CA Angers, ch. com. A, 22 novembre 2022, n° 18/00280
ANGERS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Défendeur :
Société Générale (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Corbel
Conseillers :
Mme Robveille, M. Benmimoune
Avocats :
Me Gauvin, Me Tabohout, Me Vansteeger
FAITS ET PROCÉDURE
Le 22 janvier 2014 la SA Société générale a consenti un prêt professionnel d'un montant de 35 000 euros à la SARL Crémerie GB au taux d'intérêt annuel de 3,90 % remboursable en 59 mensualités de 652,87 euros.
Par acte sous seing privé du même jour, M. [M] [W] et Mme [K] [C], cogérants de la société Crémerie GB, se sont portés cautions solidaires du remboursement de ce prêt dans la limite d'un montant global de 6 825 euros et de 50 % de toute somme due au titre de l'obligation garantie, couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard, pour une durée de 7 ans.
Le 23 mai 2014, la SA Société générale a consenti un prêt d'un montant de 16 000 euros à la SARL Crémerie GB, destiné à l'acquisition d'un véhicule à usage professionnel, au taux d'intérêt de 3,80 % remboursable en 60 mensualités de 293,22 euros. Par acte sous seing privé du même jour, M. [W] et Mme [C] se sont également portés cautions solidaires du remboursement de ce prêt dans la limite de la somme globale de 10 400 euros et de 50% de toute somme due au titre de l'obligation garantie, couvrant le paiement du principal, des intérêts et le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard, pour une durée de 7 ans.
En avril 2015, la SARL Crémerie GB a cessé de payer les échéances des deux prêts.
Par jugement rendu le 14 avril 2015, le tribunal de commerce du Mans a ouvert une procédure de liquidation judiciaire simplifiée à l'égard de la SARL Crémerie GB, clôturée pour insuffisance d'actifs le 16 février 2016.
Par lettre recommandée avec avis de réception du 16 juin 2015, la SA Société générale a procédé à la déclaration de ses créances à hauteur de la somme de 26 812,19 euros au titre du premier prêt et de 13 971,63 euros pour le second.
Par lettres recommandées du 18 juin 2015, la SA Société générale a mis en demeure Mme [C] et M. [W], en leur qualité de caution solidaire, de lui régler les sommes de 6 825 euros au titre du premier cautionnement et de 10 400 euros au titre du second.
Par acte d'huissier délivré le 4 septembre 2017 en application des dispositions de l'article 659 du code de procédure civile, la SA Société générale a fait assigner en paiement M. [W] et Mme [C] devant le tribunal de commerce du Mans.
Par un jugement réputé contradictoire rendu le 22 décembre 2017, le tribunal de commerce du Mans a :
- condamné M. [W] et Mme [C] à payer à la SA Société générale la somme de 6 825 euros au titre de leurs engagements de caution du 22 janvier 2014 avec intérêts et taux contractuel majoré de 7,90 % par an et avec capitalisation annuelle jusqu'à complet paiement,
- condamné M. [W] et Mme [C] à payer à la SA Société générale la somme de 10 400 euros au titre de leurs engagements de caution du 23 mai 2015 avec intérêts et taux contractuel majoré de 7,80 % par an avec capitalisation annuelle, jusqu'à complet paiement,
- condamné M. [W] et Mme [C] à payer à la SA Société générale la somme de 350 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement,
- condamné M. [W] et Mme [C] aux entiers dépens.
Par déclaration reçue au greffe le14 février 2018, M. [W] et M. [C] ont interjeté appel de l'ensemble des dispositions du jugement, intimant la SA Société générale.
Mme [C] et M. [W] demandent à la cour d'appel :
- d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions,
statuant à nouveau,
In limine litis,
- de prononcer la nullité de l'assignation du 4 septembre 2017 et toute la procédure subséquente, notamment le jugement du tribunal de commerce du Mans du 22 décembre 2017,
- de décharger M. [W] et Mme [C] des condamnations prononcées à leur encontre,
Sur le fond, si la nullité de l'assignation et du jugement n'était pas prononcée,
A titre principal,
- de déclarer et juger nuls les engagements de cautionnement du 22 janvier et 23 mai 2014 et débouter la SA Société générale de ses demandes en paiement fondées sur ces actes,
- de débouter la SA Société générale de l'ensemble de ses demandes,
- de les décharger des condamnations prononcées à leur encontre,
- de condamner la SA Société Générale à leur payer les sommes suivantes à titre de dommages et intérêts :
A titre principal,
- 6 825 euros majorée des intérêts au taux contractuel de 7,90%, à compter de la mise en demeure du 18 juin 2015 pour le 1er crédit en date de janvier 2014,
- 10 400 euros majorée des intérêts au taux contractuel de 7,80%, à compter du 18 juin 2015, pour le 2nd crédit en date de mai 2014,
A titre subsidiaire, à 80% de ces sommes,
- d'ordonner à la SA Société générale de produire un décompte rectifié, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du prononcé de la décision,
- d'ordonner le cas échéant la compensation judiciaire entre les créances des parties ;
- de condamner la SA Société générale à leur verser la somme de 3 500 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens,
A titre subsidiaire,
- de juger que les clauses relatives au calcul des intérêts sur une année lombarde sont nulles,
