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Décisions

Cass. com., 5 février 2008, n° 04-19.861

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Favre

Avocats :

Me Le Prado, SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, SCP Thomas-Raquin et Bénabent

Grenoble, du 18 déc. 2003

18 décembre 2003

Sur les deux moyens du pourvoi principal et le moyen du pourvoi incident, réunis :

Attendu, selon l'arrêt déféré (Grenoble, 18 décembre 2003), que la société Relux ayant été mise en redressement judiciaire, le tribunal a, le 19 décembre 1995, arrêté un plan de cession au profit d'une société Relux et developpements et d'une société MMP, à constituer entre MM. Y..., Z... et X..., et donné acte aux "cessionnaires" de leur engagement d'apporter en compte courant une somme de 6 000 000 francs et ce, suivant une offre de reprise du 14 novembre 1995, modifiée le 4 décembre 1995, adressée à l'administrateur par M. A..., avocat ; que la société Relux et développements a été mise en redressement puis liquidation judiciaires, la SCP Belat et Desprat étant désignée liquidateur ; que le liquidateur a assigné en paiement MM. Y..., Z... et X..., qui n'avaient pas apporté en compte courant la somme litigieuse ;

Attendu que MM. X... et Y... font grief à l'arrêt d'avoir dit qu'ils avaient pris personnellement, ainsi que M. Z..., l'engagement d'apporter en compte courant une somme de 6 000 000 francs, alors, selon le moyen :

1°) qu'en écartant d'office les courriers produits par M. X... et établissant que M. A... n'avait jamais été son avocat, ni au cours de la préparation du plan de cession, ni lors de l'homologation de celui-ci par le tribunal sans provoquer les observations préalables des parties sur ce point -ce qui aurait notamment pu permettre à M. X... d'obtenir de M. A... qu'il lui adresse directement un courrier attestant qu'il n'avait jamais été son avocat à aucun moment de la procédure-, la cour d'appel s'est déterminée par un moyen non soumis au débat contradictoire en violation de l'article 16 du code de procédure civile ;

2°) que l'article 34 de la loi du 11 février 2004 ayant modifié la rédaction de l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971, celui-ci dispose désormais que le secret professionnel ne s'attache plus aux correspondances échangées entre avocats dès lors qu'elles portent la mention "officielle" ; que cette disposition nouvelle de procédure est applicable aux instances en cours, y compris devant la Cour de cassation, dans la mesure où elle répond à d'impérieux motifs d'intérêt général, étant notamment destinée à rétablir des conditions d'exercice normal de la profession d'avocat ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a écarté les courriers échangés entre M. A... et les avocats respectifs de MM. Y... et X... -courriers qui portaient la mention "officielle"- en se fondant sur l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 dans sa version issue de la loi du 7 avril 1997 ; qu'ainsi, l'arrêt se trouve privé de fondement juridique par application rétroactive de l'article 34 de la loi du 11 février 2004 ;

3°) qu'à supposer même que l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971, dans sa version antérieure à la loi du 11 février 2004, soit applicable au litige, le secret professionnel ne s'attache en tout état de cause qu'aux correspondances échangées entre avocats adverses relativement au litige qui oppose leurs clients respectifs ; qu'en écartant d'office les courriers adressés par M. A... – qui n'assiste ou ne représente aucune des parties à la présente procédure- aux conseils respectifs de MM. X... et Y..., la cour d'appel a méconnu le champ d'application de l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971, modifié par la loi du 7 avril 1997, et violé ce texte ;

4°) que l'offre définitive de rachat de la société Relux, en date du 4 décembre 1995, spécifiait expressément que cette reprise était «proposée par MM. Y... et B... le cadre d'un plan de redressement par voie de cession des établissements Relux» ; qu'en retenant cependant que cette offre aurait également été déposée au nom de M. X..., la cour d'appel en a dénaturé les termes clairs et précis en violation de l'article 1134 du code civil ;

5°) qu'en relevant que M. X... était expressément désigné comme «repreneur» par l'offre de rachat du 4 décembre 1995, cependant que celle-ci le mentionnait uniquement comme l'un des trois «associés fondateurs d'une société anonyme Relux et développements», seule visée, en tant que société candidate à la reprise de la société Relux, par le terme de «repreneur», la cour d'appel a derechef dénaturé cet acte en violation de l'article 1134 du code civil ;

6°) que l'avocat ne peut être réputé avoir reçu pouvoir spécial d'émettre des offres au nom de son client que si l'existence même de son mandat de représentation en justice n'est pas contestée ; qu'en l'espèce, M. X... faisait valoir qu'il ressortait tant des courriers rédigés au cours de la phase préparatoire du plan de cession que des mentions du jugement du tribunal de commerce du 19 décembre 1995, que M. A... ne s'était présenté à aucun moment de la procédure comme étant son avocat, ce qui établissait l'absence de tout mandat de représentation en justice ; qu'en décidant pourtant que M. X... était tenu par l'offre de rachat de la société Relux faite par M. A..., sans caractériser l'existence d'un mandat de représentation en justice donné par M. X... à M. A..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 416 et 417 du code de procédure civile ;

