droits de diffusion d’œuvres audiovisuelles EOF de catalogue
Les chaînes gratuites, à l’exception des chaînes d’information, diffusent toutes des œuvres audiovisuelles. Parmi ces programmes, une large part est constituée d’œuvres européennes et EOF.
En effet, le décret 90-66 du 17 janvier 1990 impose aux chaînes de télévision de réserver, sur le temps annuellement consacré à la diffusion d’œuvres audiovisuelles, 60 % à la diffusion d’œuvres européennes et 40 % à la diffusion d’œuvres EOF78.
A l’exclusion du nombre – restreint – d’œuvres faisant l’objet d’une première diffusion dans le cadre des contrats de préfinancement79, les autres œuvres EOF diffusées sur les antennes des chaînes Mères sont des œuvres que l’on peut considérer comme étant essentiellement de catalogue.
Cependant, il n’a pas été possible pour le Conseil de mesurer précisément, sur les chaînes gratuites, le volume d’œuvres audiovisuelles de catalogue diffusées.
En revanche, le volume total d’œuvres diffusées par les Mères constitue un indicateur pertinent permettant d’approximer le poids des Mères sur le marché de l’acquisition d’œuvres audiovisuelles EOF de catalogue.
En moyenne, entre 2016 et 2018, les Mères ont diffusé 63 % du total des œuvres audiovisuelles EOF diffusé sur les chaînes gratuites80.
3. Pratiques contractuelles des Mères en matière d’acquisition de droits d’œuvres audiovisuelles EOF récentes et de catalogue
Les pratiques contractuelles des Mères sur le marché amont ont (et auront) une influence particulière sur les conditions d’acquisition des droits d’exploitation d’œuvres EOF que Salto sera amenée à négocier.
A cet égard, la notification des Mères à l’Autorité de la concurrence précise qu’ […]82.
Dans cette partie, le Conseil étudie donc précisément les pratiques contractuelles des Mères dans le cadre de l’acquisition d’œuvres audiovisuelles EOF, et notamment le recours à des clauses dites de holdback.
a) Couplage de l’acquisition de droits de diffusion linéaire et de l’acquisition de droits d’exploitation en VàDA d’œuvres audiovisuelles EOF récentes et clauses de holdback
Les accords conclus entre les syndicats de producteurs audiovisuels et les groupes TF1, France Télévisions et M6 ont été enrichis de nouvelles clauses qui concernent spécifiquement les droits d’exploitation en VàDA des œuvres audiovisuelles préfinancées83.
[…], dans sa réponse au questionnaire du Conseil, indique : « Aujourd’hui, l’accord négocié avec FTV prévoit une simple exclusivité au bénéfice de l’entreprise publique sur la VàDA mais FTV n’a pas accès directement à ces droits pour une exploitation sur SALTO. Il en va de même dans notre accord avec M6. En revanche, l’accord conclu avec TF1 permet l’acquisition par le groupe de droits de VàDA sous réserve d’un contrat séparé du contrat initial, assorti d’un prix d’acquisition forfaitaire et d’un partage de recettes lié à la consommation de l’œuvre. Cette cession de droits est prise pour une période exclusive maximale de 18 mois ».
(1) Définition des clauses de holdback
Une clause de holdback est une stipulation contractuelle par laquelle l’ayant-droit s’engage à ne pas commercialiser les droits d’exploitation en VàDA d’un programme auprès d’un tiers pendant une période limitée, et notamment pendant tout ou partie de la période de diffusion exclusive en linéaire négociée par le préfinanceur du programme.
Ces clauses peuvent être levées au bénéfice d’un tiers, dès lors que ce tiers a trouvé un accord avec le producteur et que l’éditeur qui bénéficie d’une telle clause l’autorise. Grâce à ces clauses, l’éditeur protège la période d’exclusivité de diffusion négociée dans le contrat avec le producteur.
Les clauses de holdback intégrées dans les contrats de préfinancement des Mères sont de durée variable (voir ci-dessous).
(2) Pratiques contractuelles du groupe TF1
L’article 6.2. b) de l’accord interprofessionnel du 24 mai 201687 prévoit que le groupe TF1 « disposera des droits d’exploitation sur des services de vidéo à la demande par abonnement en exclusivité jusqu’à 7 jours avant la première diffusion de l’œuvre sur un service de télévision du groupe TF1 (et pour tous les épisodes, à compter de la diffusion du premier épisode pour les séries) et jusqu’à 12 mois après la première exploitation de l’œuvre (du premier épisode pour les séries et pour tous les épisodes) puis en non-exclusivité pendant la période de droits restante telle que définie à l’article 6.1.
a) 88. En tout état de cause, l’exclusivité du groupe TF1 ne pourra s’étendre au-delà d’un délai de 18 mois à compter de la date de début des droits telle que définie à l’article 6.1. b)89) ».
Le même article de l’accord précise également que les droits d’exploitation sur des services de VàDA « devront être acquis dans le cadre d’un contrat distinct du contrat de préachat ou de coproduction, dans les conditions de durée de droits définies au présent accord, pour un prix forfaitaire. TF1consacrera un pourcentage complémentaire du chiffre d’affaires net des services de vidéo à la demande par abonnement sur lesquels sont exploités ces œuvres, à répartir entre les œuvres acquises dans le cadre du présent accord, au prorata de la consommation constatée pour chacune d’entre elles, qui sera précisé par les parties par annexe au présent accord ».
En revanche, « en l’absence de signature d’un contrat distinct à ce titre, TF1 bénéficiera d’un holdback sur le territoire français pour les droits d’exploitation sur des services de vidéo à la demande par abonnement pendant 18 mois à compter de la date de début des droits telle que définie à l’article 6.1 b) 90».
L’accord autorise par ailleurs Salto à exploiter les droits consentis à TF1 en son article 6.2 d)91 : « Les droits consentis à TF1 dans le cadre des articles 6.2 a), 6.2 b) et 6.2 c)92 pourront être exploités sur des sites et plateformes contrôlés et édités par le groupe TF1 et dans le cadre d’offres « brandées » ou « co-brandées » au nom de TF1 ou d’une marque liée à un service du groupe TF1 visé au présent accord chez les distributeurs d’offres de télévision ».
Les dispositions de l’article 6.2. b) de l’accord interprofessionnel négocié par TF1 sont transposées à l’identique dans l’article 7 de l’avenant n°2 à la convention de TF1 signé le 19 février 201893. Les contrats de coproduction conclus entre le groupe TF1 et les producteurs peuvent également reprendre les conditions liées à l’exploitation en VàDA qui apparaissent dans l’article 6.2. b) de l’accord interprofessionnel94.
C’est par exemple le cas du contrat signé entre TF1 et la société de production95 […]96.
(3) Pratiques contractuelles du groupe M6
L’accord interprofessionnel du 2 février 2017 négocié par M6 prévoit dans son article 5.2. b)
« Etendue et durée des droits cédés pour les œuvres patrimoniales indépendantes préachetées ou coproduites : vidéo à la demande hors TVR et avant-premières gratuites » que le groupe M6 :
« bénéficiera d’un holdback97 sur le territoire français pour les droits d’exploitation sur des services de vidéo à la demande par abonnement pendant la durée des droits définie à l’article 5.1 a)98.
Pour les œuvres d’animation, la durée de ce holdback est ramenée à 18 mois à compter de la date de début des droits telle que définie à l’article 5.1. b). Au-delà, le producteur pourra commercialiser à titre non exclusif les droits d’exploitation de l’œuvre sur des services de vidéo à la demande par abonnement pendant la durée restante des droits telle que définie à l’article 5.1. a)99».
L’article 5.2. b) de l’accord interprofessionnel a été transposé dans des termes identiques dans l’article 5 de l’avenant n° 1 (signé le 20 décembre 2017) à la convention conclue entre le Conseil et M6100.
Les contrats de coproduction, de production déléguée et de préachat conclus entre le groupe M6 et les producteurs peuvent également reprendre, le cas échéant dans une rédaction quelque peu différente, les conditions qui apparaissent dans l’article 6.2.b) de l’accord interprofessionnel et qui encadrent la cession des droits pour une exploitation en VàDA.
C’est par exemple le cas du contrat signé entre M6 et la société de production101 […].
(4) Pratiques contractuelles du groupe France Télévisions
Le nouvel accord interprofessionnel102 négocié par FTV prévoit dans son article 6.3 « Période de protection vis-à-vis d’exploitations tierces en SVàD dite « holdback 103» que :
« La durée de holdback SVàD dévolue à France Télévisions est déterminée en fonction de sa participation au financement en part antenne et éventuellement en part de coproduction (hors MG éventuel de FTD) rapporté au coût définitif de l’œuvre. Le coût définitif de l’œuvre est établi conformément aux termes de l’Accord Transparence en date du 19 février 2016, ou à tout accord qui lui serait substitué.
En fonction du niveau de financement de France Télévisions tel que visé ci-dessous, il est distingué deux catégories d’œuvres :
- Pour les œuvres classées dans la Catégorie 1 : le holdback SVàD, négocié de gré à gré, est de 12 mois à 24 mois à compter de la date de début des droits.
- Pour les œuvres classées dans la Catégorie 2 : le holdback SVàD, négocié de gré à gré, est de 0 mois à 12 mois à compter de la date de début des droits.
Au-delà des périodes ainsi définies, France Télévisions ne dispose plus de holdback pour la SVàD.
Dans l’hypothèse de la mise en œuvre d’une plateforme SVoD par France Télévisions, les parties conviennent d’ores et déjà que le partage de recettes lié à une exploitation SVoD dans ce cadre sera à déterminer par un accord spécifique avec les syndicats de producteurs en vue de l’obtention des droits d’exploitation correspondants ».
Les contrats de préfinancement conclus entre le groupe France Télévisions et les producteurs peuvent également reprendre les conditions liées à l’exploitation en VàDA qui apparaissent dans l’article 6.3 de l’accord interprofessionnel négocié par France Télévisions.
Par exemple, le contrat signé […].
b) Les clauses de préemption (ou droits de premier et de dernier refus)
Les clauses de priorité et de préemption (également appelées clauses de premier et de dernier refus) donnent un pouvoir important aux Mères sur l’accès aux droits de rediffusion des œuvres qu’elles ont préfinancées.
Les diffuseurs justifient l’inclusion dans les contrats de clauses de priorité et de préemption comme étant, d’une part, un attribut du droit de propriété qu’ils acquièrent dans le cadre de la coproduction de l’œuvre et, d’autre part, une contrepartie du risque pris lors du financement de l’œuvre (la décision de cofinancement intervenant en amont de la production effective de l’œuvre).
Les mécanismes prévus par les clauses de priorité d’une part, et de préemption d’autre part, sont complémentaires et doivent être analysés de manière parallèle.
Dans un premier temps, le libellé des clauses prévoit que le titulaire des droits s’engage à proposer en priorité au groupe audiovisuel ayant préfinancé l’œuvre les cessions de droits de diffusion en clair ultérieures aux fenêtres préachetées. Le groupe pré-financeur, par l’intermédiaire de sa filiale de production ou par l’intermédiaire de l’une de ses sociétés éditrices, bénéficie alors d’un délai (généralement de 15 jours) pour faire part de sa décision d’acquérir ou non les droits de diffusion de l’œuvre à l’issue d’une négociation avec le distributeur dans les conditions du marché : il s’agit du mécanisme de la clause de priorité.
Dans un second temps, et à défaut d’accord, le titulaire des droits ou du mandat de distribution s’engage à communiquer au groupe bénéficiant des clauses toute offre ferme d’achat qui lui aurait été faite par toute chaîne émettant en langue française ou en version sous-titrée française et couvrant le territoire français métropolitain en tout ou partie. A ce stade, le groupe pré- financeur dispose de la possibilité de préempter à conditions égales et d’un délai de 15 jours pour faire part de sa décision : il s’agit du mécanisme de la clause de préemption.
Les conditions d’exercice de ce droit sont néanmoins strictement encadrées par les contrats de coproduction et de préachat. Outre le prix, l’ensemble des conditions proposées par la chaîne tierce doivent ainsi être appliquées à l’identique par le groupe choisissant d’exercer son droit de préemption. Il s’agit notamment de la nature des droits cédés, des territoires, du nombre de diffusions, de la durée des droits (des périodes de diffusion), des modalités de paiement, etc.
Pour les groupes TF1 et FTV, la durée de ces clauses est limitée. Les accords professionnels de TF1 stipulent ainsi que le droit de premier et dernier refus « tombe dès lors que le groupe a renoncé une fois à en faire l’usage, sauf pour les séries et collections ayant fait l’objet d’une nouvelle commande ». Le groupe TF1 s’engage d’ailleurs à « procéder à une diffusion des œuvres dont les droits de diffusion ont fait l’objet d’une nouvelle acquisition à l’issue de leur période initiale de droits de diffusion, dans les 18 mois suivant l’ouverture des droits prévue au contrat de rachat, à l’exception des séries et collections dont TF1 a acquis les droits de diffusion de nouveaux épisodes pour lesquelles ce délai est porté à 24 mois »104. C’est également le cas du groupe France Télévisions105.
Le libellé de ces clauses permet d’en faire bénéficier l’ensemble des chaînes du groupe qui a cofinancé l’œuvre (y compris une chaîne du groupe qui n’aurait pas contribué au préfinancement de l’œuvre).
Ce mécanisme constitue un réel avantage concurrentiel pour le groupe cofinanceur, qui reste en mesure de conserver une certaine maîtrise des droits de diffusion des œuvres qu’il a cofinancées106.
Les chaînes n’ayant pas participé au préfinancement d’une œuvre et qui ne sont pas adossées à un groupe dont la chaîne mère a participé au préfinancement de l’œuvre ne bénéficient pas, par conséquent, des clauses de priorité et de préemption, et ne peuvent tirer parti de l’avantage concurrentiel qui en résulte.
En pratique, ces clauses de priorité ou de préemption peuvent bénéficier directement à Salto, à condition qu’elles figurent dans les contrats de préachats ou de coproduction conclus par les Mères et qu’elles portent sur les droits de diffusion linéaire et les droits d’exploitation non linéaires. Il doit également être précisément stipulé dans les contrats qu’elles peuvent bénéficier aux « filiales et affiliés » des groupes audiovisuels.
Ainsi, le groupe M6 indique que pour certains contrats107, […].
S’agissant du groupe TF1, l’accord interprofessionnel du 24 mai 2016 autorise la mise en œuvre du droit de premier et dernier refus sur les droits de diffusion d’œuvres audiovisuelles patrimoniales préfinancées par ce groupe, dès lors que le groupe en a été le premier pré- financeur108.
S’agissant du groupe FTV, le dernier accord interprofessionnel prévoit que « France Télévisions dispose, à l’issue de sa période de droits, d’un droit de priorité en vue du rachat des droits d’exploitation de l’œuvre, dès lors que France Télévisions en a été le premier pré-financeur français. France Télévisions dispose également d’un droit de dernier refus dans un délai de trente jours à compter de la réception de l’offre. Pour le préachat, ce droit de dernier refus tombe dès que France Télévisions a renoncé une fois à en faire l’usage ou n’a pas répondu dans le délai précité ». Pour autant, ces clauses ne sont pas susceptibles de jouer au profit de Salto, cette dernière ne faisant pas partie du périmètre du groupe France Télévisions tel que défini par les textes.
c) Négociation des mandats de commercialisation des œuvres préfinancées par les Mères par leurs filiales de distribution
(1) Description du cadre général
Les droits d’exploitation d’une œuvre audiovisuelle sur un service de VàDA peuvent être détenus par les filiales de distribution des groupes audiovisuels. En effet, ces dernières peuvent avoir négocié auprès des producteurs des mandats secondaires et de commercialisation, mandats dont l’étendue peut être très large, et qui peuvent donc inclure les droits d’exploitation en VàDA.
La société de distribution a alors toute latitude pour vendre les droits qu’elle détient, au prix qu’elle estime juste et à l’acquéreur qu’elle choisit, sans en référer au producteur de l’œuvre. Le revenu de la transaction est cependant réparti entre la société de distribution (qui garde une commission sur le prix de vente109) et le producteur.
La société de distribution peut être amenée à verser au producteur un minimum garanti, dont elle se remboursera prioritairement sur les recettes issues des ventes de l’œuvre. Le versement de ce minimum garanti peut intervenir en amont de la production de l’œuvre et donc être inscrit dans son plan de financement.
Les Mères ont chacune des filiales de distribution, pour lesquelles elles sont amenées à négocier des mandats de distribution110. Ces négociations interviennent souvent en parallèle de la négociation des contrats de préfinancement de droits de diffusion linéaires des œuvres audiovisuelles EOF.
La détention des mandats par la filiale de distribution du groupe préfinanceur peut ainsi figurer explicitement dans le contrat de coproduction ou de préachat. Néanmoins, la filiale doit négocier ces mandats dans le cadre de contrats séparés111.
La position des Mères sur le marché du préfinancement des œuvres audiovisuelles EOF pourrait donc leur permettre de négocier auprès des producteurs, et au bénéfice de leurs filiales de distribution, un nombre important de mandats de distribution.
Le volume de mandats incluant les droits d’exploitation VàDA détenus par les filiales de distribution des Mères peut donc avoir une incidence sur le mode d’approvisionnement de Salto en œuvres audiovisuelles EOF.
Le Conseil n’est pas en mesure de quantifier le volume d’œuvres pour lesquelles les mandats sont détenus par les filiales de distribution des Mères112. Cependant, la modification récente du cadre règlementaire (voir infra) a eu notamment pour objet d’encadrer (et de limiter) le nombre de mandats détenu par les filiales de distribution des groupes audiovisuels.
(2) Modifications récentes du cadre réglementaire (décret n° 2015-483 du 27 avril 2015)
La question de la détention par les éditeurs des mandats et des droits secondaires des œuvres qu’ils ont préfinancées revêt une importance de plus en plus stratégique. Les mandats permettent notamment de contrôler la distribution d’œuvres identifiantes préfinancées par les chaînes. En outre, elles peuvent apporter aux groupes audiovisuels des recettes supplémentaires.
En effet, la croissance des ressources publicitaires, principale source de financement pour les chaînes en clair, s’est fortement ralentie depuis quelques années113. Quand bien même la télévision montre une certaine résilience par rapport à d’autres médias comme la presse, certains éditeurs de service de télévision vont jusqu’à constater une diminution de leurs ressources commerciales.
Afin de pouvoir compenser ce manque de dynamisme du marché publicitaire et continuer à se développer, les groupes audiovisuels français ont adopté depuis plusieurs années une stratégie de diversification de leurs activités, notamment en développant le potentiel économique de leurs structures de distribution d’œuvres audiovisuelles. Pour ce faire, les groupes audiovisuels essaient de négocier de façon systématique et au bénéfice de leurs filiales de distribution les mandats des œuvres qu’ils préfinancent. Ces négociations peuvent s’effectuer auprès des producteurs lors de la négociation des contrats de coproduction ou de préachats.
Sur la part indépendante de la production, et compte tenu du rapport de force souvent déséquilibré entre éditeurs et producteurs, ces derniers ont alerté les pouvoirs publics sur le risque que constituait pour l’équilibre de la production indépendante, le fait que les mandats soient généralement acquis par les diffuseurs et cela au détriment de leurs propre structures de distribution.
Face à cette stratégie offensive des filiales des groupes audiovisuels consistant à acquérir les mandats sur une proportion importante des œuvres audiovisuelles EOF préfinancées par les chaînes filiales de leur groupe, le décret n° 2015-483 du 27 avril 2015 a encadré la détention des droits secondaires et des mandats de commercialisation que peuvent détenir les éditeurs de services sur la part indépendante des œuvres qu’ils coproduisent.
Ce nouveau texte prévoit que, contre la possibilité d’acquérir des parts de coproduction sur les œuvres audiovisuelles EOF indépendantes qu’ils préfinancent (sans que cette détention fasse basculer l’œuvre dans la part dépendante des investissements), la négociation des mandats par les diffuseurs « doivent faire l’objet d’un contrat distinct ; ils doivent être négociés dans des conditions équitables, transparentes et non discriminatoires, précisées par les conventions et cahiers des charge prenant en compte les accords conclus entre les éditeurs et les organisations professionnelles ».
« En l’absence de mentions particulières dans la convention ou le cahier des charges, prenant en compte des accords conclus postérieurement à l’entré en vigueur du décret n° 2015483 du 27 avril 2015 avec une ou plusieurs organisations professionnelles représentatives de l’industrie audiovisuelle, l’éditeur de service ne peut détenir directement ou indirectement des mandats de commercialisation lorsque le producteur dispose d’une capacité de distribution interne ou par l’intermédiaire d’une filiale, ni d’un accord-cadre conclu avec une entreprise de distribution ».
Les groupes TF1 et France Télévisions ont négocié ensemble de nouveaux accords professionnels114 (dits « accords mandats ») intégrant notamment les conditions précises de négociation des mandats, des droits secondaires et leur étendue115. Le groupe M6 a ratifié cet accord dans un second temps.
Ces nouvelles pratiques devraient donc conduire les Mères à une limitation, pour les œuvres audiovisuelles EOF indépendantes, du nombre de mandats acquis par leurs filiales de distribution.
Par là même, ces dispositions limiteraient la possibilité pour Salto d’acquérir directement auprès des filiales de distribution des Mères des droits de VàDA.
Cependant, ce cadre nouveau ne vaut que pour les œuvres audiovisuelles EOF qualifiées d’indépendantes116.
En effet, sur la part « dépendante » de leurs investissements dans les œuvres audiovisuelles EOF, les diffuseurs agissent dans un cadre de négociation bien moins contraint que celui relatif à la part de production « indépendante » 117.
Ainsi, dans la part « dépendante » de leurs productions118, les éditeurs peuvent négocier auprès du producteur un nombre non limitatif de mandats de distribution.
Les diffuseurs sont souvent enclins à inscrire dans la part dépendante des œuvres qu’ils ont préfinancées les œuvres qui leur paraissent comme étant les plus « stratégiques » (dont un volume important de séries), en raison du périmètre plus large des droits pouvant être acquis, ainsi que des conditions moins restrictives de leurs modalités d’exploitation.
B. Position des mères sur le marché de l’acquisition de droits de diffusion des œuvres cinématographiques EOF
Le « Bilan 2018 »119 du CNC indique que 1 125,55 M€ ont été investis en 2018 dans 300 films français (dont 926,65 M€ de financement français).
Les investissements des chaînes de télévision dans le cinéma sont essentiels à l’équilibre économique du secteur de la production cinématographique puisqu’ils couvrent, en 2018, 30 % des investissements français dans le cinéma (soit 281,7 M€).
Les chaînes de télévision ont participé, en 2018, au préfinancement de 58 % des films français (soit 175 films120).
1. Rappel du cadre des obligations de contribution des chaînes au développement de la production cinématographique EOF et européenne
Les chaînes de télévision qui diffusent annuellement plus de 52 œuvres cinématographiques sur leurs antennes sont soumises à des obligations de production d’œuvres cinématographiques121.
2. Position des Mères dans le préfinancement des films français
Les Mères ont investi en moyenne sur les trois dernières années 119,5 M€ par an dans le préfinancement d’œuvres cinématographiques européennes. Ces investissements représentent 90 % du total investi par les chaînes gratuites et 37 % du total des investissements toutes chaînes confondues.
Toutefois, l’apport des chaînes en clair des Mères est essentiel dans le financement des films ayant les budgets les plus élevés, et qui réalisent souvent les meilleures performances en salle et les meilleures audiences à la télévision. En effet, les chaînes des groupes TF1 et M6 (et dans une moindre mesure celles de France Télévisions) concentrent leurs investissements dans les films qui apparaissent comme étant les plus porteurs et qui sont de ce fait stratégiques pour leur programmation. Ces films pourraient également être des produits d’appel importants dans l’offre cinématographique de Salto.
3. Position des chaînes Mères dans la programmation d’œuvres cinématographiques
Les chaînes gratuites diffusent toutes des œuvres cinématographiques (à l’exception des chaînes d’information). Cependant, le décret n° 90-66 du 17 janvier 1990 limite à un maximum de 192125 le nombre de diffusions et de rediffusions d’œuvres cinématographiques qu’elles peuvent réaliser annuellement126.
Les chaînes Mères ont diffusé en moyenne sur les trois dernières années 1 290 films différents par an, toutes nationalités confondues. Ces films sont ceux qui réalisent les meilleures audiences127.
Parmi ces diffusions, une large part est consacrée aux œuvres cinématographiques européennes et EOF129.
En 2017130, 45 % des films diffusés sur les chaînes Mères étaient des films français131 (soit en moyenne 587 films français par an).
Elles ont diffusé en moyenne sur les années 2015, 2016 et 2017, 67 % du total des films français mis à l’antenne sur les chaînes gratuites.
A l’exclusion des 264 films préachetés et diffusés en 2015, 2016 et 2018133, les autres films EOF proposés sur les antennes des chaînes Mères, qui constituent la grande majorité de l’ensemble des films diffusés au cours de cette période, peuvent être considérés comme étant essentiellement de catalogue.
C. Position des mères sur le marché de l’acquisition de droits de diffusion d’œuvres audiovisuelles et cinématographiques d’origine nord-américaine (US)
Le Conseil n’est pas en mesure d’estimer les parts de marché des Mères sur le marché de l’acquisition de droits de diffusion d’œuvres audiovisuelles et cinématographiques d’origine nord- américaine.
D’après les informations recueillies auprès des ayants droits, il semble cependant que les Mères détiennent à ce jour très peu de droits VàDA de ces œuvres.
En effet, n’éditant pas jusqu’ici de services de VàDA, elles n’ont pas négocié conjointement les droits linéaires et les droits pour la VàDA des œuvres nord-américaines qu’elles ont acquises. Elles ne disposeraient donc pas dans leur catalogue d’une large étendue de droits d’exploitation en VàDA d’œuvres américaines qu’elles seraient susceptibles de céder à Salto.
Le développement des principaux groupes d’ayants droit américains sur le marché de la VàDA est par ailleurs susceptible de venir limiter l’impact de la création de Salto sur ce marché.
De plus, l’offre de programmes nord-américaine ne semble pas être au cœur du projet éditorial de Salto.
Compte tenu du volume important d’œuvres audiovisuelles américaines produites chaque année, il ne semble pas au Conseil que ce marché puisse connaitre de fortes tensions liées à l’opération.
En conclusion, le Conseil estime donc que l’opération n’emporterait pas de conséquences sur ce marché.
II. Effets concurrentiels de l’opération sur les marchés amont
Selon le Conseil, les effets concurrentiels de l’opération sur les marchés amont porteraient essentiellement sur les droits de diffusion ou d’exploitation des œuvres audiovisuelles et cinématographiques EOF.