- de juger en conséquence qu'ils sont fondés à solliciter que du montant des créances réclamées par la banque soient déduites les intérêts versés et excédant le taux d'intérêt légal,
- d'ordonner à la SA Société générale de produire un décompte rectifié, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du prononcé de la décision,
- de leur accorder un délai de paiement afin de permettre le rééchelonnement de la dette sur une période de 24 mois,
En tout état de cause,
- de débouter la SA Société générale de l'ensemble de ses demandes,
- de condamner la SA Société générale à leur verser la somme de 3.500 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
La SA société générale demande à la cour d'appel de :
- de prononcer l'irrecevabilité des conclusions et pièces d'appelants n°2 pour tardiveté et déloyauté,
- à titre subsidiaire, d'ordonner le rabat de l'ordonnance de clôture, et dire recevables les conclusions communiquées postérieurement à la clôture par la SA Société générale,
- d'interdire à M. [W] de se prévaloir de la nullité de son engagement de caution fondée sur la rédaction de la mention manuscrite,
- de débouter M. [W] et Mme [C] de toutes leurs demandes,
- de confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce du Mans en toutes ses dispositions,
- de condamner M. [W] et Mme [C] à lui payer la somme de 6 825 euros sur le fondement de leurs engagements de caution du 22 janvier 2014 et la somme de 10 400 euros sur le fondement de leurs engagements de cautions du 23 mai 2015 outre pour chacune les intérêts au taux contractuel majoré avec capitalisation annuelle,
- de condamner solidairement M. [W] et Mme [C] à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- de les condamner solidairement aux entiers dépens.
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 954 du code de procédure civile, à leurs dernières conclusions respectivement déposées au greffe,
- le 17 juin 2022 pour M. [W] et Mme [C],
- le 21 juin 2022 pour la SA Société générale.
Une ordonnance du 5 septembre 2022 a clôturé l'instruction de l'affaire.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A titre liminaire, il convient d'observer que, si la SA Société générale sollicite de la cour d'appel, dans le corps de ses dernières écritures, qu'elle ordonne la radiation de l'affaire en application de l'article 526 du code de procédure civile, cette prétention n'est pas reprise dans le dispositif de ses dernières conclusions de sorte que la cour ne s'en trouve pas saisie en application de l'article 954, alinéa 3, du code de procédure civile, étant observé que ce pouvoir n'appartient au demeurant qu'au premier président ou au conseiller de la mise en état, lequel a d'ailleurs rejeté cette demande par ordonnance rendue le 17 janvier 2019.
Sur la demande tendant à voir déclarer irrecevables les conclusions n°2 de l'appelante ou voir ordonner le rabat de l'ordonnance de clôture :
La clôture de l'instruction ayant été ordonnée le 5 septembre 2022, la SA Société générale a été en mesure de répondre aux conclusions des appelants notifiées le 17 juin 2022 par conclusions notifiées le 21 juin 2022.
Par suite, les demandes ainsi présentées se trouvent dépourvues d'objet.
Sur la demande de nullité de l'assignation du 4 septembre 2017 :
Mme [C] et M. [W] soutiennent que l'assignation délivrée le 4 septembre 2017 est nulle pour avoir été signifiée selon les modalités prévues par l'article 659 du code de procédure civile alors que l'huissier de justice ne justifie pas avoir procédé à des diligences suffisantes pour délivrer cet acte à leur domicile. A cet égard, ils reprochent à l'huissier de justice de ne pas avoir interrogé le voisinage et l'administration fiscale et relève que la SA Société générale connaissait en réalité leur nouvelle adresse pour leur avoir adressé une mise en demeure en date du 5 février 2018.
En réponse, la SA Société générale observe que l'huissier de justice a précisément détaillé les diligences entreprises pour rechercher l'adresse de Mme [C] et de M. [W] et que ces diligences suffisantes n'ont pas permis de la trouver de sorte que, selon elle, l'huissier a régulièrement signifié l'acte à leur dernière adresse connue en application de l'article 659 du code de procédure civile. Elle souligne que les appelants se sont volontairement abstenus de lui communiquer leur nouvelle adresse. Elle observe enfin que l'huissier de justice, étant exclusivement en charge de la délivrance d'une assignation, ne disposait pas du pouvoir d'interroger l'administration fiscale.
Aux termes de l'article 659 du code de procédure civile, lorsque la personne à qui l'acte doit être signifié n'a ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail connus, l'huissier de justice dresse un procès-verbal où il relate avec précision les diligences qu'il a accomplies pour rechercher le destinataire de l'acte. Le même jour ou, au plus tard, le premier jour ouvrable suivant, à peine de nullité, l'huissier de justice envoie au destinataire, à la dernière adresse connue, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, une copie du procès-verbal, à laquelle est jointe une copie de l'acte objet de la signification.
Il découle de ces dispositions que le procès-verbal de recherches infructueuses dressé par l'huissier de justice doit mentionner précisément les diligences accomplies dans le but de localiser les destinataires de l'acte à signifier.