7°) que seules les personnes qui ont effectivement agi au nom d'une société en formation sont tenues par les actes ainsi accomplis ; qu'en conséquence le seul fait de participer à la formation d'une société en qualité d'associé fondateur ne peut suffire pour être engagé par les actes réalisés au nom de la future société par les autres associés ; qu'en particulier, l'offre de reprise d'une société en redressement judiciaire faite par deux des trois associés fondateurs d'une société en formation ne saurait engager le troisième, en l'absence de toute manifestation de volonté de celui-ci ; qu'en l'espèce, pour décider que M. X... était l'un des coauteurs de l'offre d'achat litigieuse, la cour d'appel s'est déterminée au regard de sa seule qualité d'associé fondateur de la société en formation devant être constituée pour la reprise de la société Relux, sans rechercher si M. X... avait personnellement agi ou donné mandat de le faire ; qu'en statuant ainsi, elle a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 210-6 du code de commerce ;

8°) que la qualification d'offre juridique suppose l'existence d'une proposition à la fois ferme et précise ; qu'une proposition dépourvue de l'un de ces caractères ne peut en conséquence engager son auteur ; qu'en retenant en l'espèce que le plan de financement sur trois ans transmis à l'administrateur judiciaire, concomitamment à l'offre de reprise, valait « offre d'apport de trésorerie» de la part des associés fondateurs, sans rechercher, ainsi que l'y invitaient pourtant les conclusions de M. X..., si cette proposition n'était pas dénuée de tout caractère ferme et précis, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1109 du code civil ;

9°) qu'un jugement de donné acte ne peut créer aucun droit ni constituer aucun titre au profit ou à l'encontre de l'une des parties ; qu'en retenant cependant qu'en donnant acte aux cessionnaires de leur prétendu engagement d'apporter en compte courant une somme de six millions de francs, le tribunal aurait consacré l'existence d'une offre d'apport en trésorerie valant engagement unilatéral, cependant qu'aucune offre ferme et précise n'avait en tout état de cause été émise en ce sens, la cour d'appel a violé l'article 1109 du code civil ;

10°) que si l'offre peut être qualifiée d'engagement unilatéral lorsque le pollicitant s'est obligé à la maintenir pendant un certain délai, exprès ou tacite, elle n'en devient pas moins caduque lorsque aucune acceptation n'est intervenue à l'expiration de ce délai ; qu'en décidant en l'espèce que l'offre d'apport en trésorerie litigieuse était un engagement unilatéral de nature à lier les trois associés fondateurs de la société Relux et développement, tout en relevant pourtant que cette offre était «destinée à couvrir les besoins immédiats de trésorerie de la nouvelle société» et qu'elle n'avait jamais été acceptée par celle-ci, ce dont il résultait nécessairement qu'elle devait être déclarée caduque du fait de l'expiration du délai tacite d'acceptation qu'elle contenait, la cour d'appel a refusé de tirer les conséquences légales de ses propres constatations et violé de nouveau l'article 1109 du code civil ;

11°) que l'offre de reprise dont les mentions constituent la limite des engagements du candidat repreneur, doit contenir les prévisions d'activité et de financement ; qu'en décidant que le plan de financement reproduit dans le rapport de l'administrateur judiciaire au tribunal faisait partie intégrante de l'offre de reprise, la cour d'appel a violé l'article L. 621-85 du code de commerce ;

12°) qu'un "donné acte" ne peut créer aucun droit ni constituer un titre au profit de quiconque ; qu'en considérant qu'en donnant acte aux "cessionnaires" de leur engagement "d'apport en compte courant d'une somme de 6 000 000 francs bloquée pendant trois ans", le tribunal a rappelé que cette avance était une des modalités du plan de cession et une condition de son homologation, la cour d'appel a violé l'article 1351 du code civil ;

Mais attendu qu'analysant le jugement ayant arrêté le plan de cession et appréciant sa portée au regard de l'offre de reprise, du rapport de l'administrateur et du plan de financement annexé à celui-ci, l'arrêt , après avoir constaté que, selon ce jugement, MM. Y..., Z... et X... étaient les auteurs de l'offre de reprise en qualité d'associés fondateurs des sociétés à constituer et que si l'offre de reprise ne contenait aucun engagement d'apport en compte courant en sus du prix de cession, le plan de financement transmis à l'administrateur judiciaire faisait expressément état, au titre du premier exercice, de ressources en compte courant à concurrence de 6 000 000 francs, retient que l'engagement d'apport en compte courant a été pris par les associés qui étaient tenus de l'exécuter conformément aux dispositions de l'article L. 621-63 du code de commerce dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises et qu'à défaut de tout recours exercé à l'encontre du jugement ayant arrêté le plan de cession, les repreneurs sont irrecevables à contester les conditions dans lesquelles le plan de cession a été arrêté et plus particulièrement à soutenir que des charges autres que les engagements souscrits leur auraient été imposées ; que par ces seuls motifs, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de se livrer à des recherches que ses constatations rendaient inopérantes, a, sans dénaturation, légalement justifié sa décision ; que le moyen, qui n'est pas fondé dans ses quatrième, cinquième, onzième et douzième branches, ne peut être accueilli pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois principal et incident.