En effet, il existe peu de tension sur le marché d’acquisition des droits d’œuvres européennes et américaines, compte tenu de leur volume élevé de production. Par ailleurs, le projet éditorial de Salto étant principalement orienté vers la mise à disposition d’œuvres EOF, le Conseil considère que le marché de l’acquisition d’œuvres européennes et américaines sera peu affecté par l’opération.
En revanche, la position stratégique des Mères sur le marché des œuvres audiovisuelle EOF et sur le marché des œuvres cinématographiques EOF pèse sur les conditions intrinsèques de négociation de ces droits. Compte tenu de l’état du rapport de force avec les producteurs, elles ont pu ainsi négocier auprès de ces derniers, dans le cadre des contrats de préachats et de coproduction, des clauses aux effets potentiellement significatifs sur les conditions d’acquisition de droits d’œuvres EOF du service Salto, et par ricochet, sur le développement du marché de la VàDA en France.
[…] indique dans sa réponse au questionnaire du Conseil que « ce fort pouvoir de marché se traduit notamment, depuis plusieurs années, par la cession de droits de plus en plus étendus et d’avantages divers à ces groupes de la part des producteurs ».
A. Effets sur le marché de l’acquisition d’œuvres audiovisuelles EOF
La notification à l’ADLC du projet Salto précise que « Salto interviendra dans le financement de la production d’œuvres audiovisuelles, mais ne sera appelée à détenir des parts de producteur que dans des proportions très limitées, compte tenu du budget alloué et du cadre réglementaire qui lui sera applicable ».
Les droits d’exploitation en VàDA des œuvres audiovisuelles EOF que ce nouveau service proposera au public seront dont très majoritairement négociés dans un cadre facilité par la présence des Mères au capital de Salto. En effet, il est probable que l’essentiel des droits détenus par Salto soient :
- négociés par les Mères dans le cadre de négociations conjointes droits linéaires/ droits non linéaires, puis revendus à Salto ;
- négociés directement par Salto auprès du producteur via la levée des clauses de holdback
détenues par les Mères ;
- négociés directement par Salto auprès des filiales de distribution des Mères.
Ces conditions de négociation sont susceptibles d’engendrer des effets sur le marché actuel – et futur – de l’acquisition de droits d’œuvres audiovisuelles EOF.
1. Effet des pratiques des Mères sur le mode de négociation des droits d’exploitation en VàDA des œuvres EOF
a) Négociation couplée
Les Mères ont la possibilité de mettre en œuvre des pratiques de négociation couplée entre droits linéaires (pour leurs antennes) et non linéaires (pour Salto).
Les Mères ont d’ailleurs pour intention […]134.
Le groupe TF1 a d’ailleurs inclus dans les accords professionnels qu’il a conclus avec les organisations professionnelles, la possibilité de pouvoir négocier conjointement les droits linéaires et des droits non linéaires dans des contrats séparés.
[…], dans sa réponse au questionnaire du Conseil, indique que « Salto est de nature à conférer aux groupes TF1, M6 et FTV une puissance de négociation plus forte avec les détenteurs de droits de contenus audiovisuels et donc à rendre plus difficile l’accès aux contenus pour […]. L’opération est en particulier de nature à permettre à ces groupes d’exercer un effet de levier entre l’acquisition des droits linéaires et non linéaires. »
La généralisation des pratiques de couplage pourrait ainsi présenter un risque d’accaparement des droits d’exploitation en VàDA par les Mères, au seul profit de Salto.
Les Mères justifient cependant la nécessité de pouvoir procéder à des achats couplés droits linéaires/droits VàDA par les modifications des pratiques de cession de droits observées sur le marché international et la nécessité de s’y adapter. En effet, les services de VàDA américains acquièrent, par territoire ou pour un ensemble de territoires, une exclusivité totale de diffusion, tous supports confondus, là où, historiquement, les droits linéaires et non linéaires se vendaient support par support.
Les ayants droit américains peuvent d’ailleurs proposer aux chaînes françaises des ventes de droits couplés pour le linéaire (gratuit et payant) et pour le non linéaire (TVR et VàDA). A ce stade, en France, ce mode de négociation où l’ayant droit demanderait que l’éditeur acquiert de façon groupée les droits linéaires et les droits VàDA n’est pas répandu. Le producteur d’œuvres audiovisuelles EOF a jusqu’ici plutôt privilégié la négociation séparée des différents droits d’exploitation.
[…] ayant répondu aux questionnaires du Conseil se sont majoritairement positionnés pour une limitation voire une interdiction des négociations couplées.
Ainsi, […] considère qu’« afin de préserver l’équilibre du marché de la vente de droits en VADA ainsi que celui de la vente des droits linéaires, l’autorisation de SALTO doit être assortie d’une obligation d’accord interprofessionnel qui garantit une séparation dans la négociation des droits linéaires acquis par les éditeurs de services sociétés mères et la société SALTO. Sans cela, les sociétés mères demanderont à accéder à ces droits dès le contrat d’achat de droits initial pour une diffusion linéaire sans nécessairement valoriser spécifiquement ces droits et gèleront potentiellement le marché des droits VADA pour les œuvres qu’elles financent ».
De même, […] précise que « comme indiqué précédemment, […] ne sont pas favorables à l’acquisition des droits VàDA par les mères car le producteur sera dans l’obligation de les céder sans véritable valorisation de ces droits. Cette précaution doit également s’appliquer aux rachats de droits qui doivent rester limités aux seuls droits linéaires ».
b) Clauses de holdback
Les Mères ont généralisé dans leurs contrats les clauses de holdback qui gèlent les droits VàDA pendant tout ou partie de la période d’exclusivité de diffusion linéaire négociée dans le cadre des contrats de préachats ou de coproduction d’œuvres audiovisuelles EOF.
Ces clauses peuvent paraître légitimes, car la diffusion en non exclusivité d’une œuvre lui fait perdre une partie importante de sa valeur, en particulier lorsqu’il s’agit d’une œuvre inédite diffusée sur une chaîne en clair. Il est vraisemblable que Salto demande la levée des clauses de holdback aux Mères et cela sur un volume potentiellement important d’œuvres audiovisuelles EOF.
Les Mères ont tout intérêt à ce que les clauses de holdback soient levées au bénéfice de Salto car les œuvres concernées sont récentes et participent ainsi à la mise en avant et à l’attractivité du catalogue proposé par Salto.
D’ailleurs, en vertu du protocole d’accord ferme conclu entre les Mères et transmis à l’Autorité de la concurrence, […].
Cette situation s’explique notamment par le faible nombre d’acteurs de VàDA français généralistes135, A l’exception de Canal+ Séries, les catalogues de ces services sont constitués de programmes variés, intégrant essentiellement des films de catalogue, quelques séries, des documentaires, des programmes jeunesse, du spectacle vivant, etc. […].
Les acteurs présents sur le marché de la VàDA sont donc peu intéressés par les œuvres audiovisuelles EOF dont les droits sont détenus par les Mères.
Cette situation pourrait cependant évoluer dans le futur, notamment suite à la transposition en droits français de la directive SMA136 qui, dans son article 13, dispose que « les États membres veillent à ce que les fournisseurs de services de médias relevant de leur compétence qui fournissent des services de médias audiovisuels à la demande proposent une part d'au moins 30 %d'œuvres européennes dans leurs catalogues et mettent ces œuvres en valeur ».
Il est vraisemblable que de nombreux services respecteront cette disposition notamment en proposant des œuvres audiovisuelles EOF. Il est donc cohérent d’assurer une certaine fluidité des conditions d’acquisition de ces œuvres.
c) Négociation des mandats secondaires et de commercialisation des Mères
Les filiales de distribution des Mères, qui détiennent des mandats secondaires et de commercialisation, constituent pour Salto une source d’approvisionnement en droits d’exploitation en VàDA.
Dans les questionnaires envoyés aux tiers et notamment aux ayants droit, le Conseil a souhaité savoir si le lancement à l’automne dernier du service de VàDA Canal+ Séries avait eu, ou non, un effet dynamique sur le marché de l’acquisition de droits.
[…] a indiqué dans sa réponse que « le lancement de Canal+ Série n’a absolument pas dynamisé le marché car l’offre repose sur les créations originales de la chaîne cryptée. Or, la plupart des droits de distribution en France et à l’international des séries de fiction de Canal+ sont contrôlés par Studiocanal, filiale du groupe Canal+, à l’exception de ceux de quelques séries historiques. Pour le lancement de Canal+ Séries, le groupe Canal+ a donc été pioché dans le catalogue des droits détenus par Studiocanal. Il s’est en fait vendu à lui-même en fixant un prix d’acquisition difficilement contrôlable et contestable par les ayant droits ».
A ce stade, il est utile de rappeler que le groupe Canal Plus n’a pas signé d’accord avec les organisations professionnelles à la suite de la promulgation du décret du 27 avril 2015 modifiant le décret n° 2010-747 du 2 juillet 2010 (appelés accords « mandat »). Par conséquent, aucune stipulation de la convention des chaînes Canal+ n’encadre les conditions de cession des mandats de distribution, et la filiale de distribution de GCP, StudioCanal, est détentrice d’un nombre important de mandats sur les œuvres qu’elle a préfinancées.
La situation n’est pas la même concernant les Mères. Les groupes TF1, France Télévisions puis M6 ont chacun signé un accord « mandat » qui vient encadrer les conditions de cessions des mandats de commercialisation et des droits secondaires des œuvres coproduites par les éditeurs de services au titre de la production indépendante. Le décret du 2 juillet 2010 consolidé limite cependant la possibilité de détention des mandats par les Mères, ces dernières ayant chacune signé l’accord professionnel « mandat »137.
Le nombre de mandats de commercialisation effectivement négociés par chacune des Mères sur les œuvres indépendantes qu’elles ont préfinancées en 2018 n’est pas comptabilisé par le Conseil138.
Cependant, le Conseil rappelle que sur la part des investissements « dépendants » des Mères, les conditions de négociation des mandats ne sont pas encadrées et que les filiales de distribution des Mères peuvent librement acquérir les mandats des œuvres concernées139.
2. Effets de l’opération sur les conditions de négociation des droits d’exploitation en VàDA des œuvres audiovisuelles
La création de Salto pourrait avoir un effet positif sur le marché de l’acquisition de droits d’exploitation en VàDA. En effet, le dynamisme de ce marché en France est actuellement essentiellement tiré par des services de VàDA américains tels Netflix et Amazon.
De plus, une large part des œuvres EOF (notamment les œuvres récentes) n’est à ce jour pas exploitée sur les services de VàDA : Salto pourrait permettre de dynamiser le marché de l’acquisition des œuvres EOF non linéaires et proposer une fenêtre d’exposition à ces programmes au bénéfice notamment des consommateurs.
a) Effet de l’opération sur les prix d’acquisition des droits d’exploitation des œuvres audiovisuelles EOF en VàDA
La question de la détermination du prix d’acquisition des œuvres EOF par Salto est apparue de façon récurrente dans les réponses aux questionnaires envoyés par le Conseil.
[…] dans sa réponse au questionnaire indique ainsi que « la création de SALTO pourrait avoir un impact positif sur le marché français dans la mesure où la mise en concurrence desdits droits est possible, et si les prix de marché sont respectés ». Il indique également que « le risque existe que les trois actionnaires profitent lors de la négociation du contrat du programme en linéaire pour obtenir à des conditions éloignées des prix du marché pour les droits VOD ; l’impact de SALTO sur les prix d’acquisitions sera double. La future plateforme française risque de compromettre les deals monde avec les plateformes étrangères qui demandent de fournir les droits de tous les territoires y compris les droits locaux. A défaut, le risque serait de réduire la valeur de marché des droits SVOD et donc d’impacter le partage de la valeur. »
[…] indique qu’«afin de préserver l’équilibre du marché de la vente de droits en VADA ainsi que celui de la vente des droits linéaires, l’autorisation de SALTO doit être assortie d’une obligation d’accord interprofessionnel qui garantit une séparation dans la négociation des droits linéaires acquis par les éditeurs de services sociétés mères et la société SALTO. Sans cela, les sociétés mères demanderont à accéder à ces droits dès le contrat d’achat de droits initial pour une diffusion linéaire sans nécessairement valoriser spécifiquement ces droits et gèleront potentiellement le marché des droits VADA pour les œuvres qu’elles financent ».
La mise en œuvre de pratiques de couplage par Salto pourrait avoir, selon les termes de la réponse de […] au questionnaire envoyé par le Conseil, « un effet déflationniste sur la valeur des droits linéaires acquis par les trois Mères si elles ont la possibilité d’acquérir en même temps les droits de VàDA par effet de vase communicant, la baisse de l’un servant à la valorisation de l’autre, le tout pour un même investissement ».
Ainsi, de nombreux acteurs du marché considèrent que certaines pratiques actuelles des Mères pourraient avoir des effets négatifs sur les prix d’acquisition des droits VàDA, notamment les achats couplés par les mères de droits linéaires des œuvres préfinancées et des droits VàDA de ces mêmes œuvres pour Salto.
La position prépondérante de Salto sur le marché d’acquisition des droits d’exploitation en VàDA des œuvres EOF pourrait avoir des effets sur la formation du prix de marché pour l’exploitation en VàDA d’une œuvre audiovisuelle EOF. En effet, les mères pourraient utiliser leur pouvoir de marché en matière d’acquisition des droits linéaires des œuvres EOF qu’elle préfinancent pour négocier conjointement les droits VàDA pour Salto, et cela pour un prix symbolique. Ce même effet de levier pourrait être mis en œuvre lors de la négociation des droits de diffusion des œuvres de catalogue.
Le budget de programmes dont se dotera Salto pour les acquisitions de droits n’est pas précisément indiqué dans la notification140. Or, le volume total d’œuvres EOF que pourra acquérir Salto, et donc la richesse de son offre, dépendra de ce budget d’acquisition.
Dans la notification de l’opération, les Mères insistent sur le fait qu’en l’espèce, ce sont les producteurs, détenteurs des droits VàDA qui, in fine, décideront ou non si le prix proposé par Salto leur convient, et s’ils cèdent ou non les droits d’exploitation des œuvres dont ils détiennent les droits.
Cette liberté contractuelle des producteurs ne pourrait cependant s’exercer de façon pleine et entière qu’à la condition que les négociations pour les droits VàDA se fassent indépendamment des Mères – ou du moins sur une partie importante des œuvres audiovisuelles EOF – et dans un cadre de négociation équitable, transparent et non discriminatoire.
b) Effet de l’opération sur les capacités d’approvisionnement des tiers en œuvres audiovisuelles EOF récentes et de catalogue
Il est contractuellement possible qu’une très large part des œuvres audiovisuelles EOF récentes préachetées par les Mères soit, avant, pendant ou après leur primo-diffusion en linéaire (et en tout état de cause après leur période d’exploitation de 7 jours sur les services de TVR de la chaîne), exploitée exclusivement sur Salto.
Porosité croissante des marchés d’acquisition de droits linéaires et non linéaires
Le caractère exclusif, tous supports confondus, des droits d’exploitation sur les services de VàDA est en voie de devenir la norme en ce qui concerne les programmes récents et inédits.
Jusqu’à une période relativement récente, les différents marchés de diffusion ou d’exploitation des œuvres étaient indépendants et les œuvres faisaient l’objet d’exploitations soit successives (avec une exclusivité sur une fenêtre de diffusion limitée dans le temps141), soit simultanées via le négoce de droits non exclusifs sur le même marché ou exclusifs sur des marchés indépendants142.
La pratique des services de VàDA était plutôt organisée autour de négoces de droits non exclusifs. En effet, l’organisation de ce marché a été structurée par l’injonction faite à GCP par l’Autorité de la concurrence d’exploiter de façon non exclusive les droits sur ses services de VàDA143. Cette injonction a été assouplie en 2017144 afin de permettre à GCP d’exploiter en exclusivité sur ses plateformes de VàD et de VàDA les séries qu’il a préfinancées et des films de catalogue EOF dont les droits sont détenus par StudioCanal145.
A l’inverse, les services comme Netflix et Amazon ont développé dès l’origine des pratiques d’exclusivité tous supports confondus146. Ainsi, Netflix négocie dans le cadre de certains achats de séries récentes et attractives, dont les séries « Netflix Originals », des exclusivités totales toutes chaînes linéaires et tous services non linéaires confondus, et pour une durée de droits très longue. Pour les œuvres cinématographiques, cette exclusivité s’étend également à la salle et à la distribution en DVD.
Ce changement dans les conditions de négoce des droits VàDA a des répercussions importantes sur l’ensemble des marchés amont.
[…], à la question de savoir qui sont ses principaux concurrents, a répondu dans sa réponse au questionnaire du Conseil que « pour le cinéma de catalogue : l’ensemble des services de télévision, gratuite ou payante, et les services de VàDA ; Pour les séries : les services de télévision payante (précités), les services de VàDA (Netflix, Amazon, Canal+ Séries, à venir : Starz, Disney+, Warner, Salto) et dans une moindre mesure, les opérateurs de télévision gratuite (marché plus étroit pour les séries susceptibles d’être diffusées à la fois en gratuit et payant). »
[…] indique qu’ « en raison de cette très forte substituabilité du point de vue de la demande, les chaînes de télévision gratuites, les chaînes de télévision payantes, les services de VàD / VàDA et les fournisseurs de DVD sont en concurrence pour obtenir et distribuer les contenus audiovisuels les plus attractifs (films, documentaires, séries, etc.). »
[…] souligne qu’ « il faut rappeler qu’en dehors des films de cinéma récents visés par la chronologie des médias (en dehors du cas des films distribués directement sur certaines plateformes comme Netflix tels que Annihilation, Roma, le prochain film du réalisateur Martin Scorsese, etc.), les fournisseurs de services non linéaires et les chaînes de télévision sont en concurrence pour acquérir les droits des films de catalogue, des séries, des documentaires, des compétitions sportives qui sont disponibles pour tous les acteurs au même moment. Il n’existe entre les différents acheteurs aucune barrière, de quelque nature que ce soit, et la nature de la demande est la même ».
Cette porosité des marchés, soulignée par […], a tendance à s’imposer également en France.
Ce modèle d’exclusivité totale, tous supports confondus, qui est celui majoritairement adopté par les grands acteurs internationaux de la VàDA sur les œuvres inédites et récentes147, pourrait être répliqué par Salto (dans la limite toutefois de ses capacités budgétaires).
Salto souhaitera en effet probablement détenir des droits exclusifs148 sur un volume très important d’œuvres EOF attractives, ce qui pourrait fragiliser la capacité des chaînes ou services tiers, tant gratuits que payants, tant linéaires que non linéaires, à s’approvisionner en œuvres audiovisuelles EOF.
Cette politique d’exclusivité, conjuguée à la large proportion d’œuvres audiovisuelles EOF récentes et de catalogue que Salto pourrait acquérir grâce à la position prépondérante des Mères sur le marché amont, pourrait modifier le marché de l’acquisition de droits de diffusion linéaire et non linéaire d’œuvres EOF, dont il a toutefois été rappelé plus haut s’agissant des droits non linéaires qu’il est pour l’instant très peu dynamique.
c) Sur le marché de l’acquisition de droits de diffusion linéaire (chaînes gratuites et payantes)
[…] dans sa réponse au questionnaire considère que « SALTO présente aussi un risque pour les chaînes thématiques payantes sur la circulation des droits. […] notent d’ores et déjà, une tension sur le marché des droits attribuables à SALTO, aussi bien dans la fiction, le documentaire que l’animation qui sont les trois genres le plus co-produits et préachetés par les chaînes thématiques payantes, qu’il s’agisse du linéaire ou du non linéaire.
Il faut garantir des conditions équitables de concurrence sur le marché amont de l’acquisition des droits (notamment par le maintien d’une fluidité des droits sur le marché) ».
[…] indique que « Salto devrait regrouper l’ensemble des contenus des trois importants groupes de télévision TF1, France Télévisions et Métropole Télévision. Cette concentration des contenus n’est pas sans représenter un risque en termes de circulation des œuvres : en effet, les sociétés mères de Salto seront incitées à réserver leurs contenus, et notamment les plus attractifs, à leur plateforme commune, alors qu’avant, ces contenus étaient mis sur le marché. Cette préoccupation est d’autant plus vive que la plateforme annonce vouloir se concentrer précisément sur les contenus EOF et européen, y compris de catalogue, qui sont incontournables pour la réalisation des quotas de diffusion réglementaires ; à titre d’illustration, alors que […]».
[…] souligne que « Salto est une offre payante de télévision, elle viendra donc concurrencer directement les offres de télévision payante de […] s’ajoutant à la concurrence déjà exercée par les offres gratuites des actionnaires de Salto. De plus, Salto pourra priver […] d’un certain nombre de contenus que la nouvelle entité souhaiterait distribuer désormais en exclusivité sur sa plateforme. Cela concerne aussi bien des chaînes linéaires que des chaînes non linéaires ».
Enfin, […] précise « que la segmentation entre marché de l’acquisition des droits linéaires et non linéaires pour tous les autres programmes non soumis à la chronologie des médias n’est plus pertinente. […] est en concurrence directe avec les plateformes de VàDA pour l’acquisition des séries par exemple ».
N’ayant pas les capacités financières de mener une politique ambitieuse en matière de préfinancement d’œuvres audiovisuelles EOF, notamment de fiction, les chaînes de télévision gratuites indépendantes des grands groupes audiovisuels ont développé une production propre portant généralement sur des magazines et divertissements qualifiés en œuvres. Pour la plupart de ces chaînes, cet investissement permet d’assurer à lui seul le respect des quotas de diffusion d’œuvres audiovisuelles EOF. Néanmoins, cette production propre est parfois insuffisante, auquel cas elle est complétée par un approvisionnement sur le second marché des œuvres audiovisuelles. C’est le cas de nombreuses chaînes gratuites, mais aussi payantes (à l’exception des chaînes cinéma Canal+ et OCS).
Pour ces chaînes, la création de Salto pourrait avoir pour effet de créer un nouveau concurrent qui, compte tenu de la présence des Mères à son capital, bénéficierait de conditions de négoce facilitées.
Cette concurrence pourrait notamment s’exercer lors de la mise en œuvre par les Mères des clauses de préemption. En effet, lorsqu’un service linéaire tiers formulera une offre d’acquisition ferme pour une œuvre préfinancée par les Mères et protégée par une clause de préemption, les Mères, lorsque le contrat le prévoit149, pourront préempter cet achat au bénéfice de Salto (dans les conditions financières négociées par l’éditeur tiers)150. Une exploitation systématique sur Salto des œuvres audiovisuelles EOF préfinancées par les Mères et des œuvres audiovisuelles de catalogue rediffusées sur les antennes des Mères pourrait conduire à des difficultés d’accès pour les éditeurs tiers linéaires (tant en clair que payant) au marché de l’acquisition des œuvres audiovisuelles EOF de catalogue, alors même qu’elles sont le plus soumises à des obligations de quotas de diffusion d’œuvres audiovisuelles.
d) Sur le marché de l’acquisition de droits d’exploitation non linéaire (services tiers et nouveaux entrants)
Les services non linéaires concurrents de Salto, ainsi que les nouveaux entrants sur le marché de la VàDA, pourraient connaitre les mêmes difficultés d’approvisionnement que les services linéaires.
[…] dans sa réponse au questionnaire du Conseil, indique que « l’opération est de nature à rendre plus difficile l’entrée de nouveaux opérateurs locaux sur les marchés de l’acquisition de droits de diffusion de contenus audiovisuels et de distribution de services de télévision payante. Les actionnaires de Salto auront plus intérêt à réserver leurs contenus à leur plateforme commune, ce qui signifie moins de droits de diffusion disponibles sur le marché et donc moins de sources d’approvisionnement pour des nouvelles chaînes ou services. Seuls les opérateurs internationaux dotés de capacités financières énormes et/ou de contenus très puissants comme Disney ne devraient pas être subir d’entraves à leur entrée sur le marché français du fait de l’opération. Ce groupe précise par ailleurs, que « la principale barrière à l’entrée sur ces deux marchés est l’accès aux contenus dans un environnement hyper concurrentiel. La nouvelle stratégie de désintermédiation des acteurs traditionnels de la distribution mise en oeuvre par certains détenteurs de contenus et marques puissantes comme Disney/Fox avec le lancement de son service de VàDA Disney+ (stratégie « direct to consumers ») va encore accroître la difficulté d’accéder aux contenus attractifs.
L’autre barrière réside dans les moyens financiers nécessaires pour acquérir des droits de valeur. Cela résulte notamment du fait que les acteurs internationaux dotés de moyens financiers considérables (plus de 8 milliards investis dans les contenus par Netflix en 2018) ont contribué à élever le standard de qualité des programmes attendu par les utilisateurs. »
B. Effets sur le marché de l’acquisition de droits de diffusion d’œuvres cinématographiques EOF
Comme indiqué précédemment, la position des Mères sur le marché de l’acquisition d’œuvres cinématographiques n’est pas négligeable.
Leur puissance et le pouvoir de négociation qui en découle pourraient être mis à profit pour que Salto puisse acquérir des œuvres cinématographiques dans des conditions facilitées. Cependant, les conditions de diffusion des œuvres cinématographiques sur les services de VàDA ne sont pas les mêmes que celles qui s’appliquent aux œuvres audiovisuelles.
1. Positions des syndicats de producteurs d’œuvres cinématographiques sur l’impact de l’opération
[…] dans sa réponse au questionnaire du Conseil indique : « Avec la création de Salto, et en l’absence d’encadrement spécifique, le risque d’effet de levier, où ces groupes audiovisuels utiliseraient leur position sur le marché de la vente des droits de diffusion en télévision linéaire pour renforcer leur position sur le marché de la vente des droits de diffusion en VàDA, est réel. Un tel effet de levier pourrait notamment se traduire par des phénomènes de « vente liée » : les producteurs pourraient être contraints de vendre à ces opérateurs les droits de diffusion en VàDA en même temps que les droits de diffusion en télévision linéaire, sans valorisation spécifique. Ce type de pratique ferait obstacle au développement de leur activité, qui consiste à vendre les droits de diffusion de leurs œuvres de façon distincte et valorisée pour chaque mode de diffusion, et au développement de la création cinématographique de façon générale. (…) Pour les œuvres de catalogue également et en l’absence d’encadrement spécifique, le risque d’effet de levier, où ces groupes audiovisuels utiliseraient leur position sur le marché de la vente des droits de diffusion en télévision linéaire pour renforcer leur position sur le marché de la vente des droits de diffusion en VàDA, est réel ».
[…] indique également que « La création de cette entreprise ne semble pas non plus de nature à faire obstacle au développement de l’activité sur les marchés de la vente de droits de diffusions de films cinématographiques pour une exploitation en VàD et/ou en VàDA, à la condition expresse et indispensable que toute négociation et/ou acquisition couplée des droits de diffusion télévisuels et des droits d’exploitation en VàD et/ou en VàDA portant sur un même film récent européen ou EOF soit strictement interdite par l’Autorité de la concurrence.