En l'occurrence, dans les procès-verbaux de recherches infructueuses critiqués, l'huissier de justice indique s'être rendu à la dernière adresse connue des appelants « [Adresse 9]», y avoir constaté que les noms de M. [W] ou de Mme [C] ne figuraient pas sur la boîte aux lettres et n'avoir rencontré personne pour le renseigner. Il mentionne avoir contacté la mairie qui l'a informé que les destinataires n'habitaient plus à cette adresse depuis fin 2016 et n'en avaient pas communiqué une nouvelle. Il énonce ensuite avoir procédé à une recherche sur les «pages blanches » au nom des deux cautions. S'il indique que la recherche relative à Mme [C] n'a produit aucun résultat, il précise, concernant M. [W], avoir trouvé l'adresse « [Adresse 6] » ainsi qu'un numéro de téléphone, avoir tenté de joindre par deux fois ce dernier à ce numéro sans obtenir de réponse, s'être déplacé à l'adresse inscrite où le nom de M. [W] ne figurait pas sur la boîte aux lettres et avoir contacté la Mairie de [Localité 8] qui lui a alors répondu que M. [W] n'était pas connu. L'huissier de justice relève enfin que la SA Société générale ne disposait pas d'autre information et qu'il n'avait pas connaissance d'un éventuel employeur de Mme [C] et M. [W] de nature à lui permettre de poursuivre ses investigations.
Les diligences accomplies relatées précisément dans ces procès-verbaux montrent que l'huissier de justice a adopté une attitude active afin de localiser M. [W] et Mme [C], destinataires de l'assignation. Pour autant, l'huissier, qui n'a pas à diligenter une enquête, n'est pas tenu à une obligation de résultat de sorte que les diligences effectuées sont suffisantes. En effet, s'agissant de Mme [C], ce dernier s'est présenté à la dernière adresse connue, a constaté que cette dernière n'y habitait plus, que la mairie n'avait pu donner aucun renseignement sur l'intéressée partie depuis fin 2016 sans laisser d'adresse et que les recherches effectuées sur les 'pages blanches' dans le département de la Sarthe sont restées vaines. De même, concernant M. [W], l'huissier s'est présenté à la dernière adresse connue, a constaté que ce dernier n'y habitait plus, a contacté la mairie qui n'a pu lui donner aucun renseignement sur l'intéressé partie depuis fin 2016 sans laisser d'adresse et a tenté de localiser de manière certaine M. [W] à une autre adresse sans succès après s'y être déplacé, avoir constaté que le nom du destinataire ne figurait pas sur la boîte aux lettres, avoir cherché à joindre ce dernier sans succès au numéro de téléphone trouvé et s'être renseigné auprès de la mairie de [Localité 8] qui n'a pu lui confirmer que ce dernier résidait bien à cette adresse.
Il est donc vain pour les appelants de reprocher à l'huissier de justice de n'avoir pas contacté le voisinage et l'administration fiscale pour les localiser alors qu'il résulte de la combinaison des articles L.152-1 du code des procédures civiles d'exécution et L.151 A du livre des procédures fiscales que l'administration fiscale n'a l'obligation de communiquer les renseignements qu'elle détient permettant de déterminer l'adresse du débiteur, l'identité et l'adresse de son employeur ou de tout tiers débiteur ou dépositaire de sommes liquides ou exigible et la composition de son patrimoine immobilier qu'à l'huissier de justice chargé de l'exécution et porteur d'un titre exécutoire, ce qui n'était pas le cas en l'espèce, l'huissier instrumentaire n'étant chargé que de la délivrance de l'assignation.
Enfin, les appelants ne peuvent s'appuyer sur une mise en demeure délivrée le 5 février 2018 à leur nouvelle adresse par l'huissier de justice, alors en charge de l'exécution du jugement critiqué, pour démontrer que la SA Société générale avait connaissance de cette nouvelle adresse au jour de la délivrance de l'assignation du 4 septembre 2017.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que l'huissier de justice, qui a accompli des diligences suffisantes pour localiser les destinataires de l'acte, était fondé à le signifier à leur dernière adresse connue en application des dispositions de l'article 659 du code de procédure civile.
Partant, l'assignation litigieuse a été régulièrement signifiée de sorte que l'exception de procédure sera rejetée. Il n'y a donc pas lieu à annuler l'assignation du 4 septembre 2017 et le jugement rendu le 22 décembre 2017 par le tribunal de commerce du Mans.
Sur la demande de nullité du cautionnement
Pour voir annuler l'ensemble de leurs engagements de caution, M. [W] et Mme [C] invoquent, d'une part, la violation des dispositions de l'article L. 341-2 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable à l'espèce, et, d'autre part, l'existence d'un dol commis à leur détriment par le prêteur sur la portée de la garantie accordée par la société BPI France.
Sur la mention manuscrite :
Se fondant sur l'article L.341-2 du code de la consommation, les appelants exposent que toute caution personne physique doit écrire de sa main la mention prescrite, à peine de nullité de l'engagement. M. [W] conteste, du fait de la dyslexie dont il souffre, avoir rédigé lui-même les mentions manuscrites qui lui sont attribuées sur les actes de cautionnement des 22 janvier 2014 et 23 mai 2014, lesquelles sont identiques à celles rédigées par Mme [C] sur ces mêmes actes. Faisant valoir que l'exigence d'une mention manuscrite n'est pas une simple règle probatoire, ils en déduisent que le seul fait que M. [W] n'ait pas rédigé de sa main les mentions contestées suffit à emporter l'annulation de l'ensemble de leurs engagements de cautionnement.
