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Décisions

Cass. 3e civ., 16 février 2022, n° 20-23.237

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Teiller

Rapporteur :

Mme Greff-Bohnert

Avocat :

SCP Richard

Grenoble, du 6 octobre 2020

6 octobre 2020

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 6 octobre 2020), M. [I] et Mme [R] ont vendu à M. [D] (l'acquéreur) plusieurs lots de copropriété sous la condition suspensive d'obtention d'un prêt.

2. N'ayant pas obtenu le financement sollicité, l'acquéreur a indiqué aux vendeurs exercer le droit de rétraction prévu par l'article L. 271-1 du code de la construction et de l'habitation.

3. M. [I], refusant à l'acquéreur un tel droit en raison de sa qualité de professionnel de l'immobilier, l'a assigné aux fins du constat de la défaillance de la condition suspensive en raison de son fait personnel et en paiement d'une somme au titre de la clause pénale.

4. Mme [R] est intervenue à l'instance aux côtés de M. [I] et a conclu dans les mêmes termes que celui-ci.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches

Enoncé du moyen

5. L'acquéreur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer une somme au titre de la clause pénale, alors :

« 1°/ que pour tout acte ayant pour objet l'acquisition d'un immeuble à usage d'habitation, l'acquéreur non professionnel peut se rétracter dans un délai de sept jours à compter du lendemain de la première présentation de la lettre lui notifiant l'acte ; que la nature d'immeuble à usage d'habitation doit s'apprécier à la date de signature du compromis de vente, peu important la destination que l'acquéreur envisage de conférer à l'immeuble ultérieurement ; qu'en se fondant néanmoins, pour décider que l'immeuble ayant fait l'objet de la promesse synallagmatique de vente n'avait pas la nature d'un immeuble à usage d'habitation et en déduire que Monsieur [D] ne disposait pas d'une faculté de rétractation, sur le fait que ce dernier envisageait de l'affecter à un usage de bureaux, la cour d'appel, qui a pris en compte l'éventuelle destination future de l'immeuble et non son usage au jour de la signature du compromis de vente, a violé l'article L. 271-1 du code de la construction et de l'habitation, dans sa rédaction applicable à la cause ;

2°/ que, pour tout acte ayant pour objet l'acquisition d'un immeuble à usage d'habitation, l'acquéreur non professionnel peut se rétracter dans un délai de sept jours à compter du lendemain de la première présentation de la lettre lui notifiant l'acte ; qu'un marchand de biens, qui acquiert un immeuble pour son usage personnel dans un contexte extérieur à son activité professionnelle, est un acquéreur non professionnel ; qu'en déduisant néanmoins la qualité d'acquéreur professionnel de M. [D] de la circonstance que sa profession de promoteur était mentionnée dans le compromis de vente et qu'il s'était substitué à la vente une société dont il était le gérant et dont l'objet social était notamment l'activité de marchand de biens, la cour d'appel, qui n'a relevé aucun élément liant la transaction, à la date de la promesse de vente, à l'activité professionnelle de l'acquéreur, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 271-1 du code de la construction et de l'habitation, dans sa rédaction applicable à la cause. »

Réponse de la Cour

6. La cour d'appel, ayant constaté, par motifs propres et adoptés, que l'acquéreur avait mentionné dans l'avant-contrat sa profession de promoteur, qu'il s'était substitué à la vente une société, dont il était le gérant et dont l'activité était celle d'un marchand de biens, et qu'il recherchait des bureaux pour y installer son entreprise.

7. Ayant ainsi relevé des éléments reliant la transaction à l'activité professionnelle de l'acquéreur, à la date de la promesse de vente, elle en a déduit, à bon droit, que celui-ci ne pouvait pas bénéficier des dispositions de l'article L. 271-1 du code de la construction et de l'habitation et a légalement justifié sa décision.

Sur le moyen, pris en ses troisième, quatrième et cinquième branches

Enoncé du moyen

8. L'acquéreur fait le même grief à l'arrêt, alors :

« 3°/ que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office, sans avoir préalablement invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en relevant néanmoins d'office, sans avoir préalablement invité les parties à présenter leurs observations, le moyen tiré de ce que M. [D] n'avait pas déposé de demande de prêt dans le délai contractuel de dix jours stipulé au compromis de vente, pour en déduire que le défaut d'obtention d'un prêt était la conséquence de la passivité et de la négligence de l'acquéreur, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

4°/ que la condition suspensive n'est réputée accomplie que si celui qui y avait intérêt en a empêché l'accomplissement ; que le bénéficiaire d'une promesse synallagmatique de vente sous condition suspensive de l'octroi d'un prêt immobilier régi par le code de la consommation ne peut être contraint de déposer la demande de crédit dans un certain délai ; qu'en décidant néanmoins que Monsieur [D] justifiant uniquement avoir déposé une seule demande de prêt au nom de la société Isis postérieurement au délai de dix jours stipulé au compromis, il n'avait pas respecté son obligation contractuelle et il s'était privé de la possibilité de présenter, dans le délai contractuel, une nouvelle demande de prêt avec de meilleures garanties ou auprès d'un autre établissement bancaire en son nom ou celui de la personne morale qu'il s'était substituée, pour en déduire que la condition suspensive tirée de l'octroi du prêt immobilier devait être réputée accomplie, la cour d'appel a violé l'article L. 312-16 du code de la consommation, ensemble l'article 1178 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 ;

5°/ que la condition suspensive n'est réputée accomplie que si celui qui y avait intérêt en a empêché l'accomplissement ; que la substitution d'un tiers dans le bénéfice d'une promesse synallagmatique de vente constitue une cession de contrat, emportant transfert au substitué de toutes les obligations nécessaires à la réalisation des conditions suspensives stipulées au contrat ; qu'en décidant néanmoins que Monsieur [D] n'ayant pas sollicité personnellement l'obtention d'un prêt conforme aux stipulations de la promesse synallagmatique de vente conclue sous condition suspensive d'octroi d'un prêt immobilier, seule la société Isis, qu'il s'était substitué, ayant déposé une demande de financement rejetée par l'établissement bancaire, pour en déduire que la condition suspensive d'octroi du prêt immobilier devait être réputée accomplie, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1178 du code civil, dans leurs rédactions antérieures à l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016. »

Réponse de la Cour

9. La cour d'appel a relevé, abstraction faite de motifs surabondants, que le caractère tardif de l'unique demande de prêt, présentée seize jours seulement avant l'expiration du délai contractuel de réalisation de la condition suspensive, avait privé l'acquéreur de la possibilité de présenter, dans le délai contractuel, une nouvelle demande avec de meilleures garanties ou auprès d'un autre établissement bancaire en son nom ou celui de la personne morale qu'il s'était substituée.

10. Elle a pu en déduire que la non-obtention du prêt était la conséquence de la passivité et de la négligence de l'acquéreur.

11. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. [D] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [D] ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize février deux mille vingt-deux.