A défaut d’édiction de cette interdiction formelle, la position des trois acteurs économiques créant cette entreprise est telle sur les marchés d’acquisition des droits de diffusion télévisuelle des films cinématographiques européens dont les films EOF qu’elles pourront faire obstacle au développement de l’activité sur les marchés de la vente de droits de diffusion des films cinématographiques pour une exploitation en VàD et/ou en VàDA.
Pour ce qui concerne les films de catalogue européens dont les films EOF, il serait de première importance pour qu’il n’y ait pas d’obstacle au développement des marchés d’acquisition des droits d’exploitation de ces films d’instaurer des limites à l’auto-alimentation pour que les films achetés ne soient pas de façon privilégiée ceux détenus par les chaînes ayant créé le nouvel opérateur ».
2. Impact sur l’opération des accords sur la chronologie des médias
Les conditions d’exploitation des œuvres cinématographiques sur les services de VàDA sont régies par un ensemble de règles inscrites dans l’accord interprofessionnel datant de 2009 sur la « chronologie des médias », modifié en décembre 2018 et rendu obligatoire par l’arrêté d’extension du 25 janvier 2019.
La chronologie des médias organise les différentes fenêtres de diffusion des œuvres cinématographiques, marché par marché, mode de diffusion par mode de diffusion.
Ce texte prévoit pour les œuvres cinématographiques qui seraient exploitées sur les services de VàDA, trois fenêtres d’exploitation :
- 17 mois (ou 15 mois151) après la sortie du film en salles pour les services de VàDA ayant conclu un accord avec les organisations professionnelles du cinéma152 ; la durée d’exclusivité des droits pour cette fenêtre ne peut excéder 5 mois pour les œuvres préfinancées ou acquises par un service gratuit ou payant non cinéma. L’exploitation de ces œuvres ne peut se poursuivre au-delà du 22ème mois153, ce délai étant ramené à 20 mois pour les œuvres bénéficiant d’une dérogation ;
- 30 mois (ou 28 mois si dérogation) après la sortie du film en salles pour les services de VàDA ayant conclu un accord avec les organisations professionnelles du cinéma comportant l’engagement de consacrer soit 21 % du chiffre d’affaires net au développement de la production d’œuvres cinématographiques et audiovisuelles (17 % pour les œuvres EOF) soit 25 % de cette contribution à l’achat de droits d’exploitation ou en l’investissement en part de producteur, et cela lorsque le service réalise un chiffre d’affaires annuel net supérieur à 50 millions d’euros ; de plus ces services devront réserver à tout moment dans leur programmation d’œuvres, au moins 60 % pour les œuvres européennes et 40 % pour les œuvres EOF ;
- 36 mois après la sortie du film en salles pour les autres services de VàDA.
Ces fenêtres de diffusion ne sont pas très favorables aux services de VàDA. En effet, un service de VàDA, même préfinanceur d’œuvres cinématographiques et ayant conclu un accord professionnel avec les organisations professionnelles du cinéma ainsi qu’une convention avec le CSA, ne pourra diffuser des œuvres cinématographiques qu’après les fenêtres d’exploitation en VàD et par les services de cinéma de première exclusivité ayant conclu un accord avec les organisations professionnelles du cinéma154.
La fenêtre de diffusion des films sur les chaînes gratuites qui investissent au moins 3,2 % de leur chiffre d’affaires dans la production cinématographique, dont les Mères font partie, intervient après la fenêtre la plus favorable réservée aux services de VàDA, soit 22 mois après la sortie du film en salles (20 mois si dérogation). Cependant, cette fenêtre est ramenée à 19 mois pour les œuvres cinématographiques non acquises en 2ème fenêtre payante ou en VàDA.
Cette dernière disposition laisserait la possibilité aux chaînes Mères de ne pas lever les clauses de holdback pour Salto afin de pouvoir diffuser les œuvres préfinancées n’ayant pas de 2ème fenêtre payante dès le 19éme mois.
3. Impact sur l’opération des pratiques contractuelles des Mères
L’accord pour la chronologie des médias organise les conditions d’exclusivité des exploitations télévisuelles. Son article 2.2 stipule que « les signataires reconnaissent la possibilité pour les parties intéressées d’organiser par voie contractuelle l’exploitation exclusive, par un service de télévision, au sein de sa fenêtre d’exploitation, d’une œuvre cinématographique dont il a acquis les droits, par rapport à la vidéo à la demande par abonnement ».
a) Effet des pratiques de Mères sur la politique d’acquisition d’œuvres cinématographiques par Salto
Les chaînes en clair ont donc la possibilité de s’accorder par voie contractuelle une exclusivité vis- à-vis des services de VàDA, qui pourrait ainsi conduire ces derniers à ne pas pouvoir exploiter la fenêtre de 17 mois qui est située avant celle des chaînes en clair.
Or, à ce stade, aucun service de VàDA n’a conclu d’accord professionnel et ne peut bénéficier de la fenêtre d’exploitation au 17éme mois après la sortie en salles du film.
Cependant, les Mères, dans la notification de l’opération à l’Autorité de la concurrence, précisent qu’« en ce qui concerne le cinéma français, et en sa qualité d’éditeur, Salto se conformera à la réglementation en vigueur […]155.
Si Salto concluait un accord avec les organisations professionnelles, les Mères pourraient inclure dans leurs contrats de préachat ou de coproduction des clauses de holdback visant à garder une exclusivité sur leurs fenêtres de diffusion. Salto pourrait alors bénéficier de la levée de ces clauses.
Par ailleurs, Salto pourrait bénéficier des clauses de priorité et de préemption négociées par les Mères dans les contrats de préachat ou de coproduction.
Cependant, les clauses de priorité et de préemption ne comportent pas toutes la possibilité pour les Mères de préempter les droits au bénéfice de Salto.
[…] explique dans sa notification qu’il faut que ces clauses incluent d’une part le fait qu’elles peuvent être mises en œuvre au profit de services non linéaires (en complément des services linéaires). D’autre part, il doit être précisément stipulé dans les contrats qu’elles peuvent bénéficier aux « filiales et affiliés » des groupes audiovisuels (donc à Salto).
[…] indique que « Salto n’a pas vocation à bénéficier d’un tel droit de préemption »156. De même, comme pour les œuvres audiovisuelles, le groupe FTV ne peut faire bénéficier Salto des clauses de priorité et de préemption négociées dans ses contrats de préachats ou de coproduction157.
De plus, les groupes TF1, M6 et France Télévisions détiennent des structures de distribution dont les catalogues contiennent un volume non négligeable d’œuvres cinématographiques. Ces structures pourraient privilégier Salto lors des ventes de droit pour la VàDA.
Par ailleurs, les contrats de coproduction d’œuvres cinématographiques conclus par […] comportent une clause qui oblige le producteur délégué de l’œuvre de cette filiale de […], en cas de réception d’une offre d’exploitation non linéaire en VàDA en mode exclusif, à la consulter pour quelle lui fasse part de ses commentaires, et cela en qualité de coproducteur associé aux recettes158, sans pouvoir toutefois d’interdiction en cas de désaccord sur les conditions de cette offre de commercialisation.
Cependant, il est à noter que le plus important catalogue d’œuvres cinématographiques est détenu par le groupe Canal Plus via sa filiale StudioCanal, qui détient 5 000 titres.
b) Accès des tiers aux droits de diffusion d’œuvres cinématographiques
Les droits VàDA de nombreux films de catalogue ou de patrimoine sont encore acquis de façon non exclusive.
Par ailleurs, les services de VàDA concurrents de Salto peuvent avoir librement accès aux films non préfinancés par les diffuseurs et dont les droits VàDA seraient disponibles. En effet, de nombreux films sont produits en France sans l’apport des diffuseurs. Ils étaient 118 en 2016, 107 en 2017 et 125 en 2018, soit 42 % des films français en 2016, 36% en 2017 et 42 % en 2018. Par ailleurs, le nombre de films français sans apport des chaînes en clair était de 178 en 2016 (33 % des films français), 172 en 2017 (57 %) et 184 en 2018 (61 %)159.
Ces films n’ont donc aucune restriction liée aux clauses de holdback négociées par les chaînes. Leurs droits d’exploitation en VàDA pourront donc être négociés dans des conditions équilibrées entre les différents services de VàDA. Cependant, sauf exception, ces films ne sont pas parmi les films plus porteurs.
Concernant l’accès des éditeurs tiers aux œuvres cinématographiques de catalogue, et de manière comparable au cas des œuvres audiovisuelles, les contrats de coproduction ou de préachat d’œuvres cinématographiques des chaînes Mères comportent des clauses de préemption. Ces dernières leur donnent donc un accès privilégié aux œuvres cinématographiques qu’elles ont préfinancées, qui sont celles les plus largement rediffusées160 et les plus porteuses.
Les chaînes Mères pourraient donc, si elles l’estiment utile, être en position favorable pour négocier conjointement l’achat de droits pour une rediffusion en linéaire des films qu’elles ont refinancées et les droits d’exploitation en VàDA, qu’elles pourraient ensuite céder à Salto.
Les prix de rediffusion sur les chaînes TF1, M6 ou France 2 et France 3 d’œuvres cinématographiques porteuses peuvent en effet être très élevés161 et constituer pour les producteurs de ces œuvres une source de recettes non négligeable. Il est donc possible qu’ils soient amenés à céder dans une négociation globale les droits linéaires et les droits non linéaires d’exploitation sur un service de VàDA.
III. Conclusion
Les Mères disposent d’une position prépondérante sur les marchés de l’acquisition de droits de diffusion d’œuvres audiovisuelles et cinématographiques EOF récentes et de catalogue.
Le Conseil a principalement identifié, sur les marchés amont, des risques portant sur le marché de l’acquisition de droits de diffusion d’œuvres audiovisuelles et cinématographiques EOF.
Sur le marché de l’acquisition d’œuvres audiovisuelles EOF récentes et de catalogue, les risques susceptibles de se produire suite à la réalisation de l’opération tiennent à la valorisation à la baisse du prix des droits d’exploitation en VàDA, au difficile approvisionnement des éditeurs tiers de VàDA, et à la difficile circulation des droits de diffusion linéaire au bénéfice des éditeurs de services de télévision tiers.
Sur le marché de l’acquisition d’œuvres cinématographiques EOF, la principale préoccupation du Conseil tient à l’approvisionnement des éditeurs tiers (tant de services de VàDA que de services de télévision).
Ces différents risques pourraient se réaliser par l’intermédiaire de pratiques contractuelles intervenant autour de la négociation des contrats de préfinancement des Mères.
Ces pratiques sont nombreuses et concernent la négociation couplée des droits linéaires et des droits VàDA, l’insertion de clauses de holdback portant sur les droits d’exploitation en VàDA, l’insertion de clauses de priorité et de préemption et la négociation des mandats secondaires et de commercialisation.
PARTIE 3 : LES EFFETS CONCURRENTIELS SUR LES MARCHES INTERMEDIAIRES
Comme indiqué dans la présentation du projet, Salto développera une activité propre de distribution de services audiovisuels.
Cette offre se composera des chaînes des groupes TF1, M6 et France Télévisions et « en priorité » des chaînes de télévision de la TNT en clair (incluant les services de télévision de rattrapage associés). Salto pourra, dans le respect de sa ligne éditoriale, distribuer des chaînes payantes ainsi que des SMAD et cela dans des conditions qui seront négociées entre Salto et l’éditeur concerné162.
Le secteur de l’édition et la commercialisation a récemment été marqué par des évolutions significatives (I) qui vont jusqu’à questionner les délimitations de marché (II). Du fait de la puissance cumulée des Mères, il convient d’analyser les impacts potentiels de Salto sur ces secteurs de l’édition et de la commercialisation (III).
I. L’évolution des relations entre les éditeurs et les distributeurs de services audiovisuels
Les conditions de mise à disposition des services de télévision en clair par les éditeurs de télévision font l’objet de tensions liées à l’évolution du paysage audiovisuel et des modes de consommation (A). Les relations entre éditeurs et distributeurs sont définies par voie contractuelle mais sont également encadrées par des dispositions législatives (B).
A. Les tensions relatives à la reprise des services de télévision en clair par les distributeurs
1. Avec les FAI
Initialement, les contrats de distribution visant la reprise des chaînes de la TNT en clair ne prévoyaient pas de rémunération spécifique pour la mise à disposition du flux linéaire. Une rémunération était prévue pour les services associés, et notamment les services de télévision de rattrapage.
La contraction du marché publicitaire en télévision, le renforcement de la pression concurrentielle exercée par les acteurs numériques et la forte pénétration des offres des FAI ont récemment conduit certains éditeurs de chaînes en clair à exiger des distributeurs une rémunération pour la mise à disposition globale de leurs chaînes et des services associés.
Ainsi, à l’occasion des derniers renouvellements de leurs contrats de distribution, le groupe TF1 et le groupe M6 ont successivement demandé à partir de 2016 aux FAI et au groupe Canal Plus, une rémunération pour la diffusion de l’intégralité de leurs services.
Le groupe TF1 a souhaité être rémunéré par les distributeurs pour l’ensemble des services linéaires gratuits du groupe, les services de télévision de rattrapage qui leur sont associés ainsi que certaines fonctionnalités (start-over163, enregistrement en nPVR164, programmes diffusés en 4K165).
Le groupe M6 a formulé des demandes équivalentes.
Le groupe TF1 et le groupe M6 ont signé, en 2017 et 2018 des accords commerciaux avec l’ensemble des FAI ainsi qu’avec le groupe Canal Plus prévoyant une rémunération pour la distribution de l’ensemble de leurs chaînes gratuites et des services associés.
Ces accords sont intervenus après que certains services du groupe TF1 ont été rendus indisponibles par plusieurs distributeurs.
D’une part, le service de rattrapage MyTF1 a été coupé sur le service TV d’Orange entre le 1er février 2018 et le 11 mars 2018. Cette suspension est intervenue à la suite de l’échec du processus de négociation commerciale, initié […], pour la négociation des nouveaux accords de distribution des chaînes en clair et services de TVR du groupe TF1 qui étaient arrivés à échéance166.
D’autre part, le groupe Canal Plus a décidé après plus d’un an et demi de négociations de rendre les chaînes du groupe TF1 inaccessibles à ses abonnés Canal et TNTSat167 le jeudi 1er mars 2018 à 23 h. Cette situation a perduré jusqu’au 7 mars 2018 et a touché […] millions de foyers français ([…] millions d'abonnés au satellite, […] millions d'abonnés à l'ADSL et […] million d'abonnés à la TNT satellite). Ces abonnés avaient néanmoins toujours la possibilité de recevoir la chaîne sur leurs téléviseurs par la TNT hertzienne et d’avoir recours à l’environnement en propre (myTF1) pour regarder les chaînes du groupe TF1.
TF1 souligne que bien que ces deux périodes aient été courtes, elles ont eu un impact négatif sur l’audience des services concernés : « […] »12.
Le groupe M6 n’a pas connu de coupure du signal de ses chaînes par les distributeurs.
Plus récemment, le groupe NextRadio TV a également demandé à être rémunéré par Free. L’accord entre Free et NextRadioTV étant arrivé à échéance, les chaînes du groupe NextRadioTV ne font plus l’objet d’un contrat de distribution permettant leur mise à disposition via la Freebox TV. Si le groupe NextRadio TV a coupé la livraison des signaux de ses chaînes (BFM TV, BFM Business, RMC Découverte et RMC Story) au groupe Free, le 5 avril 2019, dans les faits, Free continue toutefois de reprendre et distribuer le signal de ces chaînes.
Une procédure de règlement de différend entre le groupe Free et le groupe Altice est actuellement pendante devant le Conseil.
A la connaissance du Conseil, les autres éditeurs présents sur la TNT (Amaury, Arte, Canal+, France Télévisions, Lagardère et NRJ) n’ont pas négocié de nouvelles conditions de reprise à ce jour. Les chaînes du service public, qui sont principalement financées par des ressources publiques et bénéficient d’une obligation de reprise par les distributeurs168, et celles du groupe Canal Plus qui est un acteur majeur de la distribution sont par ailleurs dans des situations particulières.
Au tire des 20 propositions qu’il a formulées en septembre 2018 afin de « refonder la régulation audiovisuelle », le CSA a préconisé que la réforme de la loi du 30 septembre 1986 annoncée par le gouvernement soit l’occasion de « garantir l’accès de tous à l’offre de télévision gratuite sur l’ensemble du territoire » et que « dans cette optique, la loi de 1986 impose un service antenne pour les zones non couvertes par la TNT, mais ne permet pas au CSA d’intervenir dans toutes les situations en cas de coupure de signal »169, ce qui ne préjuge pas de la possibilité pour les éditeurs de conditionner la reprise de leurs services par les distributeurs au versement d’une rémunération.
D’une manière générale, les distributeurs considèrent que les éditeurs de télévision en clair devraient mettre gratuitement à disposition leur flux linéaire (à l’exception des frais techniques) car ils bénéficient de ressources gratuites et rares.
A l’opposé, la majorité des éditeurs de télévision en clair estiment qu’ils participent – grâce à la notoriété de leurs chaînes à la valorisation des offres triple play auprès des abonnés aux offres des FAI et qu’ils doivent en conséquence être rémunérés à juste proportion de la valeur apportée. Par ailleurs, ils rappellent qu’en contrepartie de la mise à disposition gratuite de ressources publiques, ils financent la création via les obligations d’investissements dans la production audiovisuelle et cinématographique.
2. Avec Molotov
Molotov, distributeur natif de l’OTT, propose une offre gratuite qui permet à tout utilisateur français qui télécharge son application d'accéder à une quarantaine de chaînes dont les chaînes de la TNT en clair. Molotov donne l’accès à des fonctionnalités innovantes, comme l’enregistrement des contenus dans le « nuage » (« NPVR »), afin de répondre aux usages et aux attentes des consommateurs. Il décline également plusieurs offres payantes.
Molotov a signé en 2015 des premiers contrats commerciaux avec les groupes TF1, France Télévisions et M6 pour assurer la diffusion sur sa plateforme des principales chaînes de télévision françaises170.
Dès 2016, les groupes TF1 et M6 ont limité certaines des fonctionnalités auparavant accordées à Molotov (comme des limitations de leur NPVR).
Certains groupes ont même interdit temporairement (c’est le cas du groupe NextRadioTV et de TF1) ou définitivement (comme NRJ et GCP) la diffusion de leur flux linéaire par Molotov.
3. Les modalités actuelles des contrats de distribution des Mères171
Les contrats liant les Mères et les distributeurs sont généralement signés pour des durées de […] ans.
Les rémunérations obtenues par les trois mères auprès des différents distributeurs sont indiquées dans le tableau ci-après. SFR souligne, au sujet de ces rémunérations, qu’en « contrepartie de cette distribution payante, les distributeurs facturent aux éditeurs les frais techniques de transport des chaînes en clair qui étaient auparavant gratuits »172.
Le principe même de la rémunération des éditeurs pour la reprise des chaînes en clair suscite encore d’importants désaccords.
Pour certains acteurs tels que les groupes TF1 et M6, Bouygues Télécom et SFR, dont les maisons mères ont des activités d’édition, tant leurs chaînes gratuites et payantes que les services et fonctionnalités indissociables associés (start-over, rattrapage, etc.) sont rémunérés : « […] estime que les évolutions récentes intervenues sur le marché de la télévision gratuite et, notamment, la signature d’accord visant à rémunérer les principaux éditeurs des chaînes gratuites de la TNT pour la reprise de leur signal et le déploiement de services Premium, devraient conduire l’Autorité à revoir sa pratique décisionnelle »174.
Pour […]: « nous rémunérons ces groupes pour avoir le droit de distribuer les services linéaires et leurs services associés de manière indissociable à l’ensemble de nos abonnés à une offre de télévision ».
Pour les autres distributeurs, comme […], seuls les services et fonctionnalités associés175 doivent faire l’objet de rémunération176. […] indique ainsi qu’ils ont « depuis l’origine de la TNT distribué le signal linéaire des chaînes de ces trois groupes en prenant à notre charge le transport et sans verser de rémunération. Nous versons depuis longtemps une rémunération pour la TV de rattrapage qui est très consommée. Cette rémunération a été augmentée en 2018 pour TF1 et M6 qui en contrepartie ont rendu plus riche et plus exclusifs leurs services de TV de rattrapage et services associés ».
[…] souligne, par ailleurs, que l’augmentation de la rémunération des éditeurs s’est accompagnée d’une extension des contenus (avec des chaînes additionnelles) et des services (avec de nouvelles fonctionnalités) inclus dans les contrats de distribution.
B. Des pratiques qui s’inscrivent dans un cadre juridique
La loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 modifiée encadre les relations entre les éditeurs et les distributeurs (1) et donne au CSA un pouvoir de règlement de différend (2).
1. Les obligations imposées aux éditeurs et aux distributeurs
a) Le must offer des services antenne par câble et satellite
L’article 98-1 de la loi du 30 septembre 1986 prévoit un « service antenne » par satellite consistant en la mise à disposition gratuite par voie satellitaire de l’offre de TNT nationale en clair. Cette offre vise principalement les foyers ne pouvant pas recevoir la TNT par voie hertzienne terrestre (« zones blanches »)177.
Ce dispositif impose aux éditeurs de mettre ensemble leur offre de programmes à disposition d'au moins un distributeur ou opérateur de réseau satellitaire, qui doit alors la proposer au public sans la soumettre à la location d’un terminal de réception ni à la souscription d’un abonnement.
En outre, les éditeurs concernés ne peuvent s’opposer à la reprise de leur signal par tout distributeur ou opérateur constituant une telle offre. La reprise doit être aux frais de ces derniers. En revanche, la loi ne précise pas si l’éditeur peut recevoir une rémunération de leur part.
Le « service antenne » sur les réseaux câblés de distribution collective prévu à l’article 34-1 assure aux foyers situés dans des habitats collectifs, qui ne sont plus raccordés à une antenne râteau mais connectés à un réseau de câblo-distribution178, la réception des chaînes hertziennes gratuites normalement reçues dans la zone, sans être contraints de s'abonner à une offre de services payante. À cette fin, les éditeurs des chaînes concernées se voient imposer l’obligation de fournir leur signal gratuitement au distributeur, qui doit pour sa part les mettre à disposition des usagers du réseau leur faire une proposition commerciale.
b) Le must deliver des éditeurs de la TNT gratuite
L’article 34-4 de la loi n°86-1067 prévoit un must deliver, c’est-à-dire un droit d’accès et de numérotation des chaînes de la TNT nationale gratuite aux offres des distributeurs de services.
Ce droit d’accès implique pour le distributeur une obligation d’interopérabilité technique des décodeurs. Elle est conditionnée à une demande de l’éditeur, ne constitue pas une obligation de contracter et n’est pas exclusive d’une éventuelle rémunération.
En outre, les distributeurs sont tenus d’assurer la présentation de ces chaînes dans les « outils de référencement » (comme le guide électronique des programmes) et de les proposer au public selon leur numérotation « logique » (définie pour la TNT), tout en ayant la possibilité de proposer une numérotation alternative179. L’article 3-1 de la loi de 1986 dispose que la numérotation des services de télévision autres que les services de la TNT nationale gratuite repris dans les offres des distributeurs doit présenter un caractère équitable, transparent, homogène et non discriminatoire. Ces conditions sont explicitées dans des délibérations du Conseil spécifiques à cette question180.
A l’inverse, les éditeurs privés présents en TNT ne sont pas contraints de fournir ni de proposer leur signal aux distributeurs.
c) Les obligations propres aux chaînes publiques
(1) Le must carry des services linéaires
Les chaînes publiques sont soumises à une obligation de reprise, dénommée must carry, qui concerne les services linéaires. Elles ne peuvent s’opposer à la reprise de leurs services par les distributeurs qui ont l’obligation de les mettre à disposition du public.
En application des articles 34-2 et 45-3 de la loi de 1986, tout distributeur de services sur un réseau n'utilisant pas de fréquences terrestres assignées par le CSA, actif sur le territoire métropolitain181, est tenu de mettre gratuitement à disposition de ses abonnés, en métropole, le flux linéaire des chaînes de France Télévisions (France 2, France 3, France 4, France 5, franceinfo : et France Ô), Arte, TV5 Monde et La Chaîne Parlementaire182.
Un contentieux opposant le distributeur OTT PlayTV au groupe France Télévisions a soulevé la question de la portée de cette obligation hors du cadre des réseaux classiques. PlayTV, distributeur au sens de l’article 2-1 de la loi audiovisuelle présent uniquement sur l’internet ouvert, entendait bénéficier du droit de diffuser les flux en direct des chaînes de France Télévisions prévu par le must carry et a saisi le CSA en ce sens.
Le CSA a mis en demeure France Télévisions de ne pas s’opposer à la reprise de ses programmes par PlayTV, en flux continu, sur son site Internet183. France Télévisions a ensuite demandé l’annulation au Conseil d’Etat de cette décision184. Ce dernier a décidé de surseoir à statuer et de poser des questions préjudicielles à la CJUE. Le Conseil d’Etat a notamment demandé à la CJUE si la loi française peut aller au-delà de la directive « service universel » qui impose un must carry uniquement aux distributeurs exploitant un réseau (et non aux distributeurs OTT, considérés comme des simples fournisseurs de contenus).
En effet, le droit français et le droit de l’Union reposent sur des approches distinctes.
En droit français, le distributeur est défini par son activité commerciale (mise à disposition d’une offre de services), sans considération des modalités techniques de distribution mises en œuvre pour accéder au public (c’est-à-dire de la plateforme utilisée).
En droit de l’Union européenne, où le terme de distributeur est inconnu, ce rôle est appréhendé à travers la notion d’exploitant de réseaux utilisés par un nombre significatif d’utilisateurs pour recevoir des services audiovisuels. La question de l’articulation entre ces deux définitions juridiques a été soulevée à l’occasion du contentieux porté devant le Conseil d’État.
La notion de distributeur ainsi que l’obligation de reprise qui incombe à cet acteur ont été définies en France avant même que la directive « service universel » ne pose, en 2002, le principe et le cadre d’une obligation de must carry pour les opérateurs de réseaux.
La directive « service universel » de 2002, qui n’identifie pas la notion de distributeur, met néanmoins à la charge des exploitants de réseaux de communications électroniques utilisés pour recevoir des émissions de radio ou de télévision une obligation de reprise analogue à celle qu’assume le distributeur en droit français185.
La CJUE dans sa réponse, au Conseil d’Etat, indique que : « les dispositions de la directive « service universel » doivent être interprétées en ce sens qu’elles ne s’opposent pas à ce qu’un État membre impose, dans une situation telle que celle en cause au principal, une obligation de diffuser (must-carry) à des entreprises qui, sans fournir des réseaux de communications électroniques, proposent le visionnage de programmes de télévision en flux continu et en direct sur Internet »186.
Le contentieux est toujours pendant devant le Conseil d’Etat. Sa décision à venir sera susceptible de préciser le régime applicable aux offres en OTT en matière de must carry des chaînes publiques.