En réplique, la SA Société générale explique que les actes de cautionnement communiqués comportent tous les mentions manuscrites prescrites par l'article L.341-2 du code de la consommation ainsi qu'une signature distincte, que M. [W] ne conteste pas avoir apposé lui-même, de sorte que leur validité ne saurait être remise en cause. Elle ajoute que, quand bien même M. [W] n'aurait pas écrit les mentions litigieuses de sa main, l'application de l'adage fraus omnia corrumpit interdit à ce dernier de se prévaloir de la nullité de ses engagements dans la mesure où il a sciemment fait recopier par un tiers la mention manuscrite obligatoire en matière de cautionnement.
Aux termes de l'article L.341-2 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016, applicable au litige, toute personne physique qui s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante, et uniquement de celle-ci : 'en me portant caution de X, dans la limite de la somme de X, couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de' je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X n'y satisfait pas lui-même'.
La mention manuscrite prévue par les dispositions précitées doit être, à peine de nullité, rédigée par la caution elle-même et non par une tierce personne.
La SA Société générale verse aux débats les actes de cautionnement conclus à son profit par M. [W] et Mme [C] les 22 janvier 2014 et 23 mai 2014, qui comportent, en dépit d'une simple erreur d'agrafage des mentions manuscrites attribuées à M. [W], laquelle n'a aucune incidence sur la validité des engagements de caution dans la mesure où le contenu des mentions permet de déterminer à quel cautionnement chacune d'elles se rattache, une mention manuscrite et une signature attribuée à chacune des cautions.
En premier lieu, il convient de relever que Mme [C] ne conteste pas avoir rédigé de sa main les mentions manuscrites qui lui sont attribuées et ne soutient pas que le contenu de ces mentions ne serait pas conforme aux dispositions précitées. Dans ces conditions, les cautionnements qu'elle a souscrits ne peuvent être annulés sur ce fondement.
En second lieu, M. [W] contestant avoir rédigé de sa main les mentions qui lui sont attribuées, il appartient à la cour d'appel de procéder à une vérification d'écritures en application des dispositions des articles 287 et 288 du code de procédure civile. Ce faisant, il ressort de la comparaison des quatre mentions manuscrites apposées sur les deux engagements de cautionnement que celles-ci sont en tous points identiques de sorte qu'elles ont été manifestement rédigées par une seule et même personne. Comme Mme [C] ne conteste pas avoir rédigé les mentions qui lui sont attribuées, il s'en déduit que c'est nécessairement elle qui a rédigé les mentions attribuées à M. [W].
Cependant, Il résulte du principe fraus omnia corrumpit que la fraude commise par la caution dans la rédaction des mentions manuscrites légales, prescrites à peine de nullité du cautionnement, notamment par l'article L. 341-2 du code de la consommation, interdit à cette dernière de se prévaloir de ces dispositions.
En l'occurrence, M. [W] ne conteste pas avoir apposé sa signature sur les deux actes de cautionnement, laquelle est identique à celles apposées sur les contrats de prêts cautionnés que ce dernier a signés en sa qualité de co-gérant de la SARL Crémerie GB, en dessous de la mention manuscrite qui lui est attribuée et qui fait suite à celle rédigée par Mme [C], sa compagne et co-gérante de la SARL Crémerie GB, en des termes identiques. Aussi, à deux reprises, en dépit des précisions données dans les actes, lesquels comportent deux pages, que M. [W] ne conteste pas avoir paraphé, ce dernier, qui ne pouvait donc ignorer l'importance de cette mention pour la validité du cautionnement, a fait rédiger les mentions contestées par sa compagne, au lieu d'y procéder lui-même ou d'informer le prêteur de son impossibilité d'y procéder par lui-même en raison de la dyslexie dont il dit souffrir, détournant ainsi sciemment le formalisme de protection dont il se prévaut désormais pour tenter de faire échec à la demande dirigée à son encontre par la SA Société générale. En agissant de la sorte, M. [W] a commis une faute intentionnelle dont il découle que ce dernier ne peut se prévaloir de la nullité de ses engagements.
Ce moyen est par conséquent voué à l'échec.
Sur le dol :
Se fondant sur les dispositions de l'article 1116 du code civil, Mme [C] et M. [W] soutiennent que le prêteur les a trompés en ne les informant pas de la portée réelle de la garantie qui lui a été accordée par la société BPI France et en les laissant légitimement croire que cette dernière prendrait en charge les incidents de paiement de la SARL Crémerie GB sans qu'ils soient recherchés en leur qualité de caution. Ils ajoutent que, mieux informés, ils n'auraient jamais accepté de se porter caution solidaire compte tenu de leurs faibles revenus.
La SA Société générale réplique que les éléments constitutifs du dol ne sont pas caractérisés soulignant que le contrat de prêt stipule expressément que la garantie consentie par la société BPI France a été prise à son seul profit et que les contrats de cautionnement précisent la portée exacte de l'engagement souscrit par les cautions. Elle en déduit que les cautions n'ont pas pu faire de cette garantie une condition déterminante et conteste avoir procédé à une quelconque manoeuvre ou rétention d'information.
Aux termes de l'article 1116 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté. Il ne se présume pas, il doit être prouvé.
Il en découle que le silence d'une partie dissimulant à son cocontractant un fait qui, s'il avait été connu de lui l'aurait empêché de contracter, constitue une manoeuvre dolosive.
En l'espèce, il n'est pas contesté que le contrat de crédit du 22 janvier 2014 et le contrat de crédit du 23 mai 2014 mentionnent, respectivement en leur article 20 et article 19, au titre des garanties accordées au prêteur la « garantie Bpifrance Financement SA au seul profit de la banque» à hauteur de 70 % de l'encours du prêt pour le premier contrat de prêt et de 50 % pour le second. Au titre des garanties, ces mêmes articles font état de la caution solidaire et personnelle de Mme [C] et de M. [W] à concurrence d'un montant respectivement de 6 825 euros et de 10 400 euros.
Les deux contrats de cautionnement litigieux stipulent que «la caution solidaire est tenue de payer à la banque ce que doit ou devra le cautionné au cas où ce dernier ne ferait pas face à ce paiement pour un motif quelconque. Dans la limite du montant de son engagement, la caution est tenue à ce paiement sans que la banque ait : - à poursuivre préalablement le cautionné, - à exercer des poursuites contre les autres personnes qui se seront portées caution du cautionné, la banque pouvant demander à la caution le paiement de la totalité de ce que lui doit le cautionné ». En outre, non seulement aucune référence à la garantie BPI France ne figure dans ces actes de cautionnement, mais il y ait [en outre] expressément indiqué dans leur article IX que 'le présent cautionnement s'ajoute ou s'ajoutera à toutes garanties réelles ou personnelles qui ont pu ou qui pourraient être fournies au profit de la banque par la caution, par le cautionné ou par tout tiers'.
Il résulte de ces éléments que les cautions ne démontrent pas la manoeuvre dolosive qu'aurait pratiquée le prêteur, ni l'erreur déterminante de leur consentement qu'elles auraient commises en s'engageant en qualité de caution solidaire alors qu'il ressort de l'ensemble des stipulations contractuelles que la garantie consentie par la société BPI France, laquelle ne couvrait pas la totalité de l'encourt des prêts, était exclusivement stipulée au profit de la banque, raison pour laquelle elle n'était pas évoquée dans les actes de cautionnement dont il ressortait tout aussi clairement que les engagements de caution s'ajoutaient, dans la limite d'une certaine somme, à toute autre garantie consentie par un tiers. Les cautions n'ont donc pu légitimement croire qu'elles ne seraient pas actionnées en paiement en cas de défaillance du débiteur principal auquel les prêts garantis ont été consentis pour lui permettre d'exercer son activité professionnelle et dont les cautions étaient co-gérantes.
Par suite, l'existence d'un dol n'étant pas démontrée, M. [W] et Mme [C] seront déboutés de leur demande tendant à voir annuler leurs engagements de caution conclus les 22 janvier 2014 et 23 mai 2014.
Sur la demande en paiement :
Pour s'opposer à la demande en paiement dirigée à leur encontre par le prêteur, les appelants invoquent la disproportion manifeste de leurs engagements de caution à leurs biens et revenus au jour de leur conclusion. Puis, afin de voir réduire les sommes restant dues au titre des intérêts, ils soulèvent la nullité de la clause relative aux intérêts en ce que celle-ci calcule les intérêts sur la base d'une année de 360 jours et non sur la base d'une année civile.
Sur la disproportion des cautionnements :
M. [W] et Mme [C] estiment que leurs engagements de cautions étaient manifestement disproportionnés à leurs biens et revenus au moment de leur conclusion et reprochent à la banque de ne pas avoir pris en compte leurs charges et revenus. Ils relèvent que, selon la fiche de renseignements produite par la banque, Mme [C] ne disposait d'aucun revenu ou patrimoine et avait un enfant à charge alors que M. [W] disposait d'un patrimoine évalué à la somme de 250 000 euros, lequel faisait l'objet d'une hypothèque et était en cours de financement à hauteur de la somme de 123 702,96 euros.
La SA Société générale répond que Mme [C] était en réalité propriétaire d'un patrimoine car elle était associée, avec M. [W], d'une société civile immobilière immatriculée au RCS de Chartres sous le n° 508 194 305 depuis le 23 septembre 2008. Elle prétend que Mme [C] ne prouve pas son absence de revenu au moment du cautionnement. Elle affirme enfin qu'il appartenait aux cautions de lui déclarer leurs charges, ce qu'elles n'auraient pas fait.
Aux termes de l'article L.341-4 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable aux cautionnements en cause, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de la conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.
Il en découle que le caractère manifestement disproportionné du cautionnement, qu'il incombe à la caution de rapporter, s'apprécie au jour où ce dernier est souscrit en tenant compte non seulement des revenus de la caution, mais aussi de tous autres biens formant son patrimoine, notamment ses immeubles et les parts sociales détenues dans le capital d'une société. De même, il doit être tenu compte de l'ensemble des obligations ou engagements incombant au débiteur au jour du cautionnement contesté.
M. [W] et Mme [C], qui se sont portés caution solidaire du débiteur principal, n'étant pas mariés, il convient d'examiner leur situation individuelle respective lors de la conclusion de chacun des cautionnements.