(2) L’absence de must carry du service de rattrapage et des autres fonctionnalités
L’article 34-2 de la loi de 1986 ne s’applique qu’aux flux des services de télévision linéaires des chaînes publiques diffusés en TNT187. Les chaînes publiques n’ont pas à mettre à disposition des distributeurs les SMAD, les services et les fonctionnalités qu’elles développent parallèlement aux flux linéaires des chaînes éditées.
L’article 48 de la loi de 1986 prévoit que le cahier des charges188 de France Télévisions précise :
« les conditions dans lesquelles, à compter de l'extinction de la diffusion par voie hertzienne terrestre en mode analogique des services de télévision sur l'ensemble du territoire métropolitain, cette société met en place les services de médias audiovisuels à la demande permettant la mise à disposition gratuite au public de l'ensemble des programmes qu'elle diffuse, à l'exception des œuvres cinématographiques et, le cas échéant, des programmes sportifs, pendant une période minimale de sept jours à compter de leur première diffusion à l'antenne ».
Le service de rattrapage de France Télévisions n’est ainsi pas soumis à une obligation de must carry, mais France Télévisions doit mettre à disposition du public, directement ou via un distributeur tiers (sans que cela ne soit précisé), son offre de télévision de rattrapage et cela gratuitement.
En l’état actuel du cahier des charges de France Télévisions, le groupe peut librement mettre à disposition du public des contenus supplémentaires à ceux disponibles sur le flux linéaire de ses chaînes189. Par ailleurs, il peut librement développer des fonctionnalités sur ses plateformes de rattrapage voire les commercialiser190. Ces contenus et fonctionnalités ne rentrent pas – en l’état actuel de la réglementation – dans le champ de l’obligation de must carry de France Télévisions. D’ailleurs, […].
2. Le rôle du Conseil dans les relations éditeurs/distributeurs
L’article 3-1 de la loi de 1986 charge le Conseil de veiller « à favoriser la libre concurrence et l'établissement de relations non discriminatoires entre éditeurs et distributeurs de services, quel que soit le réseau de communications électroniques utilisé par ces derniers, conformément au principe de neutralité technologique ».
Il lui donne également la mission de veiller « au caractère équitable, transparent, homogène et non discriminatoire de la numérotation des autres services de télévision [que ceux des chaînes de la TNT nationales en clair] dans les offres de programmes des distributeurs de services ».
La loi n°2004-669 du 9 juillet 2004 a confié au Conseil un pouvoir de règlement des différends. L’article 17-1 de la loi de 1986 prévoit que le Conseil peut être saisi, par un éditeur ou par un distributeur de services, de tout différend relatif à la distribution d'un service de télévision ou de médias audiovisuels à la demande : « y compris aux conditions techniques et financières de mise à disposition du public de ce service » dans deux situations :
- premièrement : « lorsque ce différend est susceptible de porter atteinte au caractère pluraliste de l'expression des courants de pensée et d'opinion, à la sauvegarde de l'ordre public, aux exigences de service public, aux missions de service public » ;
- en second : « lorsque ce différend porte sur le caractère transparent, objectif, équitable et non discriminatoire des conditions de la mise à disposition du public de l'offre de programmes et de services ou de leur numérotation ou des relations contractuelles entre un éditeur et un distributeur de services (…) ».
Dans ces deux situations, le Conseil peut prendre les mesures nécessaires à la résolution du différend porté devant lui, telles que des injonctions. Les modalités de mise en œuvre de ce pouvoir d’injonction diffèrent selon qu’existe ou non une relation contractuelle entre les parties avant la demande de règlement de différend191.
Par ailleurs, des dispositions particulières s’appliquent si l’une des parties est une chaîne du service public.
Si les parties n’étaient pas liées, avant la date du règlement de différend, par des relations contractuelles, les injonctions du Conseil ne pourraient :
- être adressées qu’envers un opérateur à qui la loi fait expressément obligation de mettre à disposition un service ou de le reprendre192 (i) ;
- qu’ordonner, cette fois à tous les opérateurs, les mesures nécessaires pour prévenir une atteinte caractérisée au : « caractère pluraliste de l'expression des courants de pensée et d'opinion, à la sauvegarde de l'ordre public, aux exigences de service public, aux missions de service public (…), à la protection du jeune public, à la dignité de la personne humaine et à la qualité et à la diversité des programmes »193 (ii).
S’il existe déjà des relations contractuelles entre le distributeur et l’éditeur, ou « toute offre de contrat »194, le Conseil peut prononcer des injonctions y compris ayant une « incidence sur la conclusion, le contenu ou l’exécution »195 du contrat afin de garantir le caractère objectif, équitable et non-discriminatoire de la relation contractuelle. Ces injonctions pourront aller jusqu’à l’obligation pour une partie « de faire à l’autre partie une nouvelle offre de contrat conforme à certaines prescriptions »196.
II. Les marchés intermédiaires
A. Les délimitations actuelles des marchés pertinents
L’Autorité de la concurrence distingue actuellement les éditeurs de télévision en clair, dont les revenus proviennent principalement du marché publicitaire télévisuel et les éditeurs de télévision payante, dont les revenus sont principalement tirés des redevances versées par les distributeurs ou directement des abonnements197.
Pour cela, le marché de l’édition et de la commercialisation concerne uniquement, dans la pratique de l’Autorité de la concurrence, les éditeurs de télévision payante dès lors que seuls ces services sont très fortement dépendants des revenus de la distribution et reposent peu sur les recettes publicitaires198.
L’Autorité n’opère pas de distinction selon les plateformes techniques de distribution des chaînes (ADSL, fibre, câble, satellite, OTT, TNT).
En revanche, une segmentation des marchés intermédiaires est opérée en fonction des thématiques des chaînes considérant ainsi que celles-ci, selon qu’elles diffusent principalement du cinéma, des contenus sportifs, des contenus jeunesse, ou des programmes d’information appartiennent à des marchés pertinents distincts.
Par ailleurs, l’Autorité distingue un marché des chaînes premium, qui proposent une offre mixte portant sur les contenus cinématographiques et sportifs les plus attractifs, considérant que de telles chaînes ont « la particularité d’être jugées indispensables pour tout distributeur souhaitant proposer un bouquet attractif », constituant « le principal moteur d’abonnement aux offres payantes les plus chères », et dont le « coût de constitution, en raison du caractère onéreux [des] contenus, les distingue (…) des autres chaînes »199.
Dans les réponses aux questionnaires envoyés par le Conseil, plusieurs acteurs ont noté que la définition des offres premium pourrait être actualisée. Bouygues estime, comme plusieurs acteurs, que « la qualité des séries, y compris les séries françaises, a fortement progressé et celles-ci deviennent un moteur d’abonnement en soi ».
En ce qui concerne la délimitation géographique des marchés, les marchés de l’édition de chaînes de télévision payante doivent être appréhendés de façon distincte entre la métropole et les départements et régions d’Outre-mer.
La pratique décisionnelle distingue également les services de télévision linéaires payants des services non linéaires, sans distinguer en revanche, au sein des services non linéaires, les services de VàD des services de VàDA.
B. La pertinence d’une évolution des délimitations actuelles
Dans la pratique décisionnelle, plusieurs arguments ont été avancés pour justifier l’absence d’un marché de la distribution de télévision en clair, notamment :
- les distributeurs ne rémunèrent pas les éditeurs pour pouvoir distribuer leurs chaînes ;
- les éditeurs de télévision en clair sont presque entièrement rémunérés par les recettes issues de la publicité ;
- les chaînes en clair sont distribuées gratuitement, sans abonnement spécifique, auprès des téléspectateurs français200.
Dès lors que les chaînes gratuites négocient des rémunérations globales, incluant flux linéaires et services associés, auprès des distributeurs, la question d’une évolution de la délimitation actuelle des marchés peut se poser.
L’Autorité de la concurrence a très récemment indiqué que « les frontières entre linéaire et non linéaire voire, dans une certaine mesure, enter les offres payantes et gratuites, tendent aujourd’hui à devenir poreuses »201.
Les Mères considèrent que « les éditeurs de chaînes de la TNT en clair qui obtiennent une rémunération de la part des distributeurs sont présents sur le marché intermédiaire de l’édition et de la commercialisation de chaînes incluant l’ensemble des chaînes rémunérées par les distributeurs. En effet, les distributeurs peuvent arbitrer entre ces différentes chaînes pour composer leur offre de télévision comportant des programmes relevant des principales thématiques recherchées par les abonnés (cinéma, sport, jeunesse, information, documentaires…) ».
Quant aux FAI, ils appellent tous à une nouvelle délimitation des marchés pertinents.
[…] adopte une position qui se rapproche de celle des Mères : « si ces demandes [de rémunération] devenaient systématiques et se traduisaient par une évolution structurelle du secteur, alors la question du attachement de ces activités au marché de la télévision payante devrait se poser rapidement ainsi que celle du ou des sous-segments de marché au(x)quel(s) rattacher ces chaînes » 202. […] se positionne également en faveur d’une nouvelle délimitation d’un marché global de l’édition et de la commercialisation de chaînes, qu’elles soient gratuites ou payantes.
Le nouveau marché devrait également inclure selon […] « l’édition et la commercialisation de chaînes gratuites et payantes et de [les] services de télévision non-linéaire »203. […] exprime une position semblable204.
Pour […], au contraire, un marché indépendant de l’« édition et commercialisation de chaînes gratuites » devrait être défini205. Molotov s’exprime également en ce sens.
En résumé, plusieurs scénarii s’envisagent :
- un marché de l’édition et de la commercialisation des chaînes en clair ;
- un marché de l’édition et de la commercialisation des chaînes ;
- un marché de l’édition et de la commercialisation des services audiovisuels.
Une sous-segmentation par thématique est également envisageable.
La définition du marché en cause permet d’identifier et de définir le périmètre à l’intérieur duquel s’exerce la concurrence entre entreprises. Le marché de produits en cause comprend tous les produits et/ou services que le demandeur considère comme interchangeables ou substituables en raison de leurs caractéristiques, de leurs prix et de l’usage auquel ils sont destinés.
Cette appréciation peut passer par un faisceau d’indices qui permettra d’apprécier l’existence d’une pression entre différents services et son intensité.
En l’espèce, la substituabilité entre les différents services, du point de vue du demandeur i.e. les distributeurs, pourrait être appréciée en fonction de plusieurs paramètres comme le modèle économique des services (1), l’organisation de la distribution des services (2), la consommation des services (3) et la règlementation qui leur est applicable (4).
1. Le modèle économique
France Télévisions se trouve dans une situation particulière. Le groupe est principalement financé par une redevance, la publicité étant par ailleurs limitée réglementairement sur ses chaînes.
Comme indiqué supra, les groupes TF1 et M6 ont obtenu des principaux distributeurs (les FAI) en 2017 une rémunération globale, sans distinction entre le flux linéaire et les services associés, auprès des principaux distributeurs, leur permettant de se tourner vers un modèle économique mixte incluant des revenus de distribution aux côtés des revenus publicitaires.
Néanmoins, la source principale de revenus de tous les éditeurs de télévision en clair, y compris des groupes TF1 et M6, demeure la publicité. Molotov souligne ainsi que la rémunération des distributeurs reste effectivement encore une source de revenus minime, en comparaison des recettes issues de la publicité206.
Le tableau ci-dessous, qui compare pour les éditeurs en clair le chiffre d’affaires total et le chiffre d’affaires publicitaires des éditeurs de télévision en clair, confirme ce constat. Par exemple, pour le groupe TF1 et en 2017, le chiffre d’affaires publicitaire était de 1 399,3 millions d’euros, tandis que son chiffre d’affaires total s’élevait à 1 437,8 millions d’euros207. A titre de comparaison, la rémunération du groupe TF1 par les FAI s’élève à près de […] millions d’euros.
SFR souligne une autre différence entre chaînes en clair et chaînes payantes : « à la différence des chaînes payantes, à date, ces chaînes [celles des groupes TF1 et M6] ne se rémunèrent pas auprès des consommateurs ».
A l’inverse, la répartition du chiffre d’affaires total des chaînes payantes par type de recettes est très différente : 87 % de ce chiffre d’affaires est réalisé par les redevances versées par les distributeurs et 5 % est réalisé par des recettes publicitaires. Les « autres recettes » représentent 8 % du total209.
Le modèle économique des services de VàD ou de VàDA est exclusivement fondé sur les recettes d’abonnements. La publicité est aujourd’hui totalement absente de ces services.
2. L’organisation de la distribution des services
L’ensemble des FAI proposent des offres triple play qui permettent l’accès à la télévision ainsi qu’à de nombreux contenus audiovisuels en IPTV ou via internet.
Le triple play s’organise en deux niveaux.
- L’offre dite de « premier niveau de service »
Au sein de cette offre sont incluses les chaînes de la TNT gratuite, entre 160 et 220 chaînes thématiques selon les FAI, des services de rattrapage des chaînes de télévision ainsi que des fonctionnalités associées.
L’ensemble de ces fonctionnalités et services sont inclus sans surcoût identifiable pour le consommateur. En pratique, dès lors que le consommateur passe par une offre IPTV triple play d’un FAI, il paie pour accéder à la télévision. Seulement, ce paiement n’est pas directement affectable à la composante télévisuelle de l’offre du FAI. La réception de la télévision par la TNT requiert uniquement l’achat préalable de matériel sans l’exigence du paiement d’un abonnement mensuel. Ainsi, les chaînes en clair sont toujours disponibles gratuitement pour les téléspectateurs (via la TNT), contrairement aux chaînes thématiques qui ne sont jamais accessibles gratuitement de la sorte, quand bien même elles peuvent être commercialisées dans les offres de premier niveau.
La comparaison des tarifs des offres triple play et dual play des FAI est également intéressante. Ces dernières ne proposent, en principe, aucun service de télévision au consommateur210 et sont par conséquent commercialisées à des tarifs inférieurs.
Dans un marché de l’accès à internet très concurrentiel, les FAI recourent à des stratégies de différenciation pour aller chercher de nouveaux abonnés et fidéliser leur clientèle. Les offres de télévision participent au renforcement de l’attractivité de leurs offres internet.
Pour cette raison, les FAI ont de plus en plus tendance à étoffer cette offre de premier niveau en incluant directement des services très attractifs pour le consommateur.
NRJ fait ainsi le constat suivant : « on observe que les FAI tendent de plus en plus à accroître l’attractivité de leurs offres dites de premier niveau en intégrant à la fois des chaînes en clair de la TNT et des chaînes payantes avec une programmation concurrente, voire généraliste ou mini généraliste ».
Dès 2016 et la refonte des offres de GCP, les FAI ont intégré des offres attractives dans leur premier niveau de service. GCP avait alors choisi de modifier le contenu et, partiellement, le mode de distribution de ses offres payantes en lançant deux nouveaux bouquets de chaînes en remplacement de ceux précédemment commercialisés et disponibles dans le premier niveau d’offre du distributeur. L’un de ces bouquets est organisé autour des 6 chaînes Canal+211 et l’autre autour du bouquet de chaînes thématiques non premium (« Panorama »), qui remplace les offres de CanalSat.
Depuis cette date, GCP commercialise, le bouquet Panorama sous forme d’une offre de gros auprès des FAI, sous l’appellation « TV by Canal ». Dans cette configuration, les abonnements sont directement perçus par les distributeurs, mais GCP conserve l’organisation du bouquet212.
En 2016 également, les offres triple play de SFR incluaient beIN Sports (Power, Power+ et Premium).
Plus récemment, ce sont les offres de Netflix ou de Canal+ Séries qui ont été incluses dans les premiers niveaux de service. Cette pratique reste encore récente et principalement présente dans les offres Delta de Free213 et Mux et Ultym de Bouygues Télécom214.
Les offres de premier niveau ont donc gagné en attractivité mais les chaînes de la TNT sont en elles-mêmes souvent jugées par les FAI comme incontournables. L’addition de nouveaux services vient conforter l’importance du premier niveau d’offre des FAI.
- Les offres de « second niveau de service »
Le premier niveau de service peut être complété par des offres de télévision dites de « second niveau de service ». Ce sont celles auxquelles souscrivent les abonnés en sus de leur abonnement triple play.
Ces deux niveaux ont été traditionnellement distingués en termes de marché pertinent. En 2010, l’Autorité constatait que « les offres de premier niveau sont d’une attractivité limitée puisque composées de chaînes généralistes et thématiques de la TNT gratuite, des chaînes locales de France 3, de chaînes thématiques étrangères, lesquelles ne sont pas rémunérées ou le sont faiblement, et de quelques chaînes thématiques payantes »215. Plus récemment, dans le cadre de la reconduction des engagements et des injonctions de GCP, l’Autorité et le CSA concluaient que : « les offres de premier niveau ne sont toujours pas comparables, en termes d’attractivité et de qualité des thématique et des contenus, aux chaînes présentes dans les offres de second niveau » 216.
En pratique, les offres de « second niveau de service » sont souvent commercialisées sous forme de « bouquets » thématiques (sport, cinéma, musique, chaînes étrangères, etc.). Chaque FAI en propose des dizaines. Ils proposent également de la vidéo à l’acte ou à la demande (Netflix et Canal+ Séries par exemple), mais aussi la souscription à des chaînes à l’unité (beIN Sport, Gulli, OCS etc.) et à de nouvelles options comme des offres de musique, de presse, etc.
Ces services sont devenus centraux dans la constitution de l’offre des FAI. […] FAI à intégrer Netflix au sein de son environnement, a indiqué que […], a été la réaction de […] à ce constat217.
Ces éléments montrent que la différence entre les bouquets de premier et de second niveaux est donc de moins en moins nette tant dans la diversité des offres que dans leur attractivité. La mise à disposition des services et des fonctionnalités associés participe de la même façon à la confusion des deux niveaux de services.
- L’importance des services et fonctionnalités associés aux flux linéaires des chaînes
L’enrichissement des services disponibles au sein des deux niveaux des offres des FAI passe également par la mise à disposition du consommateur des environnements des chaînes au sein des box.
Ces environnements doivent répondre aux standards du marché, notamment ceux imposés par les offres de VàDA, dont Netflix (présentation par catalogue thématique, lecture successive et automatique des vidéos, choix de la langue, etc.).
Aujourd’hui, l’expérience utilisateur comprend non seulement la consommation traditionnelle des services audiovisuels, en direct et sur un téléviseur, mais aussi et surtout les fonctionnalités associées aux chaînes (enregistrement sur la box, start-over, choix de la langue, etc.) ainsi que la consommation sur d’autres écrans que le téléviseur (tablette, smartphone, etc.).
En pratique, les accords de distribution des chaînes avec les FAI incluent systématiquement des services associés à la seule retransmission du signal de flux linéaire. Contrairement aux services de VàD et de VàDA qui sont toujours repris intégralement par les distributeurs, les services associés aux chaînes en clair sont souvent plus étendus que les services disponibles au sein des environnements OTT gratuits218. Ils font d’ailleurs l’objet d’une rémunération.
La majorité des répondants estiment que ces marchés sont liés, comme […] qui « estime que les services de télévision de rattrapage doivent être regardés comme des extensions de la distribution de flux linéaires ».
Pour […], « les services de télévision de rattrapage sont indissociables des services de télévision linéaire dont ils sont l’émanation ».
[…] développe une opinion différente : « l’édition et la commercialisation de services de télévision de rattrapage constitue un marché distinct du marché de l’édition de chaînes de télévision (qu’elle soit gratuite ou payante). En effet, les modes de rémunération, les contenus et les durées de disponibilité de visionnage sont différents. Certains abonnés peuvent ne pas être intéressés par le flux linéaire, mais seulement par des émissions en replay. Ces deux services ne sont pas substituables pour les consommateurs».
Pour […], la question est liée à l’état de la réglementation : « à date, d’un point de vue réglementaire, la TV de rattrapage est considérée comme l’accessoire du linéaire et nous ne sommes pas autorisés par les éditeurs à la commercialiser séparément. Le mouvement consistant à ajouter aux services de TV de rattrapage de nombreux programmes allant au-delà de ceux diffusés à l’antenne s’accentue et pourrait amener à une évolution de cette appréciation ».
3. L’importance de la consommation des services
44,1 millions de Français regardent la télévision219 quel que soit l’écran (téléviseur, ordinateur, smartphone, tablette) et le lieu, pour une durée d’écoute quotidienne moyenne de 3 h 46220. Ce chiffre élevé cache des disparités générationnelles. Quotidiennement, les 4-14 ans regardent en moyenne la télévision pendant 1 h 39 alors qu’en 2015 ils la regardaient pendant 1 h 56. Quant aux 15-49 ans, ils la regardent en moyenne 2 h 42 (-20 minutes par rapport à 2015).
En tout état de cause, les chaînes en clair occupent une place prépondérante dans la consommation de la télévision. Elles représentent près de 90 % de l’audience de l’ensemble des chaînes221, elles diffusent des contenus attractifs (sport, cinéma, série, information notamment) et elles disposent d’une très forte notoriété auprès des consommateurs.
Les FAI peuvent donc difficilement se passer des chaînes en clair dans leurs offres.
En termes de part d’audience, la chaîne généraliste TF1 réalise 20,2 % de parts d’audience (2018). A l’exception de […] programmes, les 40 premiers programmes en termes d’audience de l’année 2018 ont tous été diffusés par TF1. Sur les 100 premiers programmes, la chaîne TF1 en a diffusé […] cette même année222. Si la coupe du monde masculine de football a permis au groupe de réaliser de très belles audiences en 2018, sa domination est une tendance récurrente223.
Au sein du groupe France Télévisions, la chaîne France 2 réalise les performances les plus importantes avec notamment 13,5 % de parts d’audience. France 3 et France 5 réalisent respectivement 9,4 % et 3,5 % de parts d’audience (2018)224.
La chaîne M6 réalise elle 9,1 % de parts d’audience, tandis que W9 et 6ter atteignent respectivement 2,6 % et 1,6 % (2018)225. En 2018, M6 a réalisé […] des 100 meilleures audiences grâce à la diffusion de matchs de football masculin. En 2017, il n’en avait réalisé aucune226.
A titre de comparaison, la VàDA est quant à elle consommée chaque jour par 4,6 millions de Français. La durée moyenne de visionnage des consommateurs de VàDA est de 2 h 48 mais de seulement 10 minutes lorsqu’elle est rapportée à tous les Français de 15 ans et plus227.
Une étude de NPA Conseil, Harris interactive place par ailleurs Netflix comme la « cinquième chaîne [regardée] en prime time »228 en nombre de téléspectateurs (et non pas en durée d’écoute).
L’attractivité des chaînes des Mères pour les téléspectateurs et donc pour les distributeurs peut notamment s’expliquer par l’importance des investissements réalisés229. Le coût des programmes des cinq chaînes en clair du groupe TF1s’élève à 1 014 millions en 2017230. Pour M6, « le coût de grille des chaînes en clair atteint 466,3 M€ [en 2018] »231. Enfin, France Télévisions indique que son coût de grille en 2017 atteignait 2,147 milliards d’euro232. A titre de comparaison, ce même coût s’élève à 1,3 milliard d’euros pour GCP.
4. La règlementation applicable aux services
Les conventions entre le CSA et les éditeurs de chaînes (chaînes de la TNT et chaînes n’utilisant pas les ressources attribuées par le CSA233) incluent des stipulations générales et communes aux acteurs. Sans que cette liste soit exhaustive, ces chaînes sont notamment soumises au respect des horaires et de la programmation, au pluralisme de l’expression des courants de pensée et d’opinion, à la représentation de la diversité, à des règles de protection des publics et en matière de publicité, de parrainage, etc.
Elles sont également toutes soumises à des obligations de financement et d’exposition de la création française et européenne, selon des modalités qui varient selon les catégories de service et leurs formats.
Les chaînes de la TNT obéissent par ailleurs aux principes de must offer234 et de must deliver235 et, s’agissant des seules chaînes publiques de must carry236.
Les SMAD français sont soumis à des obligations de contribution financière à la production d’œuvres EOF, cinématographiques et audiovisuelles à partir d’un seuil de déclenchement fixé à 10 millions d’euros de chiffres d’affaire annuel du service durant l’année précédant l’année d’exercice237.
Ils sont également soumis à des obligations d’exposition dès que leur offre « comporte au moins 20 œuvres cinématographiques de longue durée ou 20 œuvres audiovisuelles »238.
Au niveau européen, la directive SMA modifiée239 autorise désormais les Etats membres à exiger des SMAD ciblant leur territoire des contributions financières visant à soutenir la production d’œuvres européennes240.
Conclusion
Le modèle économique de certains éditeurs de la télévision en clair intègre désormais outre les revenus publicitaires, des revenus globaux de distribution. Le chiffre d’affaires des éditeurs de télévision en clair reste cependant majoritairement issu de la publicité.
Certains contenus, services ou fonctionnalités très attractifs pour le consommateur (les offres Canal ou Netflix, certaines fonctionnalités comme le NPVR, etc.) sont de plus en plus souvent inclus par les FAI dans leur premier niveau d’offre. Dans le marché très concurrentiel de la distribution, ces contenus et services ou fonctionnalités servent de moyen de différenciation vis- à-vis des consommateurs.
Pour ces derniers, les chaînes de la TNT en clair, et notamment les chaînes des groupes TF1, France Télévisions et M6 présentent une attractivité particulière, qui se traduit par des audiences élevées. Pour cela, les distributeurs pourraient éprouver des difficultés à substituer à ces chaînes d’autres chaînes ou services.
Les chaînes de la TNT présentent par ailleurs des spécificités, notamment en termes de thématique, qui les rendent imparfaitement substituables du point de vue du téléspectateur et par conséquent du point de vue du distributeur qui cherche à constituer une offre attractive et plurielle.
La question de savoir s’il existe un marché pertinent unique regroupant chaînes payantes et en clair, éventuellement sous-segmenté par thématique, un marché pertinent des seules chaînes gratuites, éventuellement sous-segmenté par thématique, voire un grand marché de l’attention peut toutefois rester ouverte compte tenu en particulier du fait que les services linéaires des Mères sont incontournables pour les FAI. Les lignes directrices de l’Autorité relatives au contrôle des concentrations précisent ainsi que les parts de marché ne sont pas le seul paramètre permettant d’apprécier la probabilité d’une stratégie de verrouillage et que la démonstration du caractère important de l’intrant pour les entreprises situées en aval peut rendre une stratégie de verrouillage crédible.
Un risque concurrentiel ne peut donc être exclu ce qui justifie une analyse ci-dessous des préoccupations concurrentielles exprimées par les différents acteurs du marché.
III. Les effets concurrentiels de l’opération
A. Distribution d’offres tierces par Salto
Salto développera une offre de distribution qui comprendra l’ensemble des chaînes éditées par les Mères.