Lorsque la banque, exige une fiche de renseignement patrimoniale, cette dernière est en droit de se fier aux informations que la caution lui fournit en l'absence d'anomalie apparente interdisant à cette dernière d'établir que sa situation financière était en réalité moins favorable.
S'agissant de la situation patrimoniale de M. [W], si le prêteur verse aux débats une fiche de renseignements qu'aurait renseignée M. [W], force est de constater que ce document daté du 31 décembre 2013 n'est pas signé de sorte que ce dernier est fondé à établir la réalité de ses capacités financières au 22 janvier 2014 et 23 mai 2014.
M. [W] ne conteste pas qu'il se trouvait alors propriétaire, en son nom personnel, d'un immeuble évalué à la somme de 250 000 euros, hypothéqué et en cours de financement pour la somme de 123 703,13 euros au titre de trois prêts immobiliers.
Il est acquis que les biens grevés de sûretés, appartenant à la caution, doivent être pris en compte, leur valeur étant appréciée en déduisant le montant de la dette qui est garantie par ladite sûreté, évalué au jour de l'engagement de cette dernière.
Dans la mesure où il n'est pas démontré ni même soutenu par M. [W] que l'hypothèque considérée aurait été consentie au profit d'une autre personne que le prêteur ayant consenti les prêts immobiliers, il convient de fixer la valeur nette de l'immeuble à la somme de 126 296,87 euros.
M. [W] était aussi associé-gérant, avec Mme [C], de la SCI PARIO immatriculée depuis le 23 septembre 2008 dont le capital social était de 1 000 euros.
En outre, il ressort de l'avis d'imposition sur les revenus de l'année 2013 que M. [W] a perçu un revenu mensuel moyen de 1 594,41 euros et qu'il avait un enfant à sa charge.
Dans ces conditions, M. [W] ne justifiant l'existence d'aucun autre engagement financier au 22 janvier 2014, ce dernier ne démontre pas qu'il se trouvait eu égard à la valeur de son patrimoine immobilier et de ses revenus dans l'impossibilité manifeste de faire face, à cette date, à son engagement de caution consenti dans la limite de la somme de 6 825 euros.
M. [W] ne démontre pas que sa situation financière était substantiellement différente lors de la conclusion du cautionnement du 23 mai 2014, seul son revenu mensuel moyen ayant diminué en 2014 pour s'élever à la somme de 1137,16 euros, de sorte que, même en tenant compte du précédent engagement de caution, ce dernier ne rapporte pas la preuve de ce qu'il se trouvait dans l'impossibilité manifeste de faire face, à cette date, à son engagement de caution consenti dans la limite de la somme de 10 400 euros.
Partant, la SA Société générale est fondée à agir en paiement à l'encontre de M. [W] en exécution des engagements de caution litigieux.
S'agissant de la situation patrimoniale de Mme [C], la banque verse aux débats une fiche de renseignements datée du 31 décembre 2013 que la caution ne conteste pas avoir renseigné et signé sous la mention 'je certifie l'exactitude des renseignements ci-dessus', dont il ressort que cette dernière ne percevait alors aucun revenu, n'était titulaire d'aucun patrimoine mobilier et immobilier et avait un enfant à charge.
Dans la mesure où la SA Société générale, qui s'est nécessairement fondée sur cette fiche de renseignement pour accepter les cautionnements de Mme [C], ne soutient pas que cette dernière aurait dissimulé l'existence de revenus, il convient de considérer que la caution ne percevait aucun revenu à la date de la conclusion des deux cautionnements litigieux, étant observé qu'il ressort des éléments du dossier que Mme [C] n'a déclaré aucun revenu imposable au titre des années 2012 et 2015.
En revanche, il est démontré que Mme [C] était alors associée-gérante, avec M. [W], de la SCI PARIO immatriculée depuis le 23 septembre 2008, dont le prêteur demande à juste titre que la valeur des parts sociales soit prise en compte dans l'appréciation du patrimoine dont disposait alors la caution. Or, Mme [C] ne verse aucun élément de nature à déterminer la valeur de ces parts sociales.
Partant, Mme [C], sur laquelle pèse la charge de cette preuve, ne démontre pas qu'elle se trouvait dans l'impossibilité manifeste de faire face à ses engagements de caution conclus le 22 janvier 2014 et le 23 mai 2014 au regard des biens et revenus dont elle disposait à ces dates.
Il convient d'écarter le moyen tiré de la disproportion manifeste des engagements de caution invoqué par les appelants.
Sur la nullité de la clause relative aux intérêts :
S'appuyant sur les dispositions de l'article 2313 du code civil, les appelants soulèvent la nullité de la clause relative aux intérêts des deux prêts cautionnés soutenant que les intérêts sont calculés sur la base d'une année de 360 jours et non sur celle d'une année civile.
S'il est exact que l'erreur affectant le taux conventionnel, lorsque les intérêts sont calculés sur la base d'une année autre que l'année civile, peut être sanctionnée, ce n'est qu'à la condition que l'inexactitude du taux nominal résultant de cette erreur entraîne un écart supérieur à une décimale du taux effectif global stipulé par rapport au taux effectif global réel.
Pour autant, il appartient aux cautions qui invoquent l'exception inhérente à la dette tirée de l'irrégularité du calcul des intérêts, en ce qu'ils n'auraient pas été calculés sur la base d'une année civile, d'en rapporter la preuve. Or, force est de constater qu'en l'occurrence les appelants se contentent d'affirmer que la banque a calculé les intérêts sur la base d'une année de 360 jours sans produire le moindre élément de nature à étayer cette assertion. En outre, ils ne démontrent ni même ne font valoir que l'erreur invoquée aurait entraîné un écart supérieur à une décimale entre le taux effectif global stipulé et le taux effectif global réel.
Il n'y a donc pas lieu à déduire des créances dont le paiement est réclamé les intérêts versés excédant le taux d'intérêt légal ni d'enjoindre à la banque de produire sous astreinte un décompté rectifié.
Sur les sommes restant dues :
En application de l'article L. 643-1, alinéa 1er, du code de commerce, le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire rend exigibles les créances non échues.
La SA Société générale justifie avoir procédé, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 16 juin 2015, à la déclaration de sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la SARL Crémerie GB, ouverte le 14 avril 2015, pour la somme de 26 812,19 euros au titre du premier prêt et de 13 971,63 euros pour le second.
Le prêteur est donc fondé à réclamer le paiement de ses créances aux cautions, qui n'en contestent ni l'exigibilité ni le quantum, dès lors qu'il n'est pas démontré que le juge commissaire les aient rejetées.
Au vu des décomptes arrêtés au 20 juin 2017 produits par la SA Société générale les sommes restant dues s'élèvent à :
- 31 356,43 euros dont 26 310,16 euros au principal, 4 545,17 euros d'intérêts et 501,10 euros d'indemnité forfaitaire, au titre du prêt consenti le 22 janvier 2014,
- 16 331,45 euros dont 13 838 euros au titre du principal, 2 360,59 euros d'intérêts et 132,84 euros d'indemnité forfaitaire, au titre du prêt consenti le 23 mai 2014.
Les cautions s'étant engagées dans la limite de la somme de 6 825 euros en principal, intérêts et accessoires au titre du premier prêt et de celle de 10 400 euros au titre du second, il convient de les condamner à payer ces sommes.
En vertu des dispositions de l'article 2292 du code civil, le cautionnement ne peut être étendu au-delà des limites dans lesquelles il a été contracté.
Il en résulte que les cautions s'étant engagées, pour chacun des cautionnements, à hauteur d'une somme limitée couvrant tant le principal que les intérêts et intérêts et pénalités de retard éventuels, celles-ci ne peuvent être condamnées au-delà respectivement de la somme de 6 825 euros et de 10 400 euros et donc au paiement des intérêts au taux conventionnel majoré à compter de la mise en demeure que leur a délivré le prêteur.
Il convient en revanche de les condamner au paiement des intérêts légaux, au titre de leur engagement personnel, en application des dispositions de l'article 1153, alinéa 3, du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause, à compter du 18 juin 2015, date de la mise en demeure.
M. [W] et Mme [C] seront ainsi condamnés, en leur qualité de caution solidaire, à payer à la SA Société générale les sommes de :
- 6 825 euros outre les intérêts au taux légal à compter du 18 juin 2015, au titre du prêt consenti le 22 janvier 2014,
- 10 400 euros outre les intérêts au taux légal à compter du 18 juin 2015, au titre du prêt consenti le 23 mai 2014.
Conformément à l'article 1154, devenu 1343-2, du code civil, la capitalisation sera ordonnée pour les intérêts échus dus pour au moins une année entière à compter du 4 septembre 2017 date de la demande.
Le jugement sera infirmé en ce sens.
Sur la demande reconventionnelle en paiement de dommages et intérêts :
Mme [C] et M. [W] reprochent à la SA Société générale d'avoir manqué à son obligation de mise en garde lors de la conclusion des engagements de cautionnement du 22 janvier 2014 et du 23 mai 2014. Ils soulignent que leur jeune âge, leur absence d'expérience et de formation dans le domaine de la vente de produits laitiers étaient incompatibles avec la qualité de caution avertie que leur oppose le prêteur. Ils ajoutent que les prêts consentis à peine cinq mois après la création de la SARL Crémerie GB étaient inadaptés à leurs capacités financières et que l'opération financée était vouée à l'échec dès le départ, la société ayant déclaré son état de cessation des paiements à peine onze mois après la conclusion du second prêt.
En réplique, la SA Société générale fait valoir que la qualité de cautions averties de Mme [C] et M. [W] excluait tout devoir de mise en garde. A cet effet, elle précise que ces derniers avaient déjà eu une expérience significative en gestion de société. Elle indique que Mme [C] avait été vendeuse dans une crémerie sur un marché de 2004 à 2008 et exerçait cette activité au sein de la société Crémerie GB depuis octobre 2013. Elle expose enfin qu'elle n'avait pas à apprécier la viabilité du projet, sur laquelle elle ne disposait pas d'information plus importante que l'emprunteur.
Sur le fondement de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, la banque est tenue à un devoir de mise en garde à l'égard d'une caution non avertie lorsque, au jour de son engagement, celui-ci n'est pas adapté aux capacités financières de la caution ou lorsqu'il existe un risque d'endettement né de l'octroi du prêt garanti, lequel résulte de l'inadaptation du prêt aux capacités financières de l'emprunteur.