Les Mères n’ont prédéfini « aucune chaîne tierce [aux chaînes éditées par les Mères] que Salto distribuera ou, a contrario, celles qui n’entreraient pas dans la stratégie de Salto, et ne seront pas non plus en mesure de le faire après la création de Salto (…) Toute chaîne entrant dans la ligne éditoriale de Salto, telle que définie par celle-ci, a donc vocation à être distribuée sur cette dernière dans des conditions qui seront négociées entre l’éditeur concerné et Salto ».
Une première crainte, exprimée par plusieurs éditeurs, consiste à ne pas se voir distribuer par Salto ou à se voir proposer des conditions de distribution discriminatoires.
Salto pourrait adopter deux stratégies en termes de distribution des offres tierces :
- une stratégie d’exhaustivité en souhaitant proposer une offre la plus large possible.
Salto deviendrait un « guichet unique » pour le consommateur qui y retrouverait une offre variée de chaînes linéaires et de services et fonctionnalités associés à un même endroit. Pour les éditeurs tiers, Salto apporterait de la valeur en proposant un nouveau canal de distribution.
- une stratégie de différenciation en ne reprenant que certaines chaînes.
Grâce à la présence des chaînes éditées par les Mères, le consommateur accéderait à des programmes de thématique généraliste, jeunesse, d’information, etc., qui conduirait à évincer les chaînes concurrentes reposant sur les mêmes thématiques.
A court et moyen termes, le consommateur aura toujours accès aux chaînes de la TNT via de multiples canaux : le satellite, le câble et la fibre, la TNT mais aussi les environnements des chaînes en OTT. Salto viendra leur offrir une nouvelle offre, certes payante mais à un tarif contenu, et qui regroupera a minima les chaînes des Mères, c’est-à-dire plus de la moitié des chaînes de la TNT. Du point de vue des éditeurs de chaînes, il est peu probable que Salto s’impose à court terme comme un moyen de distribution essentiel. Sans pouvoir anticiper l’éventuel succès de Salto, les modes de consommation des Français, quoiqu’évolutifs, restent principalement tournés vers la télévision en direct distribuée par l’IPTV (dans l’environnement géré des FAI) et la TNT.
Pour le Conseil, il est probable que la position de Salto sur le marché de la distribution, très concurrentiel, ne sera pas telle qu’elle aura un impact négatif sur ce secteur à court et moyen termes.
Une deuxième préoccupation, exprimée par certains acteurs, concerne la possibilité pour Salto de contracter des exclusivités de distribution avec des éditeurs tiers. Là encore, il est improbable que la position du service, nouvel entrant sur le marché de la distribution, lui permette d’imposer des exclusivités à des éditeurs tiers. Parallèlement, les incitations de ces mêmes éditeurs à accorder une exclusivité à Salto sont faibles.
D’une part, Salto n’offrira pas, au moins à court terme, une exposition massive à des programmes et des chaînes ; comme le plan d’affaires prévisionnel de Salto le fait apparaître, le nombre d’utilisateurs ne devrait croître que progressivement. D’autre part, Salto ne pourra proposer à ces éditeurs des rémunérations très attractives, du fait de sa capacité financière qui sera limitée, du moins à court terme.
B. Distribution des offres éditées par les Mères par les FAI
Plusieurs craintes ont été exprimées par les FAI, qui craignent de ne plus avoir accès, ou alors à des conditions qu’ils estimeraient inacceptables, aux chaînes en clair (1), voire aux services et fonctionnalités associés (2).
1. Risques portant sur les flux linéaires
a) Possibilité pour les Mères de refuser leur distribution par un FAI
S’agissant de la capacité des Mères à priver les FAI de la mise à disposition de leurs chaînes en clair, il convient de distinguer le cas de France Télévisions de celui des deux autres Mères.
(1) Du point de vue de la loi
France Télévisions est obligé de fournir son signal linéaire aux distributeurs de services sur un réseau n'utilisant pas de fréquences terrestres assignées par le CSA et actif sur le territoire métropolitain. En revanche, aucune obligation ne lui impose aujourd’hui de commercialiser ses services ou fonctionnalités associés auprès des distributeurs.
Les groupes TF1 et M6 sont soumis à des obligations moins contraignantes puisque leurs chaînes ne sont soumises qu’au must offer qui concerne le « service antenne » par satellite et sur les réseaux câblés de distribution collective, et au must deliver, qui ne comprend qu’une obligation d’interopérabilité technique des décodeurs et certaines prescriptions en matière d’outils de référencement des chaînes.
Hors ces cas spécifiques, les Mères ne sont pas obligées de fournir leurs chaînes en clair ou leurs services et fonctionnalités associés à un distributeur.
(2) Du point de vue des contrats de distribution
En l’état actuel des contrats de distribution, […]. Selon ces contrats, […]. Les contrats de distribution prévoient également que […].
La majorité des contrats actuellement en vigueur arriveront à échéance en […]. Jusqu’à cette date, les relations contractuelles resteront les mêmes. A l’échéance de ces contrats, une évolution des dispositions sera possible.
Cependant, comme il a été souligné supra, il n’existe pas d’obligation générale de contracter qui s’imposerait aux éditeurs de télévision. Par ailleurs, rien n’interdit aux Mères de négocier leurs contrats, notamment du point de vue de la rémunération. Les négociations devront toutefois respecter les principes de la loi de 1986, notamment l’objectivité, l’équité et la non-discrimination. Le Conseil restera vigilant au déroulé de ces négociations ainsi qu’à l’intérêt des téléspectateurs.
Du point de vue du consommateur, l’accès à la diversité et à la richesse offerte par les chaînes de la TNT est essentiel. Cet accès doit être le plus large possible, y compris via l’IPTV, et correspondre aux moyens et modes de consommation actuels.
En effet, l’abondance des offres et services actuellement disponibles, si elle multiplie les supports d’exposition et offre une diversité de contenus, peut avoir pour impact négatif de complexifier l’accès des consommateurs aux programmes audiovisuels et aux œuvres cinématographiques. Salto permettra non seulement de dégager les synergies nécessaires mais offrira également au consommateur un point d’accès unique à une offre de télévision riche, une offre de rattrapage et une offre de VàDA.
b) L’incitation des Mères à sortir des bouquets des FAI
Les revenus publicitaires restent, aujourd’hui, la principale source de revenus des groupes TF1 et M6. Ces groupes, mais aussi France Télévisions, ont ainsi intérêt à conserver une exposition la plus large possible de façon à maintenir leur audience et la valeur de leurs écrans. Ils n’ont pas intérêt à se priver des canaux de diffusion les plus utilisés par les Français.
La qualité de l’offre des Mères détermine l’audience réalisée et donc les investissements publicitaires. Les Mères ne peuvent dégrader le flux linéaire qu’elles mettent à disposition des distributeurs tiers. Dans un tel scénario, le consommateur en serait directement affecté et pourrait se détourner des chaînes, au profit de services de VàDA, VàD, plateformes de partages de vidéos, réseaux sociaux, etc.
Le principal mode de distribution de la télévision est aujourd’hui l’IPTV ; il concerne 56,7 % des foyers français à fin 2018241. L’audience des Mères est a priori de fait majoritairement réalisée auprès des abonnés à des offres d’IPTV. Par exemple, le tableau ci-après montre que le groupe M6 réalise […] de son audience via ce mode de réception. De la même manière, l’offre CanalSat distribuée par satellite conserve un rôle important puisqu’elle permet aux Mères de réaliser, en moyenne toutes chaînes en clair confondues, [5-15] % de leur audience.
La réception par l’IPTV, qui passe par les offres triple play des FAI, est centrale pour les Mères. A court terme, se priver totalement de ce moyen de distribution aurait pour conséquence une forte baisse des audiences et donc des revenus publicitaires des Mères. Un tel scénario semble peu probable.
En outre, un report massif et immédiat de l’audience qui serait perdue en IPTV sur Salto est peu envisageable.
Premièrement, si les consommateurs ont de plus en plus recours aux services distribués en OTT pour visionner des programmes audiovisuels, ce mode de diffusion est encore secondaire par rapport aux réseaux traditionnels et concerne particulièrement les jeunes publics (voir infra).
Ensuite, un phénomène de report massif des consommateurs vers une offre payante n’est pas évident. Aujourd’hui, l’abonné à une offre triple play perçoit généralement ces chaînes comme gratuites, puisqu’elles sont incluses dans une offre large incluant de nombreux services. Les chaînes de la TNT sont disponibles gratuitement en direct via les environnements OTT des Mères et en tout état de cause via la TNT qui garantit un accès gratuit à l’offre télévisuelle en clair. A cet égard, la presse a largement fait état de la possibilité pour tous les abonnés triple play des FAI de raccorder leur boîtier à la TNT242 lors des coupures de signal, décrites précédemment. Le consommateur abonné à une offre d’accès à internet peut, au moyen d’un câble et d’une manipulation simple, accéder aux chaînes de la TNT dont le signal ne serait plus fourni par le FAI via la TNT et l’antenne râteau (dans l’hypothèse où son logement en dispose). Parallèlement à cette possibilité, les téléviseurs commercialisés depuis une dizaine d’années possèdent tous des décodeurs TNT intégrés. Pour ces raisons, dans l’hypothèse où les Mères retireraient leurs chaînes des offres des FAI, d’autres modes de réception gratuits pourraient bénéficier d’un report d’audience plus important que Salto, au premier rang desquels se trouve la TNT.
Les chaînes concurrentes qui demeureraient incluses dans l’offre triple play des FAI et les SMAD pourraient également bénéficier d’un certain report d’audience, dont l’ampleur est toutefois très difficile à estimer. En effet, les Mères regroupent aujourd’hui les chaînes les plus consommées par les téléspectateurs et il est peu probable que ces derniers considèrent que les autres chaînes de la TNT leurs sont substituables, notamment en termes de ligne éditoriale, de diversité et de qualité des programmes. Cette remarque vaut d’autant plus que les groupes TF1 et M6 regroupent 8 des 26 chaînes de la TNT gratuites et surtout 40,9 % des audiences243.
Par ailleurs, les rémunérations versées par les distributeurs aux Mères sont de plus en plus conséquentes. Elles diminuent d’autant l’incitation des Mères à ne plus commercialiser leurs chaînes auprès des distributeurs.
Ainsi, si les Mères ne commercialisaient plus leurs chaînes linéaires et leurs services associés auprès des seuls FAI, elles se priveraient de recettes d’un montant […].
Dans ce scénario, certains consommateurs pourraient se reporter vers Salto, notamment vers l’offre « Premium » qui proposera les flux linéaires et non linéaires des Mères. Selon le projet de notification, un abonnement « Premium » sera facturé […] euros par mois (soit […] euros par an). Sur cette base, Salto devrait attirer plus de […] millions d’abonnés afin d’engendrer une somme comparable à celle obtenue par les Mères au titre de leurs contrats de distribution. Cette somme servira à couvrir les coûts et dépenses divers de Salto et ne servira que partiellement à la rémunération des éditeurs. Ainsi, le nombre d’abonnés nécessaire pour compenser la perte de recettes auprès des FAI est en réalité bien supérieur.
Ce nombre d’abonnés peut être rapproché des projections des parties présentées dans leur plan d’affaires. Il prévoit que […] ans après la création de Salto, l’offre « Premium » pourrait réunir près de […] millions d’abonnés244. S’il ne s’agit que d’une estimation, il est peu probable que Salto réunisse plus de […] millions d’abonnés dans les prochaines années.
A titre de comparaison, bien que concernant des services différents, le nombre d’abonnés à Netflix, service leader des offres VàDA, est actuellement de l’ordre de […] millions245. Pour fidéliser ses abonnés et en attirer toujours plus, Netflix réalise des investissements colossaux dans les contenus, de l’ordre de 12 milliards246.
En conclusion, si les groupes TF1 et M6 ont la possibilité théorique de ne plus commercialiser leurs flux linéaires, ils n’auront peu d’incitation à le faire concrètement.
2. Les risques portant sur les services associés
En l’état actuel des contrats, et comme le précisent les éditeurs et les FAI dans leurs réponses aux questionnaires, les services de rattrapage et les flux linéaires sont intrinsèquement liés. A titre d’exemple, les conditions générales de distribution des services du groupe M6247 précisent qu’il « met à la disposition du Distributeur un ensemble indissociable de services » constitué des signaux de ses chaînes ainsi que du service 6Play et des fonctionnalités associées.
Les contrats de distribution de France Télévisions, du fait de son statut de service public, suivent une logique différente de distinction claire entre flux linéaires et services associés.
Lors des prochains renouvellements de ces contrats, les Mères pourraient décider de modifier leurs conditions de mise à disposition des services associés. Elles pourraient par exemple dégrader la qualité des services associés aujourd’hui fournis aux FAI, en n’incluant pas de nouveaux services qui auraient été développés ou même en ne proposant plus toute ou partie des services associés aux distributeurs.
Les FAI, comme les Mères, insistent aujourd’hui sur le fait que les services associés sont rémunérés par les FAI. Par exemple TF1, précise que « […]»248.
La consommation des services associés […] des environnements des FAI. La consommation moyenne 2018 […] sur le service MyTF1 disponible dans les environnements des box FAI […] sur le service MyTF1 accessible directement en OTT. Le constat est identique pour M6.
L’hypothèse d’une dégradation de ces services pourrait déboucher sur une baisse de rémunération des Mères par les distributeurs.
Estimations de la fréquentation mensuelle / nombre d’heures de visionnage mensuelle et consommation de contenus en rattrapage de TF1
[…]
Source : Réponses de TF1 au questionnaire du CSA.
Selon ces données, les Mères ont peu intérêt à se couper de l’exposition permise par les FAI.
Mais, les évolutions d’usages et de consommation des téléspectateurs rendent possible un succès significatif de Salto à plus long terme, qui lui permettrait de proposer des rémunérations attractives aux Mères tout en assurant des audiences élevées.
Les offres délinéarisées des éditeurs de télévision comme des éditeurs de VàDA connaissent en effet un succès croissant et rapide.
En cinq ans, la consommation de programmes audiovisuels en rattrapage a été multipliée par trois249. Sur un an, la consommation de télévision en ligne, qui inclut le rattrapage, les bonus et la consommation des chaînes en direct sur les supports autres que la télévision, enregistre une croissance de 15,6 %250. 26,3 millions de vidéos sont vues chaque jour en moyenne (avril 2019) et plus de 77 % des internautes utilisent les services de TVR. La consommation en direct sur le téléviseur si elle suit une tendance légèrement baissière atteint toujours 3 h 36 (-3 % en 1 an)251.
Encore inconnue du grand public il y a cinq ans, la VàDA attire chaque jour, 4,6 millions de Français. Parmi les utilisateurs de VàDA, les plus de 15 ans regardent 2 h 48 de programmes en moyenne. La consommation moyenne reste toutefois faible si l’on prend comme base l’ensemble des Français. Elle est seulement de 10 minutes en VàDA chez les 15 ans et plus252.
Ces chiffres montrent que la consommation en OTT, si elle est de plus en plus importante, particulièrement chez les jeunes internautes, n’atteint pas encore des niveaux comparables à la consommation de la télévision en direct.
Le plan d’affaires fourni par les Mères prévoit un peu moins […] d’abonnés à l’offre « Premium » au bout de quatre ans, et […] d’abonnés en année 8. Ces prévisions confirment que la capacité de Salto à attirer suffisamment d’abonnés pour pouvoir priver les FAI des services associés est limitée au moins à court et moyen termes.
Par ailleurs, le scénario d’une dégradation des services des Mères au détriment des distributeurs dans le but d’inciter les téléspectateurs à se reporter sur Salto suppose, pour être économiquement réaliste, que les téléspectateurs se reportent massivement sur le service payant proposé par Salto plutôt que sur les environnements OTT gratuits des Mères.
Dans ce scénario, les trois Mères devraient également dégrader leurs offres respectives OTT. Or, très récemment, en juin 2019, France Télévisions a annoncé la mise en place d’un service de visionnage anticipé (« preview ») sur sa plateforme France.tv. Le groupe TF1 à, quant à lui, totalement refondu son site MyTF1. Les orientations stratégiques récentes prises par les Mères ne vont donc pas dans le sens d’une dégradation de leur offre OTT propriétaire.
En conclusion, les Mères ont une faible incitation à ne plus fournir et/ou à dégrader leur signal linéaire ou leurs services associés proposés aux distributeurs tiers à court et moyen termes.
La réalisation éventuelle d’un des risques identifiés aurait en revanche des conséquences importantes pour les FAI et le consommateur.
[…] souligne ainsi que « si un retrait des chaînes du groupe TF1 ou M6 ou France Télévisions devait avoir lieu cela se traduirait immanquablement en une perte d’abonnés et un déséquilibre sur le marché des télécommunications », notamment du fait de la part d’audience de ces chaînes. […] partage ce constat : « Un retrait de ces chaînes aurait donc de très graves conséquences sur son attractivité [l’attractivité de ses offres]». L’ensemble des réponses des FAI aux questionnaires […] sur les marchés de l’édition d’un service de télévision vis-à-vis des distributeurs. […].
3. Les risques de hausse des tarifs facturés aux distributeurs
L’opération pourrait conduire à une hausse des tarifs facturés par les chaînes aux distributeurs et cela, par deux effets distincts.
Tout d’abord, une hausse de tarif pourrait provenir d’un effet coordonné sur le marché de l’édition et de la commercialisation de chaînes par lequel les Mères se mettraient d’accord pour augmenter les tarifs facturés aux distributeurs. Un tel risque de coordination sera examiné infra.
Une hausse de tarif pourrait également résulter d’une incitation unilatérale dans la mesure où l’opération pourrait permettre d’augmenter le pouvoir de négociation des Mères face aux distributeurs. En cas d’échec de la négociation avec les distributeurs, une partie des consommateurs des distributeurs pourrait se reporter sur Salto. Cependant, le report vers Salto des consommateurs des FAI ou de GCP, devrait être limité (voir supra).
Le pouvoir de négociation des parties existe mais ne semble pas susceptible d’être modifié de façon importante par l’opération. Toutefois, la capacité des Mères à entièrement verrouiller l’accès de certains distributeurs à leurs offres ne peut être exclue, à tout le moins dans l’hypothèse où Salto connaîtrait un succès important.
Le Conseil restera vigilant, en tout état de cause, à ce qu’une éventuelle hausse des rémunérations versées par les distributeurs ne se traduise pas par une hausse des tarifs pour les consommateurs.
Par ailleurs, certains acteurs ont émis la crainte de se voir accorder des conditions – notamment tarifaires – de distribution des chaînes des Mères moins avantageuses que celles accordées à Salto.
Des conditions différentes ne seraient pas nécessairement considérées comme non objectives, inéquitables ou discriminatoires par le Conseil. Il lui reviendrait de les apprécier concrètement, au vu notamment des justifications développées par les Mères.
4. Conclusion
Il existe aujourd’hui des tensions relatives à la reprise des services de télévision en clair par les distributeurs. Elles portent notamment sur le partage de la valeur entre les acteurs mais également sur le principe même d’une reprise des flux par certains d’entre eux. Elles invitent à apprécier avec précaution l’impact de Salto sur les marchés et sur la diversité et le pluralisme de l’offre puisqu’il est difficile d’isoler cet impact des évolutions structurelles indépendantes qui touchent actuellement le secteur audiovisuel.
Si les obligations réglementaires sont susceptibles de venir limiter certains risques de verrouillage, par exemple de la part de France Télévisions ou dans le cas où il se traduirait par des pratiques non objectives, inéquitables ou discriminatoires, la capacité des Mères à mettre en place certaines formes de verrouillage ne peut être exclue.
Les Mères n’ont pas d’incitation à pratiquer une coupure généralisée de leur signal auprès de l’ensemble des distributeurs en raison des pertes financières que cette stratégie engendrerait. Une dégradation des fonctionnalités qui serait susceptible d’avoir un effet négatif sur l’audience des Mères semble également peu probable.
En revanche, le risque que les Mères retirent la distribution de leurs services aux distributeurs qui génèrent le moins d’audience ne peut être exclu. Ce serait notamment le cas pour des opérateurs OTT, comme Molotov, qui proposent un service plus proche de l’offre « Premium » de Salto et pour lesquels un report des consommateurs vers Salto serait plus probable du fait de cette proximité.
Enfin, il ne peut non plus être exclu que les Mères, sans verrouiller les distributeurs concurrents, aient l’incitation et la capacité de proposer des conditions, notamment financières, plus avantageuses à Salto qu’aux autres distributeurs, conférant ainsi à Salto un avantage sur le marché de la distribution.
PARTIE 4 : LES EFFETS CONCURRENTIELS LIES A LA PROMOTION ET LA PUBLICITE DE SALTO SUR LES ANTENNES DES MERES
I. L’activité de Salto sur les marchés publicitaires et en matière de promotion
A. En tant que vendeur
Il ressort de la notification formelle à l’Autorité de la concurrence que Salto ne commercialisera pas d’espace publicitaire sur le marché de la publicité télévisuelle et que les « espaces publicitaires disponibles au sein de chaque service distribué par Salto seront commercialisés par l’éditeur concerné253, sans que Salto ne les encadre d’une quelconque façon dans leur gestion. En effet, chaque éditeur (tiers ou associé) et/ou sa régie publicitaire demeurera libre de gérer ses espaces publicitaires pour ses services linéaires comme il le souhaite, tant en ce qui concerne ses contenus, la forme, le prix ou le nombre. Ainsi, les Mères (ainsi que tout autre éditeur tiers) exerceront au travers de Salto des activités sur le marché de la publicité en ligne de type « display », et plus particulièrement la publicité vidéo en ligne » 254.
Salto permettra ainsi aux Mères et aux potentiels futurs éditeurs tiers distribués sur Salto de « maîtriser la diffusion des publicités au sein de leurs chaînes en les personnalisant, ce qui est aujourd’hui impossible lorsque ces chaînes sont diffusées sur les plateformes des distributeurs »255, et « la publicité ciblée qui sera commercialisée relèvera du marché de la publicité digitale et vise à permettre aux Mères de mieux concurrencer les opérateurs de publicité digitale (Google ou Facebook) qui sont en mesure de commercialiser de la publicité personnalisée et qui captent ainsi l’essentiel de la croissance de la publicité en ligne (…) »256.
En tant que vendeur, Salto ne sera actif que sur le marché de la publicité en ligne, sans que cela ne soulève de préoccupation de nature concurrentielle compte tenu de la part prépondérante de Google et Facebook sur ce marché. À l’échelle de la France, le SRI (Syndicat des Régies Internet) estime que la publicité liée aux recherches257 et celle sur les réseaux sociaux, offres très largement dominées par Google et Facebook, ont contribué à 92 % de la croissance du secteur de la publicité sur internet en 2017258.
B. En tant qu’acheteur ou bénéficiaire
1. Marché publicitaire
Salto est susceptible d’acheter des espaces publicitaires (auprès des régies publicitaires des Mères ou de régies tierces) afin de promouvoir son service à la télévision.
S’agissant des achats réalisés auprès des régies des Mères, le protocole d’accord prévoit […]259260.
S’agissant des achats réalisés auprès des régies des Mères […], les Mères indiquent dans les réponses aux questionnaires envoyés par le Conseil que Salto ne disposera pas de conditions plus avantageuses (notamment en termes de prix) que les autres services souhaitant acquérir des écrans publicitaires sur les antennes des Mères.
Le groupe M6 souligne ainsi dans sa réponse au questionnaire envoyé par le Conseil que […]. Le groupe TF1, sur ce même point, précise dans sa réponse au Conseil que […].
Concernant la valorisation des tarifs acquittés pour la promotion de Salto sur les chaînes des Mères, ces-dernières apportent une réponse commune au questionnaire du Conseil : « Salto se verra appliquer les conditions générales de vente de publicité de chaque Mère, à l’instar de tout autre acteur du même secteur. Les remises seront accordées en application de la politique commerciale appliquée par la régie de chaque Mère en considération, notamment du volume d’achat - à l’issue d’une négociation bilatérale et confidentielle entre Salto et chacune des régies des Mères, dont le résultat ne sera connu que de Salto et de la régie concernée ».
2. Promotion
Les Mères ne détaillent pas les objectifs de promotion de Salto sur leurs chaînes dans la notification. Elles indiquent qu’elles resteront individuellement libres de décider si elles souhaitent faire la promotion de Salto sur leurs antennes en prenant le risque de « cannibaliser » leurs services linéaires. Ce risque de cannibalisation les conduit à considérer comme peu probable qu’elles aient intérêt à promouvoir Salto au-delà du raisonnable.
II. Les préoccupations des tiers
Certains tiers à l’opération - […] plus spécifiquement - ont fait part au Conseil de leurs préoccupations quant à la promotion de Salto sur toutes les antennes des chaînes détenues par les Mères. Ces préoccupations ne se concentrent pas tant sur la publicité classique que sur la promotion du service de Salto sur les chaînes de la TNT détenues par les Mères.
[…] identifie dans sa réponse au questionnaire du Conseil « la capacité de promotion des antennes des sociétés Mères pour les services de Salto » comme un des principaux atouts dont disposera Salto.
[…] poursuit en indiquant qu’en 2009, au moment de l’examen par la Competition Commission du projet de plateforme de vidéo à la demande par les groupes BBC, ITV et Chanel 4, l’Autorité britannique avait « étudié certains engagements comportementaux proposés par les parties (et notamment (…) l’interdiction de la promotion croisée), mais les avait jugés insuffisants au regard des risques (…) ».
[…] cite également l’exemple allemand des deux principaux opérateurs privés de télévision – les groupes RTL et Pro7Sat1 – « qui avaient envisagé en 2011 la création d’une plateforme commune de vidéo à la demande (projet Amazonas) » et indique que « la création de cette plateforme a toutefois été empêchée par le Bundeskartellamt, lequel avait notamment constaté (i) que les deux acteurs représentaient entre 80 à 90 % des parts de marché sur le marché allemand de la publicité télévisuelle […]».
Par ailleurs, dans la proposition de remèdes jointe par […] à sa réponse au questionnaire du Conseil, […] estime que l’opération doit nécessairement s’accompagner d’une « interdiction de réaliser des promotions croisées des programmes et services de Salto sur toutes les chaînes éditées par les groupes TF1, M6 et FTV ».
III. La règlementation autour de la promotion croisée pour les groupes pluri-médias
A. L’interprétation du Conseil
Pour permettre aux chaînes d’informer le public de la diffusion de programmes proposés sur les antennes de services d’un même groupe audiovisuel sans méconnaître l’interdiction de la publicité clandestine, le Conseil a fourni certaines indications sur son interprétation des dispositions de l’article 9 du décret du 27 mars 1992261 dans son application à ce type d’annonces.
La pratique de la promotion croisée a ainsi fait l’objet, entre 2008 et 2018, de trois communications qui en ont progressivement élargi le périmètre.
D’abord limitée aux services de télévision ainsi qu’aux services de télévision de rattrapage, la promotion croisée a par la suite été étendue aux services de radio puis, en dernier lieu, à l’ensemble des SMAD.
A l’issue d’une concertation menée en 2017 et 2018, le Conseil a récemment fait évoluer son interprétation des dispositions règlementaires en vigueur262.
Ainsi, la diffusion d’un programme de télévision ou de radio, ou bien sa mise à disposition sur un service de médias audiovisuels à la demande, peut être préalablement annoncée sur un autre service de communication audiovisuelle du même groupe sans méconnaître l’interdiction de la publicité clandestine, lorsque cette annonce revêt un caractère strictement informatif.
Le Conseil considère que cette annonce peut mentionner notamment le titre du programme, le service sur lequel il sera diffusé, la date et l'heure de cette diffusion, sans toutefois comporter de mention du nom du distributeur ou d’une marque tierce. Cette annonce peut prendre la forme d’une bande-annonce sur les services de télévision ou sur les SMAD, ou être préenregistrée ou formulée en direct à l’antenne des services de radio. Elle peut même comporter un extrait de l’émission. Cette annonce ne peut en aucun cas être laudative. A défaut de respecter ces conditions, ces annonces seront soumises à la réglementation publicitaire.
B. L’application au cas de Salto
Comme le rappellent les lignes directrices de l’Autorité de la concurrence relatives au contrôle des concentrations, l’Autorité « prend en compte l’effet dissuasif que pourrait avoir le caractère clairement ou très probablement illicite d’une stratégie de l’entité fusionnée pour apprécier sa probabilité » (§491).
Au regard des textes applicables et de l’évolution de leur interprétation par le Conseil, les points suivants doivent être relevés.
S’agissant tout d’abord de la possibilité pour les Mères d’assurer la promotion croisée de Salto sur leurs antennes conformément à la doctrine du Conseil, il ne peut être exclu que, pour chaque Mère, Salto puisse être considéré comme faisant partie du même groupe que la Mère.
En effet, la notion de groupe, non définie en droit français, pourrait être établie par une situation caractérisant un rapprochement entre plusieurs entités liées par les activités et les objectifs d’une entreprise commune : « En l’absence de règles générales, et donc de définition globale du groupe de sociétés (…) il faut s’en remettre à l’observation des situations factuelles. Il faut alors convenir qu’il y a groupe dès lors que, d’une part, dans le cadre d’une concentration d’entreprises263 il est possible de distinguer une unité de direction et de politique et d’autre part, que des liens caractérisent une influence déterminante d’une ou de plusieurs sociétés dites dominantes sur une ou plusieurs autres dites dominées. Le groupe de société est alors identifié par la pluralité des sociétés qui le composent, qui conservent leur existence juridique propre, mais qui sont unis par des liens spécifiques »264.
Par ailleurs, les promotions en faveur de Salto par les chaînes des Mères pourraient ne pas être considérées comme contraires au cadre juridique dans la mesure où l’annonce concernerait la partie de son offre pour laquelle Salto répond à la double qualification d’éditeur et de distributeur (offre « Intégrale »). Si par exemple l’annonce concernait un contenu disponible sur l’offre de VàDA, la promotion renverrait au « service sur lequel le programme sera diffusé »265. La possibilité pour une Mère de faire la promotion de Salto pour son offre « Premium » pour laquelle Salto intervient sous la seule casquette de distributeur nécessiterait en revanche un examen plus approfondi. Les annonces de promotion croisée devraient par ailleurs et en toutes circonstances demeurer informatives au risque d’être sinon considérées comme de la publicité clandestine.
Il ne ressort pas de cette appréciation d’éléments faisant apparaître que la promotion croisée en faveur de Salto présenterait un caractère illicite suffisamment certain, au sens des lignes directrices de l’Autorité de la concurrence.
Dès lors, le Conseil part du principe que les Mères auront la possibilité de mettre en œuvre cette stratégie dans l’hypothèse où l’opération serait autorisée et qu’il est justifié d’en apprécier l’impact.
IV. La puissance des Mères sur le marché de la publicité télévisuelle
A. La position cumulée des Mères sur le marché de la publicité télévisuelle
Les données dites « brutes » fournies par la société Kantar Média correspondent aux volumes publicitaires valorisés sur la base des tarifs de référence publiés par les régies publicitaires, par opposition aux données dites « nettes » qui correspondent aux montants réels des espaces publicitaires et des recettes publicitaires obtenus après déduction des remises commerciales, et qui demeurent confidentiels.
Ces données, considérées comme des indicateurs de référence partagés par le secteur, indiquent que les trois groupes des Mères représentent une proportion importante du marché publicitaire télévisuel total (72 % de parts de marché en 2018).
B. La force de recommandation/de prescription dont peut bénéficier un service du fait de la promotion croisée pluri-médias
Le tableau ci-dessous représente la couverture des chaînes concernées par le projet Salto sur le mois d’avril 2019266.
Le tableau intègre également la part que représente ce chiffre au sein de la population française267 et au sein de la population de téléspectateurs268.
En ne considérant que la chaîne TF1, 89 % de la population « télévision » est donc déjà susceptible d’être exposée à une promotion pour Salto dans l’hypothèse où le service bénéficierait de cette promotion sur cette chaîne269.
Par ailleurs, comme cela a déjà été souligné, les groupes France Télévisions et TF1 se démarquent très clairement des autres groupes de télévision gratuite en termes d’audience avec des parts d’audience s’élevant respectivement à 28 % et 27,6 % en 2018. Le groupe M6 atteint également une part d’audience importante qui s’élève à 13,3 % en 2018. De manière cumulée, ces groupes audiovisuels atteignent 68,9 % de part d’audience.
Les données présentées supra confirment ainsi l’existence d’un pouvoir de prescription important des Mères. Elles pourraient profiter de cette puissance en multipliant les promotions pour Salto sur leurs antennes ou en vendant des espaces publicitaires à Salto à des prix déconnectés des prix de marché. Dans les deux cas, l’exposition dont bénéficierait Salto sur les chaînes des Mères ne serait pas reproductible dans les mêmes conditions par un concurrent tiers.
Le schéma suivant, qui présente les parts d’audience des chaînes gratuites de la TNT en 2018, permet par ailleurs d’observer que ce sont principalement les chaînes historiques des Mères qui sont susceptibles de conférer à Salto une force d’exposition exceptionnelle, notamment par leur cumul.
Il peut enfin être utile de relever que selon le document « SVOD Monitor » de décembre 2018 réalisé par NPA270, Netflix et Amazon auraient respectivement réalisé sur le seul mois de novembre 2018 un investissement publicitaire de […] millions d’euros et de […] millions d’euros271. Certains concurrents de Salto disposent donc de moyens importants pour assurer leur visibilité et le Conseil considère que Salto devra également être en mesure d’assurer sa visibilité face à ces acteurs pour permettre son développement.
PARTIE 5 : ANALYSE DES ENGAGEMENTS PROPOSES
Les engagements analysés dans cette partie sont ceux proposés par les Mères le 12 juillet 2019. Ces engagements, forts, couvrent les préoccupations décrites précédemment et vont parfois au- delà. Ils sont donc de nature à lever les risques identifiés par le Conseil. Celui-ci pourra cependant mettre en avant certains points d’attention.
I. Engagements visant à prévenir les risques sur les marchés amont
Le Conseil a identifié plusieurs pratiques des Mères sur les marchés amont qui sont susceptibles de procurer un avantage concurrentiel à Salto au détriment des éditeurs de VàDA ou de services de télévision tiers, tout en fragilisant l’économie du secteur de la production.
Ces pratiques sont d’ordre contractuel et interviennent au moment de la conclusion de contrats de préfinancement d’œuvres audiovisuelles EOF par les Mères avec les producteurs mais aussi lors de l’achat d’œuvres audiovisuelles ou cinématographiques EOF par les Mères.
Les Mères ont proposé des engagements concernant l’ensemble de ces pratiques. Ils portent sur un périmètre très large et visent à répondre à toutes les préoccupations concurrentielles sur les marchés amont potentiellement affectés par l’opération.
En outre, l’intégralité de ces engagements sur les marchés amont porte non seulement sur les œuvres audiovisuelles patrimoniales EOF et sur les œuvres cinématographiques EOF mais aussi sur les programmes de flux. Le marché de l’acquisition de droits de diffusion de programmes de flux n’a toutefois pas été identifié comme problématique par le Conseil.
A. Les engagements proposés
Les Mères proposent dans un premier temps des engagements relatifs aux achats couplés entre droits linéaires et droits non linéaires de VàDA par les Mères.
Il s’agit des engagements E5 et E6 :
« Les Mères s’engagent, pour les Œuvres audiovisuelles patrimoniales EOF, les Œuvres cinématographiques EOF et les Programmes de flux dont elles souhaiteraient se porter acquéreurs, à prendre les mesures suivantes :
E.5. N’acquérir les Droits non linéaires SVoD qu’en cas d’achat concomitant des Droits linéaires, étant précisé que la durée des Droits non linéaires SVoD ne pourra pas excéder celle des Droits linéaires.
E.6. Signer des contrats séparés pour les Droits linéaires, d’une part, et les Droits non linéaires SVoD, d’autre part.
Les engagements E.5 et E.6 ne s’appliquent pas aux Filiales de distribution des Mères qui distribuent des Droits linéaires et/ou non-linéaires SVoD pour le compte des ayants droit.
Les présents Engagements ne couvrent pas les Droits non linéaires SVoD qui seraient acquis par chaque Groupe (TF1, M6 ou France Télévisions) au profit de ses Filiales, existantes ou à venir, autres que Salto, dès lors que ces Droits ne seraient pas rétrocédés directement ou indirectement à Salto ».
Afin de compléter ces engagements liés au couplage, les Mères proposent également des engagements relatifs aux achats de droits non linéaires en VàDA par Salto auprès des Mères.
Il s’agit des engagements E7 et E8 :
« Les Mères s’engagent à ce que SALTO respecte les mesures suivantes :
E.7. En ce qui concerne les droits non linéaires SVOD portant sur des Œuvres audiovisuelles EOF et les droits non linéaires SVOD portant sur des Programmes de flux (ci-après « les CONTENUS ») à respecter, pour chaque période de deux années calendaires, le plafond suivant :
Volume horaire proposé par SALTO en CONTENUS acquis auprès des Mères en exclusivité ≤ 40% du Volume horaire total proposé par SALTO en CONTENUS
Les achats de Droits non-linéaires SVOD effectués par Salto auprès des Filiales de distribution des Mères qui distribuent des Droits linéaires et/ou non-linéaires SVOD pour le compte des ayants droit ne seront pas pris en compte pour le calcul du Volume horaire proposé par SALTO en CONTENUS acquis auprès des Mères en exclusivité.
E.8. En ce qui concerne les droits non linéaires SVOD en Œuvres cinématographique EOF (ci-après « les FILMS »), à respecter, pour chaque période de deux années calendaires, le plafond suivant :
Montant des Dépenses de SALTO en FILMS acquis auprès des Mères en exclusivité ≤ 25% du montant des Dépenses totales de SALTO en FILMS
Les achats de Droits non-linéaires SVOD effectués par Salto auprès des Filiales de distribution des Mères qui distribuent des Droits linéaires et/ou non-linéaires SVOD pour le compte des ayants droit ne seront pas pris en compte pour le calcul du Montant des Dépenses de SALTO en FILMS acquis auprès des Mères en exclusivité ».
Dans un deuxième temps, les Mères prennent des engagements relatifs à la levée des clauses de holdback et à l’exercice d’un droit de préemption et de priorité. Il s’agit des engagements E9 et E10 :
« E.9. En ce qui concerne les achats par Salto de Droits non linéaires SVoD exclusifs sur les Œuvres audiovisuelles EOF, les Œuvres cinématographiques EOF et les Programmes de flux, les Mères s’engagent :
a. A renoncer à la disposition contractuelle de leur accord selon laquelle elles s’obligent à lever les holdback dont elles disposent, sur simple demande de Salto et à son profit exclusif, une fois un accord trouvé entre Salto et l’ayant droit directement ;
b. A ne pas renouveler la disposition contractuelle visée au point a ;
c. A ce que Salto respecte, pour chaque période de deux années calendaires, le plafond suivant concernant ses approvisionnements en Droits non linéaires SVoD exclusifs, issus de levée de holdback à titre exclusif :
Volume horaire de Droits non linéaires SVoD exclusifs issus de levée de holdback à titre exclusif ≤ 50% du Volume horaire total d’Œuvres audiovisuelles EOF, d’Œuvres cinématographiques EOF et de Programmes de Flux, soumis(es) à holdback, de chacune des Mères
Ce seuil maximal est calculé de manière distincte, pour les Œuvres audiovisuelles EOF soumises à holdback, d’une part, pour les Œuvres cinématographiques EOF soumises à holdback, d’autre part, et pour les Programmes de flux soumis à holdback, d’une troisième part.
E.10. Ne pas permettre à Salto d’exercer directement de Droit de priorité ou de Droit de préemption dont elle bénéficierait aux termes d’un contrat de préachat ou de coproduction conclu par les Mères.
Les présents Engagements ne couvrent pas les Droits non linéaires SVoD qui seraient acquis par chaque Groupe (TF1, M6 ou France Télévisions) au profit de ses Filiales, existantes ou à venir, autres que Salto dès lors que ces Droits ne seraient pas rétrocédés directement ou indirectement à Salto ».
Enfin, les Mères prennent un engagement relatif à la comptabilisation dans les obligations de financement des Mères des investissements de Salto dans le cinéma français et dans la production d’œuvres audiovisuelles patrimoniales EOF.
Il s’agit de l’engagement E17 :
« E.17. Les Mères et Salto s’engagent à ne pas mutualiser entre Salto et les Mères les obligations de financement dans le cinéma français et dans la production d’œuvres audiovisuelles ».
B. Discussion des engagements
Le Conseil a principalement identifié (voir partie 2) des risques qui découlent des pratiques de couplage des Mères.
Sur ce point, en particulier, les Mères apportent une première réponse avec les engagements E5 et E6. L’engagement E5 garantit aux éditeurs de VàDA tiers que les Mères n’accapareront pas les droits d’exploitation en VàDA des œuvres dont elles ne détiendraient pas les droits linéaires. Il permet en outre de réduire l’impact que pourraient avoir des pratiques de couplage puisqu’il circonscrit la durée d’acquisition des droits d’exploitation VàDA à celle de l’acquisition des droits linéaires.
Si négociation couplée il y a, l’engagement E6 permet d’assurer une certaine imperméabilité entre la négociation des droits linéaires d’une part, et des droits d’exploitation en VàDA d’autre part, en imposant des contrats séparés pour chacun des droits négociés272.
Afin de compléter ces premiers engagements sur la négociation couplée, les Mères s’engagent également à limiter les achats de droits d’exploitation en VàDA en exclusivité de Salto auprès des Mères (engagements E7 et E8). Ces mesures permettent de limiter l’incitation des Mères à coupler les acquisitions de droits afin de revendre de manière préférentielle à Salto les droits d’exploitation en VàDA.
S’agissant de l’engagement E7, le Conseil relève que la part maximale de droits d’exploitation en VàDA qui pourra être acquise en exclusivité auprès des Mères est exprimée en pourcentage du volume horaire total de programmes proposé par Salto, ce qui est sans doute moins contraignant qu’un engagement en nombre d’heures.
S’agissant ensuite du risque découlant de la levée de clauses de holdback sur simple demande de Salto et à son profit exclusif, les Mères s’engagent à renoncer à cette disposition contractuelle de leur accord. En lieu et place, elles s’engagent à limiter le volume d’œuvres dont elles disposent qui pourraient faire l’objet d’une levée de holdback à titre exclusif au bénéfice de Salto. Ce volume est précisé dans l’engagement E9.
S’agissant par ailleurs du risque lié à la mise en œuvre d’un droit de priorité ou de préemption que Salto pourrait exercer en vertu des contrats de préfinancement conclus par les Mères, celles- ci s’engagent à ne pas permettre un tel dispositif (engagement E10). Cet engagement est nécessairement suffisant sachant qu’à l’heure actuelle, seul le groupe M6 est en mesure de permettre à Salto de bénéficier d’un tel droit de priorité et de préemption.
Enfin, sur le risque de mutualisation des obligations de financement entre Salto et les Mères, les Mères s’engagent à ne pas comptabiliser les investissements de Salto au titre de leurs propres obligations de financement, qu’il s’agisse des investissements dans le cinéma français ou de ceux dans la production d’œuvres audiovisuelles patrimoniales EOF. De telles mutualisations ne sont pas possibles en l’état actuel de la réglementation et des accords interprofessionnels pour les investissements dans la production cinématographique.
En revanche, les textes actuels permettent une mutualisation intra-groupe des investissements dans la production d’œuvres audiovisuelles entre services linéaires et non linéaires273.
L’engagement E6 permet donc d’accroître l’indépendance de la politique de préfinancement de Salto vis-à-vis des Mères.
Au global, ces engagements répondent de manière suffisante aux préoccupations concurrentielles identifiées dans la partie 2 (II.) et apportent des réponses aux risques de distorsions concurrentielles qui auraient pu survenir consécutivement à la réalisation de l’opération sur les marchés de l’acquisition de droits.
Toutefois, le Conseil observe que sont exclues du champ d’application de certains de ces engagements (E5, E6, E7 et E8) « les filiales de distribution des Mères qui distribuent des droits linéaires et/ou non-linéaires SVoD pour le compte des ayants-droit ». Les droits d’exploitation d’une œuvre audiovisuelle sur un service de VàDA peuvent être détenus par les filiales de distribution des Mères. Les Mères ont toutes ratifié de nouveaux accords interprofessionnels dits « accords mandats » qui conduisent à une limitation, pour les œuvres audiovisuelles EOF indépendantes, du nombre de mandats acquis par leurs filiales de distribution des Mères. Toutefois, ce nouveau cadre ne vaut que pour les œuvres audiovisuelles EOF qualifiées d’indépendantes. Ainsi, dans la part « dépendante » de leurs productions, les Mères peuvent négocier auprès du producteur un nombre non limitatif de mandats de distribution portant sur des œuvres audiovisuelles EOF qui pourraient, in fine, bénéficier à Salto. Le risque de détournement des engagements par les filiales est cependant limité puisque les engagements prévoient que les « Mères garantissent que Salto respectera l’effet utile des Engagements et ne contournera pas ceux-ci par le biais des groupes de sociétés auxquels les Mères appartiennent ».
II. Les engagements relatifs à la distribution de services audiovisuels par Salto
En ce qui concerne les marchés intermédiaires de l’édition et de la commercialisation, les Mères et Salto ont pris quatre engagements. Deux viennent conditionner les exclusivités de distribution qui seraient accordées par Salto (A) et deux autres encadrent les conditions générales de distribution des Mères et de Salto (B).
A. Les exclusivités de distribution
Les deux engagements qui concernent les exclusivités de distribution sont les suivants :
« E.11. Salto ne contractera pas d’exclusivité de distribution avec des éditeurs tiers de Chaînes de la TNT en clair, cet engagement incluant les services de télévision linéaire et leurs Service et Fonctionnalités Associés. Par exception à ce qui précède, Salto sera libre de contracter une exclusivité pour tout Service et/ou Fonctionnalité Associé(e) dès lors que Salto sera en mesure de justifier auprès du mandataire qu’il et/ou elle ne constitue(nt) pas un moteur significatif d’abonnements à des offres de distribution de services audiovisuels. Pour apprécier ce caractère significatif, un test d’une période de trois mois sera préalablement réalisé et transmis au mandataire ».
« E.12. Les Mères ne contracteront pas d’exclusivité de distribution au profit de Salto pour leurs Chaînes de la TNT en clair et leurs Services et Fonctionnalités Associés. Par exception à ce qui précède, les Mères pourront contracter une exclusivité au profit de Salto pour tout Service et/ou Fonctionnalité Associé(e) dès lors que Salto sera en mesure de justifier auprès du mandataire qu’il et/ou elle ne constitue(nt) pas un moteur significatif d’abonnements à des offres de distribution de services audiovisuels. Pour apprécier ce caractère significatif, un test d’une période de trois mois sera préalablement réalisé et transmis au mandataire ».
En résumé, Salto ne pourra demander d’exclusivité de distribution à des éditeurs de chaînes de la TNT en clair, y compris aux Mères. Ces engagements concernent les flux linéaires et les services et fonctionnalités associés. Une exception est prévue, qui donnera la possibilité à Salto de contracter une exclusivité de distribution pour un/des service(s) et/ou fonctionnalité(s), dès lors qu’il(s)/elle(s) constituerait « un moteur significatif d’abonnements » à une offre de distribution de services audiovisuels. C’est au mandataire que reviendra la tâche d’apprécier cette condition.
En pratique, Salto ne devrait pas disposer à court ou moyen termes d’une position sur le marché de la distribution qui lui permettrait d’obtenir une exclusivité de la part d’éditeurs tiers. L’engagement proposé par les Mères sur ce point est donc plus que suffisant.
Par ailleurs, si les groupes TF1 et M6, à la différence de France Télévisions, ne sont pas obligés de fournir leurs chaînes en clair aux distributeurs et si les Mères disposent d’une large liberté concernant la commercialisation de leurs services et fonctionnalités, le Conseil a identifié peu d’incitation des Mères à mettre en œuvre des stratégies de verrouillage généralisées. Pour cela, les engagements proposés par les Mères concernant la distribution de leurs chaînes sont donc suffisants pour répondre aux préoccupations identifiées.
B. Les conditions générales de distribution
Deux engagements concernent les conditions générales de distribution :
« E.13. Sans préjudice de l’Engagement précédent, les Mères proposeront à tout distributeur tiers qui en ferait la demande des conditions générales de distribution, incluant leurs Chaînes de la TNT en clair et les Services et Fonctionnalités Associés par les Mères, sur des bases transparentes, objectives et non discriminatoires ».
« E.14. Pour assurer le principe d’une rémunération non discriminatoire entre Salto et les distributeurs tiers pour la distribution des Chaînes de la TNT en clair et des Services et Fonctionnalités Associés des Mères, la rémunération de Salto sera déterminée de la manière suivante, sous le contrôle du Mandataire :
- Dans le cadre de négociations initiées par Salto avec chaque Mère sur le périmètre du contrat de distribution, chaque Mère proposera un prix non discriminatoire (compte tenu du périmètre concerné) à deux experts indépendants, qui contrôleront l’absence de discrimination entre Salto et les distributeurs tiers ;
- Chaque année, les Mères transmettront à ces deux experts indépendants leurs contrats de distribution signés avec les distributeurs tiers ;
- Ceux-ci agrégeront les rémunérations des Mères afin de donner à Salto le montant de la rémunération de ses contrats de distribution avec ses Mères sans que jamais Salto ne connaisse le montant individualisé, ni la répartition entre chaînes ou services ;
- L’exercice sera renouvelé chaque année, afin de prendre en compte d’éventuelles renégociations opérées par une ou plusieurs Mères avec des distributeurs tiers, sans donner la moindre indication de prix à Salto ou aux autres Mères ».
En résumé, les Mères devront proposer à tout distributeur qui en fait la demande, y compris à Salto, des conditions générales de distribution pour leur flux linéaires ainsi que leurs services et fonctionnalités associés. Ces conditions devront être transparentes, objectives et non discriminatoires.
Il reviendra au Mandataire de s’assurer que la rémunération déterminée par Salto et les Mères ne soit pas discriminatoire par rapport aux distributeurs tiers à Salto. En effet, les Mères peuvent librement négocier leur rémunération et leur contrat de distribution. Elles pourraient dès lors vouloir placer Salto dans une situation plus favorable que les autres distributeurs via des rémunérations qui ne respecteraient pas les conditions de marché.
Par ces engagements, les Mères et Salto assurent que tous les distributeurs soient traités équitablement, ce qui ne doit pas signifier égalitairement. Salto ne bénéficiera pas d’une tarification anormalement basse. Dès lors, ces engagements sont suffisants pour répondre aux préoccupations identifiées.
III. Les engagements en matière de promotion croisée et de publicité
A. Engagements proposés
Sur les marchés publicitaires, les Mères ont pris deux engagements. Il s’agit des engagements E15 et E16 :
« E.15. Les Mères s’interdisent la Promotion croisée de la Plateforme Salto sur les Chaînes de la TNT en clair des trois groupes.
E.16. Les Mères s’engagent à commercialiser auprès de Salto des espaces publicitaires sur leurs Chaînes de la TNT en clair, sur la base des conditions générales de vente proposées par les régies des Mères, et dans des conditions objectives et non discriminatoires ».
B. Discussion des engagements
Premièrement, la promotion croisée à l’intérieur d’un même groupe est admise par le Conseil à certaines conditions. Ce-dernier ne considère pas qu’une telle promotion pose de problèmes concurrentiels dès lors que l’ensemble composé de Salto et de chacune des Mères peut être considéré comme un groupe (voir partie 4, III).
Dans le cas d’espèce, c’est donc uniquement en raison de la puissance cumulée des Mères qu’il pourrait exister une inquiétude sur la promotion de Salto sur les chaînes des Mères. Toutefois, sur le marché de la VàDA, Salto fera face à des concurrents forts qui disposent de moyens importants afin d’assurer leur promotion.
En outre, les Mères s’engagent à interdire toute promotion croisée de la « Plateforme Salto » sur les chaînes de la TNT en clair des trois groupes (engagement E15), définie dans le cadre des engagements comme « la plateforme de distribution de services de communication audiovisuelle sous la marque Salto ».
Compte tenu de la rédaction de l’engagement, il semblerait que la possibilité d’assurer la promotion des programmes présents sur Salto serait conservée, notamment lorsque ces programmes sont diffusés sur le service de VàDA pour lequel Salto intervient en tant qu’éditeur. Cela semble justifié au regard de la puissance des Mères et conforme à la doctrine du Conseil en matière de promotion croisée.
En matière de publicité, un simple engagement des Mères consistant à négocier les espaces publicitaires au profit de Salto conformément aux conditions générales de vente existantes ne permettrait pas d’assurer une absence d’avantage au profit de Salto. En effet, comme l’Autorité a déjà pu le constater, par exemple dans le cadre de sa décision n°19-D-07 du 25 avril 2019 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la publicité télévisuelle, les remises occupent une place importance sur le marché publicitaire télévisuel. Les tarifs nets réellement facturés diffèrent alors de façon importante des tarifs indiqués dans les conditions générales de vente puisque des remises sont appliquées aux tarifs bruts en fonction par exemple du volume d’investissement de l’annonceur ou encore de l’historique de l’annonceur et de la chaine, et que ces remises, dans leur nature et dans leurs montants, sont propres à chaque régie.
L’engagement prévoit cependant que les espaces publicitaires soient commercialisés dans des conditions objectives et non discriminatoires ce qui permettra donc bien d’assurer que Salto ne bénéficiera pas d’un traitement préférentiel à travers les remises qui lui seront consenties.