Il incombe à la banque de rapporter la preuve du caractère averti de la caution, lequel ne peut se déduire de la seule qualité de dirigeant de la caution.
La caution avertie est celle dont l'expérience et les compétences juridiques et financières lui ont permis d'appréhender le contenu, la portée et le risque pris en s'engageant en qualité de caution.
La société Crémerie GB, dont étaient co-gérants M. [W] et Mme [C], a été immatriculée le 27 août 2013 et a débuté son activité de crémerie, fromagerie, charcuterie le 1er septembre 2013 avec un capital social de 13 000 euros.
Il ressort des pièces versées aux débats que M. [W] et Mme [C] étaient également associés-gérants de la SCI PARIO immatriculée le 23 septembre 2008 et que M. [W] a exploité une entreprise de travaux de peintures et vitrerie en qualité d'artisan à partir de 2009 puis a exercé en qualité de gérant de l'EURL Peintures façades isolation jusqu'en novembre 2013. Il ressort en outre du curriculum vitae de Mme [C] que celle-ci a exercé en qualité de vendeuse dans une crémerie de 2004 à 2008.
Il résulte de ces éléments que M. [W] et Mme [C], gérants de sociétés depuis plusieurs années, et notamment de la SARL Crémerie GB depuis plus de 5 mois, dans la gestion administrative et financière de laquelle ils étaient très impliqués, ayant d'ailleurs tous deux signés les contrats de prêts du 22 janvier 2014 et 23 mai 2014 afin d'acquérir le matériel nécessaire au développement de leur activité, disposaient, au jour de la conclusion de leurs engagements de caution, de l'expérience des affaires et des compétences financières suffisantes pour apprécier le contenu, la portée et les risques d'endettement liés aux concours financiers souscrits par le débiteur principal, destinés à financer l'acquisition du matériel nécessaire à l'activité de leur société, lesquels ne présentaient aucune complexité particulière et en garantie desquels ils ont été en mesure de limiter leur engagement à une somme très inférieure aux montants empruntés ce qui montre leur connaissance du fonctionnement du cautionnement.
Dans ces conditions, Mme [C] et M. [W] doivent être considérés comme des cautions averties.
Or, lorsque la caution est avertie, la banque n'est tenue à un devoir de mise en garde à son égard que si cette dernière établit que la banque avait sur ses revenus, son patrimoine et ses facultés de remboursement raisonnablement prévisibles en l'état du succès escompté de l'opération cautionnée, des informations que la caution aurait ignorées.
En l'occurrence, les appelants ne soutiennent ni ne démontrent que le prêteur aurait disposé de telles informations.
Par suite, la banque n'était pas tenue à un devoir de mise en garde à leur égard de sorte que M. [W] et Mme [C] doivent être déboutés de leur demande de dommages et intérêts. Il n'y a donc pas lieu à enjoindre sous astreinte à la SA Société générale de communiquer un décompte rectifié ni à ordonner une compensation.
Sur la demande de délais de paiement
L'article 1343-5 du code civil autorise le juge à reporter ou échelonner, dans la limite de deux ans, le paiement des sommes dues, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier.
En l'espèce, outre l'ancienneté de la dette, la cour ne peut que relever que les appelants ne justifient aucunement de leur situation patrimoniale actuelle tant active que passive de nature à justifier des difficultés financières alléguées.
La demande d'octroi de délais de paiement ne peut dès lors qu'être rejetée.
Sur les demandes accessoires
M. [W] et Mme [C], parties perdantes, seront condamnés in solidum aux entiers dépens d'appel, les dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles et aux dépens étant confirmées.
L'équité commande de condamner in solidum ces derniers à verser à la SA Société générale une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
M. [W] et Mme [C] seront par conséquent déboutés de leur demande formée à ce titre.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant contradictoirement, par arrêt mis à disposition au greffe,
DECLARE sans objet les demandes tendant à voir déclarer irrecevables les conclusions n°2 des appelants pour tardiveté et de voir ordonner le rabat de l'ordonnance de clôture,
INFIRME le jugement sauf en ce qu'il a condamné M. [M] [W] et Mme [K] [C] au paiement de la somme de 350 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens,
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
REJETTE l'exception de procédure tirée de la nullité de l'assignation du 4 septembre 2017,
DEBOUTE M. [M] [W] et Mme [K] [C] de leur demande tendant à voir annuler les cautionnements conclus le 22 janvier 2014 et le 23 mai 2014,
CONDAMNE M. [M] [W] et Mme [K] [C], en leur qualité de caution solidaire, à payer à la SA Société générale les sommes de :
- 6 825 euros outre les intérêts au taux légal à compter du 18 juin 2015, au titre du prêt consenti le 22 janvier 2014,
- 10 400 euros outre les intérêts au taux légal à compter du 18 juin 2015, au titre du prêt consenti le 23 mai 2014,
DEBOUTE M. [M] [W] et Mme [K] [C] de leur demande reconventionnelle en paiement de dommages et intérêts,
DEBOUTE M. [M] [W] et Mme [K] [C] du surplus de leurs demandes,
CONDAMNE in solidum M. [M] [W] et Mme [K] [C] à payer à la SA Société générale la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE in solidum M. [M] [W] et Mme [K] [C] aux entiers dépens d'appel.