Ces engagements sont donc suffisants pour répondre aux préoccupations identifiées.
IV. Les engagements en matière de coordination
A. Engagements proposés
Les Mères s’engagent, pour la durée de vie de Salto, à prendre les mesures suivantes :
« E.1. Engagement relatif aux Représentants des Mères présents aux organes de gouvernance de Salto :
a. Les Mères s’engagent à ce que leurs Représentants au sein de Salto soient tenus par un accord de confidentialité, dont le modèle est joint en Annexe 1.
b. Les Mères s’engagent à ce que leurs Représentants au sein de Salto ne puissent avoir la fonction, à titre principal, de :
i. Responsable ou membre du service « acquisitions » de droits audiovisuels de l’une des Mères ;
ii. Responsable ou membre du service « distribution » de services audiovisuels de l’une des Mères.
E.2. Engagement relatif aux salariés de Salto
Les Mères s’engagent à ce que les salariés de Salto ne puissent pas avoir la qualité de :
- Salarié(s) de l’une des Mères,
- Mandataire(s) social(aux) de l’une des Mères.
Les salariés de Salto ayant eu pour fonction, au sein des Mères, la négociation des contrats d’acquisition ou de distribution de chaînes devront avoir signé un accord de confidentialité dont le modèle figure en Annexe 2.
Cet engagement ne fait pas obstacle à ce qu’un nombre limité de salariés des Mères puisse participer à la création de Salto et au lancement de ses activités, durant une période démarrant à la date de la Décision de l’Autorité de la concurrence et expirant le 31 décembre 2019. Ces salariés devront avoir signé un accord de confidentialité dont le modèle figure en Annexe 3.
E.3. Engagement relatif à la mise en place de « chinese walls » afin que Salto ne puisse en aucun cas être un forum pour des échanges d’informations commercialement sensibles entre les Mères
a. Les Mères s’engagent à ce que Salto dispose de sa propre structure informatique, distincte de celles des Mères. Ceci implique que le « hardware » (ordinateurs, imprimantes, etc.) ne puisse être accessible par les Mères et que les « software » (bases de données, système de gestion et d’archivage de documents), s’ils sont partagés, fassent l’objet de codes d’accès spécifiques à Salto et non accessibles aux Mères ou à leurs Représentants au sein de Salto.
b. Les Mères s’engagent par ailleurs à ce que les locaux de Salto soient physiquement distincts de ceux des Mères et à ce que l’accès à ces locaux par les salariés des Mères nécessite une approbation préalable par le personnel de Salto. Réciproquement, les Mères s’engagent également à ce que l’accès à leurs locaux par les salariés de Salto nécessite une approbation préalable par leur personnel.
c. Les Mères s’engagent à ce que Salto dispose de ses propres services juridiques, comptable et financier.
E.4. Engagements relatifs aux informations communiquées aux Représentants des Mères
Les Mères s’engagent à ce que les informations accessibles aux Représentants des Mères intègrent, de manière agrégée, les seules informations dont la communication est strictement nécessaire à l’adoption des décisions relevant de la compétence du Conseil de Surveillance de Salto, listées dans le Pacte d’associés de Salto et permettant aux Mères d’exercer une influence déterminante sur la Société (« Informations Accessibles ») ».
Ces engagements sont complétés par trois exemplaires d’« engagement personnel de confidentialité » devant être signés respectivement par les représentants des Mères, par les salariés de Salto ayant eu pour fonctions la négociation des contrats d’acquisition ou de distribution de chaînes au sein des Mères et par les salariés des Mères en mission temporaire chez Salto.
B. Discussion des engagements
Une opération de concentration peut modifier la nature de la concurrence sur un marché en augmentant le risque de coordination des comportements entre les entreprises. Dans le cas de la création d’une entreprise commune, la coordination peut notamment être facilitée par une hausse de la transparence du marché permise par des échanges d’informations sensibles entre les Mères.
Dans le cas d’espèce, l’ensemble des marchés sur lesquels interviennent les Mères seraient susceptibles d’être impactés par une telle coordination. Il pourrait notamment s’agir des marchés publicitaires, des marchés de l’acquisition ou encore des marchés de l’édition et de la commercialisation de chaines.
La probabilité d’émergence de phénomènes de coordination sur chacun de ces marchés dépend de leurs caractéristiques. La coordination peut notamment être facilitée par l’existence d’un nombre d’opérateurs faible sur le marché, par une symétrie des entreprises, par l’existence de produits homogènes, par une demande stable, par un degré d’innovation faible, par une capacité d’observation de la stratégie des concurrents, par une capacité de punition des comportements déviants de l’équilibre collusif et par une absence de concurrents extérieurs susceptibles de faire échouer la collusion.
Pour ce qui concerne les marchés de l’acquisition de droits, l’Autorité de la concurrence a déjà pu conclure à une faible probabilité d’effets coordonnés du fait notamment de l’asymétrie existant entre les différents acteurs274.
De la même façon, sur le marché de la publicité télévisuelle, l’Autorité de la concurrence a pu conclure au caractère peu plausible d’une coordination entre les groupes M6 et TF1275.
Enfin, à la connaissance du Conseil, il n’existe pas de décision concernant le caractère plausible d’une coordination sur le marché de l’édition et de la commercialisation de chaines.
En tout état de cause, les engagements extensifs proposés par les parties devraient permettre de minimiser les échanges d’information sensibles et donc les risques de coordination des Mères suite à l’opération. L’analyse de la conception exacte de ces engagements ne relève pas à titre principal de l’expertise sectorielle du Conseil. Il approuve cependant ces engagements en rappelant que, comme l’ont établi les sections précédentes du présent avis, les Mères sont des acteurs importants sur les marchés de l’édition et de la commercialisation, de la publicité et de l’acquisition et que des précautions doivent donc être prises afin d’assurer que l’opération ne conduise pas à un affaiblissement de la concurrence entre elles sur ces mêmes marchés.
Notes :
1 Et avec l’accord des parties à l’opération.
2 franceinfo :, France 2, France 3, France 4, France 5, France Ô, M6, W9, 6ter, TF1, TMC, TFX, TF1 Séries Films et LCI.
3 Médiamétrie – Année TV 2018.
4 https://www.prosiebensat1.com/en/press/joyn-starts-today-germany-s-largest-free-streaming-service-with-over-50-live- channels-and-an-extensive-media-library
5 http://www.rtve.es/rtve/20180517/rtve-atresmedia-mediaset-espana-presentan-identidad-corporativa-lovestv- plataforma-conjunta-contenidos-tecnologia-hbbtv/1735362.shtml
6 https://www.francetvpro.fr/institutionnel/communiques-de-presse/TheAlliance
7 Bearing Point, « Médias et publicité en ligne : transfert de valeur et nouvelles pratiques », pour le ministère de la Culture et de la communication et le CSA, 25 mai 2018.
8 Moyenne sur 2016, 2017 et 2018.
9 Plan d’affaires joint à la notification à l’Autorité de la concurrence.
10 Il ressort de la notification que « les estimations de ces charges [« dont investissements dans les contenus »] ont été réalisées suivant l’application de deux modalités de rémunération cumulatives :
- un budget estimé à […] millions d’euros dédiés à l’acquisition d’œuvres françaises ou étrangères ; et
- une enveloppe de [10-20] % du chiffre d’affaires HT, dédiée à l’exploitation non-exclusive du catalogue des producteurs- distributeurs partenaires, selon un partage de revenus […] ».
11 Au sens de l’article 3, paragraphe 1, point b) du Règlement n° 139/2004.
12 Notification à l’Autorité de la concurrence en date du 17 juin 2019, p. 59.
13 Notification à l’Autorité de la concurrence en date du 17 juin 2019, p. 61.
14 Notification à l’Autorité de la concurrence en date du 17 juin 2019, p. 59.
15 Notification à l’Autorité de la concurrence en date du 17 juin 2019, p. 62.
16 Notification à l’Autorité de la concurrence en date du 17 juin 2019, p. 65.
17 Notification à l’Autorité de la concurrence en date du 17 juin 2019, p. 65.
18 Notification à l’Autorité de la concurrence en date du 17 juin 2019, p. 70.
19 Notification à l’Autorité de la concurrence en date du 17 juin 2019, p. 70.
20 IREP, CNC.
21 CSA, Guide des chaînes, 17ème édition, 2019.
22 Rapport annuel 2018 du CSA, publié en mai 2019 sur la base de données Médiamétrie/Médiamat (en % des individus de 4 ans et plus équipés d’un téléviseur en France métropolitaine).
23 Les données dites « brutes » correspondent aux volumes publicitaires valorisés sur la base des tarifs de référence publiés par les régies publicitaires et diffèrent des données dites « nettes » qui correspondent aux montants réels des espaces publicitaires et des recettes publicitaires, obtenus après déduction des remises commerciales.
24 La publicité est interdite sur France Télévisions entre 20h et 6h du matin depuis 2009, ce qui explique sa part de marché relativement faible.
25 Observatoire de l’e-pub SRI réalisé par PwC en partenariat avec l’Udecam.
26 Il s’agit de la consommation de la télévision en direct mais aussi en rattrapage.
27 En 2018, Médiamétrie, Global TV 2018 sur la cible des individus de 4 ans et plus équipés d’un téléviseur en France métropolitaine.
28 Qui est mesurée depuis 2016.
29 Durée d’écoute individuelle.
30 Selon le Baromètre annuel du CNC publié le 17 avril 2019 : « Au total, ce sont 8,1 milliards de vidéos qui ont été vues en 2018 ce qui équivaut à 22,2 millions de vidéos visionnées chaque jour, par 7,2 millions de Français, pendant 1 h 03 en moyenne tous écrans confondus ».
31 Baromètre 2018 NPA Conseil et Harris Interactive, sur la période janvier-mars 2018.
32 Bilan annuel du CNC.
33 CNC-CSA, « La vidéo à la demande par abonnement en France », 2018.
34 D’après l’étude CNC-CSA, « La vidéo à la demande par abonnement en France », 2018 : « Moins de 20 % des services sont généralistes, les autres étant thématiques. Les offres « jeunesse » sont les plus importantes puisqu’elles représentent 23 % des services thématiques tandis que la découverte (information, reportage, documentaire) se place en deuxième position avec 22 % des services de VàDA ».
35 CNC, Baromètre de la vidéo à la demande (VàD/VàDA), mars 2019.
36 D’après l’étude CNC-CSA, « La vidéo à la demande par abonnement en France », 2018
37 https://rm.coe.int/tv-content-in-vod-catalogues-edition-2018/168094628b
38 Il s’agit des séries : « 13 Reasons Why », visionnée 34 millions de fois, « La Casa de Papel », visionnée 31 millions de fois,
« Orange is the New Black », visionnée 19 millions de fois, « Riverdale », visionnée 18 millions de fois et « The Walking Dead » visionnée 13 millions de fois.
39 Netflix a déclaré aux services du Conseil que figurent dans son catalogue […] fictions françaises ainsi que […] autres programmes de stock d’origine française.
40 D’après le document publié par Harris interactive et NPA « SVOD Bilan 2018 & Perspectives 2019 » le 30 janvier 2019 : « Le film le plus vu sur un service de VàDA, à ce jour, est « L’Ecole des Sorciers », premier film de la saga Harry Potter. Le mois de sa mise en ligne (en novembre 2018 sur Netflix), il était à la troisième marche du podium de la consommation tous genres confondus. Il a été vu pendant ce mois 1,5 million de fois. Cette performance si elle est plus modeste que celles réalisées par les séries, est la meilleure performance d’un film sur les plateformes de VàDA ».
41 Netflix et/ou Amazon Prime Video seraient ainsi en discussion avec Thierry Ardisson pour un projet d’émission.
42 Pour un investissement total dans la production, toutes nationalités de programmes confondues, de 8 milliards de dollars en 2018. Selon certaines sources de presse, ce montant devrait atteindre 15 milliards de dollars en 2019 mais diminuer sensiblement dans les années à venir en raison d’un changement de stratégie de Netflix.
43 Le Monde, Netflix ouvre un bureau à Paris, un geste symbolique, 27/09/2018.
44 Le film « Paris est à nous » a été financé par Netflix après que les auteurs ont perçu 90 000€ de financement participatif pour le tournage du film.
45 Plusieurs autres contenus, en cours de production, ont été annoncés par Netflix:
- séries : « Vampires », « Arsène Lupin », « The Eddy » ;
- longs métrages (sans sortie cinéma) : « Banlieusards », « La grande classe » ;
- une dizaine de documentaires français, d’ici 2020 : « A voix haute », « Grégory », « Solidarité » etc.
46 « The Circle » est un format anglais diffusé à l’automne 2018 sur Channel 4. Déjà adapté par Netflix au Brésil, l’éditeur vient d’ouvrir son casting pour l’adaptation française.
47 Challenges, Comment Amazon s'attaque à Netflix en France avec « Deutsch-les-Landes », 29/11/2018.
48 CSA, « Etude sur le tissu économique du secteur de la production audiovisuelle », 3ème édition publiée en septembre 2018.
49 CNC, « Bilan 2018 », mai 2019.
50 L’OTT désigne la distribution de services audiovisuels sur l’internet ouvert, par opposition aux réseaux classiques de diffusion de services de télévision (réseaux gérés par les fournisseurs d’accès à internet, réseau hertzien, câble, satellite). Les services OTT sont disponibles avec une simple connexion internet (offrant un niveau de débit suffisant), sans passer par un boîtier spécifique (décodeur) comme la box d’un FAI.
51 Ces offres permettent d’accéder au téléphone, à internet et à la télévision, sans que soit distingué le coût de chaque service au sein du tarif global de l’abonnement triple play. Ces dernières années, ont vu le retour du succès des offres dual play, qui permettent d’accéder au téléphone et à internet. Elles sont moins onéreuses que les offres triple play.
52 Le modèle dit de « wholesale » correspond à la mise à disposition d’un bouquet de chaînes thématiques et, dans certains cas, de services associés, en vue de leur commercialisation par les FAI en leur nom et pour leur compte.
53 L’auto distribution signifie que le téléspectateur abonné à l’offre du groupe Canal Plus par l’ADSL accède par la box de son FAI à un « univers » distinct de l’offre de son FAI. Cet univers regroupe l’ensemble des chaines diffusées par le groupe Canal Plus, en exclusivité comme en non exclusivité, ainsi que les chaînes gratuites de la TNT.
54 Réponse au questionnaire envoyé par le Conseil à Molotov.
55 Cette information non confirmée par Molotov ressort de certains articles de presse (ex : https://bfmbusiness.bfmtv.com/entreprise/molotov-a-la-recherche-d-un-acquereur-1483748.html).
56 Notification formelle, p. 46.
57 Notification formelle, p. 44.
58 Le terme de « marché » utilisé dans cette section ne renvoie pas nécessairement à la notion de marché pertinent.
59 Etude du CSA, « Performances de la fiction en Europe 2018 » publiée en juillet 2019.
60 Est considéré comme un préachat les dépenses de contribution au développement de la production d’œuvres audiovisuelles EOF consacrées par les éditeurs de services à l’achat avant la prise de vues, des droits de diffusion sur le service qu’ils exploitent.
61 CNC, « Bilan 2018 », mai 2019.
62 Une œuvre audiovisuelle aidée est une œuvre audiovisuelle ayant bénéficié du soutien financier du CNC. La définition d’une œuvre audiovisuelle par le CNC est différente de celle du CSA. Les œuvres audiovisuelles au sens du CSA correspondent à un concept plus large que les seuls programmes éligibles aux aides du CNC.
63 Selon les décrets n° 90-66 du 17 janvier 1990, constituent des œuvres audiovisuelles les émissions ne relevant pas d'un des genres suivants : œuvres cinématographiques de longue durée ; journaux et émissions d'information ; variétés ; jeux ; émissions autres que de fiction majoritairement réalisées en plateau ; retransmissions sportives ; messages publicitaires ; téléachat ; autopromotion ; services de télétexte.
64 Les services en clair qui réalisent un chiffre d’affaires annuel net de l’exercice précédent supérieur à 350 millions d’euros sont assujettis aux obligations de production d’œuvres audiovisuelles même s’ils ne réservent pas annuellement au moins 20% de leur temps de diffusion à des œuvres audiovisuelles (article 7 du décret n° 2010-747 du 2 juillet 2010).
65 Article 7 du décret n°2010-747.
66 Les niveaux d’obligations mentionnés sont ceux qui ont été appliqués aux chaînes Mères pendant les années 2016, 2017 et 2018.
67 Pour rappel : les œuvres patrimoniales, englobent les fictions, les documentaires de création (y compris ceux qui sont insérés au sein d'une émission autre qu'un journal télévisé ou une émission de divertissement), les animations, les captations et recréations de spectacles vivants et les clips vidéo.
68 Articles 6 et 15 du décret n° 2010-747 du 2 juillet 2010 relatif à la contribution à la production d'œuvres cinématographiques et audiovisuelles des services de télévision diffusés par voie hertzienne terrestre.
69 L’article 27 de la loi de 1986 prévoit que la durée des droits de diffusion, selon les différents modes d’exploitation, doit être fixée par décret. L’article 14 du décret n° 2010-747 renvoie aux conventions conclues par les chaînes avec le Conseil, qui prennent elles-mêmes en compte les accords conclus entre les éditeurs de services et les organisations professionnelles de l’industrie audiovisuelle.
70 L’intégralité des données fournies dans les tableaux en infra est issue des documents du CNC suivants : « La production audiovisuelle aidée en 2016 », avril 2017, « La production audiovisuelle aidée en 2017 », avril 2018 et « La production audiovisuelle aidée en 2018 », avril 2019.
71 Chaînes gratuites, chaînes payantes, chaînes locales et services en ligne.
72 Idem.
73 En tant que premier diffuseur, selon le CNC.
74 A titre d’exemple, et sur la base de premières évaluations, la fiction contribuerait aux environs de 35 à 40 % à l’audience de la chaîne TF1, de 60 à 65 % pour TMC, de 50 à 55 % pour TFX et à plus de 95 % pour TF1 Séries Films. De la même manière, elle a contribué à hauteur de 40 % à 45 % de l’audience des chaînes M6 et W9 et de 50 à 55 % % pour 6ter (Document interne du CSA, « L’audience de la télévision pour l’année 2018 », janvier 2018 sur la base de données Médiamat/Médiamétrie).
75 CSA, « Performances de la fiction en Europe en 2018 », juillet 2019. Classement effectué sur la cible des 4 ans et plus sur la base de données Médiamétrie.
76 Chaînes gratuites, chaînes payantes, chaînes locales et services en ligne.
77 Chaînes gratuites, chaînes payantes, chaînes locales et services en ligne.
78 Ces quotas figurent au sein du décret n°90-66. Ils doivent être respectés sur l’ensemble de la journée et aux heures de grande écoute.
79 4 716 heures d’œuvres audiovisuelles EOF ont été préfinancées en 2018.
80 Les chaînes payantes n’ont pas été incluses dans ce calcul. En effet, elles étaient 122 à être diffusées en France fin 2018 et leur volume horaire de diffusion d’œuvres audiovisuelles EOF (extrêmement élevé) n’est pas connu précisément par le Conseil.
81 Les données de 2018 sont encore provisoires.
82 Notification à l’Autorité de la concurrence de l’opération Salto en date du 17 juin 2019, p. 156.
83 Depuis 2016 pour le groupe TF1, 2017 pour le groupe M6 et 2019 pour le groupe France Télévisions. Avant la signature de ces accords, les Mères incluaient cependant, mais de façon non systématique, des clauses de holdback dans les contrats de certaines œuvres préfinancées.
84 Convention du 27 juillet 2017 consolidée entre M6 et le CSA.
85 Convention du 27 juillet 2017 consolidée entre TF1 et le CSA.
86 Aux termes du dernier accord interprofessionnel négocié par France Télévisions, « La durée de holdback SVàD dévolue à France Télévisions est déterminée en fonction […] ».
87 Cet accord interprofessionnel a fait l’objet de deux avenants, signés les 18 décembre 2017 et 12 octobre 2018. Ils n’ont pas modifié le libellé de l’article 6.2. b).
88 Article 6.1. a) de l’accord modifié par l’avenant du 9 décembre 2017 : « Les droits de diffusion télévisuelle des œuvres audiovisuelles patrimoniales préachetées ou coproduites sont acquis pour une durée maximale de :
- Fiction : 36 mois pour les unitaires et 42 mois pour les séries et collections (…) ;
- Animation : 36 mois ;
- Documentaire : 39 mois
- Captation ou recréation de spectacle vivant : 36 mois, portés à 42 mois quand l’œuvre est financée à plus de 70 % par le groupe TF1 ».
89 L’article 6.1. b) de l’accord interprofessionnel fixe la date de début des droits d’exploitation des œuvres audiovisuelles patrimoniales préachetées ou coproduites « à l’acceptation du PAD pour les unitaires et épisodes de collection. Pour les séries, la date de début des droits de l’ensemble des épisodes d’une saison est fixée à la date de la première exploitation du premier épisode par l’un des services de télévision ou de médias audiovisuels à la demande du groupe TF1 et au plus tard à l’acceptation du dernier PAD d’une saison, dans la limite de 12 mois à compter de l’acceptation du premier PAD ». Cet article intègre également une clause sur la libération anticipée des droits (30 jours suivant la fin de la dernière multidiffusion prévue au contrat de préachat ou de coproduction).
90 La date de début des droits d’exploitation des œuvres audiovisuelles patrimoniales préachetées ou coproduites est fixée à l’acceptation du PAD. Pour les séries, la date de début des droits de l’ensemble des épisodes d’une saison est fixée à la date de la première exploitation du premier épisode.
91 L’article 6-2 d) a fait l’objet d’une modification par l’article 6 de l’avenant n°1 signé le 9 décembre 2017.
92 Il s’agit respectivement des droits de vidéo à la demande gratuite, des droits de vidéo à la demande par abonnement et des droits de vidéo à la demande payante à l’acte et en téléchargement définitif.
93 La convention conclue le 27 juillet 2017 entre le Conseil et TF1 a été modifiée par l’avenant n°1 signé le 20 décembre 2017, l’avenant n°2 signé le 19 février 2018, l’avenant n°3 signé le 4 avril 2018 et l’avenant n°4 signé le 20 décembre 2018. 94 Le Conseil n’a pas étudié l’ensemble des contrats de préachats et de coproduction conclus en 2018 par le groupe TF1 et ne peut donc considérer que l’ensemble des contrats comporte cette stipulation.
95 Article 8.2.1. de l’accord interprofessionnel négocié par TF1: « La « Période » correspond à la durée pendant laquelle les droits de diffusion cédés pourront être exploités, à titre exclusif, et ce à compter de la première date qui interviendra parmi les dates suivantes : (i) la date de la première exploitation du premier Téléfilm, (ii) la date de l’Acceptation du PAD du dernier Téléfilm et (iii) 12 (douze) mois à compter de la date de l’Acceptation du PAD du premier Téléfilm ».
96 Contrat fourni au Conseil dans le cadre de l’élaboration de son avis.
97 Au sens de la convention conclue entre le groupe M6 et le Conseil97, la définition de holdback est la suivante : « pour une exploitation définie, une clause contractuelle aux termes de laquelle un producteur et/ou ses ayants droit s'engagent vis-à-vis du groupe M6 à ne pas exploiter ou à ne pas autoriser ladite exploitation de tout ou partie d'une œuvre audiovisuelle donnée sur des territoires donnés et pendant une période déterminée ne pouvant aller au-delà de la période de droits consentie au groupe M6 ».
98 Il s’agit de la « durée des « droits de diffusion télévisuelle des œuvres audiovisuelles préachetées ou coproduites » qui sont acquis par le groupe M6 « pour les durées maximales suivantes :
- Fiction : 36 mois pour les unitaires et 42 mois pour les séries et collections ;
- Documentaire : 39 mois ;
- Animation : 36 mois ;
- Adaptation audiovisuelle de spectacle vivant : 36 mois quand elle est financée par le groupe M6 à moins de 70 % ; 42 mois quand elle est financée par le gorupe M6 à 70 % et plus ».
99 La date de début des droits d’exploitation des œuvres audiovisuelles préachetées ou coproduites est fixée à la date d’acceptation du PAD pour les unitaires et épisodes de collections. Pour les séries, la date de début des droits de l’ensemble des épisodes d’une saison est fixée à la date de la première exploitation du premier épisode par l’un des services de télévision ou de médias audiovisuels à la demande du groupe M6 et au plus tard à l’acceptation du dernier PAD de ladite saison, dans la limite de 12 mois à compter de l’acceptation du premier PAD.
100 La convention conclue le 27 juillet 2017 entre le Conseil et M6 a été modifiée par l’avenant n°1 signé le 20 décembre 2017 et l’avenant n°2 signé le 20 décembre 2018.
101 Contrat fourni au Conseil dans le cadre de l’élaboration de son avis.
102 Cet accord remplace l’accord précédent signé le 21 décembre 2018. Il s’applique rétroactivement depuis le 1er janvier 2019 et est sur le point d’être formellement signé et officiellement transmis au Conseil.
103 Le dernier accord interprofessionnel de France Télévisions définit le holdback comme « l’engagement du producteur de ne pas commercialiser auprès d’un tiers, pendant une durée définie, tout ou partie d’une œuvre dans les territoires concédés à France Télévisions »103.
104 Article 6.5 de l’accord interprofessionnel du 24 mai 2016 consolidé.
105 L’article 6.9 du dernier accord interprofessionnel de France Télévisions prévoit que « pour le préachat, ce droit de dernier refus tombe dès que France Télévisions a renoncé une fois à en faire l’usage ou n’a pas répondu dans le délai précité ».
106 A condition qu’il accepte le prix proposé par le distributeur dans le cadre de la mise en œuvre de la clause de priorité, ou celui proposé par les tiers dans le cadre de la mise en œuvre de la clause de dernier refus (ainsi que les conditions d’exercice des droits).
107 L’accord professionnel signé par M6 ne fait aucune mention de ces clauses de priorité et de préemption, mais M6 les intègre généralement dans ses contrats.
108 Article 6.5 de l’accord interprofessionnel du 24 mai 2016 consolidé.
109 Cette commission est d’environ 30 % du prix de la transaction.
110 TF1 DA (Droits audiovisuels) pour le groupe TF1, FTD (France Télévisions Distribution) pour le groupe France Télévisions, M6 DA (Droits audiovisuels) pour le groupe M6.
111 Disposition du décret 2010-747 du 2 juillet 2010.
112 […].
113 Voir la partie préliminaire.
114 En revanche, le groupe Canal Plus n’a pas signé d’accord « mandat ».
115 Les principales dispositions de cet accord ont d’ailleurs été transposées dans les conventions des chaînes des groupes TF1 et M6.
116 Cette négociation portant sur les mandats peut être par ailleurs facilitée lorsque l’œuvre préachetée est produite par une société de production filiale des groupes audiovisuels.
117 Pour rappel, cette part réservée à la production indépendante varie selon les groupes et les accords interprofessionnels que ces derniers ont conclus avec les syndicats de producteurs. Jusqu’à fin 2018, cette part s’élevait à 75 % pour France Télévision (avec un espace de souplesse), 64 % pour le groupe TF1 et 67 % pour le groupe M6.
118 En 2017, les éditeurs ont consacré […] M€ dans le préfinancement d’œuvres audiovisuelles patrimoniales dépendantes. Ces investissements sont en augmentation : ils étaient de […] M€ en 2010.
119 CNC, « Bilan 2018 », mai 2019.
120 Selon le CNC.
121 Dans cet avis, le montant retenu au titre du préfinancement d’une œuvre cinématographique par un diffuseur regroupe les sommes versées au titre du préachat et au titre de la part coproducteur.
122 Les décrets 2010-747 du 2 juillet 2010 et 2010-416 du 27 avril 2010 précisent la définition des ressources nettes qui servent de base pour les obligations. Il s’agit du chiffre d’affaires annuel net de l’exercice précédent (hors TVA) pour les chaînes gratuites et payantes et, pour les services de cinéma, des ressources de l’exercice en cours hors TVA (recettes de distribution France et recettes publicitaires). Pour les chaînes Canal+, sont également prises en compte les recettes réalisées par la télévision de rattrapage.
123 Certains films peuvent être préfinancés par plusieurs chaînes. Les totaux, sauf mentions contraires, comportent donc des doublons.
124 Ces données sont celles du CSA, qui ne sont pas directement comparables aux données du CNC. Les données CSA ont été privilégiées car elles permettent d’avoir une vision plus précise du volume réel de films préachetés par chacun des groupes, les données par groupe étant indiqués sans les doublons.
125 Cependant, les chaînes gratuites peuvent diffuser en sus de ce quota de 192 œuvres cinématographiques, 52 films d’art et d’essai (diffusions qui ne peuvent intervenir entre 20h30 et 22h30.)
126 Par ailleurs, elles ne peuvent diffuser plus de 144 films entre 20h30 et 22h30.
127 Les 50 meilleures audiences réalisées par des œuvres cinématographiques en 2018 sur la TNT gratuite ont toutes été réalisées lors de diffusions sur les chaînes Mères.
128 Les films diffusés sur des chaînes différentes la même année sont comptabilisés plusieurs fois. Si un film est diffusé sur la même chaîne plusieurs fois au cours d’une même année, il n’est comptabilisé qu’une seule fois.
129 En effet, les chaînes françaises sont tenues de réserver au moins 60% du nombre annuel total de diffusions et de rediffusions d’œuvres cinématographiques de longue durée à des œuvres cinématographiques européennes (40 % pour l’EOF).
130 Les données pour l’année 2018 ne sont pas encore disponibles.
131 En nombre de titres.
132 Les films diffusés sur des chaînes différentes la même année sont comptabilisés plusieurs fois. Si un film est diffusé sur la même chaîne plusieurs fois au cours d’une même année, il n’est comptabilisé qu’une seule fois.
133 Ces films ont pu faire l’objet de plusieurs rediffusions négociées dans le cadre des contrats de préachats.
134 Notification formelle à l’Autorité de la concurrence, p. 70.
135 Ainsi, la majorité des services français de VàDA sont des services thématiques visant des segments de marchés plus restreints à l'image de Filmo TV (cinéma), Tënk (documentaire), Studio+ (séries courtes pour terminaux mobiles), TFOU Max (contenus pour enfants) ou les services dont le catalogue est dédié aux programmes issus d’une aire culturelle ou géographique particulière tels qu’ADN (mangas japonais). Les principaux services généralistes français sont Vidéofutur et SFR Play.
136 Article 13 de la Directive (UE) 201/1808 du Parlement européen et du Conseil du 14 novembre 2018 modifiant la directive 2010/13/UE visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la fourniture de services de médias audiovisuels (directive «Services de médias audiovisuels»), compte tenu de l'évolution des réalités du marché.
137 Voir Partie 2 – I - A – 3 - c) La négociation des mandats de commercialisation des œuvres préfinancées par les Mères au bénéfice de leurs filiales de distribution.
138 […].
139 Les filiales de distribution liées aux groupes TF1, M6 ou France Télévisions détiennent 41 % des mandats de commercialisation de ces séries.
140 […].
141 C’est notamment le modèle qui prévaut en France pour les œuvres cinématographiques.
142 Ainsi, une œuvre audiovisuelle pouvait être diffusée sur une chaîne de télévision, et au même moment être proposée en non linéaire sur un service de VàD ou de VàDA (essentiellement les œuvres de catalogue) et en DVD.
143 Décision de l’ADLC n° 12-DCC-100 du 23 juillet 2012.
144 Décision de l’ADLC n° 17-DCC-92 du 22 juin 2017.
145 Dans la limite de 50% des droits cédés annuellement par ce dernier aux opérateurs non linéaire tiers (en volume et en valeur). Cette injonction est applicable jusqu’au 31 décembre 2019.
146 En revanche, lorsqu’il préachète une œuvre également cofinancée par une chaîne linéaire, les fenêtres de diffusion exclusives sont partagées entre les deux préfinanceurs.
147 En revanche, les œuvres de catalogue proposées par Netflix sur son service, peuvent être négociées de façon non exclusive.
148 Dans le projet de notification, les Mères n’indiquent pas explicitement si Salto négociera des droits en exclusivité ou en non exclusivité sur les œuvres qu’il proposera au public. Le Conseil considère cependant que Salto cherchera à tout le moins à proposer en exclusivité les programmes récents voire inédits en VàDA.
149 Il est impératif que la clause de préemption intégrée au contrat de préfinancement porte à la fois sur les droits linéaires et sur les droits non linéaires (c’est par exemple le cas de certains contrats conclus par le groupe M6).
150 Le montant proposé par les services linéaires pour des œuvres de patrimoine assez anciennes est souvent assez bas, et pourrait être dans la gamme de prix retenu par Salto.
151 L’accord sur la chronologie des médias prévoit une dérogation aux délais impartis (raccourcissement) pour les œuvres cinématographiques ayant réalisés 100 000 entrées au plus à l’issue de la quatrième semaine d’exploitation en salles de cinéma.
152 Cet accord devra notamment comporter un engagement de mise à disposition d’œuvres cinématographiques européennes et EOF, ainsi qu’un engagement financier en faveur de la production d’œuvres cinématographiques sur la base d’un MG par abonné (et le cas échéant comportant également une clause de diversité des investissements et un engagement de préfinancement). Une convention avec le CSA devra également être conclue.
153 Soit le début de la fenêtre de diffusion des films par un service de télévision en clair.
154 A l’instar des chaînes Canal+, OCS et Ciné+.
155 Notification formelle à l’Autorité de la concurrence, p. 190.
156 Réponse de […] au questionnaire de l’ADLC du 14 juin 2019. 157 Ces pratiques contractuelles peuvent néanmoins évoluer. 158 […].
159 Selon le CNC.
160 Voir en ce sens l’avis du CSA n°2015-11 du 24 juin 2015 à l’Autorité de la concurrence sur la saisine par les sociétés Groupe Canal Plus, D8 et D17 de l’Autorité de la concurrence relative à des pratiques mises en œuvre par les groupes TF1, Métropole Télévision et France Télévisions.
161 Voir en ce sens l’avis du CSA précité.
162 Dossier de notification.
163 Possibilité de reprendre au début le visionnage d’une émission dont la diffusion linéaire est en cours.
164 Enregistrement dématérialisé et stocké sur un support à distance.
165 Définition d’image de 3840x2160 pixels, soit 4 fois plus qu’en haute définition.
167 Après échéance des contrats les parties ont plusieurs fois prorogé pour une courte période le contrat de distribution les liants. Voir aussi le communiqué de presse du groupe TF1 en date du 2 mars 2018 : https://www.groupe- tf1.fr/fr/communiques/activit%C3%A9-du-groupe-d%C3%A9veloppement-acquisition-cession- diversification/r%C3%A9action-du-groupe-tf1-suite-%C3%A0-la-d%C3%A9cision-unilat%C3%A9rale-du-groupe-canal
168 Obligation de must carry prévue aux articles 34-2 et 45-3 de la loi de 1986 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.
169 La rédaction actuelle de l’article 98-1 de la loi du 30 septembre 1986, qui prévoit que les éditeurs de services nationaux diffusés en clair sur la TNT sont tenus de mettre leur service à disposition d’un même distributeur de services par voie satellitaire ou d’un même opérateur satellitaire pour une telle diffusion par voie satellitaire, ne garantit pas la continuité de la réception des chaînes de la TNT.
170 Réponse de Molotov au questionnaire du CSA.
171 Les contrats de distribution sont des documents propres aux acteurs qui ne les partagent pas systématiquement avec le Conseil. En l’espèce, le Conseil n’a eu accès qu’aux contrats des Mères.
172 Réponse au questionnaire du CSA par SFR. Réponse de Free au questionnaire du CSA : « […]».
173 En pratique, de nombreux contrats prévoient que l’éditeur payera au distributeur des frais de transport. D’autres rémunérations complémentaires sont parfois prévues (comme des recettes nettes issues de la commercialisation d’espaces sur le service de rattrapage, des rémunérations complémentaires à partir d’un certain nombre d’abonné).
174 Réponse au questionnaire du CSA de […].
175 Dans cette partie 3, la mention aux « services associés » comprendra indistinctement les services et les fonctionnalités associés.
176 Voir par exemple https://www.groupe-tf1.fr/fr/communiques/activit%C3%A9-du-groupe-d%C3%A9veloppement- acquisition-cession-diversification/le-groupe-tf1-signe-un-accord-de-distribution-innovant-avec-le-groupe-altice-sfr
177 Pour rappel, 10 % des foyers utilisent le satellite comme seul mode de réception en France (T3 et T4 2018, CSA, équipement audiovisuel des foyers) mais en pratique la voie hertzienne terrestre (TNT) couvre plus de 97,3 % de la population française.
178 L’article 34-1 ne s’applique pas aux réseaux fibrés : les distributeurs ne sont donc pas tenus de fournir le service antenne aux habitations collectives équipées en fibre.
179 Loi n°2016-1524 du 14 novembre 2016 visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias.
180 Voir la délibération du 15 février 2017 relative à la numérotation des services de télévision dans les offres de programmes des distributeurs de services sur des réseaux de communications électroniques n'utilisant pas des fréquences assignées par le Conseil supérieur de l'audiovisuel. Voir aussi la délibération n° 2007-167 du 24 juillet 2007 relative à la numérotation des services de télévision dans les offres de programmes des distributeurs de services sur des réseaux de communications électroniques n'utilisant pas des fréquences assignées par le Conseil supérieur de l'audiovisuel.
181 Des dispositions spécifiques s’appliquent aux départements et aux collectivités d'outre-mer.
182 Si le distributeur propose une offre comprenant des services de télévision en haute définition, il devra mettre gratuitement à la disposition de ses abonnés les services de France Télévisions, d’Arte, de TV5 Monde et de La Chaîne Parlementaire en haute définition, par voie hertzienne terrestre en mode numérique.
183 CSA, décision du 27 mai 2015, sur le fondement des dispositions de l’article 34-2 de la loi relative à la liberté de la communication.
184 France télévisions demande l’annulation de la décision du CSA au motif que PlayTV ne peut bénéficier de l’obligation prévue à l’article 34-2 de ladite loi, puisque « les conditions prévues à l’article 31, paragraphe 1, de la directive « service universel » ne sont pas remplies, dès lors, en particulier, qu’il n’est pas possible d’affirmer que des utilisateurs du réseau Internet en nombre significatif l’utilisent comme leur principal moyen pour recevoir des émissions de télévision ». Parallèlement, France Télévisions a attaqué PlayTV en contrefaçon. La Cour de cassation a, par un arrêt du 4 juillet 2019, condamné PlayTV.
185 CSA Lab, « Le distributeur de services audiovisuel à l’ère numérique : statut juridique et activité économique », juin 2017.
186 CJUE (quatrième chambre) C-298/17, 13 décembre 2018.
187 L’article 34-2 I dispose que : « Sur le territoire métropolitain, tout distributeur de services sur un réseau n'utilisant pas de fréquences terrestres assignées par le Conseil supérieur de l'audiovisuel met gratuitement à disposition de ses abonnés les services des sociétés mentionnées au I de l'article 44 et la chaîne Arte, diffusés par voie hertzienne terrestre en mode analogique (…) ».
188 Le cahier des charges de France Télévisions a été fixé par le décret n° 2009-796 du 23 juin 2009.
Son article 22 précise que : « France Télévisions conçoit et met à disposition des services de médias audiovisuels à la demande notamment afin d'assurer l'exposition de contenus de complément ou des contenus spécifiques conformes aux missions de service public confiées à France Télévisions. Ces services s'efforcent de garantir une exposition et un accès à l'ensemble des genres de programmes : fiction, séries, animation, documentaires, spectacle vivant, magazines, information, sport, programmes religieux, divertissement, programmes culturels, etc. France Télévisions propose en particulier une offre de télévision de rattrapage permettant une nouvelle mise à disposition auprès du public des programmes diffusés sur ses services de télévision. A compter de l'extinction de la diffusion par voie hertzienne terrestre en mode analogique des services de télévision sur l'ensemble du territoire métropolitain, l'ensemble des programmes diffusés sur les services de télévision de France Télévisions sont disponibles gratuitement pendant une période minimale de sept jours à compter de leur première diffusion à l'antenne, à l'exception des œuvres cinématographiques et, le cas échéant, des programmes sportifs ».
189 Les contenus dits supplémentaires sont par exemple les « bonus » ou les « récap’ » qui sont présents sur la plateforme France.tv autour de certains programmes diffusés en flux linéaire sur les chaînes du groupe.
190 Les fonctionnalités sont par exemple le start-over, le rattrapage étendu, le cast-to-TV, le NPVR, l’avant-première, etc.
191 Conseil d'État, 5ème et 4ème sous-sections réunies, du 7 décembre 2011, n° 321349.
192 Sont visées ici les obligations de must offer, de must deliver et de must carry.
193 Article 17-1 de la loi du 30 septembre 1986 et Conseil d'État, 5ème et 4ème sous-sections réunies, du 7 décembre 2011, n° 321349 : le CSA peut connaître d’un différend entre un éditeur et un distributeur en l’absence de contrat, dès lors qu’il y a « atteinte caractérisée » à l’un des principes figurant à l’article 17-1.
194 Conseil d'État, 5ème et 4ème sous-sections réunies, du 7 décembre 2011, n° 321349 « quand il est saisi d'un différend en l'absence de relation contractuelle ou de toute offre de contrat, ce que les dispositions de l'article 17-1 de la loi du 30 septembre 1986 permettent, le Conseil supérieur de l'audiovisuel ne dispose du pouvoir de prononcer une telle injonction de faire une offre que, d'une part, envers un opérateur à qui la loi fait expressément obligation de mettre à disposition un service ou de le reprendre ou, d'autre part, dans le cas où cette injonction est nécessaire pour prévenir une atteinte caractérisée à l'expression pluraliste des courants de pensée et d'opinion, à la sauvegarde de l'ordre public, aux exigences de service public, à la protection du jeune public, à la dignité de la personne humaine et à la qualité et à la diversité des programmes ».
195 Conseil d'État, 5ème et 4ème sous-sections réunies, du 7 décembre 2011, n° 321349.
196 Conseil d'État, 5ème et 4ème sous-sections réunies, du 7 décembre 2011, n° 321349.
197 Décision de l’Autorité n° 10-DCC-11 précitée et n° 10-D-32 du 16 novembre 2010 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la télévision payante.
198 Décisions de l’Autorité de la concurrence 09-DCC- 72, 14 décembre 2009; 12-DCC-100, 23 juillet 2012; 14-DCC-15, 10 février 2014; 14-DCC- 160, 30 octobre 2014 ; 17-DCC-92, 22 juin 2017.
199 Décisions de l’Autorité de la concurrence précitées 17-DCC-13 et 17-DCC-92.
200 Décisions de l’Autorité de la concurrence précitée 17-DCC-13.
201 Avis n° 19-A-04 du 21 février 2019 relatif à une demande d’avis de la commission des Affaires culturelles et de l’Éducation de l’Assemblée nationale dans le secteur de l’audiovisuel.
202 Réponse aux questionnaires.
203 Réponses aux questionnaires.
204 Réponse aux questionnaires.
205 Réponses aux questionnaires.
206 Réponses aux questionnaires.
207 Il convient de noter que ces chiffres ne reflètent pas la valeur apportée par les nouvelles rémunérations des contrats de distribution en compte puisque pour ils ont été en majorité signés en 2018. En tout état de cause, l’équilibre global des revenus restera inchangé.
208 Ces données sont issues des comptes de résultats sociaux de l’exercice 2017.
209 CSA, Bilan financier 2017 des chaînes payantes, d’après les déclarations des éditeurs et Médiamétrie, part d’audience 4 ans et+.
210 Même si l’offre dual play Sosh d’Orange propose de profiter de la TV d’Orange soit via l’appli TV d’Orange offerte sur demande et qui comprend 72 chaînes TV sur mobile, tablette et PC/Mac, soit via une option décodeur. TV + Appli TV d'Orange pour 5 euros par mois qui donne accès à 160 chaînes TV sur tous les supports en ce compris la télévision.
211 Ces six chaînes sont : Canal+, Canal+ Cinéma, Canal+ Sport, Canal+ Séries, Canal+ Family et Canal+ Décalé
212 Au sens de la loi du 30 septembre 1986, GCP est néanmoins considéré comme distributeur des offres « TV by Canal », puisqu’il conserve les relations contractuelles avec les éditeurs de services. Effet, l’article 2-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication dispose que les « distributeur de services désignent toute personne qui établit avec des éditeurs de services des relations contractuelles en vue de constituer une offre de services de communication audiovisuelle mise à disposition auprès du public par un réseau de communications électroniques au sens du 2° de l'article L. 32 du code des postes et des communications électroniques. Est également regardée comme distributeur de services toute personne qui constitue une telle offre en établissant des relations contractuelles avec d'autres distributeurs ».
De la même manière, Free et Orange doivent également être considérés comme distributeur de ces offres, dans la mesure où ils les commercialisent auprès du public en établissant des relations contractuelles avec GCP, lui-même distributeur.
213 Free met à disposition via son offre « Delta » sans surcoût identifié ou identifiable pour le consommateur Netflix Essentiel (le service normalement vendu à 7,99 euros), myCanal (comprenant un accès au catalogue de vidéos à la demande 4K en location ou à la vente sur Canal VOD), l’assistant Alexa (Amazon), mais aussi LeKiosk (accès à plus de mille titres de presse quotidienne et magazine).
214 Canal+Séries sera inclus gratuitement mais seulement pendant 12 mois pour toute souscription à une box Must ou Ultym de Bouygues Télécom et à un forfait mobile.
215 Décision de l’ADLC n° 10-D-32 du 16 novembre 2010 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la télévision payante.
216 Décision de l’ADLC 17-DCC-92, ibid.
217 Audition de Free dans le cadre de l’instruction du dossier Salto.
218 A titre d’exemple, l’accord de distribution liant le groupe TF1 avec Orange comprend […].
219 La référence à la « télévision » comprend ici la consommation de la télévision en direct ainsi qu’en rattrapage.
220 En 2018, Médiamétrie, Global TV 2018 sur la cible des individus de 4 ans et plus équipés d’un téléviseur en France métropolitaine.
221 Médiamat Annuel 2018 du 31 décembre 2018, Médiamétrie.
222 CSA, selon les données de Médiamétrie.
223 CSA, selon les données de Médiamétrie.
224 Communiqué de presse de Médiamétrie sur l’année TV 2018 « Médiamat Annuel 2018 », en date du 31 décembre 2018.
225 Communiqué de presse de Médiamétrie sur l’année TV 2018 « Médiamat Annuel 2018 », en date du 31 décembre 2018.
226 CSA, selon les données de Médiamétrie.
227 Harris interactive et NPA SVOD Bilan 2018 & Perspectives 2019, 30 janvier 2019.
228 Les Echos, « Netflix, « cinquième » chaîne en prime time », Marina Alcaraz, 30 janvier 2019.
229 Si le coût des grilles pourrait également servir d’indice à l’appréciation de la substituabilité entre les chaînes, les coûts présentés ne sont pas ventilés par chaîne mais fournis par groupe, ce qui rend complexe la prise en compte de ces éléments.
230 Extrait du document de référence de TF1 : https://www.groupe-tf1.fr/sites/default/files/pdf- financiers/document_de_reference_2018_tf1.pdf
231 M6, document de référence 2018 https://www.groupem6.fr/finance/information-reglementee/rapports/
232 Rapport annuel de France Télévisions, 2017 https://www.francetelevisions.fr/sites/default/files/pdf/2018/07/15/RA2017_volet%20financier.pdf
233 Les développements dans cet avis sont à l’exclusion des chaînes diffusées en langue étrangère dont les conventions diffèrent des conventions des chaînes diffusées en langue française.
234 Strictement limité au « service antenne » par satellite et au « service antenne » sur les réseaux câblés de distribution collective.
235 Qui comprend une obligation d’interopérabilité technique des décodeurs et précise la numérotation des chaînes de la TNT nationale gratuite.
236 France Télévisions (France 2, France 3, France 4, France 5, franceinfo :, et France Ô), Arte, TV5 Monde et La Chaîne Parlementaire.
241 Page 9, CSA, « Observatoire de l’équipement audiovisuel des foyers de France métropolitaine », T3 et T4 2018.
242 Les FAI eux-mêmes expliquent la procédure à suivre. Par exemple Orange, sur son site internet, consulté le 1er juillet 2019 https://assistance.orange.fr/tv-decodeur/tous-les-decodeurs/installer-et-utiliser/brancher-ou-debrancher-votre- materiel/le-decodeur/decodeur-livebox-play-raccorder-votre-antenne-tnt_206478-750304
243 En moyenne en 2018 avec 27,60 % des audiences en moyenne pour le groupe TF1 et 13,30 % des audiences en moyenne pour le groupe M6, sur les foyers équipés d’un téléviseur. CSA, selon les données de Médiamétrie.
244 Les abonnés conquis par l’offre « Premium » pourraient générer des recettes supplémentaires, par exemple liées à une transformation de certains abonnements en offre « Intégrale » ou en raison de la valorisation des données collectées. Ces recettes supplémentaires ne semblent cependant pas non plus d’une ampleur suffisante pour permettre de rentabiliser une stratégie de verrouillage.
245 Réponse de Netflix au questionnaire du CSA.
246 En 2018, selon la lettre aux actionnaires de Netflix, chiffres du dernier trimestre 2018.
247 Version en vigueur du 1er novembre 2017.
248 Annexe du groupe TF1 à la notification du projet Salto à l’Autorité de la concurrence.
249 Baromètre annuel du CNC publié le 17 avril 2019. Les résultats portent sur les services de 23 chaînes (dont 18 nationales).
250 Page 2, Baromètre de la TVR CNC d’avril 2019. Les résultats portent sur 1 000 internautes âgés de 15 ans et plus.
251 Médiamétrie, Global TV 2018.
252 Harris interactive et NPA SVOD Bilan 2018 & Perspectives 2019, 30 janvier 2019.
253 Article 6.1.2, page 9, du Protocole ferme d’Accord en date du 26 juillet 2018. Annexe des Mères à la notification du projet Salto à l’Autorité de la concurrence.
254 Notification formelle à l’Autorité de la concurrence, p. 54.
255 Notification formelle à l’Autorité de la concurrence, p. 63.
256 Ibid.
257 Selon le SRI, en 2016, la publicité « search » demeure la première source de revenus, avec 1 893 millions d’euros de chiffre d’affaires, ce qui représente 55 % des revenus générés sur le marché français de la publicité sur internet et un taux de croissance de 4,3 % (Chiffre issu de la 17ème édition de l’Observatoire de l’e-pub du SRI pour 2016).
258 Chiffre issu de la 19ème édition de l’Observatoire de l’e-pub du SRI pour l’année 2017.
259 Article 2.2. (ii) du Protocole d’Accord en date du 26 juillet 2018. Annexe des Mères à la notification du projet Salto à l’Autorité de la concurrence.
260 Notification formelle à l’Autorité de la concurrence, p.61.
261 Aux termes de l’article 9 du décret du 27 mars 1992261 : « La publicité clandestine est interdite. Pour l'application du présent décret, constitue une publicité clandestine la présentation verbale ou visuelle de marchandises, de services, du nom, de la marque ou des activités d'un producteur de marchandises ou d'un prestataire de services dans des programmes, lorsque cette présentation est faite dans un but publicitaire ».
262 CSA, « Observations relatives à la promotion croisée entre médias audiovisuels », en date du 3 janvier 2019.
263 Concentration dont, conformément à l’article L. 430-1 du code de commerce, la création d’une entreprise commune accomplissant de manière durable toutes les fonctions d’une entité économique autonome est constitutive.
264 Arnaud Lecourt, « Groupe de sociétés », Répertoire de droit des sociétés, mars 2015 (actualisation janvier 2018).
265 L’appréciation pourrait dépendre de la nature exacte du message.
266 Données issues du communiqué de presse de Médiamétrie.
267 66 992 699 habitants au 1er janvier 2019 selon l’Insee.
268 58 364 000 de téléspectateurs selon le communiqué de presse de Médiamétrie pour l’année 2018.
269 Sachant cependant que tous les téléspectateurs exposés à une chaîne ne seront pas nécessairement exposés à la promotion de Salto sur la chaîne.
270 Annexe des Mères à la notification du projet Salto à l’Autorité de la concurrence.
271 Si la méthodologie ne permet pas de vérifier qu’il s’agit des seules annonces relatives à Amazon Prime, l’étude permet d’observer que la seule série Deutsch-Les-Landes a représenté un investissement publicitaire de plus de 3 millions d’euros sur le mois.
272 Les accords interprofessionnels conclus par les groupes TF1 et France Télévisions prévoient des clauses dans lesquelles ces groupes s’engagent à conclure des contrats distincts lorsqu’ils acquièrent conjointement des droits linéaires et des droits non linéaires.
273 La mise en œuvre de cette faculté aurait cependant été difficile (quelle part des investissements dans la production d’œuvres audiovisuelles EOF de Salto affecter à chacune des Mères, afin que ces dernières puissent les mutualiser avec les dépenses de production de leurs autres services ?).
274 Décision n° 10-DCC-11 du 26 janvier 2010 relative à la prise de contrôle exclusif par le groupe TF1de la société NT1 et Monte-Carlo Participations (groupe AB), §301 à 308.
275 Décision n° 10-DCC-11 du 26 janvier 2010 relative à la prise de contrôle exclusif par le groupe TF1de la société NT1 et Monte-Carlo Participations (groupe AB), §567 à 575.